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Jugement Québec Revendication

Annonce publique du recours collectif de Copibec c. Université Laval

À la page B7 du quotidien Montréalais Le Devoir apparaît cette annonce de la part de Copibec – cliquez sur l’image si elle ne s’affiche pas correctement :


Cette œuvre protégée par droit d’auteur est reproduite et communiquée au public par télécommunication en vertu du droit à l’utilisation équitable (pour fins de communication de nouvelle, critique, etc.) de l’auteur de ce blogue. 

Amérique du Nord Propriété intellectuelle Réforme

L’été, c’est fait pour… consulter

Pour les québécoi.se.s d’un certain âge (dont je fais partie), l’émission pour enfant Passe-Partout est une source intarissable de références culturelles. Tous les poussinots et poussinettes savent que l’été c’est fait pour jouer, sauf ceux et celles des gouvernements du Canada et du Québec, ainsi que les juges du pays, qui décident d’utiliser la belle saison pour nous faire réfléchir et travailler.

Cet été, nous avons droit à deux consultations publiques d’intérêt, l’une du gouvernement fédéral pour l’ALÉNA, et l’autre du gouvernement du Québec sur sa nouvelle politique culturelle. De plus, nos juges ne chôment pas cet été, en plus de la récente décision Google Inc. c. Equustek Solutions Inc. (qui traite d’une injonction imposant à Google de retirer des liens vers du matériel numérique contrefait sur ses serveurs à l’extérieur du Canada), on peut s’attendre à certaines décisions intéressantes (dont celle impliquant l’Université de York et Access Copryright, la société de gestion collective du droit d’auteur au Canada anglais).

Débutons avec la consultation du gouvernement fédéral sur l’accord de livre-échange avec les USA – l’ALÉNA (je traiterai de la consultation pour la nouvelle politique culturelle québécoise dans un autre billet).

Avant tout, l’institut de recherche en politique publique (Canada) diffuse un dossier intitulé « Repenser la politique canadienne sur le droit d’auteur » dans sa revue Options Politiques.

Repenser la politique canadienne sur le droit d’auteur

 

Ce dossier tombe à pic car le gouvernement fédéral consulte les citoyens du pays sur les enjeux découlant du traité de libre échange avec les États-Unis, l’ALÉNA. Le lien entre un accord de libre-échange et la propriété intellectuelle peut sembler ténu, mais la réalité est tout autre. Le droit d’auteur, les brevets et les autres domaines de la propriété intellectuelle édictent des droits de propriété sur du savoir ou des idées. Les États-Unis ont recours aux accords bilatéraux pour lisser les législations d’autres pays en sa faveur. Ironiquement, la première mouture de l’ALÉNA, entrée en vigueur en 1993, édicte un chapitre sur la PI mais fut négociée avant qu’Internet et le numérique ne bouscule les industries culturelles et du savoir. Compte tenu des récriminations du gouvernement Trump contre nos pratiques commerciales, nous auront droit à une négociation difficile.

En fait, plus du trois-quart de nos exportations vont chez nos voisins du sud. Certaines industries, dont le bois d’oeuvre (surtout la matière ligneuse récoltée sur les terres de la couronne que les USA associent à des subventions masquées) et la gestion de l’offre en agriculture (domaines laitiers et céréaliers par exemple) embêtent les américains. Par ailleurs, le Canada figure sur la liste noire des USA concernant la propriété intellectuelle depuis des années. D’ailleurs, l’infatigable blogueur Michael Geist, professeur en droit des TI à l’Université d’Ottawa, propose une série de billets pour décrypter la position américaine sur les questions numériques susceptibles de tomber dans la collimateur des négociations.

En plus des questions de propriété intellectuelle, il est également question de « l’exception culturelle » qui est très chère à nos fournisseurs de contenu, les écrivain.ne.s, les musicien.ne.s et les act.rices.eurs… tout l’appareillage de support à la création et à la diffusion pourrait tomber dans le broyeur américain par le biais de cette négociation…

Ainsi, je suis en train de préparer mes réponses aux questions lancées par le gouvernement fédéral pour préparer les négociations de l’ALÉNA. Je les partagent avec vous pour susciter la réflexion et vous inviter à également contribuer à ce processus démocratique dans la négociation souveraine entre un géant commercial et son voisin parfois complaisant:

 *À votre avis, quelles devraient être les priorités du Gouvernement du Canada dans cette renégociation de l’ALÉNA (ex. enjeux commerciaux, pratiques commerciales)?

Le Canada doit bâtir et maintenir une rhétorique commerciale qui dépasse le simple cadre économique. En ce sens, il est essentiel d’incorporer des modèles ou conceptualisations novateurs basés sur une approche critique et réflexive plus large. À cette fin, il faut introduire de nouvelles théories pour mieux saisir le rôle du droit et de l’économie dans l’organisation de l’activité humaine.

La doxa économique contemporaine se divise en deux pôles intellectuels. D’un côté, l’approche économique dite néoclassique favorise l’analyse transactionnelle des marchés de biens généralement homogènes. De l’autre, l’approche néolibérale élève les marchés comme structure institutionnelle incontournable, voire hégémonique, dans l’organisation sociale et industrielle.  Ces deux approches intellectuelles sont pertinentes surtout lors de l’analyse des interactions compétitives de corporations à l’intérieur d’un marché donné (ou de marchés complémentaires). Elles dominent la rhétorique commerciale de nos voisins.

Par contre, ces théories échouent à la fois sur le plan téléologique et exogène. Rapidement, une analyse téléologique vise à observer la finalité, l’effet d’une politique publique sur la société. L’analyse des facteurs exogènes, quant à elle, observe les facteurs externes à un système social pour comprendre l’interaction entre le système observé et son environnement extérieur. Ainsi, un argument purement économique, qui n’incorpore pas une analyse des asymétries de pouvoir, des risques, des défaillances de marchés ou des externalités, ne mènera pas à des politiques publiques pertinentes, pérennes et évolutives. Outre l’analyse néoinstitutionnelle en économie, les théories pluralistes du droit, les théories des communs de Ostrom ainsi que la sociologie cybernétique offrent des pistes de solutions aux écueils de la pensée traditionnelle en économie.

