Pétition
Grande Bretagne Livre et édition Pétition Revendication
Campagne britannique pour investiguer les pratiques commerciales du secteur de l’édition académique
Olivier Charbonneau 2020-10-05
Une des réalités de l’édition numérique concerne l’émergence de nouvelles pratiques commerciales en lien avec le droit d’auteur. Le législateur canadien a enchâssé, avec la réforme de 2012, le droit de mise à disposition par internet dans le régime général de la communication par télécommunication plutôt que celui de la publication. Cette subtilité, que seuls les observateurs aguerris du droit d’auteur semblent avoir décelé, introduit des nouveaux moyens de vendre des livrels.
Spécifiquement, publier un livre n’est plus l’équivalent de lancer un livrel. La publication, qui est reconnue comme un mécanisme précis en droit d’auteur, implique le dépôt légal et ouvre la voie aux mécanismes de financement au profit d’auteurs et d’éditeurs par diverses agences de l’état. Celui de la diffusion par internet du même objet de droit, le livre, mobilise des réalités juridiques bien différentes.
Par exemple, et ceci surprend toujours les membres des communautés pour lesquelles je prodigue mon service professionnel, il est difficile pour une éditrice (ou un diffuseur, ou une libraire) d’exclure une bibliothèque de se procurer une copie d’un livre. Ceux-ci sont en vente libre selon les marchés ouverts. Tel n’est pas le cas des livrels numériques, même s’ils sont des versions homéostatiques.
Oui, dans la chaîne du livre, tous les intervenants peuvent bloquer une bibliothèque d’acquérir un livrel.
En ce qui concerne ma pratique professionnelle, je dois expliquer aux étudiant.e.s, profeseur.e.s, doyen.ne.s et autres membres de la communauté universitaire que les éditeurs académiques m’interdisent l’accès aux versions numériques des manuels scolaires (textbooks) choisis par les profs.Ces manuels sont maintenant des services informatiques, protégés par mot de passe, et n’ont de « livre » que le nom. Si l’expérience de lecture est bonifiée pour l’étudiant par des paratextes qui facilite l’enseignement, ce monde numérique n’est pas ouvert aux acquisitions par les institutions. C’est pourquoi je dois expliquer, encore et encore, dans ces temps de confinement, que je suis incapable de procurer des copies numériques de manuels scolaires pour les étudiant.e.s de l’école de gestion… parce que les éditeurs ne les offrent pas en vente libre.
On pourrait se désolé de cette situation. Personnellement, ce n’est pas mon approche. Il s’agit d’une excellente opportunité de souligner que les choix des professeurs quant à l’élaboration des activités complémentaires de leurs cours (comme la lecture d’un manuel numérique ou etextbook) introduit des conséquences monétaires desquelles ils et elles sont redevables.
C’est pourquoi votre humble bibliothéconomiste appui la demande des collègues britanniques de procéder à une réflexion critique des mesures et moyens de diffusion de la littérature académique: https://academicebookinvestigation.org/
Après les articles savants, les manuels pédagogiques? Le libre accès se positionne comme une hypothèse de travail pour mettre en lumière les lacunes et prioriser les zones d’ombres des marchés numériques. Dans un contexte de transformation numérique, que certains appellent la redocumentation (Salaün), l’analyse téléologique des modalités d’affaires contemporaines impose de réfléchir aux lectrices autant qu’aux autrisses.
Parce que vendre des livres n’est pas la même chose que de bâtir de riches expériences de lecture. L’enjeux est tout aussi subtil que crucial. Il concerne tous les intervenants, sans quoi, comment pouvons-nous prétendre à avoir une culture viable, durable et évolutive? Comment harmoniser et mettre à profit les levies étatiques, organisationnels et communautaires en vue d’une appropriation des moyens numériques nouveaux? Comment le droit d’auteur s’insère-t-il dans l’équation culturelle?
Il s’agit de questions qui m’animent depuis longtemps. À ce sujet, je vise à faire converser la théorie néolibérale de Hayek avec les communs de Hess et Ostrom; à moduler une téléologie numérique avec les thèses d’Alan Turing et des travaux sur le cybernétisme féministe de Donna Haraway, protocoles autochtones de Jason Lewis et de son équipe, sans oublier les approches vidéoludiques.
Livre et édition Pétition Québec Utilisation équitable
Why I’m withdrawing from Copibec’s class-action suit against Université Laval (traduction)
Olivier Charbonneau 2017-09-22
(English post will start just after this blockquote.)
FR: Voici une traduction effectuée par l’Association canadienne des professeures et professeurs d’universités (dont je suis membre) du billet diffusé le 8 septembre 2017, intitulé « Pourquoi je vais me retirer du recours collectiv de Copibec contre l’Université Laval »
EN: This is a translation by the Canadian Associaiton of University Teachers (of which I am a member) of a post I wrote on September 8th on this blog.
