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(Résumé de lecture) Une possible histoire de la norme, Karim Benyekhlef, Thémis 2008

Dans le cadre du séminaire doctoral DRT-7009, nous vous proposons le résumé analytique de la lecture du livre suivant :

BENYEKHLEF Karim, Une possible histoire de la norme : Les normativités émergentes de la mondialisation, Montréal, Éditions Thémis, 2008, 934 p.

Prière de noter que ces notes visent à renseigner notre projet doctoral et ne sont ni une analyse précise, ni un recensement exhaustif. Il s’agit en effet de notes de lectures, afin de soulever certains points importants pour notre projet doctoral. Il s’agit donc une appropriation personnelle de l’ouvrage en question.

Le monopole normatif de l’État s’impose au juriste moderne. Tel est le point de départ du professeur Benyekhlef, actuel directeur du Centre de recherche en droit public (CRDP) de l’Université de Montréal, dans son analyse approfondie de l’évolution de la norme. Le volume, vise à renseigner les étudiants aux cycles supérieurs en droit sur les évolutions paradigmatiques qu’amènent la mondialisation et son assaut sur la souveraineté étatique, sans oublier les pistes qu’offrent le pluralisme juridique.

En fait,

Le défi semble lors de concevoir une régulation originale qui n’emprunte plus les chemins convenus du positivisme juridique et de la volonté souveraine de l’État, seul acteur habilité à dire le droit dans l’imaginaire moderne. L’élaboration d’un espace normatif global dépasse les simples capacités du droit international public. (p.3)

Le cadre d’analyse retenu pour structurer son étude se centre sur le concept de modernité (et ses préfixes): la norme moderne, la norme pré-moderne et la norme postmoderne (ou émergente). Son regard est global et pas simplement international, dans la mesure où les mouvements transnationaux cosmopolites ou internormatifs figurent au plan de son analyse.

L’argument central de l’auteur illustre que le pluralisme juridique transcende les conceptualisations dominantes de la norme.

TITRE 1: La norme moderne

D’entrée de jeux,

Il importe d’annoncer d’emblée que le droit moderne est d’abord un idéal, c’est-à-dire un modèle heuristique qui permet d’établir et d’organiser les aspirations qui le sous-tendent. Le droit moderne est une partie intégrante du méta-récit juridique et fonde les diverses mythologies qui façonnent le discours juridique contemporain. (p.34)

Le droit moderne (positif) est un droit :

  • « général et abstrait » (p.36) ;
  • « hiérarchisé » au sens de la pyramide de Kelsen (p.36) ;
  • « conçu sur la base de la division entre droit public et droit privé » (p.37) ;
  • « public contraignant » au sens donné par Hart aux règles juridiques dépourvues de sanctions et purement habilitantes (p. 37-8) ;
  • « strictement confiné » qui distingue l’État et la société civile (p. 38 ) ;
  • « sans finalités particulières » à l’instar du libéralisme (p. 39) ;
  • « autonome » puisque le « droit doit rompre avec tous les autres systèmes normatifs » (p. 39) ;
  • « systématisé » comme par la codification (p. 40).

Par contre, le droit moderne (le positivisme ou le monisme juridique) ne permet pas de représenter adéquatement la pluralité des sources normatives, comme le témoigne les phénomènes normatifs qu’introduisent la mondialisation (p. 42). Le pluralisme représente soit une question intraétatique, où les sources étatique des normes applicables à une situation sont diverses, soit extra-étatique, où des règles peuvent provenir de deux ordres juridiques (p. 45). Le pluralisme amène à deux questions primordiales: les sources du droit et les « modalités de partage de la régulation juridique entre les différentes organisations sociales » (p.46).

La sociologie offre une piste pour répondre à la première question fondamentale du pluralisme, par le concept d’ordre juridique :

Pour Rocher [Guy ROCHER, Études de sociologie du droit et de l’éthique, Montréal, Éditions Thémis, 1996, p. 126-127], l’ordre juridique se détermine à partir des critères suivants :
(1) Un ensemble de règles, de normes sont acceptés comme au moins théoriquement contraignantes par les membres d’une unité sociale particulière, qu’il s’agisse d’une nation, d’une société, d’une organisation, d’un groupe, etc.;
(2) Des agents ou des appareils reconnus dans l’unité sociale comme étant spécialisés pour (a) élaborer de nouvelles règles ou modifier celles qui existent; (b) interpréter les règles existantes ; et (c) les appliquer et les faire respecter ;
(3) L’intervention des appareils ou agents est fondée sur une légitimité, c’est-à-dire que les membres de l’unité sociale considèrent que l’action de ces agents ou appareils est justifiée, parce qu’ils leur reconnaissent l’autorité nécessaire pour faire, ou interpréter, ou appliquer les règles; concrètement, cela signifie que les membres de l’unité sociale ont une conscience des rapports entre les règles et les appareils ou agents ;
(4) Les trois fonctions énumérées au point 2 peuvent être remplies par des agents ou des appareils différents ou par les mêmes. Ce qui est important cependant pour reconnaître l’existence d’un ordre juridique, c’est que ces trois fonctions – et non seulement une ou deux – soient exercées ;
(5) Les règles et les agents ou appareils doivent faire preuve de stabilité dans le temps, d’une relative permanence. Ces règles ne doivent pas varier sans cesse et les agents être constamment relayés. (p. 47-8)

La seconde question du pluralisme (modalités du partage de la régulation juridique entre organisations sociales) amène le thème de l’internormativité (p. 49). Cette notion s’articule selon la notion de chez Santi Romano [L’ordre juridique, Paris, Dalloz, 1975] entre diverses institutions, dont le droit étatique constitue un exemple, tout comme les ordres juridiques constitués de normes, comme ceux présents au sein d’institutions (écoles, administrations de tous genres, professions). Un ordre est relevant pour un autre si « l’existence, le contenu ou l’efficacité d’un ordre soit conforme aux conditions mises par un autre ordre : cet ordre ne vaut pour cet autre ordre juridique qu’à titre défini par ce dernier [Santi Romano, L’ordre juridique, Paris, Dalloz, 1975, p. 132] ». L’ordre juridique Étatique est toujours relevant sur les autres ordres juridiques (p. 50-51). « Cette relevance (ou irrelevance) porte sur des rapports institutionnels que les acteurs peuvent entretenir; au-delà du jeu strict des normes édictées par ceux-ci et de leurs jeux croisés » (p. 52).

