Propriété intellectuelle | Page 8

Livre et édition Revue et journaux

À lire: le dossier « Ontologie du Web » sur la revue web Sens Public

La nouvelle livraison de la revue web Sens Public propose un dossier thématique intitulé Ontologie du numérique sous la direction de Servanne Monjour, Matteo Treleani et Marcello Vitali Rosati. Ils proposent ce qui suit comme résumé du numéro :

Ce dossier se conçoit comme un champ d’exploration des problématiques ontologiques du numérique, dans une perspective résolument interdisciplinaire, accueillant tout autant la philosophie, l’esthétique, les études littéraires, la sémiologie, la sociologie ou les sciences de l’information et de la communication. Des arts numériques à la littérature hypermédiatique, en passant par les webdocumentaires et les jeux vidéo, de nombreux domaines permettent en effet d’étudier ces dichotomies apparemment périlleuses entre représentation et réalité, réel et imaginaire, fiction et documentaire…

http://sens-public.org/article1282.html

Canada Droit d'auteur Réforme

Révision de la Loi sur le droit d’auteur en 2018

Hier, le parlement canandien a voté la motion suivante à l’unanimité:

« Que le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie soit le comité désigné aux fins de l’article 92 de la Loi sur le droit d’auteur. »

“That the Standing Committee on Industry, Science and Technology be the committee designated for the purposes of section 92 of the Copyright Act.”

Ainsi débute officiellement le processus de révision de la Loi sur le droit d’auteur au Canada… Aucune réunion de ce comité est encore prévu selon le site Internet du Parlement. Par ailleurs, la Chambre des communes ne se réunira pas avant la fin du mois de janvier 2018.

Contenu culturel Québec Rapport et étude Standards

État des lieux sur les métadonnées culturelles

L’Observatoire de la culture et des communications du Québec annonce la diffusion d’un volumineux rapport intitulé: État des lieux sur les métadonnées relatives aux contenus culturels (pdf, fr, 118 pages). 

Selon le communiqué de presse:

L’étude dresse un portrait de l’usage actuel des métadonnées dans le monde de la culture au Québec, à partir d’une recherche menée par des experts des domaines du livre, de l’audiovisuel, de l’enregistrement sonore, du spectacle, du patrimoine et de la muséologie. Il y est notamment question de l’utilisation des métadonnées pour faciliter la découvrabilité des contenus culturels, c’est-à-dire leur capacité à se laisser découvrir aisément par les consommateurs. L’ouvrage traite aussi du potentiel des métadonnées en tant qu’outil de mesure de la consommation des contenus culturels et de rémunération des créateurs et des entreprises qui en détiennent les droits d’auteur.

Journaliste Jugement Livre et édition Québec

Les nouvelles et l’utilisation équitable

Un collègue m’as mis la puce à l’oreille d’un jugement récent concernant l’utilisation équitable et la communication de nouvelles. Cedrom-SNI, La Presse, Le Devoir et Le Soleil ont obtenus une injonction interlocutoire contre un site qui moissonnait les titres et amorces d’articles afin de les rediffuser soit gratuitement son site, soit sous un abonnement payant. Voici le lien vers la cause:

Cedrom-SNI inc. c. Dose Pro inc., 2017 QCCS 3383 (CanLII), <http://canlii.ca/t/h50zb>, consulté le 2017-09-28

 

Je vous invite à lire ce sommaire de Julie Desrosiers, Chris Semerjian et Patricia Hénault chez Fasken Martineau. J’apprécie leur effort mais je suis un peu déçu qu’ils indiquent que cette « décision a de nombreuses implications dans la reconnaissance et l’étendue des droits d’auteur au Québec. » En fait, comme le précise le juge au paragraphe 23:

[23]        Le Tribunal doit garder à l’esprit que le remède demandé est analysé en l’absence d’une preuve complète et qu’il doit éviter de se pencher sur la question comme s’il s’agissait d’un procès au fond. C’est ce que la Cour d’appel soulignait dans l’arrêt Morrissette c. St-Hyacinthe (Ville de)[9] :

 

Et, au paragraphe 48:

[48]        (…) La question de déterminer s’il s’agit d’une portion importante du texte de l’article demeure une question pour le juge du fond.

 

À tout le moins, l’implication réelle de ce jugement concerne le recours aux injonctions dans un contexte de contrefaçon. Je ne veux pas minimiser la rigueur du travail de l’honnorable juge Duprat ou le travail des avocat.e.s travaillant sur le dossier. Je veux simplement contextualiser, pour le public, (et certains de mes lecteurs), les divers moyens procéduraux de la cour – tous les jugements n’ont pas le même poids. Il ne s’agit d’un prélude à une analyse plus approfondie de la question en droit.

 

Ceci dit, la conséquence pour le moissonneur de site de nouvelles est évident : il s’est fait couper l’herbe sous le pied (le jeu de motsest voulu). Sans source pour opérer son service et générer un revenu, il faut se demander s’il aura les moyens (pécuniers) pour se rendre à la prochaine étape…

 

Peut-être que d’autres seront de la partie ? Comme le précise le juge, encore au paragraphe 48:

Il faut soupeser le fait que ce type d’informations (titre et amorce ou simplement titre) est relayée en des millions d’occasions par des sites comme Google ou Yahoo.

Livre et édition Pétition Québec Utilisation équitable

Why I’m withdrawing from Copibec’s class-action suit against Université Laval (traduction)

(English post will start just after this blockquote.)

FR: Voici une traduction effectuée par l’Association canadienne des professeures et professeurs d’universités (dont je suis membre) du billet diffusé le 8 septembre 2017, intitulé « Pourquoi je vais me retirer du recours collectiv de Copibec contre l’Université Laval »

EN: This is a translation by the Canadian Associaiton of University Teachers (of which I am a member) of a post I wrote on September 8th on this blog.

As the author of published works, I qualify as a party to the class-action lawsuit brought by Copibec against Université Laval. That said, I plan to sign the opt-out form that will remove me from the class action and send it to both the registrar of the court and Copibec’s mailing address before October 15.

I’d like to put forward some of the reasons behind my decision, and which I hope will stand in support of Université Laval.

