L’un des principaux verrous pour la réutilisation des données concerne les aspects juridiques. En France, le cadre légal prône l’ouverture des données au maximum (cf. loi sur la république numérique14 et loi Valter15). En même temps, d’autres principes s’appliquent : les droits d’auteur et les droits voisins, la question de la propriété intellectuelle ou des données personnelles (droits à l’image, respect de la vie privée, etc.). C’est surtout flagrant pour les corpus récents (XXe -XXIe siècle). Il en découle des restrictions pour la réutilisabilité des données et leur citabilité16. Il existe une zone de flou, qui peut déstabiliser les porteurs de projets et les utilisateurs : par exemple, du point de vue des droits, certaines données sont inaccessibles, alors que leurs métadonnées sont, elles, accessibles.
Dans quelle mesure les métadonnées sont-elles concernées par le droit d’auteur ? Sans doute faudrait-il distinguer les métadonnées purement descriptives de celles qui sont le fruit d’un travail d’interprétation17. Mais si ce travail d’interprétation n’est pas signé, il est difficile concrètement de le protéger. Une des premières actions d’un projet doit être de chercher les indications de signatures et de protection juridiques (licence, source, propriété, etc.) des données. Si ces indications ne permettent pas la réutilisation des données, il est toujours possible de contacter les propriétaires des droits.
16 Marie-Luce Demonet, « La Confiscation des données issues de l’humanisme numérique » in Véronique Ginouvès ; Isabelle Gras, La Diffusion numérique des données en SHS – Guide de bonnes pratiques éthiques et juridiques, Presses universitaires de Provence, 2018, Digitales, 9791032001790 〈hal-02068085〉.
Faire un état des lieux juridique Un tel état des lieux doit concerner autant les données réutilisées que les données produites et comprendre au moins les aspects suivants : – identification du statut juridique des données réutilisées ; – prise en compte des différents types de contenus produits par le projet : images et transcriptions, images sans transcriptions, transcriptions sans images, etc. ; – intégration de la question de la réutilisabilité des données à la convention entre les différents partenaires, qu’il s’agisse d’institutions, d’individus ou d’ayants droit ; – résolution des problématiques induites par le RGPD (Règlement général sur la protection des données). En cas de doute, il faut contacter le DPO (Data Protection Officer), aussi appelé DPD (Délégué à la Protection des Données) de votre établissement, qui vous conseillera sur les démarches éventuelles à entreprendre auprès de la CNIL (Commission Informatique et Liberté) et sur les précautions à prendre avant de traiter et de publier vos données ; – résolution des contraintes liées au respect des droits d’auteurs ; – état des lieux des possibles embargos pour ne pas se retrouver bloqué au moment de la mise en ligne des données
Source: Vademecum pour la réutilisation des données, janvier 2022, p.11
De plus, les auteurs précisent à la page 18:
Il faut pouvoir concevoir, dès la phase initiale du projet, une charte anticipant et précisant toutes les conditions de réutilisation possibles en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés (institutions, ayants droit, etc.). Quand un projet implique plusieurs partenaires, ou des partenaires internationaux, qui peuvent être soumis à des cadres légaux différents, il apparaît nécessaire de prévoir dans un document-cadre les difficultés potentielles à cette gestion des données, idéalement dès le tout début du projet.
Je n’arrive pas à me résoudre à fermer l’onglet de mon navigateur qui affiche cette page web:, alors je le balance ici pour ne pas le perdre: IEML: The Information Economy MetaLanguage. Un markup language adapté pour les besoins de l’économie numérique c’est bien, un format ouvert développé par un canadien, c’est beaucoup mieux ! À explorer…
1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.
Sujet posé: La complexité autour des enjeux juridiques du livre numérique découle de l’imbrication de divers ordres juridiques, tant publics que privés, de la mondialisation des pratiques artistiques, culturelles, créatives et de la communication ainsi que l’éclatement des formes médiales. Examinons les aspects légaux comme point focal.
1. Le droit d’auteur
Débuts britanniques du copyright au 18e siècle: Statute of Ann (livre, 1710) et l’Acte d’Hogarth (gravure, 1734). Le droit d’auteur Français et la piraterie américaine au 19e siècle. La codification internationale des nouvelles formes médiales depuis… Internet n’est qu’un écho d’une histoire bien connue du droit d’auteur !
