Selon la note, le Centre de recherche interuniversitaire sur la communication, l’information et la société organise d’ailleurs un colloque international sur le sujet des communs en mai 2025 (titre affiché: « Les communs pour penser et participer aux changements dans les secteurs de la culture, des médias et de l’information »).
Malheureusement, mon emploi du temps ne m’offre pas la latitude de participer à cet initiative, qui me semble très pertinente!
Appel à participation
Colloque international « Les communs pour penser et participer aux changements dans les secteurs de la culture, des médias et de l’information »
Montréal, Québec, Canada, les 12, 13 et 14 mai 2025
Présentation du colloque
Ce colloque a pour objectif premier de mobiliser la notion de commun afin de penser et de participer aux changements dans les secteurs de la culture, des médias et de l’information dans un contexte où les enjeux écologiques, économiques, politiques, sociaux et techniques, tous indissociablement liés, renvoient aux possibilités et aux conditions d’existence sur notre planète. Ce colloque contribuera également à la décolonisation des savoirs (Mudimbe, 1988) en articulant la notion de commun avec celles de buen vivir et d’ubuntu, ainsi qu’en montrant en quoi les pratiques liées à ces notions contribuent à favoriser des formes d’émancipation multiples (Lacroix, 2009 ; Durand-Gasselin, 2012 ; Cukier, Delmotte et Lavergne, 2013).
Commun, Buen vivir et Ubuntu : trois notions pour penser et participer aux changements
Placer le commun au cœur des changements comme nous le proposons ici, c’est faire primer les bénéfices sociaux de l’accès et de l’usage collectif à une ressource sur sa valeur marchande (Schlager et Ostrom, 1992). C’est donc subordonner ad minima le processus de marchandisation guidé par la logique de mise en valeur du capital à la logique d’une valeur d’usage collective (De Angelis et Harvie, 2014 ; Caffentzis et Federici, 2014 ; Borrits, 2018).
Porter notre attention au commun, c’est aussi nous inspirer de trois façons de le concevoir :
(1) D’abord, en le considérant, à partir des travaux d’Ostrom (1990), comme un ensemble de ressources autogérées par des collectifs qui adoptent des règles de gouvernance collective de ces ressources naturelles, à commencer par l’eau.
(2) ensuite en mettant l’accent sur la dimension institutionnelle du commun et la nécessité de la lutte politique pour en faire le fondement d’une nouvelle organisation sociale (Dardot et Laval, 2014), visant ainsi à éloigner le commun de toute forme de naturalisation (Madison, Frischmann et Strandburg, 2008) ;
(3) enfin en considérant le commun comme un nouveau mode de production alternatif au capitalisme (Brancaccio, Giuliani et Vercellone (2021)).
Cela dit, la notion de commun étant de conception occidentale, nous devons aussi considérer d’autres façons d’envisager le vivre-ensemble produites ailleurs dans le monde et qui tiennent compte de la polyphonie des univers symboliques, des formes de socialité, des esthétiques ainsi que des épistémologies. En ce sens, nous porterons attention aux notions d’ubuntu en Afrique (Metz et Gaie, 2010 ; Kilahama, 1994 ; Kamwangamalu, 2014) et de buen vivir en Amérique latine (Acosta Espinosa, 2014), ce dernier étant un concept autochtone qui renvoie à la mise « en place des structures, des enclaves d’autogestion, liées à des communautés, […] coopérant entre elles, partout où cela est faisable, pour faire la preuve, sans attendre [qu’un autre] monde est possible. » (Ortiz, 2013).
Quatre axes de questionnements
Jusqu’à maintenant, les travaux consacrés au commun dans les secteurs de la culture, des médias et de l’information nous apparaissent avoir été abordés de façon éparse, voire peu développés au profit des communs naturels, numériques et de la connaissance (Hess et Ostrom, 2006). Nous proposons de répondre à cette observation à partir des quatre axes suivants :
(1) Le premier axe met l’accent sur les possibilités de développer des initiatives à l’échelle locale. Envisager les communs de la culture, des médias et de l’information renvoie de prime abord à l’échelle locale (Tracés, 2016). Il est question ici de pratiques ordinaires, de discours, de dimensions symboliques, d’affects, d’émergence de collectifs, de communautés, de mouvements socioculturels… autant d’agents de (trans)formation sociétale. Dans quelle mesure lethéâtre de rue, les arts vivants, les radios communautaires, les journaux de quartier ou les « zones à défendre » (ZAD)relèvent du commun, du buen vivir ou de l’ubuntu ? Quels défis spécifiques ces pratiques doivent-elles relever ? Quels en sont les objectifs en termes écologiques, économiques, politiques, sociaux et techniques ?
