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Canada Droit d'auteur Réforme

Loi sur la modernisation du droit d'auteur (C-11) reçoit la sanction royale

Le site LEGISInfo du parlement fédéral canadien indique que la Loi sur la modernisation du droit d’auteur (C-11) a obtenu la sanction royale du Gouverneur Général hier. Ayant passé par trois lectures à la chambre des communes (la chambre basse du parlement canadien, élu), puis trois autres lectures au Sénat (chambre haute, détenant un droit de regard sur les lois, membres nommés à vie), le Gouverneur Général a donné la « sanction royale » à la loi – étape ultime du processus législatif (et un bel exemple de l’archaïsme du système de monarchie parlementaire à la britannique).

La page de C-11 sur LEGISInfo propose un excellent sommaire du processus législatif. Aussi important à noter: « C-11 » indique le 11e projet de loi étudié par le Chambre des communes lors de sa première session de sa 41e législature(d’où le « C ») – mais maintenant que la loi a reçu la sanction royale, elle sera publiée comme le 20e chapitre des lois annuelles du Canada, ou « Lois du Canada : 2012, c. 20 ». (désolé du petit cours de recherche en droit Canadien)

Maintenant, il est important de mentionner que la « Sanction Royale » n’équivaut pas l’entrée en vigueur. La loi est « votée » mais elle n’est pas encore « en vigueur » – une belle distinction que seuls des juristes peuvent imagine. Bref, il faut généralement lire le dernier article d’une loi pour savoir comment le gouvernement compte procéder avec son entrée en vigueur (en fait, le processus législatif étant terminé, il relève maintenant du pouvoir exécutif de prendre le relais – merci à Montesquieu pour cette division des pouvoirs.

Or, l’article 63 de C-11 se lit ainsi :

ENTRÉE EN VIGUEUR
Décret
63. Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.

Il faut donc lire attentivement la Gazette Officielle du Canada pour voir la publication du décret du gouvernement fédéral, probablement du ministère de l’Industrie ou du Patrimoine, desquels relèvent la question du droit d’auteur, qui indique quels article de la loi entrent en vigueur, à quel moment. Et oui, le gouvernement peut mettre certains article en vigueur à la fois, tout en bloc ou pas du tout.

Personnellement, je garde un oeil semi-attentif sur la question, ma femme et moi attendons la naissance de notre deuxième enfant dans les prochaines semaines – nous avons encore beaucoup de travail pour nous préparer… mais je vais tenter de vous informer des développements de la question (ou, à défaut, suivez les travaux de l’infatigable professeur Michael Geist sur son blogue ou sur Twitter).

Canada Médiation Réforme Universités Usages

Access Copyright et l'AUCC signent une entente

Je viens d’entendre que l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC) et Access Copyright viennent de signer une entente pour les photocopies en milieu universitaire.

Il s’agit d’un développement majeur puisque les universités et collèges du Canada opéraient sans licence depuis l’expiration de la dernière entente et divers recours devant la Commission du droit d’auteur du Canada.

Voici l’intégrale du communiqué diffusé sur le site de l’AUCC dans son site Internet aujourd’hui :

L’AUCC signe une entente sur un modèle de licence avec Access Copyright
Communiqué – 16 avril 2012
Sujets : Droit d’auteur
OTTAWA, le 16 avril 2012 – L’Association des universités et collèges du Canada (AUCC) et Access Copyright ont annoncé aujourd’hui qu’ils avaient négocié un modèle de licence qui permettra aux universités de reproduire en formats papier et numérique des œuvres protégées par droit d’auteur.

« Nous croyons que cette entente négociée représente la meilleure solution possible pour les universités, leurs étudiants et leurs professeurs, a déclaré Paul Davidson, président-directeur général de l’AUCC. Elle assure une stabilité à long terme des tarifs et l’accès à une nouvelle gamme de documents numériques. Plus important encore, l’entente respecte les principes de liberté universitaire et de protection des renseignements personnels qui importent aux universités et réduit au minimum le fardeau administratif pour les établissements. »

Par l’entremise de ce modèle de licence, l’AUCC et ses établissements membres collaboreront avec des éditeurs et des créateurs afin d’offrir une rémunération juste pour les œuvres qu’ils utilisent.

L’entente concilie les besoins des créateurs, des éditeurs et du milieu universitaire. L’usage élargi du contenu visé par l’entente est dans l’intérêt de toutes les parties concernées, ont indiqué Access Copyright et l’AUCC.