« Le pluralisme juridique, conçu en tant que concept-clé d’un droit post-moderne, [… est appréhendé] comme une « conception de différents espaces juridiques superposés, combinés et mélangés dans nos esprits et nos actions, soit dans des moments de bonds qualitatifs ou de crises profondes dans les trajectoires de nos vies, soit dans la grisaille de la routine ou la monotonie de la vie quotidienne » [Boaventura de SOUSA SANTOS, « Droit: une carte de la lecture déformée. Pour une conception postmoderne du droit » (1988) 10 Droit et société 363, p. 382] (p. 52)

En fait, le postmodernisme est une pratique et ne se qualifie pas comme théorie épistémologique selon l’auteur (p. 53). Il faut porter son regard sur le marginal, le complexe. Par contre, « la complexité n’est qu’un des corolaires du pluralisme et de l’internormativité, les deux concepts directeurs du droit postmoderne » (p. 55).

Poursuivant son analyse des attributs de la norme moderne, l’auteur explore maintenant la question de la souveraineté dans un contexte de la mondialisation. La souveraineté est une notion plurielle, polymorphe, fluide (p. 59), qui trace ces racines dans la religion ou la théologie (p. 62), comme le souligne les travaux de Foucault, et qui suit une logique de subordination interne et d’égalité externe, interétatique (p. 67). Face au concept de la souveraineté, la mondialisation, cette « économie-monde » (p. 78), tend la main à la norme afin de l’inviter à quitter les frontières connues de l’État. Si « la souveraineté est un attribut dominant et constitutif de la modernité » (p. 91), il convient d’examiner les limites qu’imposent la mondialisation à la norme moderne.

L’auteur propose le cyberespace comme premier exemple de problèmes normatifs mondialisés (p. 95). Les technologies de l’information participent comme acteur et agent (vecteur) de changement. L’internet permet la concertation (p. 96) et la délocalisation (p.97) au delà des frontières, qui posent des problèmes au droit Étatique. L’auteur propose les caractéristiques du cyberespace : « le caractère transnational du médium » ; la délocalisation de l’information ; « l’information d’un auteur lui échappe complètement une fois qu’elle a été rendue accessible sur Internet » et « la dispersion géographique des usagers et leur très grand nombre » (p.99). À cela s’ajoute trois technologies, le « paclet switching network » ; la cryptographie et la facilité d’anonymisation des messages et des transmissions (p. 99-100). Ainsi se pose la question de la juridiction (souveraineté).

Malgré les difficultés que posent le cyberespace au droit posé par l’État, il existe trois solutions non-étatiques : l’autorégulation (p.103) ; le code [informatique] tel que définit par Lessig qui « impose une régulation sur Internet » (p. 105) ; et le « self-help » une combinaison des deux moyens précédents qui « mêlent la technique et des normes privées » (p. 107).

Un autre exemple, beaucoup plus étudié et approfondi est présenté par l’auteur pour analyser les limites de la norme moderne: les droits de la personne. En premier lieu, l’auteur présente des exemples de vecteurs normatifs internationalisés et régionalisés, toujours sous l’égide de l’État, puis les droits mondialisée (consolidation institutionnelle, coutume internationale, transjudicialisme, juridiction universelle par exemple), et finalement les droits de la personne globalisés (droit et développement, État de droit et la bonne gouvernance par exemples). Il est donc évident que la normativité posé par l’État relève d’un mythe juridique suite à ce recensement.

La seconde partie du titre traitant de la norme moderne applique la même logique aux droit commercial international. En premier lieu, l’auteur présente les instruments juridiques internationaux de droit commercial international (Union européenne, ALENA, GATT/OMC). Ensuite, il traite des acteurs privés internationaux. Un exemple (parmi tant d’autres) concerne la notion d’exception culturelle, d’exception culturelle et de spécificité culturelle (p. 374) lorsqu’il est question des relations entre le commerce et la culture:

L’exception culturelle se définit comme « la volonté de sauvegarder certaines valeurs ou certaines singularités culturelles en s’efforçant de les soustraire aux lois du marché, notamment à celles du commerce international » [Francis BALLE, Dictionnaire des médias, Paris, Larousse, 1998, p. 95] (p. 373)

Encore ici, l’objectif d’analyser les travers de la norme moderne est pleinement réussi par ce recensement.

