Ma présentation pour l’événement à Artexte
Je vais participer à une conversation sur le droit d’auteur et le libre accès à Artexte ce soir, voici les liens vers ma présentation en format PPTX et PDF.
Je vais participer à une conversation sur le droit d’auteur et le libre accès à Artexte ce soir, voici les liens vers ma présentation en format PPTX et PDF.
La nouvelle récente de l’Université de Calgary de couper des abonnements numériques à cause de l’augmentation des coûts de la part de l’éditeur illustre un problème récurrent du monde numérique : un asymétrie de pouvoir entre les bibliothèques et leurs pourvoyeurs de collections. Il existe quelques manières de renverser la situation, notamment en constituant des consortiums d’acquisition qui peuvent établir des lignes directrices ou d’autres modalités d’acquisition ainsi que le mouvement de libre accès.
Ces mesures sont très importantes et peuvent résoudre une partie du problème, mais il est pertinent de se demander s’il existe d’autres moyens. Puisque je passe beaucoup de temps à réfléchir au droit, je me questionne sur les moyens juridiques de résoudre des problèmes d’asymétrie de pouvoir.
Un des thèmes qui est sous développé dans les questions juridiques en bibliothéconomie est la nature anticompétitive du recours à un droit monopolistique découlant du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle. En effet, la notion d’antitrust en propriété intellectuelle est peut-être un filon à creuser…
J’y songe depuis un certain temps, les questions antitrust sont un domaine technique découlant de la nature économique du droit patrimonial. Il s’agit d’un sujet relativement inexploré dans le contexte des licences numériques en bibliothèque.
Justement, le Department of Justice des USA viennet de diffuser des lignes directrices pour analyser des questions antitrust dans les licences en propriété intellectuelle. Une lecture rapide de ce document n’offre pas de réponses directes. Il faudra creuser cette question du rôle de l’approche antitrust dans les pratiques commerciales de pourvoyeurs de licences numériques.
Au Canada, la Commission du droit d’auteur détient des pouvoirs pertinents en ce qui concerne le contrôle judiciaire de pratiques commerciales dans les industries du droit d’auteur. Encore ici, il ne s’agit pas d’une réponse directe à la question mais un début.
(J’ai souvenir de doctorants à l’Université de Western Ontario qui réfléchissent à ce genre d’approche)
À suivre… mais il est très pertinent pour notre milieu de réfléchir sur la question des pratiques commerciales en lien avec la règlementation de l’antitrust et, surtout, son contrôle judiciaire.
En juin dernier, j’ai eu la chance de participer à une « journée professionnelle » de la Société des musées de Québec sur les données ouvertes liées. Je suis heureux d’apprendre qu’un dossier complet est diffusé sur le site de la SMQ, incluant une captation de certaines interventions.
Ma préférée est sans l’ombre d’un doute la démonstration de Rodolphe Bailly, de la Cité de la musique de Paris, de la platforme sémantique MIMO.
Aussi, je dois avouer toujours apprécier les interventions de Josée Plamondon – une experte incontestée des données ouvertes liées. Pour en savour plus, je vous réfère au carnet de Josée Plamondon qui est intervenue lors de ce colloque.
Je suis heureux d’annoncer la publication d’un de mes textes intitulé Éléments pour une analyse juridique du numérique dans les actes du colloque de la 4e et 5e Journées d’étude sur la méthodologie et l’épistémologie juridiques. Grâce à une licence d’édition permissive de la part de l’éditeur (Éditions Yvon Blais), j’ai pu verser mon texte dans l’archive ouverte de mon institution, Spectrum de l’Université Concordia.