As the author of published works, I qualify as a party to the class-action lawsuit brought by Copibec against Université Laval. That said, I plan to sign the opt-out form that will remove me from the class action and send it to both the registrar of the court and Copibec’s mailing address before October 15.
I’d like to put forward some of the reasons behind my decision, and which I hope will stand in support of Université Laval.
Before I continue, I invite the rest of the university community to join me in withdrawing from the class-action suit. All you need to do is complete the form provided on Copibec’s website and send it to the court clerk. The mailing address is on the form:
http://copibec.ca/medias/files/Action_collective/Formulaire-exclusion.pdf
I have two reasons for opting out: 1) the suit ignores the business realities of the academic setting and 2) it constitutes a severe breach of academic freedom and intellectual freedom, which are intertwined with freedom of expression.
1. Business realities of academic publishing
Despite Copibec’s complaints against Laval, in 2014-15, the institution spent $12.6 million on documents for its library, surpassed only by McGill University ($18.9 million).
Here’s a broader context: Quebec universities as a whole spent more than $63 million on library acquisitions, whereas the grand total for universities across Canada stands at $311 million. Public libraries in Quebec dished out roughly $30 million, and Quebec households bought more than $1 billion in books, newspapers and magazines. In 2012-13, more than two thirds of these expenditures (70% in Quebec) were for digital collections. What’s more, because digital sources now gobble up such a huge portion of annual acquisition budgets, the BCI no longer distinguishes between print and digital in its annual statistics.
The basic difference between a print collection and a digital one is easy to understand. Digital collections are acquired under a licence agreement that specifies usage rights, such as photocopying the material and sharing it with students through learning management systems. Print collections are governed by copyright law and by the licences of copyright-management collectives. Over the past few years, scientific publishers have in fact offered digital bundles for collections that institutions already have in hard-copy format—especially for scientific journals. Yes, university libraries have repurchased a significant portion of their existing print collections in digital format.
As a result, the proportion of print material(requiring a Copibec licence) of regular acquisitions is dwindling in the average Québec university library. In contrast, digital acquisitions, which require a licence similar to what Copibec offers, are booming. This new reality means that access rights, introduced by the Harper government in 2012 , are bundled, through licences, with digital works.
In fact, consumers of digital content are in the same boat: all platforms offering copyright-protected works in digital format always do so after having agreed to a digital licence. Reading a book on Kindle? You’ve said yes to Amazon. Same thing for Netflix, iTunes, Google Play, Steam… Consumers can simply glance over the terms of these licences but information professionals – your librarians, library technicians and clerks behind the scenes–well, they read and negotiate them on your behalf.
Let’s summarize the situation using the following equation, regardless of format or type of content:
Use = document + rights
In the print world, the equation was as follows:
Course packs sold to students = a university library’s print collection + Copibec licence
In the world of digital scholarly publishing, the reality that I experience and have studied is:
Use = digital document directly from the publisher + usage licence directly from the publisher
(Remember that libraries have transitioned to digital collections and acquire these in massive numbers.)
Note that without the publisher’s licence, it’s IMPOSSIBLE to acquire a digital resource. You don’t have to be a rocket scientist to understand that, for the average Quebec university, a licence with Copibec IS WORTH NEXT TO NOTHING. Why? Because the percentage of works offered in our licensed collections (that is, digital) is skyrocketing.
What’s more, I think Université Laval is one of the only Quebec universities to have done any rigorous “library economics” homework. All of the other universities in the province are passing along the cost of Copibec’s licence to their students, through ancillary fees, so they don’t see the urgency of challenging the current copyright orthodoxy.
If I were so bold as to summarize Copibec’s position, the fundamental equation for library-based access to works would be as follows:
Use = document comes from who knows where, and maybe from what’s left in the paper collection + copyright infringement through the fair dealing exception.
This assertion comes from a fairy tale that doesn’t reflect what I experience at work every day. My doctoral research, based on empirical analyses, confirms what I’m seeing at work.
Indeed, resorting to the principle of “fair dealings” is itself an exception, and to get back to the rocket-scientist analogy, a diligent and reasonable rights holder would immediately grasp its clients’ interest for digital material and put forward a palatable solution… Digitizing a work costs money. Consider all of the universities that digitize works on the fly to tap into the concept of fair dealings as an exception to copyright. The copyright holder could digitize everything in one fell swoop and sell the same copy to every university … around the world! That’s one of the secret formulas of the world’s biggest academic publishers.