Ainsi, le Canada doit analyser ses positions commerciales en fonction de ces nouvelles approches théoriques et intellectuelles afin de mieux contextualiser comment les récriminations ou revendications des États-Unis peuvent nous nuire.

*Y a-t-il des éléments de l’ALÉNA qui fonctionnent bien et qui devraient être préservés ou améliorés?

La libre circulation des individus, surtout dans le cadre de leur emploi, est un élément à maintenir et améliorer, dont les visas de travail pour certains secteurs clé dont les technologies de l’information, la santé et les bibliothèques.

*Êtes-vous au courant de pratiques commerciales, de lois ou de règlements aux États-Unis ou au Mexique qui nuisent ou qui pourraient nuire à l’accès au marché pour les produits et services canadiens?

Oui. Dans le domaine culturel, les plateformes de diffusion (Google de Alphabet, Amazon, Facebook, Netflix, iTunes de Apple) ne répondent pas aux besoin des canadiens. Leur opération et leur organisation est basée sur des algorithmes qui n’incorporent pas nos préoccupations sur la découvrabilité de notre culture ainsi que l’équité et la diversité des voix dans l’expression de celle-ci.

 

*Y a-t-il des enjeux que vous aimeriez ajouter dans l’ALÉNA, ou alors des enjeux dont vous ameriez voir la couverture étendue pour refléter l’évolution du commerce depuis l’entrée en vigueur de l’ALÉNA ?

Oui. Internet et les questions des technologies de l’information ont des répercussions juridiques, économiques et sociales. Il est important de protéger nos pratiques, surtout pour maintenir les droits des utilisateurs dans le domaine de la propriété intellectuelle comme les exceptions au droit d’auteur, la liberté d’expression, le financement de la culture (« exception culturelle »), la découvrabilité de notre contenu dans l’univers numérique et le rôle nuisible des plateformes et de leurs algorithmes dans les politiques publiques canadiennes.

De plus, le financement étatique dans l’industrie de la culture et des communication est essentielle à la viabilité des marchés nationaux. Les politiques de nos voisins ne portent pas attention aux externalités négatives et aux défaillances de marchés qui découlent d’une analyse purement économique. La culture est bien plus qu’un marché et nous devons bâtir une rhétorique commerciale en lien avec des théories progressives en économie, en droit et en sociologie.

Autre commentaire:

Les théories favorisant les analyses téléologiques et exogènes sont utiles pour tous les domaines économiques, comme le bois d’oeuvre ou la gestion de l’offre en agriculture. En fait, les ressources naturelles, l’agriculture et l’information, la culture et le savoir sont des domaines analogues de par la nature publique de ces biens dans la théorie économique. Ce que je propose comme approche intellectuelle pour le domaine du patrimoine et de la culture s’applique également pour tous les domaines d’intérêt stratégique pour le Canada.

Canada Québec Rapport et étude Universités

La science à l’étude

Sans l’ombre d’un doute, le but de la recherche est de faire de l’argent. Ou, du moins, contribuer à augmenter la valeur des activités économiques de la Province de Québec par la commercialisation des extrants de la recherche et du développement. C’est ce qui se dégage de la lecture (somme toute rapide, je l’admet) de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation (SQRI), un document de plus de 125 pages.

Oser Innover: la stratégie québécoise de recherche et d’innovation (SQRI)

Dévoilée en même temps que le 85e congrès de l’ACFAS à Montréal, la Stratégie ou SQRI présente les orientations politiques du gouvernement provincial ainsi que les cibles à atteindre.

D’entrée de jeux, le document s’inscrit dans le modèle proposé par l’OCDE en ce qui concerne les méthodologies à appliquer pour mesurer l’impact des politiques publiques scientifiques, connu sous le nom Manuel de Frascati, révisé en 2015. Ce volumineux tome (plus de 400 pages) indique aux statisticiens nationaux comment compiler des données statistiques pour observer puis comparer les éléments pertinents de leurs économies. Par exemple, le nombre d’employés universitaires, de brevets déposés, d’articles scientifiques ainsi que la valeur des investissements pour les fonds de recherche ou les crédits d’impôt corporatives en recherche et développement sont tous des mesures pertinentes pour déterminer l’impact des politiques publiques.

Il est absolument pertinent de comprendre dans quel cadre la SQRI s’inscrit : en particulier pour pouvoir se l’approprier en tant qu’acteur social directement impliqué dans la grande machine universitaire. Une petite recherche à l’intérieur du document permet de déceler que le seul moment où l’on mentionne la suite de caractères « biblio » est pour évoquer la bibliométrie (en tant que mesure de productivité intellectuelle) et pour discuter des données ouvertes (comme intrant à la recherche ou, plus précisément, pour « Faire de l’État un catalyseur du changement »). Le SQRI ne semble pas mentionner le libre accès aux publications scientifiques.

Grosso-modo, le SQRI, à la page 12, propose le modèle suivant:
R&D => Invention => Innovation => valeur
La recherche et le développement induit des inventions qui, si elles sont mis en oeuvre dans les pratiques industrielles et commerciales, deviennent des innovations qui peuvent enfin générer de la valeur.

Le rôle des universités s’inscrit en amont et celui de la propriété intellectuelle, le vecteur qui permet à la R&D de traverser ce modèle. À ce titre, la PI est définie ainsi à la page 121 :

Caractère intangible ou intellectuel d’œuvres ou de créations et ensemble des lois qui régissent ces propriétés. On distingue six éléments de la propriété intellectuelle: les brevets, les marques de commerce, les conceptions industrielles, l’information confidentielle, le droit d’auteur et la protection des topographies de circuits intégrés.