1.1 Le droit économique: la propriété et les contrats
art 3, https://canlii.ca/t/ckj9#art3: protection de l’oeuvre. Produire, reproduire, publier, exécuter en public l’entièreté ou une partie substantielle de la forme exprimée. En 2012, le législateur édicte la «mise à disposition par Internet» comme une méthode d’exécution en public.
art. 6, https://canlii.ca/t/ckj9#art6: durée du droit d’auteur. 50 ans après la mort de la créatrice (bientôt 70 ans). Après, l’utilisation n’est plus restreinte par le droit d’auteur et l’oeuvre est dans le domaine public.
art 13, https://canlii.ca/t/ckj9#art13: possession, cessions et licences. Certaines dispositions sont édictées comme point de départ, mais le droit d’auteur est agnostique quant à la teneur des contrats.
1.2 Le droit moral et artistique
art 14.1(2) https://canlii.ca/t/ckj9#art14.1: Les droits moraux sont incessibles; ils sont toutefois susceptibles de renonciation, en tout ou en partie. Encore les contrats!
Les limitations édictent une utilisation sans autorisation mais rémunérée. Les Société de gestion collectives (SGC) sont les organisations appelées à gérer les droits sur un corpus homogène d’oeuvres pour une communauté donnée. Copibec gère la réprographie au Québec. Dans l’industrie, on parle des «petits droits» pour ceux gérées par les SGC.
1.4 Exclusions au régime du droit d’auteur
Le droit d’auteur protège les oeuvres originales et fixées. Les faits (données) ne sont pas originales à moins que la sélection et l’arrangement de ceux-ci découle du talent, jugement et de l’effort. Une recette n’est pas protégée, à moins de se qualifier comme originale dans la forme qu’elle est exprimée. Les idées ne sont pas protégées par droit d’auteur.
Certaines formes d’expression artistiques glissent hors de la structure édictée par le droit d’auteur. La danse peut difficilement être fixée (filmer une chorégraphie protège la vidéo produite, pas la danse elle-même). Pour les artistes-interprètes musicaux, une forme de «droit voisin» est édicté. La mode est généralement exclue du droit d’auteur au Canada.
L’expiration du droit d’auteur après le délai de protection, l’oeuvre atteint le domaine public.
2. Règlementation des régimes privés
La Loi constitutionnelle de 1867 édicte la séparation des pouvoirs entre le fédéral et les provinces du Canada. Le Québec détient ainsi la compétence constitutionnelle dans les domaine du droit civil, donc les contrats. C’est par ce vecteur que le législateur québécois va réglementer divers relations contractuelles dans la chaîne de «diffusion du livre» de l’écrivaine à la lectrice, en passant par les éditeurs, les librairies et, bien sûr, les bibliothèques. Le livre numérique n’y est pas encore présent.
Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre, RLRQ c D-8.1, https://canlii.ca/t/6cwk8 consulté le 2022-05-30 : Vente de livre aux collectivités, sauf les universités
Loi sur la bibliothèque et archives nationales du Québec, RLRQ c B-1.2, https://canlii.ca/t/6d5kq consulté le 2022-05-30 : Dépôt légal
Hier, nous étions une demi-douzaine de participantes à l’événement hebdomadaire «Éloge de la culture libre. Causer» dont le thème était les biais algorithmiques. Lors de ces causeries, Marjolaine Poirier et moi convions la communauté des arts, de la culture et du numérique à Ma Brasserie pour échanger et débattre du thème sur lequel nous travaillons pour notre livre.
Nous avons débuté en expliquant ce qu’est un algorithme. Ce n’est pas très compliqué : à chaque fois que vous rencontrez ce mot, pensez à «recettes de cuisine» ou à «procédure» – ce raccourci est bancal mais intéressant. Ensuite, nous avons exploré certains algorithmes qui tempèrent nos vies, surtout ceux qui filtrent nos réseaux sociaux ou les résultats de recherche. Ils ne sont pas entièrement à notre service, les corporations qui les façonnent n’ont pas entièrement le bien être de la société en tête. La conversation a naturellement migré vers les biais algorithmiques. Nous avons retenu la définition de Cathy O’Neil des biais algorithmiques. Pour ce faire, nous avons exploré plusieurs concepts qui gravitent dans cet univers, dont les chambres d’écho, les billes de filtres et l’espace public. Ce dernier concept a suscité beaucoup d’échanges : s’agit-t-il d’un tout cohérent, un peu comme le conçoit Habermas, ou sommes-nous dans un fractionnement tout aussi irréconciliable qu’incommensurable? (personnellement, je suis du second avis)
En ce qui me concerne, un exemple de biais algorithmique peut survenir à l’Université. Comme bibliothécaire, j’ai l’habitude de concevoir les disciplines académiques comme représentant des algorithme. Chacune a ses chantiers, ses corpus, ses méthodes, ses formats de sortie… c’est notamment le cas en économie : il est possible de moduler son étude en fonction des outils intellectuels sélectionnés. Il est presque impossible pour un profane de critiquer et encore moins de correctement synthétiser des résultats…
Nous avons aussi abordé plusieurs aspects de la co-écriture d’un livre, notamment les outils et les dynamiques de travail. Marjolaine et moi « tissons » chaque phrase, débattons de concepts et puisons dans nos expériences et lectures pour articuler notre vision de la culture libre.