Before I continue, I invite the rest of the university community to join me in withdrawing from the class-action suit. All you need to do is complete the form provided on Copibec’s website and send it to the court clerk. The mailing address is on the form:

http://copibec.ca/medias/files/Action_collective/Formulaire-exclusion.pdf

I have two reasons for opting out: 1) the suit ignores the business realities of the academic setting and 2) it constitutes a severe breach of academic freedom and intellectual freedom, which are intertwined with freedom of expression.


1. Business realities of academic publishing

 

Despite Copibec’s complaints against Laval, in 2014-15, the institution spent $12.6 million on documents for its library, surpassed only by McGill University ($18.9 million).

Here’s a broader context: Quebec universities as a whole spent more than $63 million on library acquisitions, whereas the grand total for universities across Canada stands at $311 million. Public libraries in Quebec dished out roughly $30 million, and Quebec households bought more than $1 billion in books, newspapers and magazines. In 2012-13, more than two thirds of these expenditures (70% in Quebec) were for digital collections. What’s more, because digital sources now gobble up such a huge portion of annual acquisition budgets, the BCI no longer distinguishes between print and digital in its annual statistics.

The basic difference between a print collection and a digital one is easy to understand. Digital collections are acquired under a licence agreement that specifies usage rights, such as photocopying the material and sharing it with students through learning management systems. Print collections are governed by copyright law and by the licences of copyright-management collectives. Over the past few years, scientific publishers have in fact offered digital bundles for collections that institutions already have in hard-copy format—especially for scientific journals. Yes, university libraries have repurchased a significant portion of their existing print collections in digital format.

As a result, the proportion of print material(requiring a Copibec licence) of regular acquisitions is dwindling in the average Québec university library. In contrast, digital acquisitions, which require a licence similar to what Copibec offers, are booming. This new reality means that access rights, introduced by the Harper government in 2012 , are bundled, through licences, with digital works.

In fact, consumers of digital content are in the same boat: all platforms offering copyright-protected works in digital format always do so after having agreed to a digital licence. Reading a book on Kindle? You’ve said yes to Amazon. Same thing for Netflix, iTunes, Google Play, Steam… Consumers can simply glance over the terms of these licences but information professionals – your librarians, library technicians and clerks behind the scenes–well, they read and negotiate them on your behalf.

Let’s summarize the situation using the following equation, regardless of format or type of content:

Use = document + rights

 

In the print world, the equation was as follows:

Course packs sold to students = a university library’s print collection + Copibec licence

 

In the world of digital scholarly publishing, the reality that I experience and have studied is:

Use = digital document directly from the publisher + usage licence directly from the publisher

(Remember that libraries have transitioned to digital collections and acquire these in massive numbers.)

Note that without the publisher’s licence, it’s IMPOSSIBLE to acquire a digital resource. You don’t have to be a rocket scientist to understand that, for the average Quebec university, a licence with Copibec IS WORTH NEXT TO NOTHING. Why? Because the percentage of works offered in our licensed collections (that is, digital) is skyrocketing.

What’s more, I think Université Laval is one of the only Quebec universities to have done any rigorous “library economics” homework. All of the other universities in the province are passing along the cost of Copibec’s licence to their students, through ancillary fees, so they don’t see the urgency of challenging the current copyright orthodoxy.

If I were so bold as to summarize Copibec’s position, the fundamental equation for library-based access to works would be as follows:

Use = document comes from who knows where, and maybe from what’s left in the paper collection + copyright infringement through the fair dealing exception.

This assertion comes from a fairy tale that doesn’t reflect what I experience at work every day. My doctoral research, based on empirical analyses, confirms what I’m seeing at work.

Indeed, resorting to the principle of “fair dealings” is itself an exception, and to get back to the rocket-scientist analogy, a diligent and reasonable rights holder would immediately grasp its clients’ interest for digital material and put forward a palatable solution… Digitizing a work costs money. Consider all of the universities that digitize works on the fly to tap into the concept of fair dealings as an exception to copyright. The copyright holder could digitize everything in one fell swoop and sell the same copy to every university … around the world! That’s one of the secret formulas of the world’s biggest academic publishers.

If the Canadian government adopted a full slate of exceptions in the 2012 Copyright Act, it also assigned a new right to rights holders: making material available online. Quebec’s universities, especially Laval, diligently kept pace with the world of academic publishing in embracing digital formats. I don’t think Laval is at fault here, but I do think that Copibec, in reality, is defending a sort of commercial sloth. In addition, I believe the cultural sector is transposing its own reality on that of academia. The market failures and externalities of one sector are not the same as in others, even though copyright governs them all.

In fact, it would be more relevant to consider fair dealings as the public sector’s investment in mastering the workings of the markets and of the social systems generated by the digital world. University libraries, together with professors, students, techno-educators and other partners, are analyzing the needs of their clienteles and are trying to establish economic and social systems around digital works. We then transfer this knowledge to the industry through negotiated licence agreements or through exceptions. In both cases, opportunity knocks for whoever understands the message and adjusts accordingly. Copibec should put forward a business deal that considers our needs—suing libraries points to a woeful misunderstanding of the powerful trends affecting university markets and the academic publishing sector.

What happened to the horse when the automobile was invented…? Darwin and Shumpeter can shed some light on that.

This isn’t only my professional assessment of the situation, but also the conclusion of my doctoral thesis (which I’ll be defending on September 15).

 

2. Academic and intellectual freedom: integral parts of freedom of expression

 

I developed the link between academic and intellectual freedom and freedom of expression in a book chapter dealing with open access, available at Concordia University’s Research Repository, and which was published in the Handbook of Intellectual Freedom. All of the authors of this work won awards for their contributions from the Intellectual Freedom Round Table of the American Library Association. Here is an excerpt from my chapter:

 

There is a clear consensus in the literature that intellectual freedom is directly linked with freedom of expression, the press and to access and use information and that it is a core value of librarianship. Gorman famously stated that:

In the United States, [intellectual freedom] is constitutionally protected by the First Amendment to the Constitution, which states, in part, ‘Congress shall make no law respecting an establishment of religion or prohibiting the free exercise thereof; or abridging freedom of speech, or of the press.’ There is, of course, no such thing as an absolute freedom outside the pages of fiction and utopian writings, and, for that reason, intellectual freedom is constrained by law in every jurisdiction.” (2000, p. 88)

Gorman continues to state that rarely are proponents “for” or “against” intellectual freedom, but they articulate their views in absolute or relative terms. On these issues, Hauptman (2002 pp. 16-29) as well as and McMenemy, Poulter and Burton (2007) offer additional evidence and insight. The link between intellectual freedom and censorship is obvious.

