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Éloge de la culture libre : plan

Comme je l’ai déjà expliqué il y a quelques semaines, je travaille en étroite collaboration avec Marjolaine Poirier pour transformer ce carnet (et ma thèse de doctorat, entre autres!) en essai. Nous avons articulé notre plan autour d’une matrice conceptuelle articulée autour de quatre concepts important, les règles, les oeuvres (objets), les sujets et les interactions. Voici une représentation de cette «matrice des matières» où chaque cellule est un chapitre distinct.

Vous pouvez constater que nous avons fait évoluer certains chapitres, ce qui est normal étant donné l’ampleur de la tâche et les discussions que nous avons…

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Chantier sur le droit d’auteur: entre cadre de gouvernance et métadonnées juridiques

L’environnement numérique, par sa nature hétérodoxe, rime avec paradoxe. D’une part, le numérique offre un accès à des communautés et des outils toujours plus étendus ou innovants. De l’autre, la nature fluctuante des systèmes, des codes et des plateformes, sans oublier le rythme effréné des développements, en brusquent et rebutent plus d’un. Le numérique redéfinit les relations entre les individus, peu importe leur rôle dans la chaîne de la création, de la diffusion ou du patrimoine, des pratiques ainsi que la nature et la valeur des œuvres artistiques, culturelles ou créatives. Pris dans l’étau de l’innovation, du sac et du ressac des modes, et du contexte mondialisé qui laisse en plan nos pratiques locales, il est normal qu’il soit difficile d’y trouver son compte. À juste titre, ce paradoxe numérique devient le théâtre de moult questionnements et chamboulements. Ceux qui nous concernent sont les enjeux juridiques mis en lumière par le contexte particulier de l’environnement numérique surtout en ce qui concerne la mise à disposition d’œuvres sur divers réseaux ou plateformes, dont Internet.

Le chantier sur le droit d’auteur est une méthode qui vise à outiller une communauté pour réfléchir aux contextes juridiques du numérique. Le chantier sur le droit d’auteur comporte deux volets. D’une part, le cadre de gouvernance vise à développer des outils pour la saine gestion des enjeux juridiques, tels que des comités et des politiques internes ainsi que les rôles et responsabilités de chacun. D’autre part, le volet des métadonnées juridiques propose de bâtir un nouveau langage documentaire qui représente les droits et modalités d’utilisation d’objets numériques.

L’objectif sous-jacent du chantier est de documenter les pratiques pour appuyer les opérations et de bonifier le catalogue de l’institution, afin d’optimiser la mobilisation et la découvrabilité des oeuvres. Le chantier repose sur une redéfinition du cycle de vie des oeuvres, de la création à la préservation, en passant par la diffusion, pour les communautés desservies par l’organisation. La réalisation du chantier nécessite la confection, avec les équipes des partenaires concernés, d’un inventaire des objets et collections à prioriser. Cet inventaire se conjugue aux divers contextes d’utilisation dans les cycles de vie. Il en résulte une matrice qui met en relief les oeuvres et leurs mobilisations. Il est nécessaire d’organiser les travaux des équipes provenant des partenaires et de documenter l’exécution du mandat. Suite au chantier, les partenaires auront une méthode pour effectuer une certification juridique des activités souhaitées, notamment en lien avec le droit d’auteur et la gestion des renseignement personnels. Il se peut qu’un avis juridique soit nécessaire selon les circonstances du projet.

Pour les documents produits, j’ai une préférence pour une cession de droit d’auteur au profit de l’organisation, en contrepartie que ceux-ci soient diffusées et archivées dans Internet sous une licence Creative Commons Attribution Non-Commercial Share-Alike (CC-BY-NC-SA).