Par ailleurs, la SQRI propose deux formes d’innovation, l’innovation sociale, qui s’oppose à l’innovation « classique » du domaine des innovations technologiques de produits et de procédés (encadré 2, p.12). Si l’innovation classique semble relever du domaine de la propriété intellectuelle et de son archétype, le brevet, l’innovation sociale est d’un autre ordre. Selon le SQRI:

Une innovation sociale est une idée, une approche, une intervention, un service, un produit, une loi ou un type d’organisation constituant une nouveauté et répondant plus adéquatement et plus durablement que les solutions existantes à un besoin social bien défini, ou encore une solution ayant trouvé preneur au sein d’une institution, d’une organisation ou d’une collectivité et produisant un bénéfice mesurable pour la collectivité et non seulement pour certains individus. La portée d’une innovation sociale est transformatrice et systémique. L’innovation sociale entraîne une rupture avec ce qui existait jusque-là.
Tiré de l’encadré 2, SQRI, p. 12, citant le Manuel de Frascati 2015 OCDE

Voici, en bref, les trois objectifs énoncé par le gouvernement dans le SQRI:

Agir avec audace, trois grands objectifs
1. Développer les talents, les compétences et la relève
– Développer la capacité des citoyens et des institutions à appuyer leurs décisions sur des connaissances scientifiques.
– Stimuler la passion des sciences et de l’innovation.
– Promouvoir les talents et les compétences et optimiser leur intégration dans la société.
2. Accroître la capacité de recherche et soutenir l’innovation sous toutes leurs formes
– Soutenir les chercheurs et les innovateurs pour assurer le foisonnement des idées.
– Investir dans la recherche collaborative et les projets innovants.
– Assurer l’accès à des infrastructures compétitives et leur financement.
3. Accélérer et amplifier le transfert et la commercialisation des innovations
– Dynamiser l’écosystème de la commercialisation des innovations.
– Favoriser la création et la croissance des entreprises innovantes par l’adoption précoce et l’intégration des innovations.
– Soutenir les projets de commercialisation des innovations.
– Maximiser le transfert et les retombées de l’innovation sociale et technologique.

Chacun des objectifs et sous-objectifs est développé dans le prospectus du SQRI. Il faut comprendre que le chercheur invente et la corporation innove. Il faut donc commercialiser pour atteindre de la valeur.

Je saute le premier objectif car il s’inscrit moins dans mes préoccupations immédiates.

Pour le second, le gouvernement identifie des domaines « émergents » dans lequel il désire intervenir, en se basant sur les travaux de l’OCDE en science et en technologie:

Sur la base d’analyses prospectives, l’OCDE (2016) a déterminé 10 technologies d’avenir.
Ces technologies d’avenir ou émergentes, aux frontières de 40 technologies clés limitrophes, sont (voir la figure ci-dessous):
1. l’Internet des objets; 2. l’analyse de grandes bases de données; 3. l’intelligence artificielle; 4. les neurotechnologies; 5. les nano/microsatellites; 6. les nanomatériaux; 7. la fabrication additive; 8. les technologies de stockage d’énergie de pointe; 9. la biologie de synthèse; 10. la chaîne de blocs (blockchain).

Et propose la figure suivante:

Dix technologies d’avenir, aux frontières de 40 technologies clés (MQRI, 2017, p. 57)

Pour le dernier objectif, accélérer et amplifier le transfert et la commercialisation des innovations, le gouvernement propose ce graphique à la page 77 :

L’Écosystème de la recherche et de l’innovation (MQRI, 2017, p. 77)

Malgré que cette stratégie beigne dans l’huile à friture néolibérale, il y a quand même de bonnes nouvelles, comme l’annonce d’un réinvestissement dans les infrastructures et programmes….

Et au fédéral?

Sur un autre ordre d’idées, le gouvernement fédéral canadien propose également un « examen des sciences » – un rapport de plus de 200 pages daté du 10 avril 2017 – sur les réformes possibles des structures de financement et de gouvernance de la recherche. Puisque ce rapport propose des recommendations (et non un énoncé de politique publique), il est moins important que le précédent. Mais les esprits curieux de savoir ce qui se trame dans les politiques publiques auront tôt fait de s’y plonger.

Pour en savoir plus

Je propose dans mon autre carnet, celui en anglais (mais moins actif), une courte bibliographie sur le thème de la « mobilisation des connaissances » – un sujet qui m’intéresse de plus en plus étant donné le rôle prédominant à la propriété intellectuelle dans le contexte de la recherche universitaire. Je compte bien, un jour, partager quelques réflexions plus structurées sur ces thèmes, spécifiquement le rôle de la propriété intellectuelle dans la mobilisation des connaissances à l’université (et surtout, comment les analyser et bâtir un service flexible et ouvert).

Art contemporain Canada CDPP Conférence CultureLibre.ca Droit d'auteur Jeux vidéos

Notes de mon intervention lors du Sommet sur les arts à l’ère du numérique

Notes manuscrites de l'intervention d'Olivier Charbonneau sur le droit d'auteur numérique
J’ai eu l’honneur de participer au Sommet sur l’art à l’ère du numérique du Conseil des arts du Canada, à titre de « bibliothèque humaine » sur le droit d’auteur numérique. Mon rôle fut d’être disponible lors de l’événement, du 15 au 17 mars 2017, et de mener une suite de conversations sur mon sujet de prédilection. Les participants au Sommet ont convergé à l’Arsenal des quatre coins du Canada et de la planète…

Afin de guider ceux et celles qui se sont joint à moi pour discuter du droit d’auteur numérique, j’ai préparé une brève allocution qui propose quelques points de départ pour la conversation. J’ai retenu une approche qui tente de démystifier certaines perceptions – quatre en fait – incorrectes ou désolantes (selon moi) du droit d’auteur numérique.

Premièrement, le droit d’auteur numérique serait brisé. Je suis d’accord avec Wendy Gordon qui précisa dans un article savant daté de 1982, dans la foulée du jugement de la cour suprême des États Unis en faveur de Sony et de ses magnétoscopes Beta, que le « plus moins pire » système pour le droit d’auteur en est un qui édicte des droits de propriété forts et des exceptions flexibles. Nonobstant certains domaines qui mériteraient une meilleure protection en droit (comme la danse et les savoirs traditionnels), ce « système d’exploitation » outille la communauté à opérer des marchés et des systèmes sociaux culturels, informationnels et du savoir.

Ainsi, ce n’est pas le droit d’auteur lui-même qui est brisé, mais les applications qui se greffent à ce système d’exploitation: les licences qui amplifient les externalités, défaillances de marché et asymétries de pouvoir entre les agents économiques et sociaux. Il faut donc réfléchir aux relations privées et non au droit public pour « réparer » le droit d’auteur. Si l’on accepte cette prémisse, la dynamique des échanges et la portée des interventions requises sont tout autre.