Intellectual freedom is also linked with Article 19 of the United Nation’s Universal Declaration of Human Rights, which states:

Everyone has the right to freedom of opinion and expression; this right includes freedom to hold opinions without interference and to seek, receive and impart information and ideas through any media and regardless of frontiers.” (1948)

Samek (2007, pp. 9-11) provides an account of how various groups, such as United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) and the International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) have further articulated the concept of intellectual freedom in various initiatives and declarations.

Barendt offers an interesting distinction between academic freedom, a well-known right professors enjoy in universities, and intellectual freedom:

[a] cademic freedom is not identical to intellectual freedom or to freedom of the mind. Intellectual freedom is a right to which we are all entitled, wherever we work. Like freedom of speech or expression, it is a general right belonging to all citizens.” (2010, p. 38)

In discussing how intellectual freedom and freedom of expression are intertwined, Krug further articulates, in light of librarianship, that:

All people have the right to hold any belief or idea on any subject and to express those beliefs or ideas in whatever form they consider appropriate. The ability to express an idea or a belief is meaningless, however, unless there is an equal commitment to the right of unrestricted access to information and ideas regardless of the communication medium. Intellectual freedom, then, is the right to express one’s ideas and the right of others to be able to read, hear or view them.” (2006, p. 394-5)

From these points, we can draw a common thread for intellectual freedom, namely that it is universal in enshrining our right to access and use information. In light of this, intellectual freedom intersects or overlaps with open access in that the former is promoted as a way to maximize or optimize access to and use of digital documents and information, while the latter expresses a fundamental right of the same vein.

I believe that Copibec’s suit, despite its legality from a strictly legal point of view, illegitimately and inordinately undermines our fundamental rights.

 

3. Supporting statistics 

 

—In 2014-15, Québec universities spent just under $70 million on library acquisitions (source: BCI).

—Canadian university libraries spent more than $311 million on acquisitions (source: CARL/ABRC 2014/15).

—In comparison, Québec households spent $657 million on books ($3 billion across Canada) and $417 million on newspapers and periodicals (just under $2 billion across Canada) in 2015 (source: Statistics Canada. Table 384-0041 – Detailed household final consumption expenditure provincial and territorial – annual (dollars)) CANSIM (socioeconomic data base). Site consulted on September 7, 2017.

—Percentage of acquisitions in digital format: 2012-2013 was the last year in which the library sub-committee of the Bureau de coopération interuniversitaire distinguished between digital and print acquisitions, with roughly three quarters of expenditures going to digital at the time. That proportion has increased steadily since (take my word for it, a librarian with more than 14 years’ experience).

 

4. Sources

 

Barendt, E. M. 2010. Academic freedom and the law: A comparative study. Oxford; Portland, Or.: Hart Pub.

Gorman, Michael. 2000. Our enduring values: Librarianship in the 21st century. Chicago: American Library Association.

Hauptman: forward of Buchanan, Elizabeth A., and Kathrine Henderson, eds. 2009. Case studies in library and information science ethics. Jefferson, N.C.: McFarland & Co.

Krug, Judith F. 2006. Libraries and the Internet. Chap. 7.3, In Intellectual freedom manual, ed. Office for Intellectual Freedom. 7th ed., 394. Chicago: American Library Association.

McMenemy, David, Alan Poulter and Paul F. Burton. A handbook of ethical practice: a practical guide to dealing with ethical issues in information and library work. Oxford: Chandos, 2007.

Samek, Toni. 2007. Librarianship and human rights: A twenty-first century guide. Oxford, England: Chandos.

Canada Droit d'auteur Pétition Réforme

Abolir le droit d’auteur de la couronne: signez la pétition avant le 23 septembre

Il ne reste que quelques jours avant la clôture de la période de signature de la pétition e-1116, enjoignant le gouvernement fédéral d’abolir le droit d’auteur de la couronne. Le quoi? Le droit d’auteur de la couronne est le nom que l’on donne au droit satutaire (à l’art. 12 de la Loi sur le droit d’auteur) quand le droit d’auteur appartient à Sa Majesté.

Quand le droit d’auteur appartient à Sa Majesté

 Sous réserve de tous les droits ou privilèges de la Couronne, le droit d’auteur sur les oeuvres préparées ou publiées par l’entremise, sous la direction ou la surveillance de Sa Majesté ou d’un ministère du gouvernement, appartient, sauf stipulation conclue avec l’auteur, à Sa Majesté et, dans ce cas, il subsiste jusqu’à la fin de la cinquantième année suivant celle de la première publication de l’oeuvre.

  • L.R. (1985), ch. C-42, art. 12; 1993, ch. 44, art. 60.

C’est-à-dire que tous les gouvernements du Canada possède un droit d’auteur spécial sur tous les écrits, images, cartes, etc. produites par ses fonctionnaires et les contractuels y oeuvrant (si leur contrat de travail est silencieux quant à la titularité du droit d’auteur.

Ironiquement, le site officiel des publications du Canada indique que la gestion du droit d’auteur de la couronne revient aux départements et entités spécifiques – ce qui créé un joli bordel quand nous désirons créer une collection de documents numériques en bibliothèque. Voici le joli texte évoquant un casse-tête pour les canadiennes et les canadiens, enseignants, élèves, entrepreneurs, scientifiques et bidouilleurs:

Depuis le 18 novembre 2013, Éditions et Services de dépôt n’est plus responsable de l’administration du droit d’auteur de la Couronne et l’octroi de licences au nom des ministères et organismes du gouvernement du Canada. Les Canadiens et Canadiennes doivent communiquer directement avec les ministères auteurs pour toute question relative au droit d’auteur de la Couronne et l’octroi de licences.

Certains ministères et organismes ont fourni des points contact spécifiques aux demandes d’affranchissement du droit d’auteur reliées à leur matériel. Si vous êtes incapable de trouver une organisation dans la liste des points de contact fournie ci-dessous, veuillez consulter la liste des ministères et organismes du gouvernement du Canada sur le site Web du Canada.