Exemples de politiques sur le droit d’auteur

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Plateformes

–> exercice d’écriture

Sujet divisé: Qui est Elinor Ostrom, La tragédie des communs de Harding (1968). Le modèle IAD de 2012 pour saisir les éléments des plateformes. Une plateforme vise un échange. Les médias sociaux que nous connaissons résultent lorsque les prix des droits subjectifs (droit à l’image, renseignements personnels) > droits objectifs (droit de propriété sur les objets échangés). Ainsi, les droits subjectifs ainsi moissonnées par des contrats types des plateformes génèrent une forte plus value pour l’entité qui la gère: effets réseaux des agents s’y connectant, masse de contenu et de données qui s’accumulent naturellement

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Exclusions

-> exercice d’écriture <-

Pour se qualifier au droit d’auteur, une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique doivent être fixées et originales

Les régimes juridiques édictés par les législateurs, aussi important soient-ils pour bâtir des droits de propriété intellectuelles ou encadrer l’exercice de droits civils dans les domaines culturels, ne racontent pas toute l’histoire qui nous concerne. Plus souvent qu’autrement, ces régimes élaborent des règles qui articulent des catégories de droits relativement précises tout en étant silencieux quant aux meilleures stratégies pour les mobiliser. Dans la pratique, les échanges entre les acteurs économiques et les agents sociaux peuvent aussi faire émerger des situations préjudiciables tout en étant légitimes ou licites. Un exemple éloquent de ce silence concerne la reproduction de matériel protégé par le droit d’auteur dans les universités.

Les régimes juridiques applicables à l’environnement numérique édictent des droits de propriété ou des droits civils où les législateurs interdisent certains usages ou pratiques afin d’atteindre un objectif de bien commun.

Sujet posé: Explorer les distinctions entre « avoir le droit » et « posséder un droit » : ce que l’on peut empêcher les autres de faire par contrat. Continuum de l’interdiction, avec nos excuses pour Hohfeld: “privilege, claim, power, and immunity

Sujet divisé: Explorer la frontière entre (1) le droit de propriété et (2) les exceptions. par les (3) jugements de la cour suprême. Conclure avec l’importance des contrats et surtout – du consentement – pour le numérique, on peut y mélanger les configurations des régimes d’interdiction.

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(1) Emphase sur LDA art. (3 + 13) LDA + [Grands droits, petits droits]Celle-ci devient nécessaire dès lors que l’on comprends le rôle de la propriété intellectuelle dans l’univers juridique culturel : le droit d’auteur édicte un régime de droits que l’on mobilise par diverses mesures contractuelles.

(2) exceptions: malvoyants 32.2, user generated content, utilisation équitable.

(3) de petit champlain à York/Access, Laval/Copibec

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Les contrats ! Conventions collectives, licences libres, gestion collective, conditions d’utilisation des plateformes…

Si le droit introduit des régimes d’interdiction, les pratiques économiques et sociales entre les agents cristallisent les actifs numériques en objets de propriété immatérielle qui naviguent entre divers agents d’un marché par le biais de contrats ou licences. Il faut distinguer ces régimes privés des régimes d’interdiction édictées par des lois afin de pour observer les enjeux juridiques avec des outils conceptuels assez fin pour déceler les subtilités pertinentes à notre analyse. L’exclusion est donc le thème du prochain chapitre.

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Transformer son carnet en livre

Parmi les ambitieux projets pour cette année, je travaille à transformer cet humble carnet en livre une collaboratrice de longue date, Marjolaine Poirier. Je vous offre en primeur la carte conceptuelle et table des matières afin de recevoir vos commentaires. N’hésitez pas à me contacter à cet effet… J’ai expliqué le processus d’élaboration du plan il y a quelques semaines, dans ces billets.

Carte conceptuelle du livre Éloge de la culture libre par Olivier Charbonneau et Marjolaine Poirier
Carte conceptuelle et table des matières développée du projet de livre Éloge de la culture libre par Olivier Charbonneau et Marjolaine Poirier

Pour réaliser le graphique, j’ai utilisé l’excellent outil libre et gratuit de Framasoft, framindmap.org. L’image ici-haut date du vendredi 4 février 2022.

