Archives
Ces pages furent créées dans le passé et je ne veux ni les diffuser, ni les effacer.
Bibliothécaire États-Unis Fair use Universités
Pour un code du «fair use» académique
Olivier Charbonneau 2013-08-20
L’association des bibliothèques académiques aux USA a lancé ce pictogramme décrivant le code volontaire des bibliothèques universitaires par rapport au Fair Use (Code of Best Practices in Fair Use for Academic and Research Libraries )
Au Québec, les bibliothèques universitaires dépensent plus de 60 millions de dollars pour leurs ressources documentaires (en 2009-2010 selon ce qui reste de la CRÉPUQ).
Conférence Livre et édition Montréal
Retour de BookCampMtl le 8 novembre
Olivier Charbonneau 2013-08-20
Le thème de la journée du Book Camp Mtl sera À livres ouverts et aura lieu le 8 novembre 2013 – À ne pas manquer ! Plus, ici: http://bookcampmtl.org/
Commerce et Compagnies Diversité culturelle Livre et édition Québec
Ceci n'est pas un prix unique
Olivier Charbonneau 2013-08-20
Depuis le début de mon blogue, je suis fier d’appliquer une stricte politique du prix unique : zéro. Ainsi, je peux efficacement gérer la diffusion de mes écrits dans les chaînes de diffusions numériques, je laisse tout un chacun me piller librement, au grand plaisir de mon égo lorsque je compile mes statistiques.
Blague à part, il y a au Québec depuis hier des audiences de la Commission de la culture et de l’éducation autour du document intitulé : « Document de consultation sur la réglementation du prix de vente au public des livres neufs imprimés et numériques »
Il y eu un branle-bas similaire il y a une dizaine d’années…
Voir aussi les textes du Devoir et spécifiquement celui de ce matin sous la plume de Frédérique Doyon. À la lecture de ce dernier texte, on croirait que la seule issue pour les librairies est le prix unique – sans quoi, c’est la ruine, peu importe les efforts.
De toutes évidences, on ne peut être que pour ou contre… comme cela se doit aujourd’hui dans le monde de Facebook (on aime ou on aime pas). Constatez cet échange entre Mario Asselin et Clément Laberge sur le blogue du premier. Et sur celui du second, voir ce billet qui pointe vers plusieurs réflexions pertinentes.
Personnellement, je me dégage de ce débat. Pas le temps, j’écris ma thèse (sérieusement). Mais je vais me permettre ces petites réflexions (quand même… je ne peux m’en empêcher).
Si je me souviens mes cours d’économie, si on augmente le prix d’un bien, la demande va diminuer, l’offre et la demande entretenant un lien inversé. Ceci dit, je suis bien conscient de l’intérêt que porte la science économique moderne vers d’autres outils d’analyse, comme l’analyse des transactions et l’école néo-institutionnelle (l’analyse de l’offre et de la demande découle de la doxa néo-classique de l’École de Chicago). J’en parlais justement récemment…
Comme disait Ronald Coase (maître intellectuel de l’école transactionnelle) « If you torture the data enough, nature will always confess » (traduction libre: si vous torturez assez les données, la nature donne toujours une confession). C’est pour dire que selon la conceptualisation d’un problème ainsi que l’outil méthodologique appliqué, on peut diriger les résultats en notre faveur. Il convient donc toujours se demander si l’analyse appliquée aux fait évoqués permet de prendre une mesure normative appropriée.
Je suis ni pour, ni contre la mesure proposée (prix fixe dans tous canal de distribution pour 9 mois avec remise maximale de 10% en cette période). En fait, je suis indifférent. Cette indifférence découle de mon doute (dans le sens scientifique du terme) quant à l’impact de la mesure sur la vitalité à long terme des librairies indépendantes. J’aimerai bien plonger dans les données et la littérature de la question pour valider ces perspectives…. je n’ai pas le temps, voici un remue-méninges rapide de ce que je trouverai probablement:
Est-ce que l’imposition de structures de diffusion (variable indépendante) occasionnera une santé financière durable aux librairies indépendantes (variable dépendante) ?