La solution? signez la pétition pour abolir le droit d’auteur de la couronne:

À l’origine de changements sociaux positifs se trouvent à la fois des actions énergiques menées sur de grands enjeux, et des avancées graduelles sur des aspects techniques, mais qui n’en sont pas moins importants.

La campagne sur la réforme du régime de droits d’auteur de la Couronne est une de ces avancées, et a besoin de votre aide!

Les droits d’auteur de la Couronne sont basés sur la prétention du gouvernement selon laquelle les œuvres produites par les fonctionnaires, le Parlement, les ministres ainsi que les ministères et organismes lui appartiennent. Dans sa forme atuelle, ce régime empêche le public d’accéder à une multitude de documents publics produits par le gouvernement. Il existe une solution simple : l’abolir. Une pétition électronique à la Chambre des communes poursuit cet objectif, et prendra fin la semaine prochaine. Nous vous exhortons de la signer.

https://petitions.noscommunes.ca/fr/Petition/Details?Petition=e-1116

Paul Jones

ACCPU / CAUT

Comme de raison, je suis fier de figurer parmi les signataires de cette pétition.

Exceptions au droit d'auteur Livre et édition Pétition Québec Revendication Utilisation équitable

Pourquoi je vais m’exclure du recours collectif de Copibec c. l’Université Laval

À titre d’auteur de textes publiés, je me qualifie comme membre au recours collectif de Copibec c. l’Université Laval. Je vais envoyer le formulaire de désistement pour m’exclure du recours collectif au greffier de la cour et à l’adresse de Copibec avant le 15 octobre. Je désire, dans les paragraphes qui suivent, expliquer quelques arguments qui motivent mon geste, que je désire être un appui envers l’Université Laval.

Avant de continuer, j’invite la communauté universitaire à se joindre à moi et de s’exclure du recours collectif. Pour ce faire, il suffit d’envoyer formulaire disponible sur le site de Copibec au greffier de la cour – l’adresse postale y est indiquée:

http://copibec.ca/medias/files/Action_collective/Formulaire-exclusion.pdf

Mon geste est motivé par deux raisons : ce recours ignore des réalités commerciales du milieu académique et s’avère une entrave sévère à la liberté intellectuelle et académique, des dimensions de la liberté d’expression.

1. Réalités commerciales de l’édition académique

Malgré ce que Copibec reproche à l’Université Laval, celle-ci a dépensé en 2014-15 pour 12,6 millions de dollars en sources documentaires, dépassée au Québec uniquement par McGill (à 18,9 millions de dollars). À titre de référence, les universités du Québec ont dépensé plus de 63 millions de dollars en ressources documentaires, tandis que le montant s’élève à 311 millions pour toutes celles du Canada. Quant à elles, les bibliothèques publiques du Québec dépensent une trentaine de millions de dollars et les ménages québécois dépensent plus d’un milliard en livres, journaux et revues. Plus des deux tiers de ces fonds servaient (70% pour le Québec), en 2012-2013, à l’acquisition de collections numériques (le BCI ne distingue plus entre l’imprimé et le numérique dans ses statistiques annuelles tant le numérique prend la part du lion des budgets d’acquisition).

La différence fondamentale entre une collection imprimée et une collection numérique est simple à comprendre. Une collection numérique est acquise sous licence, où sont stipulés les droits d’utilisation comme la photocopie et la diffusion aux étudiants par les environnements d’apprentissage numérique. Pour l’imprimé, il faut se fier à la loi et aux licences des sociétés de gestion collective. Ces dernières années, les éditeurs scientifiques ont par ailleurs offert des bouquets numériques des collections déjà acquises en format papier – surtout pour les revues scientifiques. Oui, les bibliothèques universitaires ont acheté de nouveau en numérique une partie non-négligeable de ce qu’elles possédaient déjà en format papier.

Ainsi, la proportion de l’imprimé (nécessitant une licence Copibec) fond dans les acquisitions régulières d’une bibliothèque universitaire québécoise moyenne. La part du numérique, acquis avec une licence qui s’apparente à ce que Copibec offre, explose. Et la nouvelle donne implique que le droit d’accès, introduit par le législateur en 2012 au profit de l’industrie, s’opère avec une licence pour utiliser une œuvre numérique.

En fait, le consommateur de contenu numérique vit la même réalité : toutes les plateformes offrant des œuvres protégées par le droit d’auteur en format numérique le font toujours après avoir consenti à une licence numérique. Vous lisez un livre sur Kindle? Vous avez dit oui à Amazon. Idem pour Netflix, iTunes, Google Play, Steam… Les citoyens ont le loisir d’ignorer les termes de ces licences, les professionnels de l’information – vos bibliothécaires, technicien.ne.s en documentation et commis qui travaillent dans l’ombre – elles, les lisent et les négocient en votre nom.

Résumons la situation avec l’équation suivante. Peu importe le format ou le type de contenu :

Utilisation = document + droit

 

Dans le monde papier, l’équation était :

Recueils de cours vendus aux étudiants =
collection papier d’une bibliothèque universitaire
+ licence Copibec

Dans le monde de l’édition savante numérique, la réalité que je vis et que j’ai étudiée est :

Utilisation =
document numérique directement de l’éditeur
+ licence d’utilisation directement de l’éditeur
(Souvenez-vous que les bibliothèques ont migré leurs collections vers le numérique et acquièrent massivement des collections numériques)

Notez que sans la licence d’utilisation de l’éditeur, il est IMPOSSIBLE d’acquérir un document numérique. Il ne faut pas la tête à Papineau pour comprendre que la valeur d’une licence avec Copibec, pour une université québécoise moyenne TEND VERS ZÉRO. Pourquoi? Car la proportion d’œuvres proposées dans nos collections sous licence (donc, numériques) explose. En fait, je crois que l’Université Laval est l’une des seules universités québécoises à avoir effectué un travail bibliothéconomique rigoureux. Toutes les autres universités québécoises refilent la facture de la licence Copibec aux étudiants par les frais afférents, donc l’urgence d’attaquer la doxa dominante du droit d’auteur ne se fait pas sentir.