Deuxièmement, le droit d’auteur serait complexe (je l’entend souvent). Je ne suis simplement pas d’accord. En me basant sur une conceptualisation luhmannienne, la complexité du système social du droit d’auteur (numérique ou non) n’émerge pas d’une multiplicité ou d’une infinité d’options mais bien de notre incapacité à opérer un choix judicieux parmi les quelques options qu’édicte le droit d’auteur. Prenons comme exemple mon modèle exposant les moyens d’utiliser légalement le droit d’auteur numérique :

Selon ma conceptualisation, il existerait quatre principaux moyens d’utiliser une oeuvre protégée: la pré-autorisation; la permission, l’exception et la création d’une nouvelle oeuvre. La complexité découle du fait que nous avons ni les outils (professionnels, éthiques, artistiques, etc.), ni les moyens pour choisir entre ces options. La complexité n’émerge pas de la loi, qui est relativement claire quant à nos options, mais elle nait de l’absence de moyens ou outils ou processus sociaux, politiques, économiques, éthiques pour opérer un choix légitime à l’intérieur de ce cadre.

Troisièmement, le droit d’auteur numérique – surtout les exceptions – serait du vol. Cette perception est enracinée dans l’approche néoclassique en économie, qui qui se base sur l’analyse des transactions pour comprendre les dynamiques du marché. Ce choix épistémologique introduit un biais méthodologique qui ne nous permet pas de réfléchir à la question spécifique quant à savoir quels sont les moyens d’extraire de la valeur d’oeuvre protégées par le droit d’auteur (l’analyse néoclassique tente de maximiser la richesse dans un marché – wealth en anglais – en se basant sur la transaction comme objet d’étude). Ainsi, l’utilisation équitable et les autres exceptions seraient un coût infligé au marché par l’usurpation d’un droit de propriété. Je trouve cette perspective malheureuse (et erronée) car elle ne permet pas de conceptualiser le rôle stabilisateur de l’intervention des institutions étatiques et sociales dans les marchés et systèmes sociaux d’oeuvres protégées par le droit d’auteur.

Il faut plutôt retenir une approche systémique, voire téléologique en droit (ou, plus précisément, en analyse économique du droit), afin de mieux comprendre la situation. Cette approche positionne l’utilisation équitable et les exceptions comme un investissement étatique et institutionnel dans l’oeuvre, au profit de tous, et non pas comme du vol.

Dit autrement (et dans un langage moins hermétique), si l’utilisation équitable est du vol, il est pertinent pour les auteurs d’actionner les bibliothèques. Si, au contraire, il s’agit d’un investissement, il est pertinent de comprendre les nouveaux moyens d’extraire de la valeur des oeuvres protégées en comprenant comment les bibliothèques emploient les oeuvres numériques pour bâtir de nouveaux marchés et de nouveaux systèmes sociaux. Par exemple, si le législateur rend caduc le droit d’exécution en public des films et documentaires dans les écoles et les universités, il convient de réfléchir à comment monétiser le droit de mise à disposition par Internet. Les bibliothèques acquièrent maintenant des droits de diffusion en flux (streaming) plutôt que simplement des droits d’exécution en public dans des contrats plus flexibles et pertinents pour le contexte d’utilisation institutionnel (et plus payant pour l’industrie). En lire plus ici. J’aurai le temps un jour de vous expliquer mon modèle pour résoudre le problème de la photocopie (ou numérisation) en bibliothèque scolaire ou académique suivant la même logique.

L’utilisation équitable permet un investissement institutionnel dans l’oeuvre et offre l’occasion aux marchés et agents sociaux de comprendre comment innover.

Quatrièmement (et finalement), il faut regarder au-delà du droit d’auteur pour comprendre le droit d’auteur. Le droit d’auteur est le « marteau » qui a toujours servi à tapper sur la tête du « clou » de la rémunération dans l’approche néoclassique en économie (regarder les micro-transactions pour en extraire de l’argent à chaque fois). Google, Amazon, Facebook et Apple ne font pas cette erreur. En plus des autres droits qui peuvent introduire de la valeur dans les échanges numériques (tels le droit lié aux renseignements personnels, les brevets, les marques de commerce, les designs industriels, la liberté d’expression), il faut aussi réfléchir à comment l’architecture technologique (comme les algorithmes et les données massives), les marchés (comme l’émergence des cryptomonnaies), et les normes (les licences libres comme révolte à l’hégémonie commerciale dans la culture) pour rebâtir (réifier) les mécanismes de valeur dans l’ère numérique. Cela peut impliquer que certaines utilisations d’une oeuvre ne soient plus payantes mais peuvent être réguler dans un cadre juridique privé (entente globale ou licence) qui vise certains mécanismes de rémunération (les quatre facteurs sont de Lawrence Lessig).

Il faut anticiper les externalités (positives ou négatives) et les asymétries de pouvoir qui en découlent dans un cadre plus étendu que celui strictement juridique. Il faut revisiter en profondeur les interactions entre les oeuvres protégées (numérique ou non) et les agents de marchés et systèmes sociaux pour faire évoluer notre culture.
C’est mon approche dans le cadre du projet de diffusion de jeux vidéo dans les bibliothèques québécoises – je vise à mettre en pratique ces théories et approches pour bâtir des marchés et des systèmes sociaux dignes de la culture du Canada au 21e siècle. Nous avons reçu un appui de la Fondation Knight pour créer un prototype d’une console de jeux vidéo pour les bibliothèques publiques:

Pour avoir une bonne idée de notre console, je vous invite à visiter le rapport que nous avons fait suivre à la Fondation Knight, qui a financé la conceptualisation de celle-ci:

Indie Games for Libraries (Project Report for the Knight Foundation)


Il s’agit d’un projet de recherche qui tente d’explorer et identifier de nouveaux moyens de diffuser des oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur dans un contexte institutionnel, celui des bibliothèques, au profit de tous. Parmi les divers modèles explorés, celui qui semble correspondre aux impératifs institutionnels et informatiques serait une mallette contenant tout ce dont nous avons besoin pour jouer à des jeux, sauf l’écran: un petit micro-ordinateur qui contient déjà des jeux, des fils pour la brancher au port HDMI d’une télévision ou d’un projecteur, les manettes, etc. Un bel exemple d’une console similaire est la Nintendo Classic. Nous désirons ainsi offrir aux québécois de découvrir les jeux faits ici mais également réfléchir aux questions qui découlent du contexte de diffusion de notre culture à l’ère numérique, questions juridiques, technologiques, économiques, sociologiques, éthiques, esthétiques, etc.