Voici une autre version faite à la main:

Poster représentant la table des matières du livre Éloge de la culture libre par Olivier Charbonneau et Marjolaine Poirier

Vos commentaires sont bienvenus, surtout s’il manque des thèmes…

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Interdictions

–> Exercice d’écriture

La propriété intellectuelle est un marché faustien. Dans chacun des cas, le législateur façonne un régime arbitraire d’interdiction afin d’atteindre une finalités précise. Les interdictions édictées visent à créer de nouveaux objets de propriété puis de mettre en place un marché par l’entremise d’un effet de rareté imposé par la loi.

Les brevets visent à éviter le secret commercial, afin de partager les innovations en échange d’un monopole sur leur exploitation. Problèmes: biopiraterie, brevets imbriquées. Solutions: licences obligatoires, patent pools

Les marques de commercent visent à protéger l’investissement d’une corporation dans ses produits et services, tout en protégeant les consommateurs de produits contrefaits par le contrôle du discours commercial. Problèmes: distortion de la valeur réelle par le marketing. Solutions: droit à la consommation, évaluations de produits

Le droit d’auteur, au Canada, interdit certains utilisations d’oeuvres protégées dans plusieurs contextes, surtout commerciaux. L’intérêt consiste à renforcer le caractère rival et exclusif d’un bien, autrement facilement copiable par la technologie.

Problème: Ce qui est mal représenté dans la conception occidentale et bourgeoise: savoirs traditionnels et expressions culturelles autochtones. Savoir immatériel.

Renseignements personnels: interdit d’en accumuler si cela dépasse le cadre du produit ou service et interdit le partage.

Le consentement devient la clé de la voûte pour lever l’interdit. Ainsi, les régimes généraux d’interdiction légale changent d’état, mutent en régimes où les actifs numériques prennent le relais. L’interdit mène a la propriété et c’est là où le cadre devient exclusion.

Si le droit introduit des régimes d’interdiction, les pratiques économiques et sociales entre les agents cristallisent les actifs numériques en objets de propriété immatérielle qui naviguent entre divers agents d’un marché par le biais de contrats ou licences. Il faut distinguer ces régimes privés des régimes d’interdiction édictées par des lois afin de pour observer les enjeux juridiques avec des outils conceptuels assez fin pour déceler les subtilités pertinentes à notre analyse. L’exclusion est donc le thème du prochain chapitre.

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Exercice d’écriture

Quelques mots sur le pluralisme juridique et la théorie cybernétique…

Cette approche, en sciences juridiques, découle d’une conception pluraliste ou systémique du droit, où les acteurs tissent leur toile juridique de par leurs choix individuels autour de divers régimes en droit privé. Le droit constitue donc la toile de fond d’une multitude de points et tracés qui forment un tableau riche et varié. Ces interactions sont façonnées par plusieurs forces, tant économiques que technologiques. Pour rendre justice à cette environnement complexe, l’amoureux du droit doit élargir sa définition de ce qui constitue des sources juridiques pour inclure la façon dont ces droits sont mobilisés.

Le défi repose donc sur nos épaules afin de concevoir un modèle pour s’approprier les phénomènes pertinents à une analyse juridique pluraliste. Nous puisons dans la théorie cybernétique pour capturer l’essence de notre monde complexe. Celle-ci suppose qu’un système donné est composé de trois éléments – ou forces – fondamentaux : l’information, la rétroaction et l’entropie. Il suffit de transcrire ces éléments au contexte à l’étude pour saisir l’ampleur d’un phénomène.

Ainsi, nous proposons que l’information du système culturel est présent par des droits de propriété, lesquels ont avantage à être clairs. Ensuite, la rétroaction subsiste dans les mécanismes d’exception prévu dans divers régimes juridiques. Ces exceptions introduisent la flexibilité nécessaire à faire évoluer les pratiques au diapason de la technologie ou des volontés des consommateurs. Enfin, l’entropie est représentée par les institutions, qui luttent sans cesse contre cette tendance naturelle qu’on les choses à glisser vers le chaos. Ces trois éléments de la cybernétique culturelle, la propriété, les exceptions et les institutions, permettent de tracer les contours de l’environnement numérique en cybernétique juridique.