TITRE 2: La norme pré-moderne
Selon l’auteur:

Le Moyen-Âge se caractérise notamment par une fragmentation territoriale, un morcellement de l’organisation politique et un caractère diffus de l’énonciation normative. (p.399)

Cette réalité évoque le « cyberespace ou le commerce international, par exemple, c’est à dire, un environnement décentralisé, centrifuge, fragmenté, non-territorial et pluraliste. » (p. 400)

Les trois éléments caractéristiques de l’État moderne: « l’énonciation des normes, leur exécution, leur interprétation et leur application. » (p.411)

TITRE 3: La norme post-moderne
Selon l’auteur,

À la simplicité de la modernité, répond la complexité de la postmodernité, son rejet des oppositions duales au profit d’une dialectique qui opère la synthèse et le remplacement progressif du paradigme de la pyramide, caractéristique du droit moderne, par celui du réseau beaucoup plus approprié aux réalités contemporaines. (p. 557)

(p. 627-9) Modèles de gouvernance: « corporate governance » en entreprise ; « bonne gouvernance » de la Banque Mondiale des années 1990 ; Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) : participation, primauté du droit, transparence, consensus, équité, effectivité, efficacité et imputabilité. « Une revue de la doctrine et des travaux des organismes internationaux permet d’identifier quatre grand thèmes généraux sous-tendant le principe de bonne gouvernance: l’État de droit, les institutions démocratiques, les droits de la personne et l’administration publique. » (p.629)

(p. 631) « La logique du droit se fonde sur le commandement et la contrainte alors que celle de la gouvernance privilégie le dialogue, la négociation, le consensus. » [Jacques Chevallier, « La gouvernance et le droit » dans Mélanges Paul Amselek, Bruxelles, Bruylant, 2005, 189, p. 191]

(p. 636-7) Définition de la gouvernance globale : « c’est à dire, entre autres, le jeu des interactions entre la vérité de certains mécanismes (économiques), les pratiques gouvernementales, intergouvernementales et transnationales, l’utilité et les impératifs sociaux que peuvent représenter certains types d’intérêt. »

(p. 641) « Les exigences des marchands du Moyen-Âge auprès des princes n’ont pas peu contribué à l’émergence des composantes essentielles de l’État, notamment: des institutions, une bureaucratie et pour ce qui nous intéresse au premier chef, une normativité législative ou édictale unique visant la sécurité et assurant, par contrecoup, la cohérence. »

(p. 646) « paix perpétuelle de Kant qui débouche notamment sur un droit cosmopolite. »

(p. 647) « Kant propose également trois modèles de constitutions (normes) qui fondent les rapports qui peuvent se nouer entre les différents acteurs que sont les États et les individus : le jus civiatis, établissant les droits civils de l’individu dans la nation, le jus gentium, établissant les droits des États les uns par rapport aux autres et, finalement, le jus cosmopoliticum, fondant les rapports de l’individu avec l’État étranger; ces individus étant considérés comme « citoyens d’une cité humaine universelle ».  »

(p. 655-6) « David Held identifie, pour sa part, sept principes qu’il qualifie de cosmopolites. On retrouve: (1) l’égalité et la dignité ; (2) la citoyenneté active ; (3) la responsabilité individuelle et la reddition de comptes ; (4) le consentement ; (5) la délibération réflexive et la prise de décision collective ; (6) l’inclusion et la subsidiarité ; (7) l’évitement de la souffrance et la satisfaction urgente des besoins primaires. » [David HELD, « Law of states, law of peoples: three models of Sovereignty » (2002) 8 Legal Theory 1, p.24]

(p. 682) « Beck évoque, outre le cosmopolitisme bien entendu, deux concepts développés en sciences sociales en réponse aux phénomènes de la mondialisation : l’interconnexité (interconnectedness) et la métaphore de la « liquidité » . » [Ulrick BECK, Qu’est-ce que le cosmopolitisme, Paris, Alto-Aubier, 2006, p. 156]

(p. 690) « Sans entrer dans les détails d’une architecture de pouvoir cosmopolite, nous savons déjà que le cosmopolitisme se caractérise par un important polycentrisme, c’est-à-dire une multiplication des sources de pouvoir fondée notamment sur ler proximité avec les populations et leur capacité de gestion globale : ces populations locales et régionales peuvent être à la source de la légitimité de l’action cosmopolite. […] Le cosmopolitisme d’est pas le prolongement de l’ordre national. Il invite à réinventer les conceptions relatives à l’exercice et à la distribution du pouvoir, à renouveler notre appréhension et notre activités politiques, à transformer notre grammaire des sciences sociales et à rénover les institutions et les structures d’autorité. Bref, à emprunter résolument le chemin d’une conception plus dynamique de la démocratie par laquelle cet idéal ne repose pas exclusivement par le suffrage universel. »

(p. 691) « Une définition révisée pourrait se lire comme suit : « le droit cosmopolitique est formé de règles émanant d’une pluralité de sources et comprend, d’une part, des normes visant à réguler les activités transnationales et, d’autre part, des normes qui s’articulent autour des principes de démocratie et de droits de la personne. Dans tous les cas, les sujets de droit sont les seuls individus, titulaires de ces droits quels que soient leur nationalité ou leur lieu de résidence. Ces normes d’imposent aux États et aux institutions supranationales et leur interprétation est laissée aux tribunaux nationaux et supranationaux. Les normes cosmopolitiques relatives au principe démocratique et aux droits de la personne ont préséance sur tous les autres types de normes nationales, internationales et transnationales. »

(p.715) droit cosmopolitique et droit constitutionnel global

(p. 720-1)  » Le réseau est d’abord une pratique qui réunit des acteurs et des ressources s’articulant autour d’un projet commun Son action a considérablement crû par l’effet des technologies de l’information. Leur incidence sur le réseau est importante. Le paradigme des technologies de l’information se signale par plusieurs caractéristiques: »
– l’information (matière première) ;
– omniprésence des nouvelles technologies ;
– logique du réseau : mettre en oeuvre par la topologie ;
– souplesse ;
– convergence hautement croissante de technologies particulières au sein d’un système intégré.

(p. 721) Network logic de Castells.

(p. 726) Le pouvoir de Michel Foucault – le pouvoir vient de partout [Michel Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p.121-122]

(p. 726) « Se le pouvoir est diffus dans le réseau, il prend également une autre forme que celle que nous connaissons : il se manifeste par la hiérarchie et le commandement (command and obey).  » TCP/IP.