Nous remercions grandement la Fondation Knight d’avoir financé la conceptualisation d’un prototype afin de valider notre concept. Depuis, nous travaillons avec des bibliothèques publiques, musées ainsi que des associations du milieu documentaire afin de valider le cadre d’intervention du projet. Nous en sommes à bâtir et solidifier des ponts avec le milieu des studios de jeux indépendants de la métropole (et ailleurs) afin d’identifier le modèle économique le plus pertinent. Et, comme de raison, nous somme en recherche de financement.

Notre projet s’inscrit à l’intersection des cercles académiques, institutionnels et commerciaux : nous désirons inviter tous les partenaires et autres organisations ou individus interpelés par ce projet à y participer. L’enjeu est de taille: rêver à comment les bibliothèques (entre autres institutions du patrimoine, de la culture et du milieu social) peuvent intervenir pour bonifier les marchés créatifs et culturels au profit de tous par la préservation et l’accessibilité des oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur. Dans l’immédiat, nous visons la diffusion des jeux vidéo en bibliothèque publique mais ce n’est qu’un début. Si la bibliothèque est un lieu citoyen, sûr et accessible, et qui, de surcroit, finance les créateurs par ses budgets d’acquisition afin de permettre une libre circulation de leur oeuvre, comment pouvons nous l’élever comme outil de création et de diffusion numérique ? Pour atteindre cet ambitieux objectif, nous devons bonifier l’approche académique pour l’arrimer aux milieux commerciaux, sociaux et institutionnels.

À la fois pragmatique et conceptuelle, cette approche permet la mobilisation des connaissances académiques au profit de la communauté. Je suis fier de préciser que si ce n’avait pas été de l’excellent festival Montréal Joue, piloté par les bibliothèques publiques de Montréal, nous n’aurions pas pu lancer ce projet. En effet, le centre TAG de l’Université Concordia est un partenaire de l’événement par la foire thématique de jeux vidéo nommée « Arcade 11 » . Cette collaboration entre les bibliothèques municipales de Montréal et mon employeur, l’Université Concordia, m’a offert l’opportunité de réfléchir à comment mes travaux et recherches sur le droit d’auteur numérique peuvent s’appliquer concrètement sur le terrain.

Il s’agit d’un exemple concret de la mise en oeuvre des théories que je tente d’expliquer ici…

Accès libre Art contemporain Conférence Musées Québec

Dossier données ouvertes liées au musée

En juin dernier, j’ai eu la chance de participer à une « journée professionnelle » de la Société des musées de Québec sur les données ouvertes liées. Je suis heureux d’apprendre qu’un dossier complet est diffusé sur le site de la SMQ, incluant une captation de certaines interventions.

Ma préférée est sans l’ombre d’un doute la démonstration de Rodolphe Bailly, de la Cité de la musique de Paris, de la platforme sémantique MIMO.

Aussi, je dois avouer toujours apprécier les interventions de Josée Plamondon – une experte incontestée des données ouvertes liées. Pour en savour plus, je vous réfère au carnet de Josée Plamondon qui est intervenue lors de ce colloque.

Nos contenus culturels sont-ils dans le web des données ? Rapport-synthèse produit pour la SODEC, avril 2016

Source: http://joseeplamondon.com/contenus-culturels-sous-sur-ou-dans-le-web/

BAC LAC Bibliothèques Médiation

Déclaration d’Ottawa pour la collaboration au sein du secteur du patrimoine

À lire absolument en début de nouvelle année, ce texte de Guy Berthiaume, grand patron de Bibliothèque et Archives Canada, qui a organisé un colloque en décembre au sujet de l’avenir des bibliothèques, services d’archives et des musées: Un jour nouveau se lève pour les institutions de mémoire

Voici le texte complet de son intervention, offert en vertu des exceptions sur le droit d’auteur canadiennes:

——

À l’ère numérique, alors que la mémoire elle-même semble être une faculté désuète, à quoi donc peuvent encore servir les institutions de mémoire : les Bibliothèques, Archives et Musées (BAM)? Google, Amazon, Wikipedia, Facebook, Twitter et la vitesse foudroyante de leurs algorithmes ne suffisent-ils pas dorénavant à la tâche?
De temps à autre des questions d’apparence logique surgissent dans les médias : est-il opportun de construire de nouvelles bibliothèques? Ne conviendrait-il pas plutôt d’en réduire le nombre au profit d’une utilisation plus répandue du prêt de livres électroniques? Les musées virtuels ne représentent-ils pas la meilleure réponse à la nécessité de démocratiser la culture en la rendant accessible à l’échelle de tout le territoire, voire de toute la planète? Idem pour les centres d’archives : leurs fonds ne sont-ils pas tous numérisés et accessibles grâce à leurs propres plateformes ou celles d’Ancestry ou de Findmypast?
Et pourtant. Pourtant la fréquentation globale des institutions de mémoire est en hausse constante. La fréquentation des bibliothèques publiques des États-Unis a cru de 4 % au cours de la dernière année, la nouvelle bibliothèque publique d’Halifax a reçu au cours de la première année de son existence plus du double des visiteurs attendus (1,9 million par rapport à 900 000), le Musée des beaux-arts de Montréal reçoit maintenant plus d’un million de visiteurs chaque année et l’Observatoire de la culture et des communications révélait en mai dernier que la fréquentation des musées québécois avait atteint de nouveaux sommets en 2015 (14 millions d’entrées).
Ces données contre-intuitives ont amené un récent rapport de la British Library à conclure :

«Alors que le savoir et la culture se retrouvent de plus en plus en format numérique et sur des écrans, la valeur et l’importance de lieux physiques de haute qualité ne se diminuent pas : elles s’accroissent. Comme si, plus nos vies tournent autour des écrans, plus les rencontres en personne et la présence des artefacts prennent de la valeur. Les activités des deux sphères se nourrissent mutuellement.»