L’école néolibérale aurait tendance à dire NON car, comme j’ai évoqué plus haut, si on augmente le prix d’un bien, la demande va diminuer.
L’école transactionnelle douterai sérieusement de la prémisse de départ mais, après un certain moment de réflexion, se demanderai pourquoi les éditeurs ne peuvent pas atteindre un résultat analogue par des contrats.
L’école néo-institutionnelle (celle que j’aime) ouvrirait l’analyse pour incorporer un modèle plus sociologique, plus ouvert. Dans ce contexte, il serait question de relation de pouvoir entre les auteurs, éditeurs, diffuseurs et librairies. On évaluerait les habitudes d’achat des consommateurs et l’offre commerciale émergente. On aurait un fun noir, mais l’étude ne serait pas concluante d’une manière significative… il faudrait s’en remettre à un comité qui proposerai une mesure semi-bancale comme… le prix unique du livre.
Je me questionne aussi de l’effet de la thèse shumpéterienne de la destruction créatrice inhérente du capitalisme et son effet positif sur l’innovation…. mais là, je ne me ferai pas d’amis…
Il faut dire que je suis très d’accord d’imposer le prix unique du livre aux bibliothèques relevant de l’État (sauf les universités, qui doivent êtres libres dans leurs approvisionnements – après 10 ans comme bibliothécaire dans une université, je sais que les livres que j’achète pour mon institution ne sont simplement pas en librairie locale). Cette mesure est en place depuis 1981 et l’effet stabilisateur est bien recensé et accepté. Voir, inter alia, ce chapitre d’une étude de 2008 du gouvernement fédéral: La distribution de livres et la Loi 51 au Québec. Vivement le plan Vaugeois !
En bout de ligne, je souhaite plein de succès à tous ceux et celles qui s’engagent dans cette belle aventure. Je vous laissent avec une citation de Hesse, que je venais juste d’inclure dans ma thèse et qui m’a fait penser à la question du prix unique du livre :
« Those legal thinkers who sided with the objectivist position of Condorcet elaborated the utilitarian doctrine that there was no natural property in ideas, and that granding exclusive legal rignts to individuals for unique forms of their expression could only be justified because such an arrangement was the best legal mechanism for encouraging the production and transmission of new ideas, a manifest public good. Conversly, those who sided with Locke, Young, Diderot, Fichte, and the subjectivist camp argued that there was a natural rignt to perpetual property in ideas and that legal recognition of that right was simply the confirmation in a statute of a universal natural right. »
CARLA HESSE, «The rise of intellectual property, 700 B.C.—A.D. 2000: an idea in the balance», (2002) 131 Daedalus , p.36
Plus ça change, plus c’est pareil !
LLD
Entrée dans la matière
Olivier Charbonneau 2013-08-19
Ce qui suit est un exercice d’écriture afin de me réchauffer l’esprit… ce n’est pas nécessairement vrai, juste une réflexion spontanée pour entamer une longue journée d’écriture. N’oubliez pas que ceci est un carnet de recherche. Si vous désirez de la prose académique avec notes de bas de page et tout le tralàlà, il va falloir attendre ma thèse 😉
Tiens, ça faisait longtemps que je n’avais pas parlé d’épistémologie juridique… rien de mieux pour un lundi matin ensoleillé !
Plusieurs approches épistémologiques offrent une richesse inestimable au juriste. Du point de ontologique, notons principalement la théorie jusnaturaliste, le positivisme et les autres approches émergentes.
Jusnaturalisme
Le jusnaturalisme (ou droit naturel) réfère au caractère fondamental de la nature humaine et sa manifestation dans le droit. Il est donc question de droits humains, de dignité, de libertés fondamentales et d’autres principes que l’on enchâsse dans nos grandes Chartes et autres constitutions. Il s’agit d’une théorie qui trace ses racines dans la théologie et ou le rôle du divin dans l’élaboration des normes humaines. Ensuite, les lumières ont proposés, inter alia, l’humanisme comme source de normativité.