Voici la référence complète:
Charbonneau, Olivier (2016) Éléments pour une analyse juridique du numérique. In: Les nouveaux chantiers de la doctrine juridique : Actes des 4e et 5e Journées d’étude sur la méthodologie et l’épistémologie juridiques. Éditions Yvon Blais, Montréal, pp. 459-479. ISBN 978-2-89730-274-0
Détail intéressant, je me suis donné un défi de taille pour ce texte : le préparer en suivant les préceptes de la science ouverte autant que possible. Ainsi, j’ai capté la conférence où j’ai présenté la première version et j’ai inclus la vidéo dans mon blogue. Ensuite, j’ai écrit et diffusé la version « pré-éditée » (avant l’envoi au processus de révision) sur cette page de mon carnet. Finalement, la version éditée est consignée dans le dépôt institutionnel de l’Université Concordia, mon employeur. Il ne manque que les commentaires des réviseurs (en fait, je n’ai pas vraiment reçu de commentaires sur le fond de mon écrit).
Je vous offre donc la vidéo de ma conférence liée à cet écrit:
Culture pour tous lance son 3e appel de projets innovants dans le domaine de la culture numérique. Financé par le Plan culturel numérique du Ministère de la culture et des communications, Culture pour tous est à la recherche d’une douzaine d’idées pour se partager une enveloppe de 150,000$. Vous avez jusqu’au 12 janvier pour soumettre votre idée via leur plateforme web…
Fait intéressant à noter : vous pouvez soumettre un projet à titre personnel ! J’ai eu la chance de rencontrer certains membres du groupe Culture pour tous et je peux vous confirmer qu’il s’agit d’une équipe chevronnée et passionnée.
Veuillez cliquer sur l’image pour en savoir plus sur mon projet visant l’accessibilité et la préservation des jeux vidéo avec les bibliothèques, archives et musées.
Mes notes:
La suite viendra bientôt…
Le Conseil des ministres de l’éducation (Canada), groupe qui n’inclut pas le Québec, annonce le lancement d’une nouvelle ressource numérique pour épauler les enseignants du « Rest-Of-Canada » (ou ROC pour les intimes) à comprendre le droit d’auteur. Intitulée « http://www.outildecisiondroitdauteur.ca/ » ce site :
aide les enseignantes et enseignants à déterminer s’ils peuvent ou non, en vertu de la disposition de la Loi sur le droit d’auteur qui porte sur l’utilisation équitable, utiliser des œuvres protégées sans avoir à obtenir la permission du titulaire du droit d’auteur.
Le but de CMEC est simple :
Le personnel enseignant et les élèves ont aujourd’hui plus de possibilités d’apprendre en classe grâce à la décision de la Cour suprême du Canada rendue en 2012, laquelle clarifie le sens donné à l’utilisation équitable en classe La disposition sur l’utilisation équitable permet au personnel enseignant de communiquer ou d’utiliser pour les élèves de leurs classes de « courts extraits » d’œuvres protégées sans avoir à demander la permission du titulaire du droit d’auteur ou à payer des redevances. Depuis 2012, le milieu de l’éducation au Canada suit les Lignes directrices sur l’utilisation équitable, qui décrivent, à la lumière des décisions de la Cour suprême du Canada, ce que sont de « courts extraits ».
J’ai parcouru le site outildecisiondroitdauteur.ca et l’idée est bonne – celle de proposer un arbre de décision afin d’élucider si oui on non il est possible d’utiliser une oeuvre. Ceci dit, il aurait été plus pertinent de déconstruire le contexte scolaire afin de présenter l’information selon la perspective des utilisateurs. Par exemple, la terminologie utilisée est très axée sur les mots de la loi et il manque d’exemples…
C’est un peu ce que nous avons tenté de faire dans le cadre du Chantier sur le droit d’auteur de l’Association pour la promotion des services documentaires scolaires (APSDS). Notre Foire aux questions sur le droit d’auteur en milieu scolaire du Québec (auquel j’avais contribué) tente de présenter ce qui est licite ou non dans un contexte scolaire en fonction des licences de sociétés de gestion collectives et l’état actuel des politique institutionnelles sur le droit d’auteur.
Dans tous les cas, la resource de CMEC s’ajoute à la publication d’une trentaine de pages, déjà à sa 4e édition, intitulée Le droit d’auteur ça compte (pdf).