C’est avec ces données paradoxales en tête que s’est tenu, les 5 et 6 décembre derniers, le Sommet sur la valeur des bibliothèques, archives et musées, organisé par l’Association des musées canadiens et Bibliothèque et Archives Canada et placé sous l’égide de la Commission canadienne pour l’UNESCO. Le Sommet a réuni à Ottawa près de 300 personnes, aussi bien des spécialistes des «BAM» que des représentants des gouvernements et de la Société civile. 
L’objectif du Sommet était de faire l’état des lieux de la recherche sur la valeur sociale et économique des institutions de mémoire et de mettre en relief les expériences novatrices des uns et des autres – plusieurs de ces expériences étant d’ailleurs rendues possibles par les nouvelles technologies, technologies dont les GLAM ont été et demeurent des adeptes de la première heure. Une trentaine de conférenciers, dont le quart internationaux, mis en lumière quelques éléments forts de la problématique des institutions de mémoire en ce début de XXIe siècle :
• Les technologies – téléphones intelligents, applications mobiles, séquenceurs musicaux, réalité virtuelle, imprimantes 3D – sont à la fois porteuses de défis et d’occasions de développement. Du côté des défis : d’une part, bien sûr, l’obtention des ressources financières nécessaires à l’acquisition de ces technologies et, d’autre part, la recherche et la découverte des ressources humaines capables d’imaginer le fonctionnement optimal de ces nouvelles technologies. Du côté des occasions : la formidable démocratisation du savoir et de la culture qui résulte de la présence des GLAM dans les foyers des citoyens grâce au numérique; l’accroissement de fréquentation de leurs espaces que provoque la fréquentation virtuelle : en effet, en vertu du paradoxe évoqué plus haut, plus la consultation des données sur le web s’accroît, plus l’appétit pour la présence dans les salles de lecture et d’exposition s’accroît. Car, c’est un phénomène bien étudié, la fréquentation virtuelle des oeuvres et des artefacts ne suscite pas la même expérience que la présence physique : à preuve, les millions de personnes qui se précipitent chaque année devant la Joconde, alors qu’il suffit de deux clics pour la faire apparaître instantanément sur nos téléphones intelligents;
• Les nouveaux rôles joués par les institutions de mémoire – accueil des nouveaux arrivants, accès à la haute vitesse pour les personnes défavorisées, disponibilité des technologies avancées pour les artistes et les créateurs, initiation à la littératie financière, initiatives pour promouvoir la santé mentale et ouvertures multiples au monde culturel – sont méconnus par nos élites politiques, économiques et médiatiques qui fréquentent peu les institutions de mémoire, parce que leur statut économique favorise d’autres habitudes de consommation culturelle (c.-à-d. : l’achat plutôt que l’emprunt et la présence aux prestations gratuites);
• Le rôle des institutions de mémoire dans l’écosystème de la création n’est pas réductible à leur seule fonction d’ingestion et de conservation des oeuvres. Les BAM sont également présentes au début de la chaîne créatrice, fournissant inspiration et matériel aux artistes de toutes les disciplines – non seulement les auteurs et les poètes, mais les vidéastes, les musiciens, les peintres, les metteurs en scène, etc. 
Mais, au-delà du partage de connaissances, le Sommet d’Ottawa a aussi agi comme révélateur de l’unité véritable des institutions de mémoire, elles dont la tendance avait jusque lors été davantage à l’accentuation de leurs singularités plutôt qu’à la recherche de dénominateurs communs. 
Pourtant, les distinctions taxonomiques s’estompent depuis nombre d’années : les fusions qui ont mené à la création des deux grandes institutions documentaires que sont BAnQ et Bibliothèque et Archives Canada viennent spontanément à l’esprit, mais elles ne sont que la pointe d’un iceberg constitué par la présence d’archives et même de bibliothèques dans tous les grands musées – du musée Glenbow de Calgary et de sa riche collection archivistique, jusqu’au Centre Pompidou dont la Bibliothèque publique d’information est la plus fréquentée de France.
Forts de cette conviction, les participants au Sommet des 5 et 6 décembre ont adopté la Déclaration d’Ottawa par laquelle ils s’engagent à accroître la collaboration entre eux, à accentuer les occasions de participation citoyenne et à élargir l’accès à leurs collections afin de contribuer au bien commun. Un nouveau jour s’est levé pour les institutions de mémoire canadiennes. Ne l’oublions pas!
Guy Berthiaume, bibliothécaire et archiviste du Canada

Bibliothèque nationale Bibliothèques Canada Québec Questions Lecteurs

Les lois applicables aux bibliothèques publiques du Canada

Le Canada est un laboratoire juridique absolument fascinant. Par la force de l’histoire, des tensions internes, de l’immigration et d’autres facteurs, nous avons stratifier un édifice juridique complexe et légèrement absurde pour un grand pays avec une si petite population. Ce qui fait qu’une question à première vue simple nécessite d’être décortiquée…

« Y a-t-il une loi sur les bibliothèques dans votre pays?« 

 

Heu… oui, bien, en fait, il y en a plusieurs! Par où commencer? Ah oui, la constitution Canadienne, bien sûr!

Les dispositions législatives constitutionnelles du Canada sont un autre bol de spaghettis que je n’expliquerai pas aujourd’hui mais il faut au moins comprendre que le Canada est une confédération où le palier fédéral et les provinces se partagent les compétences régaliennes de notre bel état. La culture ou les bibliothèques n’y sont pas définies clairement mais il subsiste suffisamment d’ambiguïtés pour que le fédéral et le provincial se partagent des morceaux de compétences dans la domaine.

Pour en savoir plus sur la question constitutionnelle de la culture, ainsi que d’autres aspects juridiques de nos systèmes culturels, je vous propose une plaquette du professeur Azzaria intitulée La filière juridique des politiques culturelles aux presses de l’Université Laval

Donc, procédons par compétence constitutionnelle.

Avant de poursuivre, je désire noter que j’ai recours à l’archive ouverte du droit Canadien, nommée CanLII, financée par le biais des frais de barreau des avocats du pays pour libérer nos lois et nos jugements du droit d’auteur de la couronne. Il s’agit d’une source aussi autoritaire que fiable.

Outre les dispositions précises de la loi édictant la bibliothèque nationale, une institution dont le rôle réglementaire n’est pas négligeable, les bibliothèques au Canada jouissent d’un statut particulier au sein de la Loi sur le droit d’auteur, édicté par les dispositions sur l’utilisation équitable ainsi que des exceptions précises. Par ailleurs, les législateurs provinciaux structurent par des dispositions législatives et règlementaires certains aspects de l’opération des bibliothèques dans leurs champs de compétence, dont les municipalités et les commissions scolaires, ainsi que les acquisitions documentaires des bibliothèques.