(2) Le deuxième axe met l’accent sur la mobilisation de dispositifs sociotechniques communicationnels qui prennent une place croissante dans nos vies quotidiennes, alors qu’il est question du développement d’un « capitalisme de plateforme » (Srnicek, 2018), marqué par une gouvernance entièrement contrôlée par l’entreprise commerciale qui les détient (Fuchs, 2022). Alors que le développement de l’internet et du web relève historiquement du « bien public » (Proulx, Massit-Folléa et Conein, 2005; Hess et Ostrom, 2007; Smyrnaios, 2017; De Grosbois, 2018), à quelles conditions des plateformes peuvent-elles relever du commun, du buen-vivir ou de l’ubuntu (Guiller, 2018) ? La captation de données massives par quelques entreprises transnationales peut-elle laisser place à une politique des données relevant du commun ? Dans quelle mesure est-il pertinent de comparer ces luttes à celles menées par le passé dans le cadre des médias alternatifs (Atton, 2002, 2015, Kidd, 2003) ?
(3) Le troisième axe met l’accent sur les processus de création, de circulation et de réception ainsi que sur leurs articulations et leurs conditions de développement. Comment les notions de commun, de buen vivir et d’ubuntu et les initiatives afférentes peuvent-elles contribuer à repenser ces processus qui articulent des moments traditionnellement distincts ? Où retrouvons-nous les activités relevant du commun, du buen vivir et de l’ubuntu, dans la création audiovisuelle, dans la création musicale, dans la création sonore ou dans la production d’informations ? Les notions de commun, de buen vivir et d’ubuntu peuvent-elles aider à la formation de nouveaux modèles de financement de ces créations, voire aider à repenser la notion de service public ?
(4) Nous complétons ces trois axes avec un axe transversal fondé sur les enjeux disciplinaires et sur la question centrale de l’émancipation. Comment envisager la spécificité de l’apport des sciences de la communication (Kane, 2010 ; 2016) par rapport à celui d’autres disciplines (Fabiani, 2006) comme le droit, l’histoire, la philosophie, la science économique, la science politique, la sémiotique, la sociologie ou bien encore les sciences de l’environnement et les sciences cognitives afin de penser théoriquement commun, buen vivir et ubuntu et d’analyser les pratiques sociales concrètes ? Quelle est la pertinence d’approches interdisciplinaires, voire transdisciplinaires (Morin, 1990) sur ces questions ? Enfin, comment des notions comme le commun, le buen vivir et l’ubuntu ainsi que les pratiques sociales qui leurs sont liées, sans nécessairement s’y référer directement, peuvent-elles contribuer à favoriser diverses formes d’émancipation ?
Caractéristiques du colloque
Le colloque sera ouvert non seulement à des chercheur.se.s, mais aussi à des personnes et des collectifs qui pourront faire part de leurs objectifs, pratiques et problèmes relevant du commun, du buen vivir et de l’ubuntu, et de leurs réflexions sur les enseignements qu’ils et elles en tirent. Seront privilégiées les interventions qui accordent une place centrale aux contextes structurants tout en étant attentives aux innovations d’ordres individuel et collectif, qui conjuguent le temps présent et le temps long, les recherches macro et micro.
L’essentiel consistera donc à croiser les analyses et les expériences entre chercheur.se.s. chevronné.es, étudiant.e.s, hommes, femmes, Nords, Suds, universitaires, praticien.ne.s, etc. Nous souhaitons ainsi entamer un dialogue sur les façons dont les trois notions retenues et les pratiques qui s’en inspirent plus ou moins directement peuvent contribuer au renouvellement d’actions et de pratiques ayant une dimension sociopolitique. Les échanges prendront la forme de conférences, de tables-rondes ainsi que de séances de discussions.