(p. 727) « Le protocole apparait alors comme une grammaire du réseau sans pour autant représenter la syntaxe de la communication ; ce qui explique sa nature contraignante mais aussi l’autonomie qu’il laisse aux acteurs. Le pouvoir dans les réseaux se manifeste ainsi dans la forme du protocole. » Weber et la répression => exclusion du réseau?

(p. 728) lien entre Castells et Ost et van de Kerchove. Citation de Kuhn.

(p. 730) voir Orly LOBEL « the renew deal: the fall of regulation and the rise of governance in contemporary legal thought » (2004) 99 Minn. L. Rev. 342.

(p. 733) Réseau et transnationalisme

(p. 749) théorie du public choice (fonctionnaires et technocrates veulent plus de pouvoir et pas nécessairement le bien de la société).

(p. 779-80) Contrats types comme normes contractuels – Contrats types d’édition cité comme exemple de coordination dans un système

(p. 796) « Nous avons eu l’occasion de souligner que l’internormativité était, avec le pluralisme, l’un des concepts clé d’une conception postmoderne du droit. »

(p. 797) Guy Rocher : deux significations de l’internormativité : (1) passage d’une normativité d’un système à un autre ; (2) contacts entre systèmes normatifs, rapports de pouvoir et aux modalités d’interinfluence ou d’interaction entre deux ou plus systèmes normatifs [Guy Rocher, « Les phénomènes d’internormativité: faits et obstacles » dans Jean-Guy Belley (dir) Le droit soluble. Contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, Paris LDGJ 1996, p. 27-8]

(p. 802) Nikklas Luhmann, droit souple ou négocié

(p. 810-9) Juridicité de la normme (techniques intégrer la norme au droit positif):
1- le législateur l’intègre au droit positif (p.811)
2- la technique du renvoi – législateur réfère au corpus normatif (p.812)
3- Intégrer la norme par renvoi via un règlement (p. 814)
4- La jurisprudence (p. 815)
4.1- l’approche contextuelle dans l’interprétation des lois (p. 816)
4.2- tribunal interprète un contrat grâce aux normes alternatives
5- Le contrat: « quel qu’il en soit, il ne faut pas négliger la portée normative privée présenté par l’instrument contractuel » (p.817)
(p. 818) « Dans le monde de l’Internet, le contrat est apparu très rapidement comme une source normative de premier plan, puisqu’il permet de transcender les frontières, d’énoncer des obligations et de trouver une sanction devant les tribunaux nationaux. » [Robert L. Dunne « Determining Unauthorized Access to Computers: Controlling Behavior in Cyberspace through a contractual law paradigm » (1994) 35 Jurimetrics 1 ; Trotter Hardy « The proper legal regime for cyberspace » (1994) 55 Uni Pittsburg L Rev 993 p.1017]

(p.833) théorie de la complexité ou construction de modèles systémiques sont adéquats [Arnaud et Farinas Dulce, Introduction à l’analyse sociologique des systèmes juridiques, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 237]

(p.834) tout ne peut être droit

OBSERVATIONS
L’index de fin de livre ne comporte pas de noms de personnes physiques. Il serait très pertinent d’ajouter les noms de penseurs importants soulevés par l’auteur dans son texte à l’index, afin de repérer rapidement les endroits où l’auteur discute de ces penseurs et comment leurs idées s’appliquent à sa thèse. Il s’agit d’une lacune qui servirait l’objectif avéré de l’auteur de servir les étudiants aux cycles supérieurs en études juridiques.

Par ailleurs, l’auteur discute de concepts très importants pour le postmodernisme, le pluralisme juridique, dans le premier titre, qui traite de la norme moderne (positivisme, entre autres). Il est clair qu’une approche dialectique (thèse, antithèse, synthèse) impose d’inclure l’antithèse de la norme moderne dans cette section, mais cette approche est problématique pour deux raisons. Premièrement, le flot des sujets semble brisé (malgré des notes de bas de page renvoyant le lecteur aux sections appropriées à divers endroits du texte) suite à une lecture linéaire du texte (et cette approche n’aide pas le lecteur paresseux qui désire se concentrer sur un aspect du cadre d’analyse que l’auteur emploie pour défendre sa thèse). Ensuite, l’auteur stipule qu’il ne vise pas à établir de conclusion car « le droit postmoderne est en formation et il reste un formidable travail de réflexion et d’adaptation à accomplir » (p. 13). En fait, cette approche est similaire à celle de Ost et Van de Kerchove, par une dialectique ouverte (sans synthèse). Ainsi, il est difficile de justifier la décision de l’auteur de présenter le pluralisme et son lien avec le postmodernisme dans la section traitant de la norme moderne (Titre 1).

Droit d'auteur France LLD

(Résumé de lecture) Le droit d'auteur: l'idéologie et le système, Thomas Paris, PUF, 2002

(p. 24) 3 problèmes du droit d’auteur:
– notion d’oeuvre et d’auteur
– gestion des rémunérations
– harmonisation des systèmes (p. 27: attributions des protections ; restriction des transferts).

(p.28) droit de l’homme vs. droit économique = cohabitation de deux « paradigmes »

(p.31) Structure du livre de Thomas Paris: (1) rouages de la machine du droit d’auteur ; (2) dynamique: acteurs, pratiques, mécanismes ; (3) nombreux conflits.

(p.39) « Approches institutionnelles de l’art » : fruit d’une organisation socio-économique

(pp. 64-69) 4 modèles de pratique du droit d’auteur, qui découlent de facteurs technologiques et historiques (p.64):
1) droit de suite (marché de l’art);
2) reversement direct (éd. littéraire, cinéma);
3) prélèvement à la source (télédiffusion);
4) taxation (copie prifée).