Je n’aime pas cette approche pour une raison bien simple : quoi que le jusnaturalisme pose juridiquement ce qui est fondamental dans notre société, cette théorie ne permet pas d’attaquer des problèmes complexes où deux droits naturels sont en cause. Par exemple, prenons la question des accommodements raisonnables. Il serait injuste de résumer le débat entre le droit à la religion et le droit des femmes, mais il s’agit d’un conflit normatif à laquelle le jusnaturalisme a de la difficulté à répondre.
Dit autrement, il est clair par le jusnaturalisme de voir ce qui prime entre deux règles si l’une est naturelle et l’autre ne l’est pas. Par contre, comment résoudre un conflit internormatif où deux droits fondamentaux sont en jeu ?
Le droit d’auteur implique ce genre de situation. À titre d’exemple, je cite l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme :
Article 27
1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.
Ne s’agit-il pas d’un beau résumé de la tension dialectique entre les intérêts des créateurs, de l’industrie et de la société ? (aussi, je viens de trouver, dans le premier alinéa de cet article, une autre source du titre de mon blogue « culturelibre » qui, à l’origine, faisait une référence semi-cachée à l’oeuvre de Lawrence Lessig). Je n’ai pas trouvé les outils conceptuels nécessaires dans le jusnaturalisme pour approcher ma problématique (qui, à l’instar du commentaire précédent, il faut préciser que ma thèse doctorale porte sur les thèmes du second alinéa de cet article – pour avoir une approche balancée).
Positivisme
Le positivisme s’oriente vers le droit tel qu’il est. Austin parle de commandement et de sanctions. Kelsen invoque une hiérarchie des normes où l’État est le centre d’un ordre juridique fermé. Hart et Dworkin se chicanent sur la teneur de la loi, à quel point il faut admettre «l’humain» dans l’équation (Hart est plus fermé, Dworkin moins). D’autres ont suivi dans ces traces. Il va sans dire que ces approches sont descriptives et plutôt applicables aux situation sociales stables mais complexes.
Pensez-vous que l’arène du droit d’auteur en est ainsi ?
Approches émergentes
L’approche de la sociologie du droit m’attire grandement : Luhmann et son explication du système social du droit; Guy Rocher et son ordre juridique à saveur sociale ; Ost et Van de Kerchove et leur analyse systémique ; Belley et les contrats. Ces approches retrouvent des échos dans les critical legal studies il y a près d’un siècle aux USA.
Je trouve ces approches
LLD
À l'intersection du droit, de l'économie et du numérique
Olivier Charbonneau 2013-08-15
Je me suis déjà excusé sur ce blogue, au moment où mes obligations familiales et académiques me poussaient à modifier la cadence de ce carnet. Et bien, serait-il pertinent de préciser que je vais parler beaucoup d’économie pour les prochaines semaines ? En effet, je suis en pleine écriture de ma thèse et j’explore à fond ce que je nomme l’analyse bibliothéconomique du droit d’auteur ou AbEDa.
En premier lieu, il faut préciser que l’analyse économique du droit (ou AED) est une méthodologie juridique acceptée dans plusieurs domaines. Le lien que je vous propose mène vers la page de l’excellent livre des profs Ejan Mackaay et Stéphane Rousseau de l’Université de Montréal, une introduction excellente à la question (voir aussi sa bibliographie francophone, disponible sur ce site). Ainsi, je vise m’approprier ces outils conceptuels afin de l’appliquer au droit d’auteur dans un contexte bibliothéconomique – d’où l’ajout de minuscules à l’acronyme AED.
Ensuite, je tiens à confirmer que je ne vise pas appliquer la doxa econmique néo-classique ou de l’école de Chicago aux bibliothèques. Selon moi, cette approche constitue un impératif intellectuel qui pose préjudice à la validité d’une étude économique. Cela implique deux choses: (1) la doxa néo-classique de l’École de Chicago ne s’applique pas à toutes les situations et (2) il faut comprendre le rôle des autres écoles de pensées en économie afin de réellement apprécier cette science.