Au Québec, le ministère de l’éducation propose un site sur le droit d’auteur.
Une des théories sur laquelle j’ai beaucoup travaillé est de comprendre le rôle des bibliothèques dans le contexte du droit d’auteur. En fait, il s’agit de mon objectif principal de recherche de ma thèse doctorale (que je compte diffuser dans Internet dès ma soutenance – donc dans très peu de temps). Malgré que l’existence des bibliothèques précède de loin la stipulation des premières règles du droit d’auteur (par quelques millénaires en fait), je crois avoir démontré que les bibliothèques constituent des institutions à part entières jouant un rôle socio-économique de premier ordre dans les marchés et systèmes d’oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur.
Une évolution organique où diverses institutions (bibliothèques, marchés d’oeuvres, « machine » littéraire et culturelle) convergent et amène l’émergence (ou réification) de nouvelles façon de faire. Cela confirme, entre autre, l’importance des budgets d’acquisitions documentaires des universités, municipalités, hôpitaux, commissions scolaires… mais aussi du rôle essentiel des exceptions au droit d’auteur.
La dualité budget-exceptions amène une relation d’amour-haine (au Québec, du moins) envers les bibliothèques… qui est bien sûr absolument ironique. Comme le soulignait hier l’Association des bibliothèques de recherche du Canada dans une déclaration concernant l’utilisation équitable:
Au cours des douze dernières années, la Cour suprême du Canada a écrit à profusion sur l’utilisation appropriée de l’exception relative à l’utilisation équitable en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, en privilégiant une interprétation « large et équitable ». Cette approche équilibrée de gestion des droits d’auteur a été bien accueillie partout dans le milieu de l’enseignement supérieur et les bibliothèques universitaires canadiennes appliquent la disposition relative à l’utilisation équitable de la Loi sur le droit d’auteur de manière éclairée et responsable.
Les 31 établissements membres de l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC) ont investi 293 millions de dollars dans les ressources en information en 2014-2015, démontrant ainsi leur engagement manifeste à accéder au contenu imprimé et numérique dans la légalité et à rémunérer les détenteurs de droit d’auteur en conséquence.
Oui, les bibliothèques ont droit à des exceptions au droit d’auteur et, oui, elles investissent dans les marchés issus du droit d’auteur. L’ironie, que les titulaires ne semblent pas comprendre, c’est que même si toutes les bibliothèques invoquent les exceptions au droit d’auteur pour opérer leurs services, il sera toujours plus efficace (du point de vue économique et social) pour elles de faire affaire avec les titulaires. Pourquoi? Simple: c’est une question de coût marginal. Le coût pour une institution documentaire d’opérer un service basé sur des exceptions au droit d’auteur de pourra jamais battre le coût marginal de production d’une énième copie (numérique ou non) d’une oeuvre pour le titulaire.
C’est pourquoi il faut concevoir les exceptions du droit d’auteur non pas comme un coût que doit subir le titulaire mais, plutôt comme un investissement dans son oeuvre. Il faut lire la première partie de ma thèse pour voir les sources en théorie économique de ma démonstration… je m’arrête ici car cette longue introduction risque de me détourner de l’objectif premier de ce billet, c’est à dire de l’exception concernant les oeuvres cinématographiques dans un contexte éducatif.
Il se dit beaucoup de choses concernant l’obligation pour les bibliothèques quant à l’acquisition e films pour leur collection. Il s’en dit encore plus concernant la diffusion de films en classe. Depuis l’entrée en vigueur de C-11 qui modernisa la Loi sur le droit d’auteur, les établissements d’enseignements disposent d’une nouvelle exception. Parlons-en, donc, de ces deux points. Et j’en ajoute un troisième, que j’intitule: ce que ferais si j’étais titulaire de droits sur des films pour travailler de concert avec les bibliothèques.