(p. 101) Il est important d’étudier l’évolution du droit d’auteur pour 2 raisons: structure sédimentée et « idéologie »

(p. 102) « Le droit d’auteur est une culture, dans laquelle nous vivons »

(p. 104) Deux problèmes de la création (pourquoi la propriété intellectuelle existe) : (1) marchés vis-à-vis biens publics et (2) question de la gestion de la coopération. Facteurs de la diffusion: (1) identification du public; (2) obligation de transaction ; (3) degré de création collective.

(p. 113) Biens publics: non-rivalité ; non-exclusion

(p. 115) Création de produits culturels, 2 problèmes : (1) coopération entre intervenants et (2) valorisation commerciale des produits.

(p. 121) « La technologie a fait le droit d’auteur » (premier facteur structurant)

(p. 137) Justice sociale, justice économique : mythe romantique

(p. 138) Le mythe [de l’auteur romantique] est le second facteur structurant du droit d’auteur

(p. 155) La gestion collective comme facteur structurant « à part entière » du droit d’auteur

(pp. 157-8) Résumé de la seconde partie de son texte: technologie, mythe, gestion collective, 4 modèles…
(p. 162) Les trois problèmes du droit d’auteur (cf. p. 24) mènes à une régulation interne (coordination du système par les agents) où les conflits en sont une composante naturelle.

(p. 205-6) Les changements technologiques (Internet) amènent 2 conséquences: (1) modification dans la diffusion et (2) obsolescence de la « charpante ou des « fondations » du droit d’auteur.

(p. 219-20) « le droit d’auteur échappe à tout contrôle extérieur, qu’il soit juridique ou politique : c’est un système qui évolue, mais dont l’évolution est autonome, résultant d’une dynamique propre. » Résultat de 2 composantes: évolution technologiques et « dynamique propre des organismes de gestion des droits ».

Bibliographie – sélection (p. 225-234)
Brancusi vs. The Customs Administration, NY, 1927 => qu’est qu’une oeuvre d’art (dans le contexte d’une taxe à l’importation)

Becker Howard (1974) « Art as collective Action » American Sociological Review v. 39, n. 6 p. 767-776

Benghozi dans la revue Réseaux en 1998 (n. 88/89, p.11-23) et 1994 (n.68) sur l’économie de la culture ; voir aussi Lamberterie puis David (voir pp. 103 & 133 dans texte de Paris) dans n. 88/89

Bourdieu, Pierre (1977) « La production de la croyance. Contribution à une économie des biens symboliques » Actes de la recherche en sciences sociales, n. 13, février 1977, p.4-43 (voir pp. 43 & 47 du texte de Paris)

David, Paul A => écrit deux textes, dans Réseaux n. 88/89 et dans Orléan

Demsetz (1967) « Towards a theory of property rights » American Economic Review, n. 57, Mai p. 347-359

Ginsburg (1991) « Histoire de deux droits d’auteur : la propriété littéraire et artistique dans la France et l’Amérique révolutionnaire » Revue Internationale du droit d’auteur n. 147 janvier, p.124-188 (voir pp. 103 & 112 du texte de Paris)

Lange, André (1991) L’évolution économique du droit d’auteur en France » Communication & Stratégies n. 3 p.93-109

Lévi-Strauss (1949) « Histoire et ethnologie » Revue de métaphysique et de morale, 54e année, n.3-4, p. 363-391

Merges(1995) « The economic impact of intellectual property rights : an overview and guide » Journal of cultural economics 19, p. 103-117 (voir pp. 103 & 105 du texte de Paris)

O’hare (1982) « Copyright and the protection of economic rights » Journal of cultural economics n. 6 p. 33-48 (voir p. 115 du texte de Paris)

Olson Mancur (1966) The logic of collective action (public groups and the theory of groups) Harvard UP (trad. fr: La logique de l’action collective PUF 1978) (voir p. 133 du texte de Paris)

Orléan (éd.) Analyse économique des conventions, Paris, PUF => surtout David, Paul A. « Les standards technologiques de l’information, les normes de communication de l’état: un problème de biens publics » p. 281-305

Simon, Herbert A. (1955) « A behavioral model of rational choice » Quarterly Journal of Economics, Février, p. 99-118

Bibliothèques Document numérique IFLA Livre et édition LLD

IFLA lance un guide des ressources électroniques

La fédération internationale des bibliothèques (IFLA) annonce la publication d’un guides au sujet des ressources électroniques (uniquement en anglais pour le moment).

Intitulé IFLA Electronic Resource Guide – ACD 2012, ce guide d’une 30e de pages en format PDF propose une série de thèmes, reprennant le cycle de développement de collections (politique de développement, sélection, licence, renouvellement).

LLD Utilisation équitable

Recherche désespérément un livre de Strowel

Armé de ma carte de crédit, je lance mon fureteur vers des sites de librairies usagées. Mon but, mon graal, me procurer une copie de la thèse d’Alain Strowel, éditée chez LGDJ et Bruylant en 1993. Ce dernier le liste comme épuisé.

Les détails bibliographiques indiquent déjà sa pertinence pour mes études et mes recherches privées:

Droit d’auteur et copyright
Divergences et convergences. Etude de droit comparé.
Author(s) : Alain Strowel
Year 1993
Series – N° 24
Edition Bruylant
ISBN 2-8027-0853-8
Number 11124
Pages 744
Price 89,24 €

J’ai obtenu une copie de ma bibliothèque universitaire et cela n’a fait qu’augmenter le désir de posséder une copie. Pourquoi? Ce genre d’opus se consomme compulsivement, sans relâche, à travers toute la carrière d’un chercheur. Comme la thèse de Moyse d’ailleurs. L’idée de savoir que je dois me départir de cette copie me déconcerte (j’avoue que je suis bibliodépendant).

