Organisations | Page 17

Bibliothèques Municipalités Québec Réforme

De la disparition des bibliothèques publiques au Québec

On le sait, les billets sur les blogues doivent avoir des titres accrocheurs pour attirer des lecteurs. Vous allez voir que je suis coupable de cet affront intellectuel.

Je viens de constater qu’en 2005, nos élus provinciaux ont évacués les références spécifiques aux bibliothèques publiques dans les lois municipales du Québec. Il n’est maintenant question que de « services culturels, récréatifs ou communautaires » sans précisions.

En droit administratif dans une juridiction civile, il est généralement admit que tout est interdit sauf ce que la loi permet. Alors, si un organe de l’état pose un geste, il doit y avoir une source juridique. Comme pour l’établissement d’une bibliothèque publique dans une municipalité.

J’avais souvenir que la Loi sur les cités et villes (LRQ, c C-19) et le Code municipal du Québec (LRQ, c C-27.1) édictaient des responsabilités particulières aux villes, villages, cités et autres agglomérations municipales québécoises pour l’établissement de bibliothèques publiques. Une petite recherche dans mon moteur de recherche juridique préféré (et gratuit) m’a indiqué que cette référence fut abrogée en 2005. Enquête.

En mai 2005 était sanctionnée la Loi sur les compétences municipales (LQ 2005, c. 6, projet de loi 62) où notre Assemblée nationale a abrogé les articles 471 et suivants de la Loi sur les cités et villes (LQ 2005, c.6 a. 194) et les articles 524.1 à 524.3.1 du Code municipal du Québec (LQ 2005 c. 6 a. 214). À la fin de ce billet, j’ai recopié les versions antérieures de ces lois pour comparaison.

Selon la ministre Normandeau, l’objectif de la réforme était de généraliser les pouvoirs des municipalités, d’en retirer la spécificité. Vous pouvez visiter la page des consultations du projet de loi 62 sur le site de l’Assemblée nationale, mais la réunion du 14 avril 2005 est celle où les points concernant la culture furent débattus et votés.

Or, nos élus ont cru bon retirer toute référence spécifique aux bibliothèques, maisons de la culture, des musées publics, des centres d’expositions, des centres d’interprétation du patrimoine et des salles de spectacle.

Voici le texte de la nouvelle Loi sur les compétences municipales (LRQ, c C-47.1)

CHAPITRE II
CULTURE, LOISIRS, ACTIVITÉS COMMUNAUTAIRES ET PARCS

7. Toute municipalité locale peut réglementer les services culturels, récréatifs ou communautaires qu’elle offre et l’utilisation de ses parcs.

2005, c. 6, a. 7.

7.1. Toute municipalité locale peut confier à une personne l’exploitation de ses parcs ou de ses équipements ou lieux destinés à la pratique d’activités culturelles, récréatives ou communautaires.

Tout contrat visé au premier alinéa peut également prévoir que la personne assure le financement des travaux effectués en vertu du contrat. Dans un tel cas, la Loi sur les travaux municipaux (chapitre T-14) ne s’applique pas à ces travaux.

2005, c. 50, a. 104.

8. Toute municipalité locale peut, sur son territoire ou à l’extérieur de celui-ci, après avoir avisé la municipalité concernée, établir ou exploiter un équipement culturel, récréatif ou communautaire avec un organisme à but non lucratif, une commission scolaire ou un établissement d’enseignement.

Elle peut également, à l’extérieur de son territoire, accorder une aide à une personne pour l’établissement et l’exploitation d’équipements et de lieux publics destinés à la pratique d’activités culturelles, récréatives ou communautaires.

2005, c. 6, a. 8.

Quelle est la conséquence de cette modification législative ? Est-ce que cette généralisation va porter préjudice aux services culturels municipaux du Québec ?

Ces questions m’interpellent car il s’agit d’impacts sociaux découlant de modifications juridiques. Peut-être simplement, on verra que le droit n’a pas d’impact sur l’évolution des bibliothèques publiques au Québec. Je l’espère! Nous avons certainement besoin de plus d’études sur la structure culturelle québécoise, comme cette étude récente sur le modèle québécois de la culture

J’ai espoir de croire que les citoyens vont continuer de croire en l’intérêt d’avoir des bibliothèques municipales à la grandeur de la province. Mais de l’espoir civique survient le doute du chercheur…

En fait, peut-être s’agit-il d’un exemple de droit souple. Selon un rapport récent du Conseil d’état du gouvernement français, le droit souple comprend trois dimensions, à la p. 5/29  :

– ils ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ;
– ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ;
– ils présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit.