Les prochaines séances sont déjà prévues, au même endroit (Ma Brasserie), les mardis soirs. Le 29 mars prochain, nous traiterons du thème «Barbares numériques, tous artistes» puis le 5 avril, «Métadonnées féministes» – au plaisir de vous y croiser !
Nous remercions chaleureusement l’équipe du projet-partenariat Littérature Québécoise Mobile et, surtout, de la contribution du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.
Comme je l’ai déjà expliqué il y a quelques semaines, je travaille en étroite collaboration avec Marjolaine Poirier pour transformer ce carnet (et ma thèse de doctorat, entre autres!) en essai. Nous avons articulé notre plan autour d’une matrice conceptuelle articulée autour de quatre concepts important, les règles, les oeuvres (objets), les sujets et les interactions. Voici une représentation de cette «matrice des matières» où chaque cellule est un chapitre distinct.
Vous pouvez constater que nous avons fait évoluer certains chapitres, ce qui est normal étant donné l’ampleur de la tâche et les discussions que nous avons…
Question théorique pour vous titiller l’esprit ce mercredi matin: est-ce que toutes les oeuvres protégées par le droit d’auteur sont aussi des documents? Contexte: Marjolaine Poirier et moi travaillons sur un livre sur les enjeux juridiques du numérique et nous confrontons différents cadres juridiques, notamment la Loi sur le droit d’auteur (fédéral) où il est question d’oeuvres et la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (provinciale) où sont définis les documents. Nous avons convenu que toutes les oeuvres sont des documents mais certains documents ne sont pas des oeuvres (notamment: les compilations exhaustives de faits sont des documents mais pas des oeuvres).
Le but est de trouver des points de rupture et d’encrage entre les concepts des mondes numériques et culturels… En passant, une oeuvre doit être fixée et originale tandis qu’un document est constitué d’information portée par un support. La fixation est présente dans les deux cas, c’est la notion d’originalité dans le droit d’auteur qui crée la distinction… Débat? 🤓
L’environnement numérique, par sa nature hétérodoxe, rime avec paradoxe. D’une part, le numérique offre un accès à des communautés et des outils toujours plus étendus ou innovants. De l’autre, la nature fluctuante des systèmes, des codes et des plateformes, sans oublier le rythme effréné des développements, en brusquent et rebutent plus d’un. Le numérique redéfinit les relations entre les individus, peu importe leur rôle dans la chaîne de la création, de la diffusion ou du patrimoine, des pratiques ainsi que la nature et la valeur des œuvres artistiques, culturelles ou créatives. Pris dans l’étau de l’innovation, du sac et du ressac des modes, et du contexte mondialisé qui laisse en plan nos pratiques locales, il est normal qu’il soit difficile d’y trouver son compte. À juste titre, ce paradoxe numérique devient le théâtre de moult questionnements et chamboulements. Ceux qui nous concernent sont les enjeux juridiques mis en lumière par le contexte particulier de l’environnement numérique surtout en ce qui concerne la mise à disposition d’œuvres sur divers réseaux ou plateformes, dont Internet.
Le chantier sur le droit d’auteur est une méthode qui vise à outiller une communauté pour réfléchir aux contextes juridiques du numérique. Le chantier sur le droit d’auteur comporte deux volets. D’une part, le cadre de gouvernance vise à développer des outils pour la saine gestion des enjeux juridiques, tels que des comités et des politiques internes ainsi que les rôles et responsabilités de chacun. D’autre part, le volet des métadonnées juridiques propose de bâtir un nouveau langage documentaire qui représente les droits et modalités d’utilisation d’objets numériques.