Si j’ose résumer la position de Copibec, l’équation fondamentale de l’accès en bibliothèque serait :

Utilisation =
le document vient d’on ne sait où, peut-être de ce qui reste de la collection papier
+ usurpation des droits d’auteurs par l’utilisation équitable

Cette affirmation comporte une belle fiction qui ne reflète pas la réalité quotidienne de mon travail. Mes recherches doctorales confirment par une analyse empirique ce que je vis au travail.

En fait, le recours à l’utilisation équitable est en soit une exception! Encore évoquant la tête à l’illustre Papineau, un titulaire diligent et raisonnable aura vite compris l’intérêt de ses clients pour le numérique et aurait dû travailler à offrir une solution intéressante… Numériser une œuvre coûte des sous. Imaginez toutes ces universités qui numérisent à la volée dans le cadre d’une exception au droit d’auteur comme l’utilisation équitable – le titulaire pourrait numériser une seule fois et revendre la même copie à toutes les universités… du monde! Il s’agit là d’une des recettes secrètes des gros éditeurs savants du monde.
Si le Parlement Canadien a édicté une panoplie de nouvelles exceptions dans la Loi sur le droit d’auteur en 2012, il a également édicté un nouveau droit au profit des titulaires : celui de rendre accessible dans Internet. Les universités du Québec – et surtout l’Université Laval – ont diligemment suivi le pas du monde de l’édition savante pour embrasser le numérique. Je crois que la faute ne repose pas sur les épaules de l’Université Laval mais que Copibec plaide, en réalité, une forme de turpitude commerciale. De plus, je crois que le milieu culturel transpose sa propre réalité à celle du monde académique. Les externalités et défaillances de marché d’un domaine ne sont pas les mêmes que dans l’autre, bien que le droit d’auteur les gouverne tous.

Il serait plus pertinent de comprendre l’utilisation équitable comme un investissement de la part du secteur public dans l’appropriation des ficelles des marchés et systèmes sociaux qui émergent du numérique. Les bibliothèques universitaires, de concert avec les professeurs, étudiants, technopédagogues et autres collaborateurs, analysent les besoins de leurs clientèles et tentent d’organiser les systèmes économiques et sociaux autour des œuvres numériques. Nous transférons cette connaissance à l’industrie par le biais de licences négociées ou par les exceptions. Dans les deux cas, l’opportunité appartient à celle qui capte le message et s’adapte en conséquence. Copibec devrait proposer une offre commerciale en lien avec nos besoins – actionner les bibliothèques démontre une incompréhension désolante des tendances lourdes du milieu de l’édition savante et des marchés universitaires.

Qu’a fait le cheval face à l’avènement de l’automobile…? Darwin et Schumpeter offrent des pistes de solutions.

Il ne s’agit pas juste de mon évaluation professionnelle de la situation, mais de la conclusion de ma thèse doctorale (que je défendrai le 15 septembre prochain).

2. Liberté intellectuelle et académique, une dimension de la liberté d’expression

J’ai développé le lien entre la liberté intellectuelle, académique et la liberté d’expression dans un chapitre de livre traitant du libre accès, disponible dans le dépôt institutionnel de l’Université Concordia, qui fut publié dans le Handbook of Intellectual Freedom. Tous les auteurs de cette monographie furent primés pour leur travail par la Intellectual Freedom Round Table de la American Library Association. Dans ce texte, je dis:

There is a clear consensus in the literature that intellectual freedom is directly linked with freedom of expression, the press and to access and use information and that it is a core value of librarianship. Gorman famously stated that:

“In the United-States, [intellectual freedom] is constitutionally protected by the First Amendment to the Constitution, which states, in part, “Congress shall make no law respecting an establishment of religion or prohibiting the free exercise thereof; or abridging freedom of speech, or of the press.” There is, of course, no such thing as an absolute freedom outside the pages of fiction and utopian writings, and, for that reason, intellectual freedom is constrained by law in every jurisdiction.” (2000, p. 88)

Gorman continues to state that rarely are proponents “for” or “against” intellectual freedom, but they articulate their views in absolute or relative terms. On these issues, Hauptman (2002 p. 16-29) as well as and McMenemy, Poulter and Burton (2007) offer additional evidence and insight. The link between intellectual freedom and censorship is obvious.

Intellectual freedom is also linked with Article 19 of the United Nation’s Universal Declaration of Human Rights, which states:

“Everyone has the right to freedom of opinion and expression; this right includes freedom to hold opinions without interference and to seek, receive and impart information and ideas through any media and regardless of frontiers.” (1948)

Samek (2007, p. 9-11) provides an account of how various groups, such as United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) and the International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) have further articulated the concept of intellectual freedom in various initiatives and declarations.

Barendt offers an interesting distinction between academic freedom, a well-known right professors enjoy in universities, and intellectual freedom:

“[a]cademic freedom is not identical to intellectual freedom or to freedom of the mind. Intellectual freedom is a right to which we are all entitled, wherever we work. Like freedom of speech or expression, it is a general right belonging to all citizens.” (2010, p. 38)

In discussing how intellectual freedom and freedom of expression are intertwined, Krug further articulates, in light of librarianship, that:

“all people have the right to hold any belief or idea on any subject and to express those beliefs or ideas in whatever form they consider appropriate. The ability to express an idea or a belief is meaningless, however, unless there is an equal commitment to the right of unrestricted access to information and ideas regardless of the communication medium. Intellectual freedom, then, is the right to express one’s ideas and the right of others to be able to read, hear or view them.” (2006, p. 394-5)

From these points, we can draw a common thread for intellectual freedom, namely that it is universal in enshrining our right to access and use information. In light of this, intellectual freedom intersects or overlaps with open access in that the former is promoted as a way to maximize or optimize access and use of digital documents and information while the latter expresses a fundamental right of the same vein.

Je crois que l’action de Copibec, bien que conforme sur le strict point de vue légal, impose un fardeau démesuré et illégitime à nos droits fondamentaux.