« Nous sommes ravis d’avoir négocié cette licence avec l’AUCC, a déclaré Maureen Cavan, directrice générale d’Access Copyright. La licence offre un moyen facile et légal pour les étudiants, les professeurs et le personnel d’accéder à des œuvres protégées par droit d’auteur de façon simple, rapide et économique. »

En vertu du modèle de licence, les établissements verseront à Access Copyright une redevance annuelle de 26 $ par étudiant équivalent temps plein. Cette redevance comprend des droits distincts de 10 cents la page autrefois perçus pour les photocopies des compléments de cours. Il n’y aura donc plus de droits distincts pour ces photocopies.

Cette entente restera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015 et sera automatiquement reconduite pour des durées d’un an pendant lesquelles l’une ou l’autre des parties peuvent l’annuler ou demander qu’elle soit renégociée.

Au cours des six prochains mois, les deux organismes élaboreront conjointement une méthodologie d’enquête afin de recueillir des données bibliographies fiables, ainsi que des données sur les tendances relatives aux volume d’utilisation dans le but de permettre à Access Copyright de répartir équitablement la redevance entre ses parties affiliées et de faciliter l’établissement de tarifs appropriés pour de futures licences. L’enquête sera conçue de façon à réduire au minimum le fardeau administratif des parties, tout particulièrement le corps professoral et les étudiants, et à respecter la liberté universitaire, la vie privée et les obligations des universités en vertu des conventions collectives conclues avec les professeurs et le personnel.

Au Québec, la CRÉPUQ négocie actuellement avec Copibec pour le renouvellement d’une entente similaire qui expire cet été (celle de l’AUCC ne s’applique pas ici). Également, le projet de loi C-11 sur la réforme du droit d’auteur propose l’inclusion des droits numériques dans le corpus des droits de photocopies des agences Copibec et Access Copyright. J’ai bien hâte de voir comment l’entente CRÉPUQ-Copibec aboutira…

Droit d'auteur Médiation Québec Réforme Revendication

La ministre et le droit d'auteur

La fin de semaine passée, la ministre de la culture et des communications du Québec a publié une lettre dans le quotidien montréalais Le Devoir concernant la réforme du droit d’auteur. Sa lettre s’ajoute à celle de Gaston Bellemare, qui représente les éditeurs de la province et une colalition de plus de 60 associations culturelles.

Je dois vous avouer que je n’ai rien à redire de la lettre de M Bellemare – j’ai connu Gaston lorsque nous siègeons à la Commission de droit de prêt public et je comprends complètement pourquoi il communique ses opinions. Je ne suis pas nécessairement d’accord avec son analyse et ses conclusions – mais il a le droit à son opinion.

La lettre de la Ministre St-Pierre me laisse moins confortable. Je suis très déçu de voir que la position ministérielle se résume à répéter les réclamations des groupes culturels. Oui – il est vrai qu’ils vivent du droit d’auteur et que leur opinion doit être entendue mais, celle d’une ministre devrait au moins prétendre réfleter la divergence d’opinion aurpès de ces concitoyens. À tout le moins, on aurait pu espérer autant d’une ancienne journaliste !

Le fait reste que les règles de la culture numérique restent à être écrites et que l’Assemblée nationale aura une grande place à jouer. Il leur faut non seulement comprendre les méandres constitutionnelles des responsabilités des divers ordres de gouvernements, mais aussi que le fragile écosystème du numérique peut être détruit par de mauvaises lois.

Par exemple, la SODEC a lancé un rapport détaillant des stratégies à suivre pour la culture numérique au Québec (la SOCED est l’organisme subventionaire de l’État québécois). Ce rapport est le fruit d’une longue discussion entre plusieurs intervenants. Il est riche en idées mais chice en détails quant à leur mise en oeuvre.

Il semble que si la ministre désire développer une position pour son gouvernement sur le droit d’auteur et en faire la promotion, votre humble citoyen souhaiterai y voir plus de nuances et de compréhension des enjeux pour tous ceux qui y sont impliqués.

Malgré mon souhait de rester à l’écart du débat sur la réforme, je crois que je vais devoir travailler sur une réplique pour la ministre…

Droit d'auteur États-Unis Réforme

SOPA, PIPA et tout ce bla bla…

Bravo aux internautes (Wikipedia) pour cette excellente campagne de médiation concernant les troublants projets de loi SOPA et PIPA aux USA ! J’ai vu une multitude de billets, vidéos, notices, courriels et autres plumes lancées au vent contre ce tourbillon législatif, dont celui-ci:

Je n’y ai pas participé parce que – primo – je suis Canadien – secondo – on a bien pire au pays – tercio – ce n’est pas la première fois que nous passons devant des projets de loi biaisés – quatro – ON VA EN VOIR DES TAS D’AUTRE et – cinco – ma fille avait une série de molaires qui lui poussaient et je n’ai pas dormi depuis 2 mois.