Je fais le tour de plusieurs librairies usagées sans succès.

Si vous possédez une copie de cet ouvrage et vous êtes disposés vous en débarasser, je suis prenneur (mon courriel est sur ma fiche biographique).

Dans l’intérim, j’ai l’impression que je devrai exercer mon droit à l’utilisation équitable pour des fins de recherche et d’étude privée en l’absence d’une copie disponible commercialement.

LLD

Analyse économique du droit et droit d'auteur

Quelques liens en passant :
Kornhauser, Lewis, « The Economic Analysis of Law« , The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Fall 2011 Edition), Edward N. Zalta (ed.).

Moore, Adam, « Intellectual Property« , The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Fall 2011 Edition), Edward N. Zalta (ed.).

Encyclopedia of Law and Economics, edited by Boudewijn Bouckaert (University of Ghent) and Gerrit De Geest (University of Ghent and Utrecht University):
1600 Intellectual Property: General Theories by Peter S. Menell
1610 Copyright by Wendy J. Gordon and Robert G. Bone
1620 Patent Law (bibliography only)
1700 Human Rights & Property: Free Speech, Privacy,

Voir aussi la liste de publications de professeur William M. Landes .

Canada Droit d'auteur Jugement LLD

La cour suprême en direct

Les juges de Cour suprême du Canada tiennent des audiences sur 5 causes traitant du droit d’auteur. En fait, il est possible d’écouter les audiences en direct ou en différé.

Il s’agit d’une audience d’une importance capitale pour le futur du droit d’auteur, d’internet et de nos marchés de la culture. Les cinq causes sont les suivantes (avec les résumés de la Cour suprême):

Association du logiciel de divertissement, et al. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Cour fédérale) (Civile) (Autorisation) 33921
Propriété intellectuelle – Droit d’auteur – Le téléchargement d’un jeu vidéo qui comprend de la musique est-il une communication de cette musique au public par télécommunication au sens de l’al. 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42? – Est-ce la norme de la raisonnabilité ou bien la norme de la décision correcte qui s’applique au contrôle judiciaire de la décision de la Commission du droit d’auteur selon laquelle le téléchargement d’un jeu vidéo qui comprend de la musique est une communication de cette musique au public par télécommunication?

Les demanderesses représentent les éditeurs, les réalisateurs et les distributeurs de logiciels de divertissement interactifs (principalement des jeux vidéo et des jeux sur ordinateur). Leurs membres génèrent collectivement environ 90 % des ventes nord-américaines de logiciels interactifs. Les téléchargements en-ligne de jeux génèrent environ 5 % des ventes de logiciels de divertissement interactifs. Le 18 octobre 2007, la Commission du droit d’auteur a publié une décision qui établit le tarif des redevances à percevoir pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales pour les années 1996 à 2006 : tarif no 22.A de la SOCAN (Internet – Services de musique en ligne).

Rogers Communications Inc., et al. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Cour fédérale) (Civile) (Autorisation) 33922
Propriété intellectuelle – Droit d’auteur – Tribunaux – Compétence – Interprétation des lois – Communication d’une œuvre au public par télécommunication – Sens du terme « droit d’auteur » à l’art. 3 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42 – Interprétation de l’al. 3(1)f) – Compétence pour interpréter l’art. 3 – Critère pour savoir quand s’applique le droit de communiquer une œuvre au public – Critère de révision de l’interprétation de l’art s. 3 – Équilibre entre les pouvoirs de surveillance du tribunal et la suprématie législative – Portée du rôle de surveillance des tribunaux – Uniformité d’interprétation des droits exclusifs conférés par l’art. 3.

Les demanderesses sont des fournisseurs de services internet qui donnent aux consommateurs les moyens d’avoir accès aux sites web de fournisseurs de services de musique en ligne à partir desquels les consommateurs peuvent télécharger des fichiers de musique ou de la musique en continu. Le 18 octobre 2007, la Commission du droit d’auteur a publié une décision qui établit le tarif des redevances à percevoir pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales pour les années 1996 à 2006.

Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, et al. c. Bell Canada, et al. (Cour fédérale) (Civile) (Autorisation) 33800

Propriété intellectuelle – Droit d’auteur – L’offre d’écoute préalable d’extraits d’œuvres est-elle une utilisation équitable à des fins de recherche qui ne viole pas le droit d’auteur?

Certains sites internet commerciaux qui vendent des téléchargements d’œuvres permettent aux utilisateurs d’écouter les œuvres au préalable. Une écoute préalable comprend un extrait de l’œuvre, d’une durée de trente secondes par exemple, transmis en ligne et accessible par les consommateurs. Le 18 octobre 2007, la Commission du droit d’auteur Canada a publié une décision fixant les redevances à percevoir pour la communication au public par télécommunications au Canada d’œuvres musicales ou dramatiques. La décision porte entre autres sur les écoutes préalables.

Province d’Alberta, représentée par le ministre de l’Éducation;, et al. c. Canadian Copyright Licensing Agency exerçant ses activités sous l’appellation de « Access Copyright » (Cour fédérale) (Civile) (Autorisation) 33888
Propriété intellectuelle — Droit d’auteur — Utilisation équitable — Tarif homologué par la Commission du droit d’auteur, qui comprend parmi les utilisations ouvrant droit à rémunération la photocopie d’extraits de manuels scolaires destinés aux élèves de la maternelle à la 12e année — Ces photocopies constituent elles une utilisation équitable? — La Cour d’appel fédérale a t elle commis une erreur en confirmant la conclusion de la Commission selon laquelle c’est la fin poursuivie par la personne qui fait la photocopie et non pas la fin poursuivie par l’usager qui est la considération pertinente en matière d’utilisation équitable? — La Cour d’appel fédérale a t elle commis une erreur, en traitant la question de l’équité, en confirmant la décision de la Commission d’examiner la reproduction dans son ensemble et non pas séparément? — La Cour d’appel fédérale a t elle commis une erreur en n’appliquant pas l’interprétation « large et libérale » qui, selon la décision rendue par la Cour dans l’arrêt CCH c. Barreau du Haut Canada, [2004] 1 R.C.S. 339, doit être appliquée en matière d’utilisation équitable?— La Cour d’appel fédérale a t elle commis une erreur en appliquant, dans le cadre de son contrôle judiciaire, la norme de la décision raisonnable et non pas celle de la décision correcte? — Existe t il une incohérence entre la décision de la Cour d’appel fédérale en l’espèce et l’arrêt Society of Composers, Authors and Music Publishers of Canada c. Bell Canada, 2010 CAF 123, [2010] A.C.F. no 570? — Articles 29, 29.1 et 29.4 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C 42 (la Loi).