NON. Une bibliothèque peut simplement commander via son détaillant préféré une copie régulière, grand public, d’un film pour sa collection, une copie usagée même, voire un don. Rien dans la loi sur le droit d’auteur n’impose quelconque obligation quant à l’approvisionnement de films pour sa collection et pour le prêt à ses usagers.
En fait, l’acquisition du livre est règlementé au Québec, pas les films.
Sur la question de la responsabilité civile des bibliothécaires et des institutions documentaires quant à ses services et ses collections, je vous invite à lire l’excellent article de Nicolas Vermeys dans Documentation et bibliothèque :
Auteur : | Me Nicolas Vermeys |
---|---|
Titre : | Le cadre juridique réservé aux bibliothèques numériques |
Revue : | Documentation et bibliothèques, Volume 59, numéro 3, juillet-septembre 2013, p. 146-154 |
URI : | http://www.erudit.org/revue/documentation/2013/v59/n3/ |
DOI : | 10.7202/1018844ar |
Alors, pourquoi la pratique d’acquérir une version incluant les droits d’exécution au public (à fort coût pour ses maigres budgets) est-elle si répandue parmi les bibliothèques? Simplement parce que les institutions documentaires desservant les communautés des établissements d’enseignements (et il y en a quand même beaucoup) se faisaient souvent demander d’acquérir une copie d’un film avec les droits d’exécution au public (ou en anglais, les public performance rights ou PPR) afin de faciliter la diffusion en classe. Et lentement, mais sûrement, la connaissance formelle d’une chose s’embrouille avec le temps qui court, pour s’obscurcir et devenir coutume ou légende… et on est obligé de consacrer 7 ans de sa vie à faire un doctorat en droit pour pouvoir éclairer ses collègues avec un savoir clair et lumineux (mais ne vous en faites pas pour moi, ce parcours ne fut pas que souffrance !!)
Donc, toute copie de film licite peut être ajoutée à nos collection, droit d’exécution au public ou non. Et elle peut circuler comme bon nous semble. Alors, qu’en est-il de cette nouvelle exception au droit d’auteur ?
En fait, j’ai travaillé plus de deux ans avec les collègues de l’Association pour la promotion des services documentaires en milieu scolaire (APSDS) pour l’élaboration d’une foire au question sur le droit d’auteur, et on en parle de cette exception. Mais, rien ne vaut la lecture, à tête reposée, notre bonne vieille Loi sur le droit d’auteur !
Êtes-vous prêts ? La voici la fameuse exception, fraichement copiée-collée de mon site préféré de diffusion libre du droit, CanLII.org:
Représentations
29.5 Ne constituent pas des violations du droit d’auteur les actes ci-après, s’ils sont accomplis par un établissement d’enseignement ou une personne agissant sous l’autorité de celui-ci, dans les locaux de celui-ci, à des fins pédagogiques et non en vue d’un profit, devant un auditoire formé principalement d’élèves de l’établissement, d’enseignants agissant sous l’autorité de l’établissement ou d’autres personnes qui sont directement responsables de programmes d’études pour cet établissement :
a) l’exécution en direct et en public d’une oeuvre, principalement par des élèves de l’établissement;
b) l’exécution en public tant de l’enregistrement sonore que de l’oeuvre ou de la prestation qui le constituent, à condition que l’enregistrement ne soit pas un exemplaire contrefait ou que la personne qui l’exécute n’ait aucun motif raisonnable de croire qu’il s’agit d’un exemplaire contrefait;
c) l’exécution en public d’une oeuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur lors de leur communication au public par télécommunication;
d) l’exécution en public d’une oeuvre cinématographique, à condition que l’oeuvre ne soit pas un exemplaire contrefait ou que la personne qui l’exécute n’ait aucun motif raisonnable de croire qu’il s’agit d’un exemplaire contrefait.
- 1997, ch. 24, art. 18;
- 2012, ch. 20, art. 24.