Voir aussi cet article dans la revue scientifique Jurisdoctoria concernant le droit souple et le commerce électronique.

L’idée est de diminuer l’inflation législative (des longues lois complexes) grâce à des lignes directrices et autres éléments découlant de groupes sociaux. Ainsi, cette généralisation de la loi la simplifie mais il fait maintenant regarder ailleurs pour retrouver les sources juridiques adéquates pour l’activité règlementaire de l’état.

Par exemple, on pourrait penser qu’il incombe maintenant à l’Association des bibliothèques publiques du Québec de proposer des lignes directrices pour l’articulation en droit règlementaire municipal des activités des bibliothèques publiques sur son territoire.

C’est pour dire que s’il s’agit d’un exemple de droit souple au Québec, ou à proprement parler d’une généralisation en droit, il faut obtenir l’information sur le cadre règlementaire adéquat ailleurs que dans la loi.

VERSIONS ANTÉRIEURE DES LOIS

Loi sur les cités et villes, LRQ, c C-19 – version en date du 5 déc. 2005

§ 25. — Des bibliothèques publiques

Rôle.

471. Le conseil peut, par règlement, établir et maintenir sur le territoire de la municipalité des bibliothèques publiques dont les fins sont notamment la conservation, la consultation et le prêt des documents publiés ainsi que l’information et l’animation d’activités reliées à la lecture.

S. R. 1964, c. 193, a. 477; 1992, c. 65, a. 26.

Règles de fonctionnement.

471.0.1. Le conseil peut, par règlement, établir les règles relatives au fonctionnement de ces bibliothèques de même que les conditions d’utilisation par le public des services qu’elles offrent.

1992, c. 65, a. 26.

Aide du conseil.

471.0.2. Le conseil peut, aux conditions qu’il détermine, aider à l’établissement et au maintien de bibliothèques publiques sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.

1992, c. 65, a. 26.

Bibliothèques publiques.

471.0.2.1. La municipalité peut conclure, seule ou avec une autre municipalité, des ententes avec toute commission scolaire ou tout établissement d’enseignement pour établir et maintenir en commun des bibliothèques publiques sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.

1997, c. 93, a. 59.

§ 25.0.1. — Des maisons de la culture, des musées publics, des centres d’expositions, des centres d’interprétation du patrimoine et des salles de spectacle

Responsabilité du conseil.

471.0.3. Le conseil peut, par règlement, établir et maintenir sur le territoire de la municipalité des maisons de la culture, des musées publics, des centres d’expositions, des centres d’interprétation du patrimoine et des salles de spectacle.

1992, c. 65, a. 26.

Responsabilité du conseil.

471.0.4. Le conseil peut, aux conditions qu’il détermine, aider à l’établissement et au maintien de maisons de la culture, de musées publics, de centres d’expositions, de centres d’interprétation du patrimoine et de salles de spectacle sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.

Code municipal du Québec, LRQ, c C-27.1 – version en date du 5 décembre 2005

SECTION VII.1

DES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES

524.1. Toute municipalité locale peut, par règlement, établir et maintenir sur son territoire des bibliothèques publiques dont les fins sont notamment la conservation, la consultation et le prêt des documents publiés ainsi que l’information et l’animation d’activités reliées à la lecture.

1992, c. 65, a. 28.

524.2. La municipalité locale peut, par règlement, établir les règles relatives au fonctionnement de ces bibliothèques de même que les conditions d’utilisation par le public des services qu’elles offrent.

1992, c. 65, a. 28.

524.3. Toute municipalité locale peut, aux conditions qu’elle détermine, aider à l’établissement et au maintien de bibliothèques publiques sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.

1992, c. 65, a. 28.

524.3.1. Toute municipalité locale peut conclure, seule ou avec une autre municipalité locale, des ententes avec toute commission scolaire ou tout établissement d’enseignement pour établir et maintenir en commun des bibliothèques publiques sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.

1997, c. 93, a. 75.

SECTION VII.2

DES MAISONS DE LA CULTURE, DES MUSÉES PUBLICS, DES CENTRES D’EXPOSITIONS, DES CENTRES D’INTERPRÉTATION DU PATRIMOINE ET DES SALLES DE SPECTACLE

524.4. Toute municipalité locale peut, par règlement, établir et maintenir sur son territoire des maisons de la culture, des musées publics, des centres d’expositions, des centres d’interprétation du patrimoine et des salles de spectacle.