3. Annexe statistiques

– Les Universités québécoises, par le biais de leurs bibliothèques, ont dépensé un peu moins de 70 millions de dollars pour l’acquisition de ressources documentaires en 2014-15. (source : BCI)

– Les bibliothèques universitaires canadiennes ont dépensé plus de 311 millions de dollars en acquisitions documentaires (source : CARL/ABRC 2014/15)

– Pour comparer, les ménages québécois ont dépensé 657 millions de dollars en livres (3 milliards au Canada) et 417 millions de dollars en journaux et publications périodiques (un peu moins de 2 milliards an Canada) en 2015 (source : Statistique Canada. Tableau 384-0041 – Dépenses de consommation finale des ménages détaillées, provinciaux et territoriaux, annuel (dollars), CANSIM (base de données). (site consulté : le 7 septembre 2017)

– Pourcentage d’acquisitions en format numérique : L’année 2012-2013 fut la dernière où le sous-comité des bibliothèques du Bureau de coopération interuniversitaire distinguait les dépenses pour les sources numériques et l’imprimé. Il s’élève alors à près du trois-quarts pour le numérique. La part du numérique ne cesse d’augmenter depuis, parole de bibliothécaire universitaire avec plus de 14 ans de métier.

 

4. Sources

Barendt, E. M. 2010. Academic freedom and the law : A comparative study. Oxford ; Portland, Or.: Hart Pub.

Gorman, Michael. 2000. Our enduring values : Librarianship in the 21st century. Chicago: American Library Association.

Hauptman: préface de Buchanan, Elizabeth A., and Kathrine Henderson, eds. 2009. Case studies in library and information science ethics. Jefferson, N.C.: McFarland & Co.

Krug, Judith F. 2006. Libraries and the internet. Chap. 7.3, In Intellectual freedom manual, ed. Office for Intellectual Freedom. 7th ed., 394. Chicago: American Library Association.

McMenemy, David, Alan Poulter and Paul F. Burton. A handbook of ethical practice : a practical guide to dealing with ethical issues in information and library work. Oxford : Chandos, 2007.

Samek, Toni. 2007. Librarianship and human rights : A twenty-first century guide. Oxford, England: Chandos.

 

Amérique du Nord Propriété intellectuelle Réforme

L’été, c’est fait pour… consulter

Pour les québécoi.se.s d’un certain âge (dont je fais partie), l’émission pour enfant Passe-Partout est une source intarissable de références culturelles. Tous les poussinots et poussinettes savent que l’été c’est fait pour jouer, sauf ceux et celles des gouvernements du Canada et du Québec, ainsi que les juges du pays, qui décident d’utiliser la belle saison pour nous faire réfléchir et travailler.

Cet été, nous avons droit à deux consultations publiques d’intérêt, l’une du gouvernement fédéral pour l’ALÉNA, et l’autre du gouvernement du Québec sur sa nouvelle politique culturelle. De plus, nos juges ne chôment pas cet été, en plus de la récente décision Google Inc. c. Equustek Solutions Inc. (qui traite d’une injonction imposant à Google de retirer des liens vers du matériel numérique contrefait sur ses serveurs à l’extérieur du Canada), on peut s’attendre à certaines décisions intéressantes (dont celle impliquant l’Université de York et Access Copryright, la société de gestion collective du droit d’auteur au Canada anglais).

Débutons avec la consultation du gouvernement fédéral sur l’accord de livre-échange avec les USA – l’ALÉNA (je traiterai de la consultation pour la nouvelle politique culturelle québécoise dans un autre billet).

Avant tout, l’institut de recherche en politique publique (Canada) diffuse un dossier intitulé « Repenser la politique canadienne sur le droit d’auteur » dans sa revue Options Politiques.

Repenser la politique canadienne sur le droit d’auteur

 

Ce dossier tombe à pic car le gouvernement fédéral consulte les citoyens du pays sur les enjeux découlant du traité de libre échange avec les États-Unis, l’ALÉNA. Le lien entre un accord de libre-échange et la propriété intellectuelle peut sembler ténu, mais la réalité est tout autre. Le droit d’auteur, les brevets et les autres domaines de la propriété intellectuelle édictent des droits de propriété sur du savoir ou des idées. Les États-Unis ont recours aux accords bilatéraux pour lisser les législations d’autres pays en sa faveur. Ironiquement, la première mouture de l’ALÉNA, entrée en vigueur en 1993, édicte un chapitre sur la PI mais fut négociée avant qu’Internet et le numérique ne bouscule les industries culturelles et du savoir. Compte tenu des récriminations du gouvernement Trump contre nos pratiques commerciales, nous auront droit à une négociation difficile.

En fait, plus du trois-quart de nos exportations vont chez nos voisins du sud. Certaines industries, dont le bois d’oeuvre (surtout la matière ligneuse récoltée sur les terres de la couronne que les USA associent à des subventions masquées) et la gestion de l’offre en agriculture (domaines laitiers et céréaliers par exemple) embêtent les américains. Par ailleurs, le Canada figure sur la liste noire des USA concernant la propriété intellectuelle depuis des années. D’ailleurs, l’infatigable blogueur Michael Geist, professeur en droit des TI à l’Université d’Ottawa, propose une série de billets pour décrypter la position américaine sur les questions numériques susceptibles de tomber dans la collimateur des négociations.

En plus des questions de propriété intellectuelle, il est également question de « l’exception culturelle » qui est très chère à nos fournisseurs de contenu, les écrivain.ne.s, les musicien.ne.s et les act.rices.eurs… tout l’appareillage de support à la création et à la diffusion pourrait tomber dans le broyeur américain par le biais de cette négociation…

Ainsi, je suis en train de préparer mes réponses aux questions lancées par le gouvernement fédéral pour préparer les négociations de l’ALÉNA. Je les partagent avec vous pour susciter la réflexion et vous inviter à également contribuer à ce processus démocratique dans la négociation souveraine entre un géant commercial et son voisin parfois complaisant:

 *À votre avis, quelles devraient être les priorités du Gouvernement du Canada dans cette renégociation de l’ALÉNA (ex. enjeux commerciaux, pratiques commerciales)?

Le Canada doit bâtir et maintenir une rhétorique commerciale qui dépasse le simple cadre économique. En ce sens, il est essentiel d’incorporer des modèles ou conceptualisations novateurs basés sur une approche critique et réflexive plus large. À cette fin, il faut introduire de nouvelles théories pour mieux saisir le rôle du droit et de l’économie dans l’organisation de l’activité humaine.