Constatez que vous pouvez « jouer » un film, de la musique ou montrer une image dans un établissement d’enseignement si les quatre conditions du préambule que j’ai mis en caractère gras, sont présentes. Donc, il faut que ça se passe à l’école, pour l’école, par l’école et pour les élèves et gens de l’école. Et ne pas faire de profits. Et lier le film aux activités pédagogiques. Si vous faites ça, pas de troubles, pas d’autorisation, pas de droit d’exécution au public.
Par contre, si vous voulez organiser une levée de fonds pour une parade de mode en montrant un film récent à l’école, l’exception ne s’applique pas. Il serait difficile de prétendre que l’exécution en public est pour des fins pédagogiques puisque on veut lever des fonds! Par contre, on pourrait vouloir conscientiser la communauté étudiante en diffusant un documentaire récent, faire un panel de discussion avec des intervenants et demander une contribution volontaire aux participants pour faire un don à un organisme local. C’est déjà plus proche de l’objectif pédagogique et on ne vise pas faire un profit (il y a une distinction fondamentale entre des revenus et des profits, mais là, c’est une autre histoire).
J’entend déjà les titulaires se lamenter : « maudites bibliothèques | écoles | universités qui nous usurpent nos oeuvres et attaquent nos maigres revenus ! Encore l’État qui prend mon bien ! » Il ne faut pas prêter oreille à de telles jérémiades. Je vous offre cette formule lapidaire car cette position, trop répandue au Québec, démontre un manque absurde de nuance et une incompréhension du le potentiel économique de l’intervention des institutions sociales. En pâtit la valeur de l’oeuvre et notre richesse collective.
Constatez ces mots: valeur et richesse. En économie (néolibérale classique), la valeur d’un bien découle directement de son prix dans un marché équilibré, lire ici de commodités parfaites. La richesse est un concept plus large, qui évoque le potentiel économique d’un bien. Si le français offre une nuance aux concepts de libre et de gratuit, qui rend jaloux les anglophones de la communauté des logiciels et de la culture libre, la langue anglaise offre une distinction fondamentale entre value et wealth – que je traduit imparfaitement par valeur et richesse.
L’idée fondamentale est que l’oeuvre protégée par le droit d’auteur est un bien économique très particulier. Il épouse les caractéristiques économiques d’un bien public (non-rival et non-exclusif), ce qui implique que son coût de reproduction est quasiment nul et qu’un marché peut difficilement émerger. D’où l’importance du droit d’auteur et, en tant que capitaliste pragmatique mais voué à l’économie sociale, j’y crois dur comme fer au droit d’auteur. Mais l’analyse économique ne s’arrête pas là.
Outre les problèmes de l’émergence de marchés et l’élaboration des prix, les oeuvres protégées par le droit d’auteur sont aussi des biens d’expérience (Bomsel). Il faut voir un film pour savoir s’il est bon. Tous ces paramètres font que, dans un contexte d’émergence de marché, il est difficile pour le consommateur d’établir ses préférences et d’attribuer une valeur à une oeuvre (Yoo). Le titulaire peut le faire (prix = coût marginal de production + beurre pour haricots) tandis que, dans un contexte de biens publics et d’expérience, le consommateur peine à déterminer si le prix en vaut la chandelle. Si l’on ne peut établir un prix en tant qu’acheteur, et bien, pas de valeur, pas de marché, pas de richesse. Et on ignore et on oublie notre culture.
Il s’agit que, fut un certain temps et dans un autre contexte socio-économique (Outlet), ce combat contre cette spirale désastreuse de l’ignorance et l’oubli se nommait bibliothéconomie (un terme que j’affectionne beaucoup). On parle maintenant de sciences de l’information mais on néglige nous-même nos racines.
Mon analyse (personnelle cette fois, je n’en parle pas dans ma thèse) me porte à croire que nos élites culturelles, elles-mêmes qui réclament l’intervention de l’état pour soutenir leurs créations et qui lancent au brancard les outils socioéconomiques fins des exceptions au droit d’auteur, nuisent le plus au rayonnement de notre culture ! Leur message s’embrouille dans une quête de rentes de l’État sans réellement comprendre les dynamiques inhérentes à l’émergence de ce qu’elles demandent réellement : la juste valeur pour leurs labeurs.