Pour tout dire, je vise à m’approprier l’outil économique afin de travailler sur le chantier des bibliothèques – des institutions citoyennes au profit de tous. Il ne s’agit pas d’une mince affaire car je me sens à contre-courant du milieu des bibliothèques (un jour, quand je serai vieux et oublié, je vous conterai l’histoire de mes conversations de coulisses de conférences avec des collègues au sujet de l’approche économique pour les bibliothèques) mais aussi, de l’économie (si seulement la gauche-intellectuelle savait manier les outils économiques, on serait déjà ailleurs dans ce bas monde).
Comme toute aventure académique, il faut savoir repérer les bons auteurs pour guider nos explorations intellectuelles. Pour ma part, j’ai touché de l’or en tombant sur les textes de Niva Elkin-Koren et Eli M. Salzberger. (avant de poursuivre, je tiens aussi à souligner les textes de Ostrom ainsi que Shapiro et Varian – j’y reviendrai un jour). Malgré le coût prohibitif de ces textes, je les recommande chaudement.
Elkin-Koren, Niva, Eli M. Salzberger, 2004, Law, Economics And Cyberspace: The Effects of Cyberspace on the Economic Analysis of Law, Edward Elgar
Elkin-Koren, Niva, Eli M. SalzbergerLaw, 2013, The Law and Economics of Intellectual Property in the Digital Age: The Limits of Analysis, Routledge
Law, Economics And Cyberspace 2004
Dans le texte de 2004, les auteurs explorent la théorie économique de l’État dans un contexte de cyberespace – cet espace-temps émergent qui sait tant casser les pieds aux juristes. Et justement, les auteurs passent en revue les différentes écoles économiques afin d’en proposer un sommaire, puis d’exposer les failles paradigmatiques de chacune. Ils identifie trois «générations» économiques: la néo-classique ou École de Chicago ; l’analyse transactionnelle ; et les néo-institutionnels. Cette dernière école est «émergente» dans l’univers économique et est la préférée des auteurs pour étudier le numérique.
Les auteurs évoquent les changements de paradigmes que suscitent l’apparition du cyberespace et proposent des pistes de réflexion pour les explorer. Ainsi, leur texte s’avère une brève introduction aux théories économiques en lien avec le numérique. Parfait pour jeter des bases solides ! Les auteurs divisent leur texte en trois sections, le premier sur introduction au cyberespace, le second pour les deux premières «générations» économiques et la dernière sur la «génération» néo-institutionnelle.
Les tenants de la «génération» néo-classiques / École de Chicago emploient généralement outils de l’offre et de la demande, soit l’économie de marché traditionnelle. Les auteurs retiennent quatre thèmes problématiques, proposant un chapitre chaque : l’émergence de monopoles ; les biens publics ; l’information imparfaite ; et les externalités. Tous ces thèmes mènent généralement à des défaillances de marché et nécessitent une intervention extérieure au marché, lire ici, l’intervention de l’État par une règlementation desdits marchés.
Cette école vise à maximiser l’utilité des biens par les marchés et, à défaut de pouvoir la mesurer convenablement, se base sur la maximisation de la richesse (wealth).
Ensuite, il est question de la «génération» de l’analyse transactionnelle, qui explore le concept de «coût de transaction» dans les dynamiques du marché. Il s’agit ici des travaux jetés par Coase et explorant en particulier les problèmes d’externalités. Puisque cette approche intellectuelle en économie est plus récente, elle ne mérite qu’un seul chapitre.
Finalement, la «génération» née-institutionnelle en économie offre un cadre théorique plus souple et incorpore plus de complexité sociale dans l’exploration économique:
The traditional models also view as exogenous other crucial factors, like the existence of states, the borders between them, their central governments, and their enforcement powers. […]
Neo-Institutional law and economics regard institutional structures as endogenous variables within the analysis of law » (p. 111)
Pour une exploration plus en détail des théories néo-institutionnelles, les auteurs nous réfèrent à :
Call Number |
K 487 E3M468 2006 |
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Edition |
2nd ed |
Publisher |
Princeton, N.J. : Princeton University Press, c2006 |
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L’exploration du thème néo-institutionnel mène les auteurs à explorer le code informatique comme outil de règlementation, l’émergence de la production par les pairs de Benkler et une critique du triumvirat État-firme-individu en économie.