If the Canadian government adopted a full slate of exceptions in the 2012 Copyright Act, it also assigned a new right to rights holders: making material available online. Quebec’s universities, especially Laval, diligently kept pace with the world of academic publishing in embracing digital formats. I don’t think Laval is at fault here, but I do think that Copibec, in reality, is defending a sort of commercial sloth. In addition, I believe the cultural sector is transposing its own reality on that of academia. The market failures and externalities of one sector are not the same as in others, even though copyright governs them all.
In fact, it would be more relevant to consider fair dealings as the public sector’s investment in mastering the workings of the markets and of the social systems generated by the digital world. University libraries, together with professors, students, techno-educators and other partners, are analyzing the needs of their clienteles and are trying to establish economic and social systems around digital works. We then transfer this knowledge to the industry through negotiated licence agreements or through exceptions. In both cases, opportunity knocks for whoever understands the message and adjusts accordingly. Copibec should put forward a business deal that considers our needs—suing libraries points to a woeful misunderstanding of the powerful trends affecting university markets and the academic publishing sector.
What happened to the horse when the automobile was invented…? Darwin and Shumpeter can shed some light on that.
This isn’t only my professional assessment of the situation, but also the conclusion of my doctoral thesis (which I’ll be defending on September 15).
2. Academic and intellectual freedom: integral parts of freedom of expression
I developed the link between academic and intellectual freedom and freedom of expression in a book chapter dealing with open access, available at Concordia University’s Research Repository, and which was published in the Handbook of Intellectual Freedom. All of the authors of this work won awards for their contributions from the Intellectual Freedom Round Table of the American Library Association. Here is an excerpt from my chapter:
There is a clear consensus in the literature that intellectual freedom is directly linked with freedom of expression, the press and to access and use information and that it is a core value of librarianship. Gorman famously stated that:
“In the United States, [intellectual freedom] is constitutionally protected by the First Amendment to the Constitution, which states, in part, ‘Congress shall make no law respecting an establishment of religion or prohibiting the free exercise thereof; or abridging freedom of speech, or of the press.’ There is, of course, no such thing as an absolute freedom outside the pages of fiction and utopian writings, and, for that reason, intellectual freedom is constrained by law in every jurisdiction.” (2000, p. 88)
Gorman continues to state that rarely are proponents “for” or “against” intellectual freedom, but they articulate their views in absolute or relative terms. On these issues, Hauptman (2002 pp. 16-29) as well as and McMenemy, Poulter and Burton (2007) offer additional evidence and insight. The link between intellectual freedom and censorship is obvious.
Intellectual freedom is also linked with Article 19 of the United Nation’s Universal Declaration of Human Rights, which states:
“Everyone has the right to freedom of opinion and expression; this right includes freedom to hold opinions without interference and to seek, receive and impart information and ideas through any media and regardless of frontiers.” (1948)
Samek (2007, pp. 9-11) provides an account of how various groups, such as United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) and the International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) have further articulated the concept of intellectual freedom in various initiatives and declarations.
Barendt offers an interesting distinction between academic freedom, a well-known right professors enjoy in universities, and intellectual freedom:
“[a] cademic freedom is not identical to intellectual freedom or to freedom of the mind. Intellectual freedom is a right to which we are all entitled, wherever we work. Like freedom of speech or expression, it is a general right belonging to all citizens.” (2010, p. 38)
In discussing how intellectual freedom and freedom of expression are intertwined, Krug further articulates, in light of librarianship, that:
“All people have the right to hold any belief or idea on any subject and to express those beliefs or ideas in whatever form they consider appropriate. The ability to express an idea or a belief is meaningless, however, unless there is an equal commitment to the right of unrestricted access to information and ideas regardless of the communication medium. Intellectual freedom, then, is the right to express one’s ideas and the right of others to be able to read, hear or view them.” (2006, p. 394-5)
From these points, we can draw a common thread for intellectual freedom, namely that it is universal in enshrining our right to access and use information. In light of this, intellectual freedom intersects or overlaps with open access in that the former is promoted as a way to maximize or optimize access to and use of digital documents and information, while the latter expresses a fundamental right of the same vein.
I believe that Copibec’s suit, despite its legality from a strictly legal point of view, illegitimately and inordinately undermines our fundamental rights.
3. Supporting statistics
—In 2014-15, Québec universities spent just under $70 million on library acquisitions (source: BCI).
—Canadian university libraries spent more than $311 million on acquisitions (source: CARL/ABRC 2014/15).
—In comparison, Québec households spent $657 million on books ($3 billion across Canada) and $417 million on newspapers and periodicals (just under $2 billion across Canada) in 2015 (source: Statistics Canada. Table 384-0041 – Detailed household final consumption expenditure provincial and territorial – annual (dollars)) CANSIM (socioeconomic data base). Site consulted on September 7, 2017.
