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Québec: tzar des ressources informationnelles
Olivier Charbonneau 2011-06-14
AVIS – Comme me l’a fait constater Robin Millette dans les commentaires, j’ai effectué mon analyse en utilisant le projet de loi initial, et non le projet de loi tel que modifié lors du processus législatif. Oui, oui, il s’agit d’une erreur de néophyte – j’aurais dû y penser !! Comme je n’ai pas le temps d’analyser les divers extrants des réunions du comité législatif qui a examiné le texte original de la loi pour créer ma propre version, je vais laisser mon analyse idem. Je vais attendre que la loi soit disponible sur le site des Publications du Québec (éditeur officiel du Québec) ou sur CanLII (site de diffusion libre du droit).
Toutes mes excuses
Notre collègue Olivier Spéciel soulignait dans une liste de diffusion de bibliothécaires québécois la sanction d’une nouvelle loi provinciale concernant la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement (projet de loi 133). L’entrée en vigueur est la date de sanction selon le site de l’Assemblée nationale du Québec, qui était hier.
On peut croire que cette loi répond aux sévères critiques du Vérificateur général du Québec dans le Tome II de son Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2010-2011 (chapitre 8 ) publié le 4 mai 2011. Les comptables de l’état ont soulevé qu’une « proportion importante des projets ne respectent pas un ou plusieurs des paramètres initiaux » ; la « gouvernance exercée sur les RI par les organismes centraux comporte de grandes lacunes » ; il « n’existe pas de stratégie à l’égard de la main-d’oeuvre tant externe qu’interne en RI » ; la « capacité d’analyse et de traitement des organismes centraux est déficiente » ; on « dénombre peu de gestes concrets pour corriger des lacunes déjà relevées » [depuis novembre 2007].
Les grandes lignes la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement concerne la création de divers fonctions au sein de l’appareil étatique, notamment un seul et unique dirigeant principal de l’information au sein du Conseil du trésor (qui détient les cordons de la bourse de l’état – en fait, le nouveau Tzar de l’information gouvernementale), des dirigeants réseaux de l’information qui chapeautent divers ministères et structures étatiques (en lien avec le dirigeant principal) ainsi que plusieurs dirigeants sectoriels de l’information au sein des unités de l’état.
L’article 1 de cette loi stipule que :
La présente loi a pour objet d’établir des règles de gouvernance et de gestion en matière de ressources informationnelles applicables aux organismes publics et aux entreprises du gouvernement afin notamment :
1° d’instaurer une gouvernance intégrée et concertée, fondée sur la préoccupation d’assurer des services de qualité aux citoyens et aux entreprises;
2° d’optimiser les façons de faire en privilégiant le partage et la mise en commun du savoir-faire, de l’information, des infrastructures et des ressources;
3° d’assurer une gestion rigoureuse et transparente des sommes consacrées aux ressources informationnelles.
Entre autres fonctions, ces dirigeants doivent élaborer et mettre en place un plan triennal et établir des priorités budgétaires annuellement, en vertu des lignes directrices du Conseil du trésor ou d’autres instances. La question de la sécurité de l’information et de la gestion des renseignements personnels sont directement évoqués. Cette Loi touche les ministères du gouvernement, les organismes budgétaires de l’Annexe 1 et les organismes autres que budgétaires de la Loi sur l’administration financière (LRQ, c A-6.001), la Sûreté du Québec, les Commissions scolaires, les Cégeps et certainnes Universités (no. 1 à 11 de l’article 1), la plupart des organismes de la santé et des services sociaux.
En somme, le milieu de la documentation québécois est concerné en grande partie par cette loi. Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est désigné à l’Annexe 2 de la Loi sur l’administration financière. Les grandes universités, les Cégeps et les commissions scolaires et le système de santé et services sociaux ont (presque) tous des services de bibliothèques. Il semble que le seul réseau qui ne tombe pas sous la gouverne de cette loi est le réseau municipal, où se situent les bibliothèques publiques de la Belle Province.
Il n’est pas clair si en quoi constituent les « ressources informationnelles » – s’agit-il uniquement des ordinateurs, réseaux, interfaces et autres « contenants » d’information ou si les « contenus » (logiciels, documents et données gouvernementaux) sont également sous la loupe du nouveau tzar de l’information et ses disciples. Aussi, malgré ce que le communiqué de presse daté du 9 juin 2011 évoque :
Le patrimoine numérique et la place des logiciels libres
La nouvelle loi contribuera également à assurer la pérennité de l’important patrimoine numérique du gouvernement du Québec. Ce patrimoine pourra ainsi être préservé, que ce soit au chapitre de l’interopérabilité des systèmes, de la sécurité, de la gestion de l’information, que des ressources humaines. De plus, la loi viendra renforcer la position gouvernementale à l’égard du logiciel libre, en obligeant les organismes publics à considérer ce type de logiciel au même titre que les autres solutions en technologies de l’information.
la Loi ne mentionne directement ni les logiciels libres, ni plus le mouvement de libération de l’accès aux documents et données de l’état. Il va sans dire que le point central pour les militants de ce milieu devient donc le dirigeant principal de l’information au sein du Conseil du trésor.
Finalement, on peut anticiper que la plupart des organismes touchés ont déjà des ressources qui effectuent ce genre de travail. La réelle nouveauté de cette Loi est de coordonner leurs activités sur l’ensemble de l’appareil gouvernemental du Québec.
Web 2.0
Google relatif
Olivier Charbonneau 2011-06-13
En déambulant à travers divers quotidiens ce matin, je suis tombé sur cet article provenant du Guardian: How the net traps us all in our own little bubbles. Mon intérêt est tempéré par l’anticipation d’un autre article sur les capacités débilitantes d’Internet. Je suis heureusement surpris – un point de plus pour la presse !