À la demande des requérants, la Commission du droit d’auteur du Canada a homologué un tarif de redevance qui s’appliquait à la reproduction d’œuvres littéraires et artistiques comprises dans des livres, des journaux et des revues destinés à être utilisées dans des institutions d’enseignement primaires et secondaires au Canada, sauf au Québec. La Commission a conclu que des tarifs étaient payables relativement à certaines photocopies faites dans les écoles parce qu’elles ne constituaient pas une utilisation équitable et qu’elles n’étaient pas visées par l’exception prévue à l’article 29.4 de la Loi. Les requérants ont demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Les questions en litige étaient les suivantes : i) Des « copies multiples faites pour l’usage du copiste et copies uniques ou multiples faites pour un tiers sans sa demande aux fins d’étude privée et/ou de recherche et/ou de critique et/ou de compte rendu » (« photocopies appartenant à la catégorie 4 ») constituaient elles une utilisation équitable au sens des articles 29 et 29.1 de la Loi; ii) Les copies étaient elles visées par l’exemption prévue à l’article 29.4 de la Loi à titre « d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur dans le cadre d’un examen ou d’un contrôle » lorsque l’œuvre ou l’autre objet du droit d’auteur ne sont pas « accessibles sur le marché et sont sur un support approprié aux fins visées ».

La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de la Commission que les photocopies appartenant à la catégorie 4 ne constituaient pas une utilisation équitable. Il s’agissait d’une question de fait à l’égard de laquelle il n’y a eu aucune erreur susceptible de contrôle. Toutefois, la Cour d’appel a accueilli la demande de contrôle judiciaire au motif que la Commission n’avait pas appliqué une partie importante du critère prévu à l’article 29.4 de la Loi.

Re:Sound c. Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, et al. (Cour fédérale) (Civile) (Autorisation) 34210
Propriété intellectuelle — Droit d’auteur — Législation — Interprétation — Les artistes de studio d’enregistrement et les maisons de disque, en tant qu’artistes interprètes et producteurs de musique, ont ils le droit de recevoir une rémunération équitable au titre de l’article 19 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C 42, lorsque leur musique est jouée au cinéma et à la télévision? — La définition d’« enregistrement sonore » à l’art. 2 de la Loi sur le droit d’auteur exclut elle la rémunération équitable aux termes de l’art. 19 pour la musique préenregistrée faisant partie d’une bande sonore?

Re:Sound est une société de gestion chargée par la Commission du droit d’auteur du Canada de percevoir une rémunération équitable pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication d’enregistrements sonores publiés d’œuvres musicales. La société qu’elle a remplacée avait déposé deux projets de tarif pour l’exécution publique d’enregistrements sonores publiés et qui ont trait à l’utilisation de ces enregistrements sonores dans les films projetés dans les salles de cinéma et à l’utilisation des enregistrements sonores dans des émissions de télévision. Les intimées se sont opposées aux projets de tarifs au motif que la définition d’« enregistrement sonore » dans la Loi sur le droit d’auteur exclut les bandes sonores de films et d’émissions de télévision et ont demandé que soit tranchée la question préliminaire suivante :

Quelqu’un a t il le droit de recevoir une rémunération équitable au titre de l’article 19 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1983, ch. C 42, lorsqu’un enregistrement sonore publié fait partie de la bande sonore qui accompagne un film exécuté en public ou une émission de télévision communiquée au public par télécommunication?

La Commission a répondu par la négative et a refusé d’homologuer les tarifs. La Cour d’appel fédérale, en contrôle judiciaire, a confirmé la décision.

À ce sujet, Howard Knopf propose ses factums via son blogue (il s’agit des dossiers qu’il dépose à la cour au nom de ses clients). À lire aussi, le résumé par Michael Geist ainsi que le dossier de CIPPIC, respectivement un professeur et un centre de recherche en droit à l’Université d’Ottawa.

LLD

Belley et la sociologie du droit

À voir absolument, la plus récente livraison de la Revue canadienne droit et société (vol. 26, no. 2) qui traite de la contribution de Jean-Guy Belley à la sociologie du droit. Il faut dire que son approche de considérer les contrats comme la base d’un droit construit par les agents ou les éléments d’un système m’a grandement inspiré pour l’élaboration de min projet doctoral.

J’ai déjà traité dans CultureLibre.ca d’un texte de Belley en avril 2010. J’y relate les bases conceptuelles de Belley (Fuller, Teubner). Depuis, j’ai lu quelques textes de Tuebner et ses idées semblent proches de celles de Luhmann – mais c’est un autre texte qui m’a réellement mis sur la piste de Luhmann.

Dans tous les cas, cette nouvelle livraison de la Revue canadienne droit et société (vol. 26, no. 2) explore plusieurs thèmes propres à la sociologie du droit, dans une perspective pluraliste qui s’applique bien aux systèmes sociaux basés sur les contrats.