In fine, le colloque sera un lieu d’échanges sur un thème qui présente une très forte pertinence sociale à une ère où nous sommes confronté.e.s à des défis d’une ampleur considérable. Des notions comme le commun, le buen vivir et l’ubuntunous semblent susceptibles d’ouvrir vers de nouveaux possibles en vertu et à partir desquels « il soit permis de contester ou au moins de questionner « ce qui est » (une certaine organisation du travail, un modèle de la socialité, un dispositif technique, etc.) selon la perspective de sa transformation » (Guéguen, 2014, p. 265).
Étant donné l’importance de développer diverses collaborations, le colloque aura lieu principalement en présence. Il donnera lieu à l’édition de balados (podcasts) produits avant le colloque, à la diffusion de plusieurs séances en vidéo en direct (streaming), ainsi qu’à une sélection de textes regroupés sous la forme de deux ouvrages à paraître en français.
Informations pratiques
Le colloque, gratuit, se tiendra principalement en langue française.
Date-limite de réception des propositions : le lundi 6 janvier 2025
Contenu des propositions individuelles ou collectives : prénom(s) et nom(s), statut et organisme de rattachement, titre de la proposition, choix d’un axe, résumé comprenant entre 3000 et 4000 caractères espaces compris (éléments bibliographiques non compris) pour les propositions individuelles, entre 5000 et 6000 caractères espaces compris (éléments bibliographiques non compris) pour les propositions collectives.
Date d’envoi des acceptations et des refus des propositions : le lundi 3 février 2025
Dates de la tenue du colloque : les lundi 12, mardi 13 et mercredi 14 mai 2025
Les dates de notre colloque ont été fixées la semaine suivant la tenue du Congrès de l’ACFAS du lundi 5 au vendredi 9 mai 2025 à Montréal (École de technologie supérieure et Université Concordia) (https://www.acfas.ca/evenements/congres) de façon à permettre à celles et à ceux qui souhaitent participer en se déplaçant à Montréal de venir pour deux bonnes raisons.
Pour tout contact : centrecricis@gmail.com
Comité organisateur
Anouk BÉLANGER, professeure, Département de communication sociale et publique, UQAM, Montréal, Québec, Canada
Justine DORVAL, étudiante, doctorat en communication, UQAM, Montréal, Québec, Canada
Éric GEORGE, professeur, École des médias, UQAM, Montréal, Québec, Canada
Oumar KANE, professeur, Département de communication sociale et publique, UQAM, Montréal, Québec, Canada
Lena HÜBNER, professeure, Département de communication, Université d’Ottawa
Samuel LAMOUREUX, professeur, Département Sciences humaines, Lettres et Communication, Université TÉLUQ, Montréal, Québec, Canada
Catherine LEJEUNE, étudiante, doctorat en communication, UQAM, Montréal, Québec, Canada
Maxime OUELLET, professeur, École des médias, UQAM, Montréal, Québec, Canada
Fabio PEREIRA, professeur, Département d’information-communication, Université Laval, Québec, Canada
Références bibliographiques
Acosta Espinosa, A. (2014). Le buen vivir : pour imaginer d’autres mondes, Paris : Utopia.
Atton, C. (2002). Alternative media, Londres : Sage.
Atton, C. (2015). The Routledge companion to alternative and community media, Londres : Routledge.
Eynaud, L. et F. Sultan (2019). « La catégorie de commun(s) au fil des échanges : enquête », dans L’alternative du commun, Christian Laval (dir.), Paris : Hermann, p. 321-327.
Borrits, B., (2018). Au-delà de la propriété. Pour une économie des communs, Paris : La Découverte.
Brancaccio, F., A. Giuliani et C.Vercellone (2021). Le commun comme mode de production, Paris : Éditions de l’éclat, http://www.lyber-eclat.net/livres/le-commun-comme-mode-de-production/
Caffentzis, G. et S. Federici (2014). « Commons against and beyond capitalism », Community Development Journal, vol. 1, n° 49, p. 92-105.