L’article recense une présentation TED de Eli Pariser concernant la fonction de « filtre relatif » de l’information, ces algorithmes qui filtrent l’information et ne nous présente que ce qui est pertinent pour nos intérêts. Le problème est que les citoyens numériques courrent le risque de n’être exposés qu’aux informations qui valident leurs façon de voir le monde.
Le choix n’est plus opéré par un éditeur intellectuel comme dans l’ère des mass-médias, mais un algorithme qui vise chatouiller l’égo de l’homo numéricus. Dans l’économie de l’attention, le nombril paye. Fini les repères communs, les heureux hazards et les théories de Bourdieux (cette dernière référence est mienne). Pariser plaide pour que les maîtres de ces algorithmes codent une vision pluraliste du monde, afin de permettre un dialogue entre des visions alternatives des enjeux de notre société.
Creative Commons Films
YouTube permet les Creative Commons
Olivier Charbonneau 2011-06-08
La communauté Creative Commons annonce que le site de partage de vidéo YouTube offre maintenant la possibilité de diffuser des vidéos grâce à ces licences libres. En effet, YouTube propose même une page d’information sur les licences créative commons.
À lire absolument le billet de notre collègue Calimaq sur son excellent blogue « jurithécaire » intitulé S.L.Lex: YouTube et les Creative Commons : ce qui change vraiment. Cette fin analyse de la situation relève que YouTube ne permet que la licence « Attribution 3.0 des USA » (CC-BY 3.0 USA pour les intimes), ce qui facilite les choses pour le premier site de partage vidéo, mais peut embarrasser certaines institutions car il s’agit d’une diffusion de matériel sous une juridiction des USA. Un autre point intéressant de ce billet consiste en la perspective que la question de loi applicable devient de plus en plus triviale – c’est les contrats qui priment. L’histoire de l’impact des contrats sur les marchés culturels numériques reste encore à écrire. Une excellente analyse en tout point.
Bibliothécaire Europe Exceptions au droit d'auteur Livre et édition
Stratégie Européenne en propriété intellectuelle
Olivier Charbonneau 2011-05-26
Si la propriété avait un saint-graal (ou deux, en fait), ça serait la créativité et l’innovation. Sans oublier le fameux « juste équilibre entre deux impératifs: titulaires et utilisateurs… un autre saint graal ou un Waterlo? (La Commission Européenne est en Belgique après tout…) Tout gouvernement branché, in, cool, lucide, solidaire et avenant veut un régime de propriété intellectuelle qui favorise la créativité et l’innovation tout en respectant un juste équilibre. Une chance que nos amis de l’Europe font partie du lot.
Le 24 mai la Commission Européenne dévoilait les grandes lignes de sa stratégie en matière de droits de propriété intellectuelle :
«Pour l’économie de l’Europe, il est essentiel d’assurer le niveau approprié de protection des DPI dans le marché unique car la croissance repose sur l’innovation», a déclaré Michel Barnier, membre de la Commission chargé du marché intérieur. «Il n’y aura pas d’investissements dans l’innovation si ces droits ne sont pas protégés. Par ailleurs, les consommateurs et utilisateurs doivent avoir un accès large aux contenus culturels, par exemple à de la musique en ligne, pour que prospèrent de nouveaux modèles d’affaires tout en encourageant la diversité culturelle. Notre but aujourd’hui consiste à trouver le juste équilibre entre ces deux impératifs, dans l’intérêt des DPI en général, c’est-à-dire à faire en sorte que le cadre européen en matière de propriété intellectuelle soit favorable aux entreprises et aux particuliers, et adapté au monde en ligne et à la concurrence mondiale des idées.»
Vivement la rhétorique. Mais surprise, cette stratégie propose un mécanisme au profit des Bibliothèques numériques – et spécifiquement une « proposition législative qui permettra de numériser et de mettre en ligne les œuvres dites «orphelines» » – la numérisation en masse quoi !
En fait, la commission a édicté une « proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines en vue de l’instauration de règles communes sur la numérisation et l’affichage en ligne des œuvres dites orphelines » qui découle de plusieurs années de travail.
À lire aussi, la position de 3 associations du monde des bibliothèques d’Europe (EBLIDA, LIBER and ENCES Statement on the EC Proposal for a Draft Directive on Orphan Works, en anglais).
Bibliothèques Droit d'auteur France LLD
Les bibliothèques sur la sellette du droit
Olivier Charbonneau 2011-05-26
À ne pas manquer, le dossier Le droit contre les bibliothèques ? de la dernière livraison du Bulletin des bibliothèques de France (bbf 2011 – Paris, t. 56, n° 3). Licences, exceptions, droit du livre… tout pour acquérir, numériser/diffuser et comprendre le droit. Ce dossier fut réalisé sous la gouverne d’Yves Desrichard, le rédacteur en chef du BBF, et la coordination d’Yves Alix, un bibliothécaire-juriste.
À noter la contribution du juriste-bibliothécaire (et chic type) Lionel Maurel, qui tient l’excellent carnet S.I.Lex – comme quoi y-a pas de quoi partir un feu avec le droit! D’ailleurs, il présente le dossier dans son carnet. Aussi, il a fait un stage au Québec et atraité de la question du droit d’auteur et des bilbiothèques en France et au Québec dans un livre récent (dont il m’a gentiment fait suivre une copie) et il a produit un article très intéressant sur la question des métadonnées juridique qui m’inspire beaucoup pour mon projet de doctorat.