—Percentage of acquisitions in digital format: 2012-2013 was the last year in which the library sub-committee of the Bureau de coopération interuniversitaire distinguished between digital and print acquisitions, with roughly three quarters of expenditures going to digital at the time. That proportion has increased steadily since (take my word for it, a librarian with more than 14 years’ experience).
4. Sources
Barendt, E. M. 2010. Academic freedom and the law: A comparative study. Oxford; Portland, Or.: Hart Pub.
Gorman, Michael. 2000. Our enduring values: Librarianship in the 21st century. Chicago: American Library Association.
Hauptman: forward of Buchanan, Elizabeth A., and Kathrine Henderson, eds. 2009. Case studies in library and information science ethics. Jefferson, N.C.: McFarland & Co.
Krug, Judith F. 2006. Libraries and the Internet. Chap. 7.3, In Intellectual freedom manual, ed. Office for Intellectual Freedom. 7th ed., 394. Chicago: American Library Association.
McMenemy, David, Alan Poulter and Paul F. Burton. A handbook of ethical practice: a practical guide to dealing with ethical issues in information and library work. Oxford: Chandos, 2007.
Samek, Toni. 2007. Librarianship and human rights: A twenty-first century guide. Oxford, England: Chandos.
Canada Droit d'auteur Pétition Réforme
Abolir le droit d’auteur de la couronne: signez la pétition avant le 23 septembre
Olivier Charbonneau 2017-09-19
Il ne reste que quelques jours avant la clôture de la période de signature de la pétition e-1116, enjoignant le gouvernement fédéral d’abolir le droit d’auteur de la couronne. Le quoi? Le droit d’auteur de la couronne est le nom que l’on donne au droit satutaire (à l’art. 12 de la Loi sur le droit d’auteur) quand le droit d’auteur appartient à Sa Majesté.
12 Sous réserve de tous les droits ou privilèges de la Couronne, le droit d’auteur sur les oeuvres préparées ou publiées par l’entremise, sous la direction ou la surveillance de Sa Majesté ou d’un ministère du gouvernement, appartient, sauf stipulation conclue avec l’auteur, à Sa Majesté et, dans ce cas, il subsiste jusqu’à la fin de la cinquantième année suivant celle de la première publication de l’oeuvre.
- L.R. (1985), ch. C-42, art. 12; 1993, ch. 44, art. 60.
C’est-à-dire que tous les gouvernements du Canada possède un droit d’auteur spécial sur tous les écrits, images, cartes, etc. produites par ses fonctionnaires et les contractuels y oeuvrant (si leur contrat de travail est silencieux quant à la titularité du droit d’auteur.
Ironiquement, le site officiel des publications du Canada indique que la gestion du droit d’auteur de la couronne revient aux départements et entités spécifiques – ce qui créé un joli bordel quand nous désirons créer une collection de documents numériques en bibliothèque. Voici le joli texte évoquant un casse-tête pour les canadiennes et les canadiens, enseignants, élèves, entrepreneurs, scientifiques et bidouilleurs:
Depuis le 18 novembre 2013, Éditions et Services de dépôt n’est plus responsable de l’administration du droit d’auteur de la Couronne et l’octroi de licences au nom des ministères et organismes du gouvernement du Canada. Les Canadiens et Canadiennes doivent communiquer directement avec les ministères auteurs pour toute question relative au droit d’auteur de la Couronne et l’octroi de licences.
Certains ministères et organismes ont fourni des points contact spécifiques aux demandes d’affranchissement du droit d’auteur reliées à leur matériel. Si vous êtes incapable de trouver une organisation dans la liste des points de contact fournie ci-dessous, veuillez consulter la liste des ministères et organismes du gouvernement du Canada sur le site Web du Canada.
La solution? signez la pétition pour abolir le droit d’auteur de la couronne:
À l’origine de changements sociaux positifs se trouvent à la fois des actions énergiques menées sur de grands enjeux, et des avancées graduelles sur des aspects techniques, mais qui n’en sont pas moins importants.
La campagne sur la réforme du régime de droits d’auteur de la Couronne est une de ces avancées, et a besoin de votre aide!
Les droits d’auteur de la Couronne sont basés sur la prétention du gouvernement selon laquelle les œuvres produites par les fonctionnaires, le Parlement, les ministres ainsi que les ministères et organismes lui appartiennent. Dans sa forme atuelle, ce régime empêche le public d’accéder à une multitude de documents publics produits par le gouvernement. Il existe une solution simple : l’abolir. Une pétition électronique à la Chambre des communes poursuit cet objectif, et prendra fin la semaine prochaine. Nous vous exhortons de la signer.
https://petitions.noscommunes.ca/fr/Petition/Details?Petition=e-1116
Paul Jones
ACCPU / CAUT
Comme de raison, je suis fier de figurer parmi les signataires de cette pétition.