1. Le fédéral: les lois du Canada

1.1 La bibliothèque nationale fédérale

À proprement parler, il n’y a que la Loi constituant notre bibliothèque nationale fédérale, Bibliothèque et Archives Canada:

Loi sur la bibliothèque et les archives du Canada, LC 2004, c 11, <http://canlii.ca/t/69g4h> consulté le 2017-01-04

Cette loi ne règlemente pas à proprement parler les bibliothèques publiques du pays. Par contre, il faut savoir que cette institution est le noyau fort d’un réseau de bibliothèques, où le dépôt légal ainsi que le contrôle bibliographique sont des pierres angulaires. Donc, tout n’est pas inscrit dans la loi… et une fois qu’une institution est créé, il y a d’autres moyens pour faire émerger un ordre juridique. Mais je n’ai pas le temps de creuser cette question.

1.2 Les autres dispositions législatives fédérales

Sur un autre ordre d’idée, il existe plusieurs autres lois qui règlementent les bibliothèques au Canada. J’aurai le loisir de vous les présenter un jour mais je vous propose (un peu bêtement) cette liste des dispositions législatives affectées par la Loi sur la bibliothèque et les archives du Canada:

Loi sur l’accès à l’information
Loi sur le droit d’auteur
Loi sur le ministère des Anciens Combattants
Loi sur la taxe d’accise
Loi sur la gestion des finances publiques
Loi sur les lieux et monuments historiques
Loi de l’impôt sur le revenu
Loi d’indemnisation des militaires ayant subi des blessures
Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut
Loi sur le Parlement du Canada
Loi sur les pensions
Loi sur la protection des renseignements personnels
Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes
Loi sur la rémunération du secteur public
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique
Loi sur les allocations aux anciens combattants
Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
Loi sur le règlement des revendications territoriales des premières nations du Yukon
Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon

De cette liste, il faut comprendre que le gouvernement fédéral a fusionné les archives fédérales et la bibliothèque nationale. Le mandat de la nouvelle organisation inclut désormais la gestion de ma mémoire institutionnelle de la branche exécutive du gouvernement canadien.

De plus, le droit d’auteur est une autre disposition importante qui règlemente les bibliothèques… et le sujet de mon doctorat. Outre son régime d’exceptions au profit de ces institutions, qui constitue une pierre angulaire du régime juridique encadrant les bibliothèques mais dont je n’ai pas le temps d’approfondir aujourd’hui, la Loi canadienne sur le droit d’auteur propose une définition fonctionnelle de ce qui constitue une bibliothèque, archive ou musée (BAM pour les intimes), la Loi ne les différencie guère sûrement à cause de leur rôle documentaire dans la société (un jour, J »écrirai un article sur ce sujet…) et précise ceci à l’article 2: http://canlii.ca/t/69tjb#art2

bibliothèque, musée ou service d’archives S’entend :

a) d’un établissement doté ou non de la personnalité morale qui :

(i) d’une part, n’est pas constitué ou administré pour réaliser des profits, ni ne fait partie d’un organisme constitué ou administré pour réaliser des profits, ni n’est administré ou contrôlé directement ou indirectement par un tel organisme,

(ii) d’autre part, rassemble et gère des collections de documents ou d’objets qui sont accessibles au public ou aux chercheurs;

b) de tout autre établissement à but non lucratif visé par règlement. (library, archive or museum)

Ainsi, quiconque peut se prétendre être un BAM et invoquer les exceptions destinées à ces institutions du moment que ces critères sont satisfaits.

Les autres lois listées plus haut sont moins pertinente pour des collègues d’autres pays mais j’ai maintenant la puce à l’oreille d’y jeter un coup d’oeil un jour…

2. Législations des provinces: entre le règlementation et la déréglementation

En théorie, il faudrait examiner comment chaque province encadre les bibliothèques dans leurs législations afin d’avoir un portrait précis de la situation du pays. Malheureusement, cette tâche sera pour un autre jour. Je vous propose un survol très rapide du contexte législatif de deux provinces (principalement car les régimes juridiques me sont plus familiers), c’est à dire le Québec et le Nouveau-Brunswick.

2.1 Le Québec et la volonté de déréglementation 

Le Québec se dota, vers la fin du dernier millénaire, d’une Grande bibliothèque du Québec, qui s’est vu conféré un double mandat: celui de bibliothèque nationale et de bibliothèque de prêt public au coeur de Montréal (en fait, la Ville de Montréal y transféra les collections et les professionnels de sa bibliothèque centrale et de certaines autres entités comme la médiathèque). Depuis, le Gouvernement du Québec fusionna la GBQ avec les Archives nationales du Québec pour former Bibliothèques et Archives nationales du Québec (BAnQ). Toutes ces mutations ont laissé des traces législatives dont je vous épargne les détails.

Ainsi, la loi suivante est pertinente:

Loi sur la bibliothèque et archives nationales du Québec, RLRQ c B-1.2, <http://canlii.ca/t/69hpv> consulté le 2017-01-04

Tiens, le texte de la loi semble uniquement disponible sous l’ancienne version: Loi sur la bibliothèque et archives nationales du Québec, RLRQ c B-1.2, <http://canlii.ca/t/m18c> consulté le 2017-01-04

Outre le dépôt légal et d’autres dispositions sur l’organisation de cet entité, cette loi ne précise pas grand chose pour le reste du réseau des bibliothèqes du Québec. En fait, une loi fut abrogée en 1993 et gérait les bibliothèques publiques, il s’agissait de:

Loi sur les bibliothèques publiques, LRQ, c B-3, <http://canlii.ca/t/m14x> consulté le 2017-01-04

Je tiens à souligner que la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec a diffusé un mémoire sur la question de l’absence de cadre juridique des bibliothèques publique en 2006: PROJET DE LOI SUR LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES AU QUÉBEC.

Par ailleurs, j’ai déjà noté, en 2013, le vent de dérèglementation qui a soufflé au Québec et qui a retirer beaucoup de détails au sein de la règlementation municipale. En effet, le législateur québécois a éliminé les bibliothèques de la liste de services édictés dans la loi… je vous invite à lire mon billet daté de 2013 sur la question, intitulé: De la disparition des bibliothèques publiques au Québec.