Accès libre Critique Rapport et étude Test

Lecture de Les batailles d’Internet (2018) par de Grosbois

Voici mes notes de lecture de l’excellent livre de Philippe de Grosbois intitulé Les batailles d’Internet : assauts et résistances à l’ère du capitalisme numérique chez Écosociété, paru le 22 janvier 2018.

Alors, bon ou mauvais Internet ? Ni l’un, ni l’autre propose d’entrée de jeu de Grosbois. Il est plus juste de situer les pôles de la question, autour de cette construction sociale. Internet se situe entre l’éloge naturaliste et la critique intégrale. Les protagonistes pris dans le débat polarisé sont hackers, libristes et adeptes du pair-à-pair (p. 33).

Le premier, l’éloge naturaliste, s’inspire de la biologie et propose que

le Net permettrait des interactions comme celles que l’on retrouve dans un écosystème. Il serait plus souple que les régulations centralisées et bureaucratiques de l’État, que les structures hiérarchiques en général. Internet laisserait naturellement place à la liberté individuelle et à la formation de groupes spontanés. Pour certain.e.s, il est l’incarnation même du libre-marché tel qu’il ne s’était jamais vraiment réalisé jusqu’à présent

de Brosbois (p. 28)

L’autre, la critique intégrale, attaque cette créature purement néolibérale :

Imaginée par les cybernéticien.ne.s rêvant d’une communication sans entraves qui régulerait les systèmes sociaux, Internet court-circuite les institutions politiques et détruit les solidarités. Le réseau est entretenu par des fantasmes communautaires et subversifs, mais en réalité in ne fait que renforcer l’emprise du capital sur nos existances.

de Grosbois (p. 28)

Ces « deux faces d’une même médaille » impliquent qu’Internet serait « une force extérieure à la société » tout en considérant « Internet et le marché comme étant plus ou moins équivalents. » (p. 29) Ainsi est divisé l’ouvrage, l’auteur présente en premier (chapitres 2-5) « quelques-unes des potentialités fragiles et menacées » du réseau pour ensuite cibler les enjeux présentant un plus gros risque (chapitre 6-8). La table est mise et j’aime le menu.

Le premier chapitre est l’occasion pour de Grosbois d’exposer les origines d’internet. Citant Loveluck [Réseaux, libertés et contrôle. Une généalogie politique d’internet, 2015] pour expliquer la théorie cybernétique de Weiner, de Grosbois passe par les sentiers connus: Hayek, Castells, Dominique Cardon, Steven Levy, Ivan Illich, Tim Breners-Lee, Fred Turner, Stuart Brand, John Perry Barlow, Richard Stallman, Eric Raymond pour ne citer qu’eux…

dans le second chapitre, de Grosbois explore le commerce et la culture, entre alliances incongrues du copyright sous l’angle de Cory Doctorow, Lawrence Lessig puis Yochai Benkler [The Wealth of Networks, 2006]. Parlant de verrous numériques et plus globalement des plateformes de diffusion en flux, de Grosbois précise que :

L’enjeu ne serait plus le paiement à chaque téléchargement, mais la distribution équitable de l’argent amassé par divers moyens. L’accès aux oeuvres et la contribution financière seraient deux opérations distinctes qui ne seraient pas toujours exécutées ensembles. Cela ne signifie pas que le droit d’auteur n’existerait plus : les artistes obtiendraient toujours pleine reconnaissance de leur travail et demeureraient seul.e.s à décider des adaptations et dérivés commerciaux de leur oeuvres (du moins jusqu’à ce que l’oeuvre entre dans le domaine public).

de Grosbois (p. 89)