Exceptions au droit d'auteur Livre et édition Pétition Québec Revendication Utilisation équitable
Pourquoi je vais m’exclure du recours collectif de Copibec c. l’Université Laval
Olivier Charbonneau 2017-09-08
À titre d’auteur de textes publiés, je me qualifie comme membre au recours collectif de Copibec c. l’Université Laval. Je vais envoyer le formulaire de désistement pour m’exclure du recours collectif au greffier de la cour et à l’adresse de Copibec avant le 15 octobre. Je désire, dans les paragraphes qui suivent, expliquer quelques arguments qui motivent mon geste, que je désire être un appui envers l’Université Laval.
Avant de continuer, j’invite la communauté universitaire à se joindre à moi et de s’exclure du recours collectif. Pour ce faire, il suffit d’envoyer formulaire disponible sur le site de Copibec au greffier de la cour – l’adresse postale y est indiquée:
http://copibec.ca/medias/files/Action_collective/Formulaire-exclusion.pdf
Mon geste est motivé par deux raisons : ce recours ignore des réalités commerciales du milieu académique et s’avère une entrave sévère à la liberté intellectuelle et académique, des dimensions de la liberté d’expression.
1. Réalités commerciales de l’édition académique
Malgré ce que Copibec reproche à l’Université Laval, celle-ci a dépensé en 2014-15 pour 12,6 millions de dollars en sources documentaires, dépassée au Québec uniquement par McGill (à 18,9 millions de dollars). À titre de référence, les universités du Québec ont dépensé plus de 63 millions de dollars en ressources documentaires, tandis que le montant s’élève à 311 millions pour toutes celles du Canada. Quant à elles, les bibliothèques publiques du Québec dépensent une trentaine de millions de dollars et les ménages québécois dépensent plus d’un milliard en livres, journaux et revues. Plus des deux tiers de ces fonds servaient (70% pour le Québec), en 2012-2013, à l’acquisition de collections numériques (le BCI ne distingue plus entre l’imprimé et le numérique dans ses statistiques annuelles tant le numérique prend la part du lion des budgets d’acquisition).
La différence fondamentale entre une collection imprimée et une collection numérique est simple à comprendre. Une collection numérique est acquise sous licence, où sont stipulés les droits d’utilisation comme la photocopie et la diffusion aux étudiants par les environnements d’apprentissage numérique. Pour l’imprimé, il faut se fier à la loi et aux licences des sociétés de gestion collective. Ces dernières années, les éditeurs scientifiques ont par ailleurs offert des bouquets numériques des collections déjà acquises en format papier – surtout pour les revues scientifiques. Oui, les bibliothèques universitaires ont acheté de nouveau en numérique une partie non-négligeable de ce qu’elles possédaient déjà en format papier.
Ainsi, la proportion de l’imprimé (nécessitant une licence Copibec) fond dans les acquisitions régulières d’une bibliothèque universitaire québécoise moyenne. La part du numérique, acquis avec une licence qui s’apparente à ce que Copibec offre, explose. Et la nouvelle donne implique que le droit d’accès, introduit par le législateur en 2012 au profit de l’industrie, s’opère avec une licence pour utiliser une œuvre numérique.
En fait, le consommateur de contenu numérique vit la même réalité : toutes les plateformes offrant des œuvres protégées par le droit d’auteur en format numérique le font toujours après avoir consenti à une licence numérique. Vous lisez un livre sur Kindle? Vous avez dit oui à Amazon. Idem pour Netflix, iTunes, Google Play, Steam… Les citoyens ont le loisir d’ignorer les termes de ces licences, les professionnels de l’information – vos bibliothécaires, technicien.ne.s en documentation et commis qui travaillent dans l’ombre – elles, les lisent et les négocient en votre nom.
Résumons la situation avec l’équation suivante. Peu importe le format ou le type de contenu :
Utilisation = document + droit
Dans le monde papier, l’équation était :
Recueils de cours vendus aux étudiants =
collection papier d’une bibliothèque universitaire
+ licence Copibec
Dans le monde de l’édition savante numérique, la réalité que je vis et que j’ai étudiée est :
Utilisation =
document numérique directement de l’éditeur
+ licence d’utilisation directement de l’éditeur
(Souvenez-vous que les bibliothèques ont migré leurs collections vers le numérique et acquièrent massivement des collections numériques)
Notez que sans la licence d’utilisation de l’éditeur, il est IMPOSSIBLE d’acquérir un document numérique. Il ne faut pas la tête à Papineau pour comprendre que la valeur d’une licence avec Copibec, pour une université québécoise moyenne TEND VERS ZÉRO. Pourquoi? Car la proportion d’œuvres proposées dans nos collections sous licence (donc, numériques) explose. En fait, je crois que l’Université Laval est l’une des seules universités québécoises à avoir effectué un travail bibliothéconomique rigoureux. Toutes les autres universités québécoises refilent la facture de la licence Copibec aux étudiants par les frais afférents, donc l’urgence d’attaquer la doxa dominante du droit d’auteur ne se fait pas sentir.