Il va sans dire que je peux qualifier mon approche de néo-institutionnelle et ouvre la porte de l’analyse bibliothéconomique du droit d’auteur !
The Law and Economics of Intellectual Property in the Digital Age: The Limits of Analysis 2013
Pour le second texte, les auteurs plongent plus profondément dans les questions numériques épineuses et explorent la propriété intellectuelle, spécifiquement le droit d’auteur et les brevets. Ils retiennent une distinction épistémologique de l’économie pour structurer leur travail : soit l’approche normative, soit l’approche positiviste (attention, nous sommes dans le champ conceptuel de l’économie – à ne pas confondre avec le sens donné à ces mots par les juristes).
Suite à une première partie introductive sur les questions de l’analyse économique du droit (premier chapitre) et de la propriété intellectuelle (2e chapitre), les auteurs plongent dans une exploration normative. Dans le contexte économique, une exploration normative tente de déterminer le meilleure régime juridique selon diverses théories économiques. Ainsi, les auteurs recensent l’argument central des motivations (incentives) en propriété intellectuelle, qui vise l’efficacité économique par une maximisation de la richesse (wealth), donc suivant une analyse néo-classique. Ensuite, les auteurs invoque l’argument de la propriété découlant du droit naturel du créateur visant à répondre à la tragédie des commons de Hardin (1968).
Puis, les auteurs proposent deux phénomènes émergents dans leur troisième section, la contractualisation de la propriété intellectuelle (private ordering) et la gouvernance par la technologie, soit les mesures de protection technologiques (DRM). L’objectif est, de toute évidence, proposer des cas où l’intervention de l’État est contournée par les agents du marché de biens d’information.
En dernier lieu, les auteurs visent une analyse positive en économie, soit une explication de phénomènes sociaux ou juridiques en termes économiques.
Conférence LLD
De l'économie de la piraterie
Olivier Charbonneau 2013-08-15
Imaginez la scène. Vous n’êtes pas à votre première présentation devant public, vous avez déjà partagé la scène avec deux bibliothécaires nationaux devant un parquet de près de mille personnes, mais cette fois c’est différent. Vous ne parlez pas devant un public de collègues d’un sujet que vous maitrisez. Il s’agit d’un groupe sélect d’experts internationaux dans un sujet pointu que vous tentez d’appréhender. Seriez-vous nerveux de présenter le fond de votre pensée ?
Alors, lorsqu’un de ces collègues, surtout celui qui a présenté la conférence plénière, vous approche pour discuter, vous écoutez (traduit de l’américain de ce moment gravé dans ma mémoire).
– Pourquoi n’explorez-vous pas les textes traitant de l’économie de la piraterie dans votre exploration de la bibliothéconomie ?
Malaise nerveux du jeune doctorant qui est quand même un bibliothécaire.
– Je trouve malcommode de lier les services de bibliothèques et la piraterie…
– Dommage, de répondre le vénérable prof d’économie arborant un sage sourire, vous seriez agréablement surpris des réflexions que Leibowitz et moi avons exploré au cours des années 1970 concernant l’appropriation in directe (ou de l’anglais « indirect appropriability« )
Waldman souriait car il savait que ces mots étaient maintenant gravés dans ma mémoire. Je les aient transcrits dès que j’ai eu accès à un papier et un crayon. Une seconde plus tard, j’étais sur Google. Stan Leibowitz est prof en économie à Dallas au Texas. À visiter, sa page sur l’économie des biens d’information et surtout, sa liste de lectures.
Liebowitz, S.J. (1985), “Copying and Indirect Appropriability: Photocopying of Journals,” Journal of Political Economy, 93, pp. 945-957.
Merci prof. Wladman pour ces quelques mots!