Comment, donc, sortir de ce vortex socioéconomique malsain ? En réalité, il faut résoudre l’équation économique bien-public / bien -privé et expliquer clairement comment les institutions documentaires génèrent de la richesse sociale à partir des oeuvres de notre patrimoine, à leur juste valeur. (en fait, je pense bien que je vais devoir écrire un essai là dessus, le format du carnet ou de la thèse doctorale ne mène pas à des discussions pertinentes). La réponse immédiate est plus simple: il faut comprendre que ce que font les bibliothèques dans le cadre des exceptions est en réalité une exploration de ce que pourraient devenir les marchés de demain.
Donc, si j’étais titulaire d’oeuvres, je numériserai mon corpus (en faisant payer les bibliothèques/l’état/donateur pour ça) et j’imaginerai une offre par bouquets de collections où l’accès à un corpus d’oeuvres et les droits d’utilisations sont imbriquées. La formule est la suivante:
Richesse_bibliothéconomique =
Corpus_documentaire ( accès_numérique + contrat_utilisation )
Ou, plus simplement, offrez des contrats flexibles et des corpus numériques aux bibliothèques et vous vendrez plus de livres et de films à long terme. C’est le pari vertueux de la bibliothéconomie moderne pour éviter le vortex faustien d’un capitaliste miope.
Et hop, comme par magie, dans une génération ou deux, vous allez voir émerger des marchés foisonnants de culture québécoise. Mais, le capitaliste titulaire myope se posera sûrement la question suivante: si les bibliothèques offrent un accès numérique à mes oeuvres, comment est-ce que je pourrai en vendre ? L’ironie est que les québécois qui fréquentent le plus les bibliothèques sont aussi ceux qui dépensent le plus en livres !
(Mince alors, j’ai souvenir que BAnQ a effectué une étude démontrant que les québécois qui fréquentent le plus leur bibliothèques sont aussi ceux – celles en fait – qui dépensent le plus en livres – mais je ne retrace pas cette étude – y a-t-il une bibliothécaire dans la salle?)
Voilà la clé secrète de la voûte de la richesse : la culture est un bien économique dit public. Pensez à de la drogue plutôt qu’à du pain : plus on en consomme, plus on en veut. La satiété est un concept pour un bien privé de consommation. Il suffit donc de réfléchir à un contexte pour que le bien d’expérience – le même que celui du corpus de la bibliothèque numérique – recouvre une nouvelle valeur… tout est dans le design ou l’élaboration des paramètres technico-juridique (interface web, application pour tablette, contrats flexibles).
Par exemple, serait-il possible pour les administrateurs du projet Éléphant d’offrir une licence pour les collectivités pour que nos écoles et nos bibliothèques puissent faire découvrir notre cinéma patrimonial à tous ? S’il vous plaît !
Mon but est donc de bâtir un tel système juridico-technologique pour la diffusion d’oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur aux bibliothèques, malgré ou (en dépit!) des jérémiades que j’entend !