Si j’ose résumer la position de Copibec, l’équation fondamentale de l’accès en bibliothèque serait :
Utilisation =
le document vient d’on ne sait où, peut-être de ce qui reste de la collection papier
+ usurpation des droits d’auteurs par l’utilisation équitable
Cette affirmation comporte une belle fiction qui ne reflète pas la réalité quotidienne de mon travail. Mes recherches doctorales confirment par une analyse empirique ce que je vis au travail.
En fait, le recours à l’utilisation équitable est en soit une exception! Encore évoquant la tête à l’illustre Papineau, un titulaire diligent et raisonnable aura vite compris l’intérêt de ses clients pour le numérique et aurait dû travailler à offrir une solution intéressante… Numériser une œuvre coûte des sous. Imaginez toutes ces universités qui numérisent à la volée dans le cadre d’une exception au droit d’auteur comme l’utilisation équitable – le titulaire pourrait numériser une seule fois et revendre la même copie à toutes les universités… du monde! Il s’agit là d’une des recettes secrètes des gros éditeurs savants du monde.
Si le Parlement Canadien a édicté une panoplie de nouvelles exceptions dans la Loi sur le droit d’auteur en 2012, il a également édicté un nouveau droit au profit des titulaires : celui de rendre accessible dans Internet. Les universités du Québec – et surtout l’Université Laval – ont diligemment suivi le pas du monde de l’édition savante pour embrasser le numérique. Je crois que la faute ne repose pas sur les épaules de l’Université Laval mais que Copibec plaide, en réalité, une forme de turpitude commerciale. De plus, je crois que le milieu culturel transpose sa propre réalité à celle du monde académique. Les externalités et défaillances de marché d’un domaine ne sont pas les mêmes que dans l’autre, bien que le droit d’auteur les gouverne tous.
Il serait plus pertinent de comprendre l’utilisation équitable comme un investissement de la part du secteur public dans l’appropriation des ficelles des marchés et systèmes sociaux qui émergent du numérique. Les bibliothèques universitaires, de concert avec les professeurs, étudiants, technopédagogues et autres collaborateurs, analysent les besoins de leurs clientèles et tentent d’organiser les systèmes économiques et sociaux autour des œuvres numériques. Nous transférons cette connaissance à l’industrie par le biais de licences négociées ou par les exceptions. Dans les deux cas, l’opportunité appartient à celle qui capte le message et s’adapte en conséquence. Copibec devrait proposer une offre commerciale en lien avec nos besoins – actionner les bibliothèques démontre une incompréhension désolante des tendances lourdes du milieu de l’édition savante et des marchés universitaires.
Qu’a fait le cheval face à l’avènement de l’automobile…? Darwin et Schumpeter offrent des pistes de solutions.
Il ne s’agit pas juste de mon évaluation professionnelle de la situation, mais de la conclusion de ma thèse doctorale (que je défendrai le 15 septembre prochain).
2. Liberté intellectuelle et académique, une dimension de la liberté d’expression
J’ai développé le lien entre la liberté intellectuelle, académique et la liberté d’expression dans un chapitre de livre traitant du libre accès, disponible dans le dépôt institutionnel de l’Université Concordia, qui fut publié dans le Handbook of Intellectual Freedom. Tous les auteurs de cette monographie furent primés pour leur travail par la Intellectual Freedom Round Table de la American Library Association. Dans ce texte, je dis:
There is a clear consensus in the literature that intellectual freedom is directly linked with freedom of expression, the press and to access and use information and that it is a core value of librarianship. Gorman famously stated that:
“In the United-States, [intellectual freedom] is constitutionally protected by the First Amendment to the Constitution, which states, in part, “Congress shall make no law respecting an establishment of religion or prohibiting the free exercise thereof; or abridging freedom of speech, or of the press.” There is, of course, no such thing as an absolute freedom outside the pages of fiction and utopian writings, and, for that reason, intellectual freedom is constrained by law in every jurisdiction.” (2000, p. 88)
Gorman continues to state that rarely are proponents “for” or “against” intellectual freedom, but they articulate their views in absolute or relative terms. On these issues, Hauptman (2002 p. 16-29) as well as and McMenemy, Poulter and Burton (2007) offer additional evidence and insight. The link between intellectual freedom and censorship is obvious.