1992, c. 65, a. 28.

524.5. Toute municipalité locale peut, aux conditions qu’elle détermine, aider à l’établissement et au maintien de maisons de la culture, de musées publics, de centres d’expositions, de centres d’interprétation du patrimoine et de salles de spectacle sur son territoire ou sur celui qui y est contigu.

1992, c. 65, a. 28.

Canada Jugement Liberté d'expression Vie privée et anonymat Web 2.0

Piquet de grève et vie privée

La Cour suprême du Canada vient de rendre un jugement unanime en faveur de la liberté d’expression d’un syndicat albertain. Merci à prof. Sam Trosow pour l’analyse du jugement, dont je vous livre un sommaire. Voici la référence neutre et ouverte :

Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401, 2013 CSC 62 (CanLII), < http://canlii.ca/t/g1vf7> consulté le 2013-11-20

Les travailleuses et travailleurs, en grève et formant un piquet en face le leur employeur (un casino dans le West Edmonton Mall), avaient érigé une pancarte indiquant que tous ceux qui brisent le piquet seraient pris en photos et diffusés sur Internet. La commission à la vie privée provinciale a reçu une plainte des intrépides et cette dernière a intimé le syndicat de retirer les photos.

La Cour suprême, à l’unanimité, a donné raison au syndicat, en optant pour la liberté d’expression contre la vie privée, dans cette incursion du Web 2.0 dans les relations de travail.

Google Jugement Livre et édition

La cour est catégorique: Google books est du "fair use"

La cour vient de livrer son jugement dans l’affaire opposant des auteurs de livres sous droit d’auteur et le géant de la recherche web Google. Ces auteurs s’opposaient au projet « Google Books » où des millions de livres en bibliothèque sont numérisés, indexés et dont de courts extraits sont diffusés par Internet pour répondre aux requêtes des Internautes.

Le jugement est absolument clair : cet usage est équitable et constitue du Fair Use , aucune redevance n’est requise par Google. À la page 16 du jugement :

The sole issue now before the Court is whether Google’s use of the copyrighted works is « fair use » under the copyright laws. For the reasons set forth below, I conclude that it is.

Voir aussi : ces billets sur le site du Washington Post ainsi que Ars Technica. Professeur Sam Trosow offre des liens vers certains documents livrés à la cour (amicus curae) dans le cadre de ce litige par l’American Library Association, l’EFF et d’autres.

Canada Commerce et Compagnies Livre et édition

ONIX et la discrimination des prix

BookNet Canada, un regroupement d’éditeurs anglophones du Canada, offre une explication concernant la discrimination des prix pour les bibliothèques dans les métadonnées ONIX. Il s’agit d’un système par lequel les acquisitions en bibliothèques de livres électroniques peuvent être automatisées.

Parfois, il faut constater de petits changements presque anodins dans la technologie pour anticiper une mutation plus globale du marché.

Accès libre Canada Universités Utilisation équitable

Quelques livres à paraître

Voici deux livres qui figurent sur notre liste « à acheter » d’ici les prochains mois :

Dynamic fair dealing: Creating Canadian Culture Online
Edited by Rosemary J. Coombe, Darren Wershler, and Martin Zeilinger
University of Toronto Press, Scholarly Publishing Division © 2013
464 Pages 4 Images

Prévu en avril 2014, ce livre propose des essais de plusieurs chercheurs et juristes du côté des usagers de l’écosystème du droit d’auteur canadien.

The Library Juice Press Handbook of Intellectual Freedom: Concepts, Cases, and Theories
Editors: Mark Alfino and Laura Koltutsky
Price: $75.00
Expected: 2014
ISBN: 978-1-936117-57-4

Pour ce second livre, je signe un chapitre sur l’accès libre (open access). Il va sans dire que je considère l’accès libre un enjeu majeur du milieu académique contemporain, mais j’ai tenté d’approcher le lien entre l’accès libre et la liberté intellectuelle d’une perspective neutre. En fait, je désirais recenser et illustrer certaines objections de profs qui ne sont pas ouverts à l’accès libre.

Je vous vend la mèche : les deux objections les plus intéressantes de l’accès libre prennent leurs racines dans la liberté académique. La première, concerne l’autonomie du chercheur et stipule que l’institution universitaire ne doit pas établir des directives quant à la dissémination du savoir, seul le chercheur est maître dans le choix de diffuser. Il s’agit d’une position intéressante à contempler (mais, personnellement, je n’y donne pas beaucoup de poids car tout est contrainte dans le monde universitaire de toute façon.