Dans le troisième chapitre, de Grosbois présente les nouvelles frontières de l’expression:

Qu’est-il possible de lire ? Qu’est-il possible d’écrire, de diffuser, de montrer ? Quelles sont les réalités qui sont confinées à la sphère privée et qu’est-il légitime d’exprimer publiquement ? Quelles sont les personnes ou les institutions qui ont la charge d’autoriser ou d’interdire, de faciliter ou de limiter la publication d’une oeuvre et sa diffusion ? Ces questions sont essentielles pour comprendre l’univers des médias, et ce, tout au long de leur histoire. Chaque fois qu’un nouveau média de masse apparaît, il vient bouleverser les relations entre le public et les dépositaires légitimes de la culture et de l’information à cette époque précise : clercs, professeur.e.s, journalistes, apparatchiks, critiques, editeurs.

de Grosbois (p. 93)

Sont cités Adorno et Horkheimer, Walter Benjamin, C.W. Mills [imagination sociologique]…

Triste paradox, l’assouplissement des frontières décrit plus hout peut aussi permettre aux individus intolérants et haineux de se coaliser, de développer leur confiance et de raffermir leurs convictions afin d’exercer, ultimement, une sorte de vigilantisme (ou auto-justice).

de Grosbois (p. 106)

La liberté d’expression est un couteau à double tranchant dont les pistes de solution sont bien modestes. Il faut être solidaire, sur le plan politique, avec les victimes (p. 106). Il faut considérer des actions en justice (p. 107). Puis, il faut agir directement sur les plateformes (p. 108).

Dans son quatrième chapitre, de Grosbois traite de la crise du journalisme :

il faut l’aborder en tant que recul d’une certaine conception du journalisme, telle qu’elle s’est imposée et stabilisée au cours du XXe siècle, c’est-à-dire une pratique dotée d’une éthique professionnelle contrée sur la neutralité politique et une relative autonomie par rapport au pouvoir, bien que largement financée par la grande entreprise. Or, l’accès aux citoyen.ne.s qu’offrent aux publicitaires les médias sociaux commerciaux a rendu obsolète ce modèle d’affaires journalistique.

de Grosbois (p. 118)

S’en suivent Noan Chomsky, Amy Goodman, Astra Taylor, Frédéric London, Evgeny Morozov, Gabriella Coleman (pour les hackers et le journalisme open source d’où l’importance des sources – p. 134), Zeynep Tufekci… Entre l’indifférence d’apprendre ce que l’on soupçonnait déjà (p. 137) et l’effroi à l’idée que tout serait maintenant matière à être divulgué (p. 139), « l’information a rarement autant constitué un enjeu politique qu’à notre époque » (p. 141). Deux défis demeurent entiers: le financement (p. 142) et « la répression qui vise actuellement les journalistes et les sources des fuites » (p. 143) « Une information libre et juste n’a jamais été chose acquise. » (id)

Au tour de la surveillance, contrôle, répression d’animer le cinquième chapitre de de Grosbois, où « quand le Net devient filet » (p. 145)

Toutes les potentialités ouvertes par Internet, sur les plans de l’expression individuelle, de la culture, du journalisme ou de la démocratie, font l’objet d’une contre attaque puissante et concertée. Cette charge ne se manifeste pas seulement par des opérations policières et étatiques ; elle est aussi l’oeuvre de grandes entreprises. Celles qui sont les plus profitables à l’échelle mondiale, telles que Google et Facebook, tirent leurs revenus de la collecte massive de donnes personnelles et du contrôle de la navigation et des interactions des internautes. Ce que la sociologue Zeynep Tufecki appelle « la privatisation des communs sociaux » (the corporatization of social commons) est un aspect crucial de ce «renfermement» d’Internet.

de Grosbois (p. 149)

Selon de Grosbois, nos libertés sont limitées de trois manières, par : « les dispositifs de surveillance, les mécanismes de contrôle des communications et, enfin, les mesures de répression à l’endroit de nombreux cyberactivistes. » (p. 150)