Bibliothèques Canada Commerce et Compagnies Droit d'auteur LLD Utilisation équitable
Analyse de contrats de licence
Olivier Charbonneau 2013-08-13
Savez-vous ce qui motive un père de deux jeunes enfants, propriétaire d’une vieille maison, employé à temps plein à se lancer dans des études doctorales ? Une intuition. Une simple, bête, intuition que la réalité telle qu’est est décrite et vécue dans notre Belle Province (et ailleurs) ne reflète pas la réalité objective, scientifique.
Le plus troublant est de constater que cette réalité-perçue est enchassée dans la Loi sur le droit d’auteur et les politiques culturelles. C’est pourquoi je me suis lancé dans une folle aventure qui dure depuis près de 10 ans : celle d’explorer l’interaction entre le droit d’auteur et les bibliothèques. J’ai dû me tourner vers des études en droit, pas de choix, c’est mon chantier.
Dans un côté : les bibliothèques, institutions anciennes et multiformes, dispersées mais coordonnées vers un but commun. De l’autre : le droit d’auteur, régime juridique d’interdiction général en lien avec le marché des biens de l’esprit et de la volonté des créateurs. Le tout dans un environnement en constante mutation où diverses autres animaux interagissent, entrent et sortent, émergent et meurent…
Et cette intuition, alors ? Simple. La doxa en cours veut que « plus » de droit d’auteur est absolument nécessaire à la survie de la culture. Un droit d’auteur plus long. Plus restrictif. Applicable à plus d’objets, de contextes et de personnes. Plus de contrôle. Plus de coûts. Plus… surtout suite aux mutations numériques.
Mais mon intuition appelle à revisiter cette doxa. L’expliquer, la conceptualiser, la déconstruire, la mesurer… susciter la réflexion et comprendre comment « plus » de droit d’auteur peut mener à « trop » et nuire à la culture.
Oui, oui, je sais. Je ne suis pas le seul à le dire. Heureusement, les cours Canadiennes, surtout la Cour suprême, semble piger l’astuce. Plusieurs chercheurs aussi. Mais mon message est simple: le droit d’auteur est important, primordial même, à défaut d’un mécanisme plus efficace dans nos économies capitalistes postmodernes…
Mais la question persiste en moi. Si le droit d’auteur doit exister à l’intérieur d’un équilibre entre les intérêts variés (créateurs-industrie-utilisateurs, ou le tango à trois, par exemple), où peut-on situer pivot?
Plus précisément, quelle est la frontière entre le recours aux exceptions (comme l’utilisation équitable ou les autres exceptions plus précises) et le recours aux dispositions contractuelles (les limitations via les sociétés de gestion collectives ou les concessions – licences et contrats – avec le titulaire) ? En plus, quel est le rôle des bibliothèques dans cette équation ? Comment appréhender cette conceptualisation dans un contexte de mutations numériques ?
Hé bien, bibi fait un doc par ce qu’il fait s’occuper quand son esprit tourne la nuit au lieu de dormir…
À priori, mon approche se situe en économie. Parce que ça prends un outil et celui de prédilection dans les arènes internationales (outre un recours véreux aux émotions, la peur et l’ignorance) dans notre ère repose dans les Dollars, les Euros et les Yens. Parce que les bibliothécaires sont majoritairement nuls en économie (sauf exception). Parce que j’aime ça l’économie. Et parce que j’ai l’impression que ça va marcher, mon truc..
Tiens, par exemple, en économie on étudie les transactions. On étudie autre chose aussi, mais leur truc c’est ça: les transactions. Alors, je pense aux transactions et comment un bibliothécaire moyen se réveille un matin et ce dit : « ce matin, je vais invoquer une exception au droit d’auteur pour utiliser une oeuvre protégée mais juste avant mon lunch. En après-midi, je vais avoir recours à une licence. » Un choix lourd pour le bibliothécaire moyen qui peut éventuellement avoir des incidences importantes pour les marchés si tous les bibliothécaires opèrent le même choix en même temps…
(Tiens, saviez-vous que les bibliothèques au Canada représentent un marché (« dépenses totales brutes » des gouvernements provinciaux et municipaux) de plus de 3 milliards de dollars Canadiens selon StatCan (p. 4)?)