L’objectif sous-jacent du chantier est de documenter les pratiques pour appuyer les opérations et de bonifier le catalogue de l’institution, afin d’optimiser la mobilisation et la découvrabilité des oeuvres. Le chantier repose sur une redéfinition du cycle de vie des oeuvres, de la création à la préservation, en passant par la diffusion, pour les communautés desservies par l’organisation. La réalisation du chantier nécessite la confection, avec les équipes des partenaires concernés, d’un inventaire des objets et collections à prioriser. Cet inventaire se conjugue aux divers contextes d’utilisation dans les cycles de vie. Il en résulte une matrice qui met en relief les oeuvres et leurs mobilisations. Il est nécessaire d’organiser les travaux des équipes provenant des partenaires et de documenter l’exécution du mandat. Suite au chantier, les partenaires auront une méthode pour effectuer une certification juridique des activités souhaitées, notamment en lien avec le droit d’auteur et la gestion des renseignement personnels. Il se peut qu’un avis juridique soit nécessaire selon les circonstances du projet.
Pour les documents produits, j’ai une préférence pour une cession de droit d’auteur au profit de l’organisation, en contrepartie que ceux-ci soient diffusées et archivées dans Internet sous une licence Creative Commons Attribution Non-Commercial Share-Alike (CC-BY-NC-SA).
Sujet divisé: Qui est Elinor Ostrom, La tragédie des communs de Harding (1968). Le modèle IAD de 2012 pour saisir les éléments des plateformes. Une plateforme vise un échange. Les médias sociaux que nous connaissons résultent lorsque les prix des droits subjectifs (droit à l’image, renseignements personnels) > droits objectifs (droit de propriété sur les objets échangés). Ainsi, les droits subjectifs ainsi moissonnées par des contrats types des plateformes génèrent une forte plus value pour l’entité qui la gère: effets réseaux des agents s’y connectant, masse de contenu et de données qui s’accumulent naturellement
J’ai pris soin d’explorer l’excellent outil Framindmap et j’ai découvert des fonctionnalités de diffusion. Cliquez sur le lien pour visiter la cartographie en temps réel:
Pour se qualifier au droit d’auteur, une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique doivent être fixées et originales
Les régimes juridiques édictés par les législateurs, aussi important soient-ils pour bâtir des droits de propriété intellectuelles ou encadrer l’exercice de droits civils dans les domaines culturels, ne racontent pas toute l’histoire qui nous concerne. Plus souvent qu’autrement, ces régimes élaborent des règles qui articulent des catégories de droits relativement précises tout en étant silencieux quant aux meilleures stratégies pour les mobiliser. Dans la pratique, les échanges entre les acteurs économiques et les agents sociaux peuvent aussi faire émerger des situations préjudiciables tout en étant légitimes ou licites. Un exemple éloquent de ce silence concerne la reproduction de matériel protégé par le droit d’auteur dans les universités.
Les régimes juridiques applicables à l’environnement numérique édictent des droits de propriété ou des droits civils où les législateurs interdisent certains usages ou pratiques afin d’atteindre un objectif de bien commun.
Sujet posé: Explorer les distinctions entre « avoir le droit » et « posséder un droit » : ce que l’on peut empêcher les autres de faire par contrat. Continuum de l’interdiction, avec nos excuses pour Hohfeld: “privilege, claim, power, and immunity”
Sujet divisé: Explorer la frontière entre (1) le droit de propriété et (2) les exceptions. par les (3) jugements de la cour suprême. Conclure avec l’importance des contrats et surtout – du consentement – pour le numérique, on peut y mélanger les configurations des régimes d’interdiction.
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(1) Emphase sur LDA art. (3 + 13) LDA + [Grands droits, petits droits]Celle-ci devient nécessaire dès lors que l’on comprends le rôle de la propriété intellectuelle dans l’univers juridique culturel : le droit d’auteur édicte un régime de droits que l’on mobilise par diverses mesures contractuelles.
(2) exceptions: malvoyants 32.2, user generated content, utilisation équitable.
(3) de petit champlain à York/Access, Laval/Copibec
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Les contrats ! Conventions collectives, licences libres, gestion collective, conditions d’utilisation des plateformes…
Si le droit introduit des régimes d’interdiction, les pratiques économiques et sociales entre les agents cristallisent les actifs numériques en objets de propriété immatérielle qui naviguent entre divers agents d’un marché par le biais de contrats ou licences. Il faut distinguer ces régimes privés des régimes d’interdiction édictées par des lois afin de pour observer les enjeux juridiques avec des outils conceptuels assez fin pour déceler les subtilités pertinentes à notre analyse. L’exclusion est donc le thème du prochain chapitre.