Donc, je propose à mes lecteurs un petit pense-bête, une sorte de vadémécum du parfait petit lobbyiste ou capitaliste aux USA en propriété intellectuelle, pour faire émerger la loi parfaite pour le droit d’auteur à travers le monde:
1) Identifier comment extraire le plus d’argent du marché (préférablement grâce à un droit monopolistique sur du contenu culturel, du savoir ou de l’information) ;
2) Convaincre les créateurs de ce contenu que leur implication dans la société est si importante qu’ils/elles doivent demander aux élus de leur donner plus de droits et plus de privilèges par le droit d’auteur ;
3) Obtenir ces nouveaux droits par des contrats de diffusion, d’édition, etc. auprès des créateurs ;
4) Porter le message que la réforme du droit d’auteur aide invariablement la création car plus de droits = plus d’argent = plus de culture ;
5) Tenter de faire changer la loi des USA en sa faveur, pour renforcer son monopole au détriment de la liberté d’expression et la participation culturelle du peuple ;
6) Face au tollé médiatique des citoyens des USA, baisser les bras et dire qu’on s’excuse ;
7) Identifier les forums transnationaux pour faire valoir ses positions en matière de propriété intellectuelle (genre, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’OMPI ; l’Organisation mondiale du Commerce OMC, etc.) afin de faire passer un traité multilatéral en sa faveur (le niveau international n’a pas de citoyens fatiguant qui bloquent notre agenda) ;
8 ) Identifier les forums bilatéraux (pays-à-pays) pour imposer notre vision du droit d’auteur dans un traité de libre commerce (ou un autre concept néolibéral en vogue) préférablement dans un pays abjectement pauvre ;
9) Débuter des négociations secrètes avec certains pays en vu de leur imposer ces dispositions législatives à l’insu des citoyens ;
10) Ricaner en observant certains citoyens de ces autres pays tenter de bloquer sans succès la machine médiatique et gouvernementale pour modifier la loi sur le droit d’auteur dans leur pays ;
11) Tenter de faire passer ces mêmes dispositions aux USA et échouer lamentablement ;
12) Retourner à l’étape (1) en constatant que la pluspart des pays du monde ont réformé leurs lois en notre faveur mais pas les USA.

Et oui – désolé d’être le trouble-fête (encore) – mais on a un petit projet de loi actuellement au Canada, C-11, qui propose des choses tout aussi déplaisantes que SOPA et PIPA aux USA ! Sans oublier les autres initiatives mortelles pour Internet au Canada, dont ACTA et le encore plus mystérieux traité trans-atlantique. Et qu’est-ce qu’on fait ? On se mobilise et on s’informe pour aider nos voisins du sud.

(soupir) Moi, j’ai une dent contre ça – la pré-molaire en bas de gauche de ma fille pour être précis (malgré tous ces cris, il n’y en a eu juste une qui a poussée !) Personnellement, je fais deux choses pour contribuer d’une manière positive : (1) je tiens un carnet sur la question et (2) je fais un doctorat en droit. Au delà de ça, je ne peux en faire bien plus….

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Pour Calimaq à propos de C-11 (réforme du droit d'auteur)

Petite note personnelle: je me suis sévèrement coupé la paume de la main droite il y a 2 semaines : sept points de suture et une vilaine infection plus tard, j’accuse un retard dans ma correspondance… désolé aussi du style télégraphique ou désorgamisé de cette réponse, je suis encore en convalescence et le clavier est devenu un objet de douleur – rien pour aider ma blogodépendance ! Ce billet fut écrit sur plusieurs jours – je me sens beaucoup mieux maintenant. Merci de votre compréhension.

Merci à tous ceux et celles qui m’ont écrit à propos de mon billet sur la réforme du droit d’auteur au Canada. Nonobstant mon cynisme et mon manque d’intérêt de participer au processus de réforme (je n’ai pas assez de moyens pour m’engager avec tous ces lobbies), voici quelques perspectives sur la réforme…

Exception pour le contenu généré par les usagers
En réponse à Calimaq de l’excellent carnet S.I.Lex, les groupes de créateurs sont généralement outrés de cette « nouvelle » exception – qui semble sortie de nulle part en ce qui les concernent. Leur objection principale découle du droit moral sur une oeuvre, particulièrement le droit à son intégrité. Il s’agit de la même objection pour l’ajout de la parodie et de la satire dans l’exception générale de l’utilisation équitable (ou fair dealings en anglais).