Commerce et Compagnies Document numérique LLD Québec Rapport et étude

Rapport de la SODEC sur le numérique

La Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) a annoncé hier la diffusion de son rapport sur le numérique. L’organisme du gouvernement du Québec qui gère les subventions et autres programmes structurants de la culture dans la Belle Province rend public le résultat d’une large consultation sur l’avenir de la culture numérique au Québec.

Le rapport d’une quarantaine de pages (pdf, fr) indique que les seuls bibliothécaires consultés étaient nos collègues de Bibliothèques et Archives nationales du Québec (p. 34-40). Le document propose 18 recommendations. Je vais le parcourir mais il semble vraiment intéressant !

Droit d'auteur LLD Médiation Patrimoine Professions

Obtenir une opinion légale (pas juridique)

Il m’arrive parfois de recevoir des question de lecteurs et de collègues à travers le Canada et le monde – ce que j’adore absolument. Je ne suis pas avocat et je ne peux pas donner d’opinion juridique, mais cela ne m’empêche pas de discuter de la question de droit avec vous.

Il s’agit, en quelque sorte d’une opinion légale (je n’enfreint pas la loi) sans être juridique.

En effet, je crois qu’une opinion juridique applique des faits juridiques à une situation précise, la vôtre à l’occurrence. Par contre, il serait impossible dans une société libre et démocratique d’interdire des simples citoyens de discuter du droit comme institution sociale qui régit leurs vies. En fait, je peux vous dire que je ne voudrais pas vivre dans une telle société !

C’est pourquoi je me permet de commenter les tenants et aboutissants d’une question juridique que l’on me pose. J’expose certains aspects pertinents ou fascinants de celle-ci et je propose quelques réflexions sur son application dans certains contextes. Jamais je ne m’aventure à dire comment cette question s’applique à vous dans votre cas particulier. Je vous invite également à obtenir une opinion juridique, un peu comme l’on conseille de se brosser les dents quotidiennement…

Si jamais vous désirez obtenir une opinion juridique concernant le droit d’auteur, voici quelques réflexions personnelles pour guider votre interaction avec un avocat.

Les bibliothèques, archives, musées, établissements d’enseignements (BAMÉEs) sont pratiquement les seules institutions dans notre société libre et démocratique qui peuvent modifier la codification d’un usage. Ici, j’emploie le cadre d’analyse de Nikklas Luhmann, un sociologue allemand qui a posé une théorie générale des systèmes sociaux que j’aime bien – il était avocat avant d’enseigner la sociologie et a une belle réflexion (post-moderne, en lien avec le paradigme des réseaux sans les nommer).

Or, les BAMÉEs ont le rôle ou le pouvoir, découlant de leur « mission institutionnelle » (au sens de Castells dans Rise of the Network Society, p. 148), de modifier la codification d’illégale à légale d’un usage réservé au titulaire d’un droit d’auteur. Par exemple, comme nous l’apprend le jugement CCH de la Cour suprême, une bibliothèque peut faire pour autrui une « utilisation équitable » d’une oeuvre si son agent agit dans le cadre d’une politique institutionnelle à cet effet. Essentiellement, ce pouvoir permet d’invoquer une exception pour autrui qui a la conséquence de rendre légal ce qui serait juridiquement illégal dans d’autres circonstances.

Plusieurs avocats ne comprennent pas ce rôle ou pouvoir – surtout s’ils évoluent à l’extérieur du milieu institutionnel.

Souvent, un avocat sera habilité à déterminer le niveau de risque d’un usage et peut-être, dans les meilleurs cas que j’ai pu lire, de discuter des 6 facteurs de l’utilisation équitable du jugement CCH (voir paragraphes 53 et suivants).

D’où l’importance du travail de certains groupes de recherche, comme CIPPIC (Canadian Internet Policy and Public Interest Clinic) à l’Université d’Ottawa est si important, pour faire le pont entre le droit et la mission institutionnelle des BAMÉEs. Également, l’importance des associations professionnelles de travailler sur ces questions.

Plus souvent qu’autrement, invoquer une exception devrait résulter d’une analyse professionnelle d’un agent de l’institution (BAMÉE) plutôt que d’obtenir une opinion juridique. Nous avons perdu notre capacité d’analyse à cause de l’émergence rapide de l’univers numérique et des changements des modes de production et de diffusion de la culture.

Dans quelle société vivons-nous si les bibliothécaires, archivistes, conservateurs et éducateurs ont peur du droit d’auteur ?

Un avocat peut identifier les antipodes, les extrêmes du continuum formé par deux alternatives: demander permission pour une utilisation ou invoquer une exception. Mais un professionnel d’un BAMÉE peut mesurer exactement les circonstances d’un usage afin de déterminer la validité d’invoquer une exception.

Dit autrement, l’équité n’est pas une question de droit, mais de circonstances.

Le titulaire du droit d’auteur peut s’objecter – s’objectera fort probablement – mais le jugement professionnel demeure. Il reste à savoir si l’institution désire appuyer ce jugement par une politique officielle, mais il s’agit d’une question de gestion de risque – est-ce que l’exception mène à un risque politique, médiatique, économique ?

En fait, dans un marché monopolistique où les biens ne se remplacent pas eux-mêmes (les oeuvres de l’esprit ne sont pas, par définition, des commodités), invoquer une exception est souvent la seule façon d’opérer un marché équitablement – ou de signaler à votre co-contractant que les termes de son marché sont inéquitables.

Il faut dire que cette approche nécessite la collaboration étroite entre les professionnels pour déterminer les risques, les asymétries de pouvoir et mesurer les lacunes des marchés… sans quoi, c’est les avocats qui vont mener le bal.

Une opinion personnelle à prendre ou à laisser, bien sûr !