La seconde concerne la recherche en collaboration. Si des chercheurs, doctorants, techniciens de labo et autres itinérants intellectuels collaborent depuis plusieurs institutions, corporations et pays, le régime juridique à appliquer et les droits sur les produits intellectuels complexifient le recours à l’accès libre. Il est possible de tirer son épingle du jeu, mais tous les intervenants, leurs organisations d’attache et une pléthore de politiques et autres contrats d’embauche sont à décortiquer…

Enfin, mon texte sera publié dans le livre et je diffuserai la version pré-impression dans Spectrum, le dépôt institutionnel de mon employeur, 3 mois plus tard.

Accès à l'information Information et savoirs Québec Rapport et étude

La science et les Québécois(ses)

L’Association Science et bien commun lance une enquête par Internet sur la perception de la science par les québécois. Selon l’association dont je suis membre :

Ce grand questionnaire web, réalisé de manière collaborative, couvre quatre grands thèmes : 1) l’intérêt des répondants pour les sciences, 2) leur perception de ce que sont les sciences et les scientifiques, 3) leur accès à l’information scientifique et 4) leur position sur les rapports entre la science, les citoyens et le gouvernement. Toutes les sciences enseignées à l’université sont concernées : de la nature, du vivant, sociales et humaines, technologies, etc. Répondre à ces 40 questions (en 30 minutes environ) offre une occasion de réfléchir de manière approfondie à notre rapport à la science, tout en contribuant à tracer un portrait global de la situation québécoise qui saura éclairer autant les médias scientifiques que les autorités publiques et les chercheurs en études sociales des sciences. Plusieurs questions permettront des comparaisons internationales.

Il est possible d’y participer d’ici au 7 novembre prochain.

Commerce et Compagnies Critique Droit d'auteur Grande Bretagne Jeux vidéos LLD Rapport et étude

La piraterie aide les industries culturelles

Une étude universitaire lancée par le département de communication de la prestigieuse London School of Economics & Political Science contredit le message de l’industrie culturelle quant à la nécessité du renforcement des peines de contrefaçon en droit d’auteur. La piraterie aide leurs affaires :

The report shows that the gaming, film and publishing industries are growing and new business models are emerging based on digital sharing.

For some in the creative industries, copyright infringement may actually be helping boost their revenues, the report finds.

Industry data shows that while the music industry has stagnated somewhat in the last four years, since 1998 it has experienced overall growth with internet-based revenues as a significant component since 2004. In the UK, online sales now exceed CDs or vinyl as a percentage of total revenue for recorded music.

L’étude, intitulée Copyright & Creation: A Case for Promoting Inclusive Online Sharing (par Bart Cammaerts, Robin Mansell, Bingchun Meng du London School of Economics and Political Science, Department of Media and Communications) propose des recommendations pour écarter le recours à une réponse graduée en Grande-Bretagne. L’étude est disponible gratuitement dans Internet.

Bibliothèques Canada LLD Universités Utilisation équitable

L'utilisation équitable comparée

Une collègue de l’Université Western vient de publier une étude sur les politiques d’utilisation équitable dans les universités canadiennes :

Comparison of Fair Dealing and Fair Use in Education Post-Pentalogy

Lisa Di Valentino
University of Western Ontario – Faculty of Information and Media Studies

September 3, 2013

Abstract:
While traditionally American fair use has been thought of as broader in scope than Canadian fair dealing, I claim that in 2013 this is no longer the case. I further argue that educational administrators and academic and library associations in Canada have yet to take full advantage of this expansion of users’ rights.

In Part I I give a brief and general overview of copyright in Canada and the United States. In Part II I compare the legislation and jurisprudence specifically with respect to fair dealing and fair use, using the fairness factors as a guide. Specifically, this part will examine differences with respect to the fairness factors in general, transformativity, amount and substantiality, market harm and licences, and institutional practice and policy. Part III is a discussion of the advocacy efforts of Canadian and American educational and library professional associations and the development of best practices and guidelines. I conclude that colleges and universities in Canada may now confidently develop copyright policies that reflect the rights of users, but educational administrators and associations in Canada are lagging behind their American counterparts in leveraging this opportunity.

This paper was presented as a work-in-progress at the IP Scholars Conference, Cardozo Law School, New York (9 August 2013).

Number of Pages in PDF File: 41

Keywords: fair dealing, fair use, copyright law, pentalogy, comparative, education, libraries, administration