La doxa économique contemporaine se divise en deux pôles intellectuels. D’un côté, l’approche économique dite néoclassique favorise l’analyse transactionnelle des marchés de biens généralement homogènes. De l’autre, l’approche néolibérale élève les marchés comme structure institutionnelle incontournable, voire hégémonique, dans l’organisation sociale et industrielle.  Ces deux approches intellectuelles sont pertinentes surtout lors de l’analyse des interactions compétitives de corporations à l’intérieur d’un marché donné (ou de marchés complémentaires). Elles dominent la rhétorique commerciale de nos voisins.

Par contre, ces théories échouent à la fois sur le plan téléologique et exogène. Rapidement, une analyse téléologique vise à observer la finalité, l’effet d’une politique publique sur la société. L’analyse des facteurs exogènes, quant à elle, observe les facteurs externes à un système social pour comprendre l’interaction entre le système observé et son environnement extérieur. Ainsi, un argument purement économique, qui n’incorpore pas une analyse des asymétries de pouvoir, des risques, des défaillances de marchés ou des externalités, ne mènera pas à des politiques publiques pertinentes, pérennes et évolutives. Outre l’analyse néoinstitutionnelle en économie, les théories pluralistes du droit, les théories des communs de Ostrom ainsi que la sociologie cybernétique offrent des pistes de solutions aux écueils de la pensée traditionnelle en économie.

Ainsi, le Canada doit analyser ses positions commerciales en fonction de ces nouvelles approches théoriques et intellectuelles afin de mieux contextualiser comment les récriminations ou revendications des États-Unis peuvent nous nuire.

*Y a-t-il des éléments de l’ALÉNA qui fonctionnent bien et qui devraient être préservés ou améliorés?

La libre circulation des individus, surtout dans le cadre de leur emploi, est un élément à maintenir et améliorer, dont les visas de travail pour certains secteurs clé dont les technologies de l’information, la santé et les bibliothèques.

*Êtes-vous au courant de pratiques commerciales, de lois ou de règlements aux États-Unis ou au Mexique qui nuisent ou qui pourraient nuire à l’accès au marché pour les produits et services canadiens?

Oui. Dans le domaine culturel, les plateformes de diffusion (Google de Alphabet, Amazon, Facebook, Netflix, iTunes de Apple) ne répondent pas aux besoin des canadiens. Leur opération et leur organisation est basée sur des algorithmes qui n’incorporent pas nos préoccupations sur la découvrabilité de notre culture ainsi que l’équité et la diversité des voix dans l’expression de celle-ci.

 

*Y a-t-il des enjeux que vous aimeriez ajouter dans l’ALÉNA, ou alors des enjeux dont vous ameriez voir la couverture étendue pour refléter l’évolution du commerce depuis l’entrée en vigueur de l’ALÉNA ?

Oui. Internet et les questions des technologies de l’information ont des répercussions juridiques, économiques et sociales. Il est important de protéger nos pratiques, surtout pour maintenir les droits des utilisateurs dans le domaine de la propriété intellectuelle comme les exceptions au droit d’auteur, la liberté d’expression, le financement de la culture (« exception culturelle »), la découvrabilité de notre contenu dans l’univers numérique et le rôle nuisible des plateformes et de leurs algorithmes dans les politiques publiques canadiennes.

De plus, le financement étatique dans l’industrie de la culture et des communication est essentielle à la viabilité des marchés nationaux. Les politiques de nos voisins ne portent pas attention aux externalités négatives et aux défaillances de marchés qui découlent d’une analyse purement économique. La culture est bien plus qu’un marché et nous devons bâtir une rhétorique commerciale en lien avec des théories progressives en économie, en droit et en sociologie.

Autre commentaire:

Les théories favorisant les analyses téléologiques et exogènes sont utiles pour tous les domaines économiques, comme le bois d’oeuvre ou la gestion de l’offre en agriculture. En fait, les ressources naturelles, l’agriculture et l’information, la culture et le savoir sont des domaines analogues de par la nature publique de ces biens dans la théorie économique. Ce que je propose comme approche intellectuelle pour le domaine du patrimoine et de la culture s’applique également pour tous les domaines d’intérêt stratégique pour le Canada.

Droit d'auteur

Lectures du moment

Voici la liste de titres qui manquent actuellement à ma bibliothèque… personnelle:

Art contemporain Canada CDPP Conférence CultureLibre.ca Droit d'auteur Jeux vidéos

Notes de mon intervention lors du Sommet sur les arts à l’ère du numérique

Notes manuscrites de l'intervention d'Olivier Charbonneau sur le droit d'auteur numérique
J’ai eu l’honneur de participer au Sommet sur l’art à l’ère du numérique du Conseil des arts du Canada, à titre de « bibliothèque humaine » sur le droit d’auteur numérique. Mon rôle fut d’être disponible lors de l’événement, du 15 au 17 mars 2017, et de mener une suite de conversations sur mon sujet de prédilection. Les participants au Sommet ont convergé à l’Arsenal des quatre coins du Canada et de la planète…

Afin de guider ceux et celles qui se sont joint à moi pour discuter du droit d’auteur numérique, j’ai préparé une brève allocution qui propose quelques points de départ pour la conversation. J’ai retenu une approche qui tente de démystifier certaines perceptions – quatre en fait – incorrectes ou désolantes (selon moi) du droit d’auteur numérique.

Premièrement, le droit d’auteur numérique serait brisé. Je suis d’accord avec Wendy Gordon qui précisa dans un article savant daté de 1982, dans la foulée du jugement de la cour suprême des États Unis en faveur de Sony et de ses magnétoscopes Beta, que le « plus moins pire » système pour le droit d’auteur en est un qui édicte des droits de propriété forts et des exceptions flexibles. Nonobstant certains domaines qui mériteraient une meilleure protection en droit (comme la danse et les savoirs traditionnels), ce « système d’exploitation » outille la communauté à opérer des marchés et des systèmes sociaux culturels, informationnels et du savoir.

Ainsi, ce n’est pas le droit d’auteur lui-même qui est brisé, mais les applications qui se greffent à ce système d’exploitation: les licences qui amplifient les externalités, défaillances de marché et asymétries de pouvoir entre les agents économiques et sociaux. Il faut donc réfléchir aux relations privées et non au droit public pour « réparer » le droit d’auteur. Si l’on accepte cette prémisse, la dynamique des échanges et la portée des interventions requises sont tout autre.