2.2 La Nouveau-Brunswick et le cadre ouvert de gouvernance

Le Nouveau Brunswick opte pour une autre approche législative. En fait, cette province Atlantique a enraciné les services de bibliothèque dans un cadre législatif centralisé, voir:

Loi sur les bibliothèques publiques du Nouveau-Brunswick, LRN-B 2011, c 194, <http://canlii.ca/t/q2l8> consulté le 2017-01-04

En effet, une municipalité ou une association peut saisir le ministre de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail pour la constitution d’une bibliothèque (art. 9). On me dit que le financement de celle-ci pourrait relever du ministère, de la municipalité ou de l’association en tout ou en partie.

Il s’agit d’un cadre plus ouvert et réglementé que celui du Québec, qui ne propose pas beaucoup d’indications ou d’obligations législatives pour épauler les bibliothèques.

Conclusion

Le Canada offre un panorama varié en ce qui concerne l’encadrement de ses bibliothèques publiques. Quoique voisines sur le plan géographique, le Québec et le Nouveau Brunswick sont a des lieues l’une de l’autre en ce qui concerne le cadre juridique de ses institutions documentaires de proximité.

Il reste un travail à effectuer pour recenser, codifier et comparer les approches législatives et règlementaires des systèmes de bibliothèques publiques du Canada. Entretemps, je vous offre ce lien vers toutes les lois canadiennes qui contiennent ou qui ont contenu le mot « bibliothèque » :

http://www.canlii.org/fr/#search/type=legislation&id=biblioth%C3%A8que*

Citoyen Contenu culturel Financement Québec

Appel de projets pour la culture numérique

Culture pour tous lance son 3e appel de projets innovants dans le domaine de la culture numérique. Financé par le Plan culturel numérique du Ministère de la culture et des communications, Culture pour tous est à la recherche d’une douzaine d’idées pour se partager une enveloppe de 150,000$. Vous avez jusqu’au 12 janvier pour soumettre votre idée via leur plateforme web

Fait intéressant à noter : vous pouvez soumettre un projet à titre personnel ! J’ai eu la chance de rencontrer certains membres du groupe Culture pour tous et je peux vous confirmer qu’il s’agit d’une équipe chevronnée et passionnée.

Accès à l'information Avocat Canada Conférence

HackJustice (sic) 3-4 février 2017 à Montréal et Toronto – et néologisme «mobi» pour traduire «Hack» en français

Intéressant dans le domaine du droit numérique: http://www.hackjustice.ca/ qui aura lieu les 3 et 4 février 2017 à Montréal et Toronto. Les inscriptions son touvertes. Je ne pourra pas être présent, malheureusement, car la rentrée hivernale est très occupée à mon bureau, tout comme mes fins de semaine.

Sur un autre ordre d’idée, j’aimerai proposer quelques traductions pour des néologismes du domaine du légaltech. En bon québécois, je déteste l’appropriation directe de néologismes de l’anglais et je considère qu’il faut au moins explorer notre belle langue pour tenter d’introduire une version francophone ou francophile. Le meilleur exemple pour moi c’est le déplorable mel que nos cousins outre-atlantique utilisent pour traduire email. Rien de mieux que courriel pour se sentir francophone – mélange de courrier et électronique – qui donne également le charmant livrel, que l’on lit, bien sûr, sur une liseuse. À chaque fois, je bêle un mêêêêêêl bien senti quand un franco-européen utilise le mot.

Mon outil de prédilection est le http://www.granddictionnaire.com/, développé par l’Office québécois de la langue française et qui offre une option multilingue. Il y a aussi le plus complet (mais moins politiquement engagé) Termium Plus du bureau de la traduction de notre gouvernement fédéral.

Alors, voici certaines traductions, suivant le format suivant:

Anglais => Grand Dicto => Termium

hack => bidouiller => pirater

legal => judiciaire, légal, juridique => droit, légal

tech (racine)

Hmmm… peut-être que légal tech passe relativement bien en français. Hackjustice j’aime moins.

En français, selon le petit robert, un hack est  un « cheval de service monté par les entraîneurs pour suivre les chevaux de course lors des entraînements » – ce qui laisse penser que lorsqu’on hack justice, on est à la traîne ou que l’on suit le peloton de loin. Je n’aime vraiment pas comment cette analogue équestre vient brouiller le sens de hackjustice !! On s’entend, un hack est un mauvais, vieux cheval, qui traîne les provisions.

J’ai parcouru les dictionnaires latin rescapés du cours classique de mon père. Bidouille n’y est pas, mais sous transformer, il y a vertere, mutare. J’ai ensuite utilisé un autre dictionnaire, latin-français cette fois, et autour de vertere (qui n’y figure pas directement) il y a retourner, « virer » comme dans verso ou versus ainsi que vertex pour tourbillon d’eau. Si je répète l’exercice pour mutare, on y trouve mutabilis pour sujet au changement, variable;  mutabilitas pour mutabilité, mobilité [d’esprit], inconstance; mutatio pour action de changer, altération, changement, révolution dans le cas d’un État, échanger; puis mustella pour belette (!). Comme quoi, il y a une différence marquée entre des dictionnaires papier et numériques, il est plus facile de balayer les entrées dans un livre et non un livrel.

J’aime bien la racine muta – ça donne mutation. Il y a mobi aussi, pour mobilisation et mobilité d’esprit. Justement, sous mobi dans le dico latin-français, je trouve mobilis pour mobile, qui peut être déplacé, (a) flexible, qui se plie, (b) agile, rapide, prompt, (c) mobile, changeant.

Donc, pour le terme anglais «hack» je propose le néologisme «mobi» en français. Comme dans la phrase: «la justice a besoin d’être repensée, organisons un mobi pour la bidouiller en groupe.»

Hack justice devient donc mobijustice ™

Bien quoi, vous ne vous attendiez pas à ce que j’effectue tout ce travail sans réserver un droit de propriété intellectuelle par la marque de commerce sur ce terme ! En fait, je donne à l’humanité la racine mobi et je prête sous licence gratuite « mobijustice ™ » à nos ami(e)s qui organisent le hackjustice en février prochain 😉