Intellectual freedom is also linked with Article 19 of the United Nation’s Universal Declaration of Human Rights, which states:
“Everyone has the right to freedom of opinion and expression; this right includes freedom to hold opinions without interference and to seek, receive and impart information and ideas through any media and regardless of frontiers.” (1948)
Samek (2007, p. 9-11) provides an account of how various groups, such as United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) and the International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) have further articulated the concept of intellectual freedom in various initiatives and declarations.
Barendt offers an interesting distinction between academic freedom, a well-known right professors enjoy in universities, and intellectual freedom:
“[a]cademic freedom is not identical to intellectual freedom or to freedom of the mind. Intellectual freedom is a right to which we are all entitled, wherever we work. Like freedom of speech or expression, it is a general right belonging to all citizens.” (2010, p. 38)
In discussing how intellectual freedom and freedom of expression are intertwined, Krug further articulates, in light of librarianship, that:
“all people have the right to hold any belief or idea on any subject and to express those beliefs or ideas in whatever form they consider appropriate. The ability to express an idea or a belief is meaningless, however, unless there is an equal commitment to the right of unrestricted access to information and ideas regardless of the communication medium. Intellectual freedom, then, is the right to express one’s ideas and the right of others to be able to read, hear or view them.” (2006, p. 394-5)
From these points, we can draw a common thread for intellectual freedom, namely that it is universal in enshrining our right to access and use information. In light of this, intellectual freedom intersects or overlaps with open access in that the former is promoted as a way to maximize or optimize access and use of digital documents and information while the latter expresses a fundamental right of the same vein.
Je crois que l’action de Copibec, bien que conforme sur le strict point de vue légal, impose un fardeau démesuré et illégitime à nos droits fondamentaux.
3. Annexe statistiques
– Les Universités québécoises, par le biais de leurs bibliothèques, ont dépensé un peu moins de 70 millions de dollars pour l’acquisition de ressources documentaires en 2014-15. (source : BCI)
– Les bibliothèques universitaires canadiennes ont dépensé plus de 311 millions de dollars en acquisitions documentaires (source : CARL/ABRC 2014/15)
– Pour comparer, les ménages québécois ont dépensé 657 millions de dollars en livres (3 milliards au Canada) et 417 millions de dollars en journaux et publications périodiques (un peu moins de 2 milliards an Canada) en 2015 (source : Statistique Canada. Tableau 384-0041 – Dépenses de consommation finale des ménages détaillées, provinciaux et territoriaux, annuel (dollars), CANSIM (base de données). (site consulté : le 7 septembre 2017)
– Pourcentage d’acquisitions en format numérique : L’année 2012-2013 fut la dernière où le sous-comité des bibliothèques du Bureau de coopération interuniversitaire distinguait les dépenses pour les sources numériques et l’imprimé. Il s’élève alors à près du trois-quarts pour le numérique. La part du numérique ne cesse d’augmenter depuis, parole de bibliothécaire universitaire avec plus de 14 ans de métier.
4. Sources
Barendt, E. M. 2010. Academic freedom and the law : A comparative study. Oxford ; Portland, Or.: Hart Pub.
Gorman, Michael. 2000. Our enduring values : Librarianship in the 21st century. Chicago: American Library Association.
Hauptman: préface de Buchanan, Elizabeth A., and Kathrine Henderson, eds. 2009. Case studies in library and information science ethics. Jefferson, N.C.: McFarland & Co.
Krug, Judith F. 2006. Libraries and the internet. Chap. 7.3, In Intellectual freedom manual, ed. Office for Intellectual Freedom. 7th ed., 394. Chicago: American Library Association.
McMenemy, David, Alan Poulter and Paul F. Burton. A handbook of ethical practice : a practical guide to dealing with ethical issues in information and library work. Oxford : Chandos, 2007.
Samek, Toni. 2007. Librarianship and human rights : A twenty-first century guide. Oxford, England: Chandos.
Conférence Droits des citoyens États-Unis Médiation Pétition Propriété intellectuelle
Déclaration de Washington: Justice pour l'information
Olivier Charbonneau 2011-09-13
Lors du Global Congress on Intellectual Property and the Public Interest qui a eu lieu à Washington DC à la fin août, des chercheurs et défenseurs de l’intérêt public ont lancé la Washington Declaration on Intellectual Property and the Public Interest.
Il est possible d’ajouter son nom à la déclaration via le site infojustice.org (qui est un projet du « Program on Information Justice and Intellectual Property » de l’American University Washington College of Law).