Bibliographie
BELLEY, J.G., Le contrat entre droit, économie et société : étude sociojuridique des achats d’Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean, Montreal, Yvon Blais, 1998
Le droit soluble : contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, Paris, L.G.D.J., 1996
BOMSEL, O., Gratuit! : du déploiement de l’économie numérique, coll. «Collection Folio/actuel ;; 128; Variation: Collection Folio/actuel ;; 128.», Paris, Gallimard, 2007
L’économie immatérielle, coll. «NRF essais,; Variation: NRF essais.», Paris, Gallimard, 2010
LANDES, W.M. et R.A. POSNER, The economic structure of Intellectual Property Law, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2003
LUHMANN, N., Risk : a sociological theory, New York, A. de Gruyter, 1993
Systèmes sociaux : esquisse d’une théorie générale, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010
OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau? – Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002
POSNER, R.A., Economic analysis of law, 8, New York, Aspen Publishers, 2011
BELLEY, J.-G., «Le contrat comme vecteur du pluralisme juridique» dans OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE (dir.), Le système juridique entre ordre et désordre, 13, Paris, Presses Universitaires de France, 1989, p. 181-185
OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE, «Problématique générale» dans Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, 1988, p. 19-32
BELLEY, J.-G., «La théorie générale des contrats. Pour sortir du dogmatisme», (1985) 26 Les Cahiers de droit
DEMSETZ, H., «The Private Production of Public Goods», (1970) 13 Journal of Law and Economics
«Toward a Theory of Property Rights», (1967) 57 The American Economic Review
LANDES, W.M. et R.A. POSNER, «An Economic Analysis of Copyright Law», (1989) 18 Journal of Legal Studies
«Indefinitely Renewable Copyright», (2003) 70 University of Chicago Law Review
LUHMANN, N., «Law As a Social System», (1988) 83 Nw. U. L. Rev. 136
ROCHER, G., «Pour une sociologie des ordres juridiques», (1988) 29 Les Cahiers de droit
SAMUELSON, P.A., «Aspects of Public Expenditure Theories», (1958) 40 The Review of Economics and Statistics
«Diagrammatic Exposition of a Theory of Public Expenditure», (1955) 37 The Review of Economics and Statistics
«The Pure Theory of Public Expenditure», (1954) 36 The Review of Economics and Statistics
YOO, C.S., «Copyright and Public Good Economics: A Misunderstood Relation», (2007) 155 University of Pennsylvania Law Review
Je suis heureux d’annoncer que mon employeur, l’Université Concordia, est à la recherche de deux candidats exceptionnels pour réfléchir à comment la technologie peut servir la mission des bibliothèques:
Il faut comprendre « technologue » plutôt que technicien, quoi que je dois vous faire part de ma surprise de voir qu’ils demandent un bacc en génie ou informatique pour ce genre d’emploi… en fait, rien n’aurait d’égal un excellent et passionné technicien(ne) en documentation qui bidouille les technologies émergentes !
Voici un test très simple à effectuer si vous désirez savoir si cet emploi est pour vous. Considérer la liste de terme suivants:
living labs ; maker space ; bibliothèque ; coworking
Si vous ne voyez pas d’intrus dans la liste d’expressions, vous devez appliquer, surtout si vous avez déjà joué avec des raspberry pi, des matrices arduino, etc. Constatez la belle place donnée aux technologies émergentes, citoyennes et à code source libre !
D’ailleurs, je suis absolument ravi d’apprendre que la Ville de Montréal, le gouvernement du Québec et la BAnQ – Grande Bibliothèque ont renouvelé leur entente cadre qui vise à transformer la délicieuse bibliothèque St-Sulpice en institution vouée aux adolescents et à l’innovation. Laissée à l’abandon depuis des années, ces intervenants ont annoncé en février que le resplendissant édifice aura une nouvelle vie.
Ainsi, nos deux offres d’emploi sont en lien avec de désir de s’approprier les nouvelles technologies et cette offre est une opportunité de façonner notre avenir numérique.
PS. je ne suis pas membre du comité de sélection, alors je n’ai que des informations extérieures au processus de dotation.
Les vidéos captées lors du Forum droit d’auteur à l’ère numérique, organisé par le Ministère de la culture et des communications du Québec (MCCQ) en mai dernier, sont maintenant disponibles via une liste de lecture sur le canal youtube du MCCQ. J’ai participé à un panel en fin de première journée, voici la vidéo de cette présentation:
Voici un tweet dans lequel je diffuse mes notes pour cet événement:
Mes notes pour le panel #fdaen avec @MatthieuDugal pic.twitter.com/ujE5O9czJZ
— Olivier Charbonneau (@culturelibre) 12 mai 2016