Cukier, A., F. Delmotte et C. Lavergne (dir.) (2013). Émancipation, les métamorphoses de la critique sociale, Paris : Éditions du Croquant.
Dardot P. et C. Laval (2014). Commun. Essai sur la révolution du XXIe siècle, Paris : La Découverte.
De Angelis M. et D. Harvie (2014). « The commons », dans The Routledge Companion to Alternative Organization, M. Parker, G. Cheney, V. Fournier et C. Land (dir.), New York (New York) : Routledge.
Durand-Gasselin, J-.M. (2012). L’École de Francfort, Paris : Gallimard.
Fabiani, J.-L. (2006). « À quoi sert la notion de discipline ? », dans Qu’est-ce qu’une discipline ?, Boutier J. J.-C. Passeron et J. Revel (dir.), Paris : éditions de l’EHESS, p. 11-34.
Fuchs, C. (2022). Digital Capitalism: Media, Communication and Society Volume Three. Londres : Routledge.
Grosbois, P. de (2018). Les batailles d’Internet. Assauts et résistances à l’ère du capitalisme numérique. Montréal : Écosociété.
Guiller, V. (2018). « La culture comme commun : une approche à préciser », tic&société, vol. 12, n° 1, http://journals.openedition.org/ticetsociete/2350
Guéguen, H. (2014). « La critique et le possible : le rôle de la catégorie de possible dans la critique des TNIC », dans Critique, sciences sociales et communication, É. George et F. Granjon (dir), Paris : Mare et Martin.
Hess, C. et E. Ostrom (2006). Understanding knowledge as a commons : from theory to practice. Cambridge (Massachusetts) : MIT Press.
Kamwangamalu, N. M. (2014). Ubuntu in South Africa: A sociolinguistic perspective to a pan-African concept, dans The global intercultural communication reader, M. K. Asante, Y. Miike, & J. Yin (dir.), New York (New York) : Routledge, p. 226-236.
Kane, O. (2010). « Institution et légitimation d’une quasi-discipline : le triple destin (sciences, études et champ) de la communication », Communiquer, vol. 16, n° 2, p. 87-102, https://journals.openedition.org/communiquer/1580.
Kane, O. (2016). « Communication studies, disciplination, and the ontological stakes of interdisciplinarity: A critical review », Communication & Society, vol. 29, nº 3, p. 87-102.
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Kilahama, F. B. (1994). « Indigenous Ecological Knowledge: A Vital Tool for Rural Extension Strategies », Forests, Trees and People Newsletter, nº 24, 1994, p. 30-35.
Lacroix, J.-G. (2009). « Conclusion. Pour une nouvelle éthique de l’émancipation », dans L’émancipation d’hier à aujourd’hui, G. Tremblay (dir.), Québec : Presses de l’Université du Québec, p. 297-303.
Madison, M. J., B. M. Frischmann et K. J. Strandburg, (2008). « Constructing Commons in the Cultural Environment », Legal Studies Research Paper Series, nº 95, p. 657-710.
Metz, T. et J. Gaie (2010). The African ethic of ubunthu/botho : Implications for research on morality. Journal of Moral Education, nº 39, p. 273-290.
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Proulx, S., F., Massit-Folléa et B. Conein (2005). Internet, une utopie limitée : nouvelles régulations, nouvelles solidarités, Québec : Presses de l’Université Laval.
Ostrom, E. (1990). Governing the Commons The evolution of institutions for collective action, Cambridge (Massachusetts) : Cambridge University Press.
Schlager, E. et E. Ostrom (1992). Property-Rights Regimes and Natural Resources: A Conceptual Analysis. Land Economics, vol. 68, nº 3, p. 249-262.
Smyrnaios, N. (2017). Les GAFAM contre l’Internet : une économie politique du numérique, Bry-sur-Marne (France) : Institut national de l’audiovisuel.
Srnicek N. (2018). Capitalisme de plateforme. L’hégémonie de l’économie numérique, Montréal : Lux.
Tracés, (2016), L’Italie des biens communs, nº 16, https://journals.openedition.org/traces/6509.
Source: CRICIS, UQAM