Or donc, mon intuition découle d’une réflexion bien simple sur les transactions. Comme j’ai tenté d’expliqué lors du congrès de la Society for Economic Research on Copyright Issues (SERCI) , si le coût marginal de reproduction d’une oeuvre numérique est presque zéro, une bibliothèque opérant une politique découlant d’une exception au droit d’auteur ne pourra jamais concurrencer un titulaire légitime car les coûts d’exploitation ne sont pas de zéro. Puisque le coût dans un marché purement compétitif (où, par définition, coût marginal de production est égal au prix offert pour une commodité) sera toujours plus intéressant que le coût d’une politique en lien avec une exception, le bibliothécaire opérera le marché plutôt que la politique.
Si cette intuition s’avère vraie, un législateur aura intérêt à édicter une Loi sur le droit d’auteur aussi restrictive que voulue du moment que les bibliothèques disposent de suffisamment d’exceptions pour « contrôler » les marchés grâce aux recours aux exceptions.
C’est simple et imparfait, mais suffisamment pertinent pour mériter l’attention d’un doctorant…
Donc, je compte m’en sortir en explorant les clauses de contrat de licence signes par les bibliothèques universitaires Canadiennes afin de proposer un modèle d’un marché très particulier, celui de l’article scientifique revu par les pairs. En effet, je propose de m’attarder aux clauses contractuelles desdits licences d’accès signées entre les éditeurs scientifiques (et autres organisations) et les bibliothèques universitaires canadiennes.
Il existe certaines études pertinentes dans le domaine des licences d’accès en bibliothèques. Voici deux textes où ont participé Kristin R. Eschenfelder et Xiaohua Zhu :
– Kristin R. Eschenfelder, Tien-I Tsai, Xiaohua Zhu and Brenton Stewart. 2013 « How Institutionalized Are Model License Use Terms? An Analysis of E-Journal License Use Rights Clauses from 2000 to 2009 » College & Research Libraries vol. 74 no. 4 326-355
– Xiaohua Zhu and Kristin R. Eschenfelder 2010 « Social Construction of Authorized Users in the Digital Age » College & Research Libraries vol. 71 no. 6 548-568
Voir aussi le fascinent Big Deal Contract Project de Ted Bergstrom ainsi que son JournalPrices.com et Eignefactor.org.
Je souligne aussi le projet Terms of service Didn’t Read (tosdr) et les travaux de Lionel Maurel sur les métadonnées juridiques.
Finalement, voici une « brique » à lire absolument sur le sujet du droit des universités – je me demande s’il traite du droit d’auteur :
Call Number |
KE 3904 L35 1990 |
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Publisher |
Montréal, Québec : Editions Thémis, c1990 |
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Jeux vidéos Montréal
Jeux vidéos éthiques à Concordia
Olivier Charbonneau 2013-08-09
Petit clin d’oeil à mes collègues du « Centre de technologie, d’art et de jeux » de l’Université Concordia à Montréal (dont je suis un membre associé). Le chantier « Critical Hit » pour des jeux engagés a reçu l’attention de Mélanie Loisel du Devoir ce matin à la page A5 sur papier : Concordia concocte des jeux vidéo éthiques.
Voir les photos et autres nouvelles de la période de jeux de Critical Hit…
Je vous avait déjà fait part du chouette jeux Get Water! d’une organisation partenaire de TAG il y a quelques temps, mais j’adore les occasions de souligner les travaux qui se produisent à TAG… j’ai un intérêt pour la ludification des bibliothèques (lien vers la catégorie « gamification » de mon blogue de travail) un jour, peut-être aurais-je le temps de mettre mes propres projets de jeux à exécution !
En passant, connaissez-vous l’excellent portail de jeux du réseau des bibliothèques de la Ville de Montréal nommé L’Arène ? Info et activités, dont le Festival Montréal Joue. Bonne initiative !
Accès libre Canada Creative Commons Musique
Archive libre de musique… ontarienne !
Olivier Charbonneau 2013-08-08
Connaissez-vous le site de l’Ontario Independent Music Archive (OIMA ou «oy-ma») ? Il s’agit d’une archive ouverte de musique libre, le tout sous licence Creative Commons et accessible librement.