Crimes Droits des citoyens Pétition Réforme
Déclaration citoyenne contre ACTA
Olivier Charbonneau 2010-06-22
Les chercheurs du « Program on Information Justice and Intellectual Property » de la American University (Washington College of Law) lancent un appel à tous pour signer une déclaration contre ACTA, l’Accord commercial relatif à la contrefaçon. Vous avez jusqu’à mercredi matin, 23 juin 2010 à 10h pour envoyer votre désir de participer à l’adresse suivante: acta.declaration@gmail.com afin de figurer dans le communiqué officiel.
Nous venons d’y ajouter le nom de notre rédacteur en chef, Olivier Charbonneau.
Google Livre et édition Pétition Québec Revendication
L'ANEL dit de quitter Google
Olivier Charbonneau 2009-04-23
Dans un communiqué diffusé hier dans son site Internet, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) recommande à ses membres de se retirer du Règlement Google. L’ANEL précise:
Le problème, c’est que l’entente complexe intervenue entre les ayants droit américains et Google ne tranche pas le fond du litige tel qu’il s’est posé dans le recours collectif : la numérisation de livres entiers sans permission répond-elle aux règles de l’utilisation équitable (fair use) ? Le projet d’entente repousse le problème en créant un état de fait qu’il sera difficile de corriger. En lieu et place, le projet cède à Google, entre autres, la propriété des livres électroniques obtenus sans permission, le droit de les exploiter sur le Web avec ou sans présentation, y compris aux côtés d’annonces publicitaires, leur archivage gratuit dans les bibliothèques participantes, le droit de décider ce qui est ou non un livre, le droit de décider si une oeuvre est épuisée ou non (donc de s’en approprier une version électronique sans redevances), les règles s’appliquant aux oeuvres orphelines, le droit de fixer le prix de vente selon un algorithme, le droit de les exploiter aux côtés de produits et services Google sans revenus pour les auteurs et éditeurs, le droit d’appliquer aux corpus ainsi obtenus toutes les recherches non consommatrices non destructrices imaginables, toujours sans compensation pour les auteurs et les éditeurs, etc.
Voir aussi un article sur le site de la Canadian Broadcasting Corporation (CBC), un billet de Pamela Samuelson, prof en droit à l’University of California, Berkele, sur le blogue de Tim O’Reilly ainsi qu’une analyse de la bibliothèque du congrès aux USA (cliquez sur le PDF).
Selon le site du règlement Google (Google Book Settlement), les concernés ont jusqu’au 5 mai 2009 pour indiquer leur refus de participer à ce programme.
Liberté d'expression Pétition Québec Revendication
SLAPP: lettre pour la Commission des institutions
Olivier Charbonneau 2008-10-07
Les Éditions Écosociété nous invitent à faire suivre une lettre à la Commission des institutions afin que soit mis en oeuvre le projet de loi dit contre les poursuites baîllon (aussi appelé SLAPP).
Voir les autres billets sur ce sujet dans CultureLibre.ca ou les articles du quotidien Montréalais Le Devoir au sujet de l’action en justice contre les Éditions Écosociété par Barick Gold.
Accès libre Canada Commerce et Compagnies Gouvernements Liberté d'expression Pétition Professeur
Je songe donc je parle
Olivier Charbonneau 2008-09-09
Pierre Noreau lance un appel à tous. Dans une lettre publiée dans les pages du quotidien montréalais Le Devoir le 22 août, le président de l’Association francophone pour le savoir (Acfas) nous met en garde contre «une société qui fait de l’ignorance une vertu» : poursuites bâillon ou SLAPP, limites à la diffusion de l’information gouvernementale… Le chercheur en droit précise :
Derrière tous ces exemples se dessine une certaine vision du monde. On y postule implicitement que les citoyens ne sont pas en mesure de faire eux-mêmes les choix qui les concernent et que leurs besoins seront toujours mieux cernés et mieux servis par les décisions d’une autorité établie et éclairée. L’obscurantisme devient alors, pour ainsi dire, une nécessité de l’action politique et de l’activité économique. Il en va de même des résultats de la recherche, qui seront toujours jugés trop complexes pour le profane et toujours susceptibles d’inquiéter inutilement le citoyen, le patient ou le consommateur. Comme l’écrit Edgar Allan Poe: «L’ignorance est une bénédiction, mais pour que la bénédiction soit complète, l’ignorance doit être si profonde qu’elle ne se soupçonne pas soi-même.»
Dr Noreau nous invite à signer une pétition à partir du site de l’ACFAS, que nous vous empressons à faire.
Voir aussi le texte de Fabien Deglise du 9 septembre 2008 dans Le Devoir au sujet de la pétition : «Le nouvel obscurantisme»
Domaine public Europe Musique Pétition
Pétition pour un terme de 50 ans
Olivier Charbonneau 2008-04-14
Nos lecteurs européens seront sûrement intéressés : une pétition est lancée pour maintenir le terme du droit d’auteur à 50 ans en Europe, principalement pour la musique.