Je confirme donc les supçons de Calimaq à ce sujet, ainsi que les autres problématiques dont la portée de l’usage non-commerciale, le rôle de l’exception générale pour l’utilisation équitable (surtout avec l’ajout de la parodie et de la satire) puis l’impact de la criminalisation du contournement des verrous numériques dans tous les contextes.

D’une manière plus générale, il s’agit d’une exception qui semble émaner directement du gouvernement. Ceci implique qu’il n’y a pas de groupe d’intérêt pour en discuter, réfléchir à ses contours et à ses lacunes. Un grave problème puisque je ne suis pas certain qu’elle sera réellement utile – par exemple, que chaque recours à cette exception, une fois découverte, mènera automatiquement à une mise en demeure par le titulaire.

Sur le sujet de l’usage non-commercial, le mouvement des Creative Commons vit le même flou : une étude de 2009 révèle que les usagers et les titulaires ne s’entendent pas toujours sur la portée de cette expression. Est-ce qu’une adolescente diffusant une vidéo via un site de partage effectue une transaction commerciale si le site de partage affiche des pubs ? Devra-t-on penser à des sites d’hébergement canadiens sous un modèle économique inconnu et novateur pour récupérer tout ce contenu remixé ? Il s’agit de questions qui ne sont pas encore résolues…

Pour en savoir plus sur le sujet de l’exception pour le contenu généré par les usagers, je vous réfère au juriste canadien (qui travaille aux USA, donc en anglais) Daniel Gervais qui a déjà écrit sur la question dans un livre récent (et gratuit) édité par Michael Geist à propos de C-32, l’ancienne mouture de la réforme (qui est identique à l’actuelle loi).

Sur le sujet des verrous numériques, voici une vidéo de syndicats des profs d’université (en anglais) :

Un dernier point sur les régimes d’exceptions – il est vrai que la France est aux antipodes des USA quant aux exceptions sur le droit d’auteurs (quoi que certains collègues allemands se pleignent/ventent que la loi germanique est pire – mais je n’ai jamais tenté de régler cette « compétition »). Je peux souligner cette étude internationale excellente du Dr. Kenneth Crews diffusée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle au sujet des exceptions pour les bibliothèques. Il semble qu’il y ait un vent de réforme au niveau international pour codifier ces pratiques, surtout pour les malvoyants et les bibliothèques.

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Ah oui, la réforme du droit d'auteur

Retour vers la case départ : les conservateurs ont réintroduits exactement le même texte de projet de loi pour moderniser le droit d’auteur au Canada. La seule chose qui change, c’est le nom. Au lieu de C-32, il s’agit de C-11 : « C » pour « Chambre des communes » – la chambre basse (élue) du Parlement Canadien (Fédéral) et « 11 » car c’est le 11e projet de loi de cette session législative (41e Parlement, 1ère session).

Donc, le site LEGISinfo nous informe que C-11 Loi sur la modernisation du droit d’auteur est (toujours) en première lecture depuis jeudi dernierm malgré que C-32 s’est fait référé à un Comité (et donc était en 2e lecture).

Je vous invite à lire le résumé législatif de C-32 (l’ancien projet de loi, mais identique à C-11) de la Bibliothèque du Parlement pour vous familiariser avec les sujets d’importance. Si vous êtes toujours confus, réjouissez-vous! La page du Gouvernement Fédéral http://www.droitdauteurequilibre.gc.ca/ vous dira comment penser.

Bref, on repart dans la réforme… mais je ne suis plus directement impliqué dans la question. Ironiquement, je crois que le numérique se joue via les relations contractuelles et que la loi concerne plutôt les problèmes. Elle est d’ailleurs trop complexe pour les quidams, qui sont maintenant directement concernés par diverses dispositions (avant le droit d’auteur était l’apanage des professionnels).

De là à savoir si elle est « bonne » ou « mauvaise » – je peux jouer le rôle de l’intello et vous dire que la question est triviale car il y a du bon et du mauvais pour toutes et tous. La vraie question est de savoir si ce moyen législatifs sert sa mission…. mais là dessus, il y a personne qui s’entend réellement sur la mission réelle du droit d’auteur. Je crois qu’il s’agit là du plus gros problème – sans consensus sur ce qu’on veut faire avec une telle loi (au delà de la rhétorique stérile de l’innovation, la créativité, du juste équilibre et blablabla…) on ne va jamais s’entendre.

Et honnêtement, j’ai d’autres chats à fouetter que de débattre dans cesse sur un sujet qui est réellement discuté à Washington et Hollywood que Ottawa, Montréal et Toronto. Je préfère écrire, créer, rêver. Un jour, je ferai peut-être de l’argent avec mes mots. Mais ça, on verra plus tard.

Longue vie au droit d’auteur!!! Amen.