Financé par l’agence culturelle de l’état provincial, la Trillium Foundation, le site invite les créateurs de à créer un profil et de verser leurs créations numériques pour le profit de tous. Il est possible de chercher par type de musique et de région de l’Ontario. Voici la description du projet :
The Ontario Independent Music Archive, that we call OIMA (oy-ma), started as an idea from Jonathan Martel, who was using pop music as a lens to study history but found that getting a chance to actually hear many of the local independent bands he was reading about was difficult. Eventually Jonathan found Mario Circelli, former Station Manager of CHRW-FM in London, ON. While at CHRW, Mario had created a London Music Archive.
Together the two formed the Music Association of Canada and started looking for funding to create a music archive. In 2011 they approached the National Campus and Community Radio Association (NCRA) and collectively wrote a successful grant to the Ontario Trillium Foundation.
Since 1986 the NCRA has been a not-for-profit group committed to volunteer-driven, non-profit, community-oriented radio across Canada.
The association’s goals are to ensure stability and support for individual stations and the long-term growth and effectiveness of the sector. The NCRA also promotes public education about community media, helps represent community radio to government and other agencies and provides a forum for people to share their skills, ideas and passion.
The NCRA has a history of supporting independent music, including !earshot, a music website and national chart printed in Exclaim! and from 2003-2007 ran the Dig Your Roots project that produced six CDs of emerging Canadian artists in hiphop, Aboriginal, roots, creative jazz, spoken word and electronic dance music.
À quand une telle archive pour le Québec ?
Droit d'auteur États-Unis Réforme
Vent de réforme aux USA
Olivier Charbonneau 2013-08-08
Selon mes informations obtenues selon le site TechDirt, les USA entament une réforme périodique profonde de leur législation sur le droit d’auteur. Ce billet daté du 19 juillet dernier par Mike Masnick indique que deux comité de la chambre basse se penchent déjà sur la question.
Le milieu des bibliothèques aux USA ont déjà lancé une déclaration conjointe le 26 juillet sur le rôle du droit d’auteur dans l’innovation :
In the statement, LCA [Library Copyright Alliance] discusses the diminishing role of copyright in incentivizing activity in one of the most important sources of innovation in the US economy: scholarly communications. LCA then discusses the economic importance of collaborative activities such as open source software and Wikipedia, which do not rely on the incentive provided by copyright. Finally, with respect to sectors that do appear to rely on copyright, LCA points out that many of the leading firms in those sectors are foreign owned. This suggests that the importance of copyright to maintaining US leadership in the global economy may be overstated.
La LCA représente plus de 100,000 bibliothèques aux USA ainsi que plus de 350,000 bibliothécaires et autres professionnels.
Sur un même ordre d’idée, le bureau des brevets des USA a publié une étude majeure du département de commerce (organe officiel de l’État fédéral) intitulée:
Copyright Policy, Creativity, and Innovation in the Digital Economy (2013)
Selon le communiqué annonçant la publication du document,
[…]
The Green Paper released today is the most thorough and comprehensive analysis of digital copyright policy issued by any administration since 1995. The report is a product of the Department of Commerce’s Internet Policy Task Force (IPTF) with input from the U.S. Patent and Trademark Office (USPTO) and the National Telecommunications and Information Administration (NTIA). Through the IPTF, the USPTO and NTIA will solicit further public comments and convene roundtables and forums on a number of key policy issues.
[…]
In the Green Paper, the IPTF proposes the following actions:
* Establishing a multistakeholder dialogue on improving the operation of the notice and takedown system under the Digital Millennium Copyright Act (DMCA).
* Soliciting public comment and convening roundtables on:
-> The legal framework for the creation of remixes;
-> The relevance and scope of the first sale doctrine in the digital environment;
-> The application of statutory damages in the context of individual file-sharers and secondary liability for large-scale online infringement;
-> The appropriate role for the government, if any, to help improve the online licensing environment, including access to comprehensive public and private databases of rights information.
Une prochaine année bien occupée donc pour nos voisins du Sud…