Dans son sixième chapitre, de Grosbois entame la politique, du point de vue des hackers, libristes et adeptes du pair-à-pair. Il constate que :

Le mouvement pour une information libre aborde la politique à travers un autre prisme que celui de la gauche et la droite; il tente d’articuler un problème en des termes nouveaux, de mettre en lumière un obstacle spécifique auxquels les humain.e.s sont confrontés dans leur quête d’une vie mieux vécue. En s’attaquant au processus par lesquels les idées circulent et sont débattues plutôt qu’à la substance de ces idées elles-mêmes, les hackers, les libristes et les pirates parviennent parfois à renouveler la critique du système économique et politique et à perturber son fonctionnement au quotidien, mais en l’abordant de biais, en quelque sorte. Ils s’attaquent au système en cherchant à y pratiquer un autre type de brèche que celles auxquelles nous sommes habitué.e.s. Ils viennent bousculer des modes d’organisation plus hiérarchiques ou centralisés auxquels ont aussi recours les forces de gauche, en insistant sur la décentralisation, l’horizontalité et la participation.

de Grosbois (p. 196)

Le septième chapitre de l’ouvrage de de Grosbois identifie les impacts sur le monde physique d’Internet, notamment l’impact environnemental des nouvelles technologies (pollution), l’internet des objects et les nouvelles plateformes de partage et la production par les pairs :

Il est vrai qu’internet, comme l’explique le géographe Boris Maude, s’est constitué comme un espace en soi, partiellement distinct du reste de nos existences.

de Grosbois (p. 199)

Le huitième chapitre de deGrosbois traite de l’internet libre et commun, tant sur le plan de la couche physique (neutralité du réseau) que la couche logicielle (interopérabilité et algorithmes open source), ainsi que deux couches de contenus, les communs de la connaissance et les données communes et la vie privée.

Pour conclure, l’idée centrale de l’auteur est que les protagonistes d’Internet, les hackers, les libristes et les adeptes du p2p, maintiennent une « relation trouble avec le capitalisme » (p. 252). Ainsi, de Grosbois souligne

qu’Internet n’a pas de nature profonde : il n’est pas par essence ni capitaliste ni anticapitaliste. […] Conçu à l’origine à la manière d’un commun, Internet a été amené à favoriser, en partie de façon délibérée et en partie accidentellement, des principes en rupture avec un certain esprit du capitalisme : le partage, l’universalité de l’accès, le don, la collaboration, la délibération. Il est donc possible de «plier» le réseau de manière à ce que l’activité qu’y s’y déroule exclut des aspects importants du système capitaliste tels que la transaction marchande, le salariat, la séparation entre producteurs et consommateurs, l’opacité et le contrôle de l’information, l’enfermement de la croissance et de la culture dans les régimes de propriété intellectuelle, etc.

de Grosbois (p. 253)

Ainsi, nous avons le «capitalisme netarchique» de Michel Bauwens, les communs d’Elionor Ostrom (p, 253), il reset des oppositions à repenser (p. 257), entre la technique et le politique; entre l’individu et la collectivité… il faut repenser notre compréhension d’Internet pour y situer notre action politique. (p. 258)

Archives Bibliothèques Test

Ouvert/fermé archives/bibliothèques

J’adore le mois de mai. La chaleur s’installe, j’ai la chance de souffler quelques bougies et l’université sombre tranquillement dans un sommeil cotonneux. À notre bibliothèque, c’est l’occasion d’accueillir nos nouveaux bibliothécaires-étudiants, ces jeunes professionnels encore sur les bancs des écoles de bibliothéconomie et des sciences de l’information (Montréal compte deux de ces écoles!) qui s’occupent en partie de nos services pendant la saison des vacances et des périodes creuses de l’année.

