Lecture de: "Droit de distribution" de Moyse
Il y a de ces livres qui vous tombent sous la main par hazard, au détour d’une visite à une bonne librairie, que l’on s’empresse d’acheter et qui nous suivent dans tous nos déplacements dans l’espoir d’avoir quelques moments pour poursuivre notre lecture. Il y a même ces livres dont les auteurs ont la gentillesse de dédicacer (merci Pierre-Émmanuel). J’ai enfin pu terminer la lecture d’un tel livre :
MOYSE, Pierre-Émmanuel. Le droit de distribution : analyse historique et comparative en droit d’auteur. Cowansville : Éditions Yvon-Blais, 2007. 720 p. (ISBN 978-2-89635-099-5)
Ce livre, qui est en fait la thèse doctoral de professeur Moyse, défend l’hypothèse que le droit d’auteur est un « droit de distribution » – et plus particulièrement, que la distribution est l’analogie qui domine et sous-tend le développement du droit d’auteur. L’auteur reprend la question depuis les tous débuts du droit d’auteur, depuis les premières lois en Angleterre et en France, puis les efforts au niveau international.
Le volume se lit comme un roman, du moins pour ceux qui peuvent voir des protagonistes en les divers intervenants du milieu, de l’action dans chaque revendication et des dénouements dans chaque changement législatif. Un travail solide, très bien écrit et érudit.
J’ai particulièrement apprécié les recensements effectués entre chaque mouvement législatif – qui correspondent à l’édiction de certains textes législatifs, à leur modification et aux préparations aux discussion au niveau international (mot fétiche: plénipotentiaire).
On y apprend, par exemple, que les auteurs n’étaient pas présents dans les premiers textes législatifs de l’Angleterre (1708) et de la France (1793). Le copyright et la propriété littéraire ne bénéficiaient que les éditeurs puisqu’il était reconnu que les auteurs leurs cédaient tous leurs droits lors de la mise sous impression de leurs oeuvre. Il a fallu les efforts de certains grandes plumes (Victor Hugo, Dickens…) au 19e siècle, qui réagissaient au pillage de leurs oeuvres aux USA (entre autres) pour reconnaître le rôle de l’auteur dans ce cadre législatif.
Un autre point très intéressant concerne l’avènement du caractère international du droit d’auteur – un droit mondialisé avant l’heure – et surtout comment le Canada, petite colonie, joua du coude pour affirmer sa souveraineté. Le droit d’auteur est réellement un enjeu économique depuis plusieurs centaines d’années !
J’ai moins aimé le traitement réservé à la question du droit de prêt public. Il faut comprendre qu’il s’agit d’un point très mineur (quelques pages tout au plus) mais je suis surpris que l’auteur ne recense pas les sources juridiques de ce programme au Canada et qu’il l’assimile d’amblée au droit d’auteur (ce qui n’est pas le cas au Canada, sauf dans la rhétorique de certains groupes). Il faut dire que j’ai été membre de l’exécutif de la Commission de droit de prêt public pendant 4 ans et que cette question me tient à coeur. Mais on passe outre ce petit point assez rapidement vu la qualité du travail accompli !
Il faut dire que l’auteur s’attaque à la question du droit d’auteur numérique avec aplomb et intelligence. Débutant l’analyse depuis les textes de réflexions Européens, des USA et du Canada, il trace des liens entre les théories du droit d’auteur et les diverses évolutions législatives. Une section des plus éclairantes.
Enfin, la bibliographie figure parmi les plus complètes sur la question – une réelle source d’inspiration pour un doctorant… bravo !
Il faut dire que les heures d’éveil passé avec ma fille naissante au beau milieu de la nuit ont contribuées à ma lecture de ce tome. En fait, je suis ravi de vous apprendre qu’elle m’écoutait amoureusement – tel un chérubin ! – lors de ma douce lecture nocturne… Malgré son très jeune âge, elle montre déjà un intérêt marqué pour le droit d’auteur…
Ce contenu a été mis à jour le 2011-03-01 à 16 h 47 min.