Ce matin, je viens d’avoir un de ces échanges autour de la machine à expresso (un bien commun légué par un chic collègue dans la cuisine de l’équipe) avec une de nos étudiantes. Je lui demandais comment se passait son intégration et la conversation a migré sur les choix de carrières imposés par la structure du curriculum: archives ou bibliothèques. J’ai bien sûr mon opinion sur la question, mais j’ai centré la conversation sur les distinctions institutionnelles entre ces deux entités. Elle fut surprise de ma perspective.

Les bibliothèques et les archives collectionnent des documents. Certes, voilà ce qui rassemble deux entités dans le même lot fonctionnel. Du point de vue externe de la profession, par exemple de la part des organisations gouvernementales qui proposent des services de bibliothèques/archives nationales, la tentation est forte de les combiner « parce qu’elles gèrent des documents » et c’est une base suffisante pour fusionner ces services. Qu’en est-il du point de vue interne?

Pour répondre à la question, je propose de distinguer la question selon la source des documents (institutionnelle ou sociétale) et la perspective de l’accès (ouvert par défaut et fermé par défaut). Cette distinction s’impose à celui qui étudie les questions de droit d’auteur et de la communication…

Ainsi, une bibliothèque collectionne des documents publiés sur le marché ou diffusés numériquement pour les rendre accessibles par défaut. L’archive, quant à elle, collectionne des documents institutionnels pour déterminer leur niveau d’accès, en partant de la prémisse que le document n’est pas accessible. Je n’invente rien, c’est une évidence que je ne fais qu’exprimer selon un cadre théorique particulier, celui du droit appliqué aux documents.

Le point d’encrage concerne le concept de « manuscrit » dans la loi sur le droit d’auteur. Un manuscrit est un document n’ayant pas effectué le saut dans l’arène sociale par le collimateur de la publication. Dans le monde « physique » de l’édition sur la pulpe d’arbres morts, cela implique le travail d’un éditeur peaufinant le document afin de le rendre attrayant pour un public précis. On y colle un ISBN, une notice de catalogue, l’envoie au dépôt légal, signifie son existence à la commission de droit de prêt public et on fait un lancement. Une belle routine bibliothéconomique que le milieu de l’édition a répliquée par homothétie pour le numérique…

Quant aux archives, la routine est tout autre. Les documents sont compilés, de peine et de misère, suivant un plan de classement et un calendrier de conservation mis en place par le service des archives et administré collectivement dans l’organisation. Le dépouillement des documents s’effectue selon n’approche plus systématique dépendamment du fonds dans lequel ils s’insèrent. Y sont stipulés les règles d’accès (du moins, en théorie) et il se peut qu’un document soit à tout le moins confidentiel, privé ou public.

C’est pourquoi les archivistes peuvent garder un secret, à l’opposé des bibliothécaires. C’est pourquoi que face à l’interdit d’accès le bibliothécaire crie et l’archiviste sévit. La liberté devient un objet poreux en sciences de l’information ! L’accès aussi, conséquence logique donc d’une manifestation relative de liberté, à la fois codifié dans les règles économiques de la Loi sur le droit d’auteur et dans les règles institutionnelles des législations applicables à l’accès aux documents publics.

J’ai beaucoup aimé cet essai récent de Yochai Benkler sur le libre accès dans le contexte des communs informationnels. Il a su guider ma réflexion sur la question :

Benkler, Yohai, Open Access and Information Commons, in, Oxford Handbook of Law and Economics: Private and Commercial Law, Francesco Parisi, ed. (2016).

L’accès peut être libre, donc un commun ouvert, ou non, pour les communs fermés. Ainsi, les archives et les bibliothèques retiennent ou proposent des arrangements institutionnels distincts, codifiés selon les paramètres précis des modalités d’accès aux documents sous leur égide. Ces distinctions deviennent évidentes pour celle qui étudie le droit de l’information et de la communication.

Par ailleurs, cette distinction offre une feuille de route pour comprendre les mutations imposées par le numérique… mais là, je vais devoir y revenir dans un autre billet estival…