Deuxièmement, le droit d’auteur serait complexe (je l’entend souvent). Je ne suis simplement pas d’accord. En me basant sur une conceptualisation luhmannienne, la complexité du système social du droit d’auteur (numérique ou non) n’émerge pas d’une multiplicité ou d’une infinité d’options mais bien de notre incapacité à opérer un choix judicieux parmi les quelques options qu’édicte le droit d’auteur. Prenons comme exemple mon modèle exposant les moyens d’utiliser légalement le droit d’auteur numérique :

Selon ma conceptualisation, il existerait quatre principaux moyens d’utiliser une oeuvre protégée: la pré-autorisation; la permission, l’exception et la création d’une nouvelle oeuvre. La complexité découle du fait que nous avons ni les outils (professionnels, éthiques, artistiques, etc.), ni les moyens pour choisir entre ces options. La complexité n’émerge pas de la loi, qui est relativement claire quant à nos options, mais elle nait de l’absence de moyens ou outils ou processus sociaux, politiques, économiques, éthiques pour opérer un choix légitime à l’intérieur de ce cadre.

Troisièmement, le droit d’auteur numérique – surtout les exceptions – serait du vol. Cette perception est enracinée dans l’approche néoclassique en économie, qui qui se base sur l’analyse des transactions pour comprendre les dynamiques du marché. Ce choix épistémologique introduit un biais méthodologique qui ne nous permet pas de réfléchir à la question spécifique quant à savoir quels sont les moyens d’extraire de la valeur d’oeuvre protégées par le droit d’auteur (l’analyse néoclassique tente de maximiser la richesse dans un marché – wealth en anglais – en se basant sur la transaction comme objet d’étude). Ainsi, l’utilisation équitable et les autres exceptions seraient un coût infligé au marché par l’usurpation d’un droit de propriété. Je trouve cette perspective malheureuse (et erronée) car elle ne permet pas de conceptualiser le rôle stabilisateur de l’intervention des institutions étatiques et sociales dans les marchés et systèmes sociaux d’oeuvres protégées par le droit d’auteur.

Il faut plutôt retenir une approche systémique, voire téléologique en droit (ou, plus précisément, en analyse économique du droit), afin de mieux comprendre la situation. Cette approche positionne l’utilisation équitable et les exceptions comme un investissement étatique et institutionnel dans l’oeuvre, au profit de tous, et non pas comme du vol.

Dit autrement (et dans un langage moins hermétique), si l’utilisation équitable est du vol, il est pertinent pour les auteurs d’actionner les bibliothèques. Si, au contraire, il s’agit d’un investissement, il est pertinent de comprendre les nouveaux moyens d’extraire de la valeur des oeuvres protégées en comprenant comment les bibliothèques emploient les oeuvres numériques pour bâtir de nouveaux marchés et de nouveaux systèmes sociaux. Par exemple, si le législateur rend caduc le droit d’exécution en public des films et documentaires dans les écoles et les universités, il convient de réfléchir à comment monétiser le droit de mise à disposition par Internet. Les bibliothèques acquièrent maintenant des droits de diffusion en flux (streaming) plutôt que simplement des droits d’exécution en public dans des contrats plus flexibles et pertinents pour le contexte d’utilisation institutionnel (et plus payant pour l’industrie). En lire plus ici. J’aurai le temps un jour de vous expliquer mon modèle pour résoudre le problème de la photocopie (ou numérisation) en bibliothèque scolaire ou académique suivant la même logique.

L’utilisation équitable permet un investissement institutionnel dans l’oeuvre et offre l’occasion aux marchés et agents sociaux de comprendre comment innover.

Quatrièmement (et finalement), il faut regarder au-delà du droit d’auteur pour comprendre le droit d’auteur. Le droit d’auteur est le « marteau » qui a toujours servi à tapper sur la tête du « clou » de la rémunération dans l’approche néoclassique en économie (regarder les micro-transactions pour en extraire de l’argent à chaque fois). Google, Amazon, Facebook et Apple ne font pas cette erreur. En plus des autres droits qui peuvent introduire de la valeur dans les échanges numériques (tels le droit lié aux renseignements personnels, les brevets, les marques de commerce, les designs industriels, la liberté d’expression), il faut aussi réfléchir à comment l’architecture technologique (comme les algorithmes et les données massives), les marchés (comme l’émergence des cryptomonnaies), et les normes (les licences libres comme révolte à l’hégémonie commerciale dans la culture) pour rebâtir (réifier) les mécanismes de valeur dans l’ère numérique. Cela peut impliquer que certaines utilisations d’une oeuvre ne soient plus payantes mais peuvent être réguler dans un cadre juridique privé (entente globale ou licence) qui vise certains mécanismes de rémunération (les quatre facteurs sont de Lawrence Lessig).

Il faut anticiper les externalités (positives ou négatives) et les asymétries de pouvoir qui en découlent dans un cadre plus étendu que celui strictement juridique. Il faut revisiter en profondeur les interactions entre les oeuvres protégées (numérique ou non) et les agents de marchés et systèmes sociaux pour faire évoluer notre culture.
C’est mon approche dans le cadre du projet de diffusion de jeux vidéo dans les bibliothèques québécoises – je vise à mettre en pratique ces théories et approches pour bâtir des marchés et des systèmes sociaux dignes de la culture du Canada au 21e siècle. Nous avons reçu un appui de la Fondation Knight pour créer un prototype d’une console de jeux vidéo pour les bibliothèques publiques:

Pour avoir une bonne idée de notre console, je vous invite à visiter le rapport que nous avons fait suivre à la Fondation Knight, qui a financé la conceptualisation de celle-ci:

Indie Games for Libraries (Project Report for the Knight Foundation)


Il s’agit d’un projet de recherche qui tente d’explorer et identifier de nouveaux moyens de diffuser des oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur dans un contexte institutionnel, celui des bibliothèques, au profit de tous. Parmi les divers modèles explorés, celui qui semble correspondre aux impératifs institutionnels et informatiques serait une mallette contenant tout ce dont nous avons besoin pour jouer à des jeux, sauf l’écran: un petit micro-ordinateur qui contient déjà des jeux, des fils pour la brancher au port HDMI d’une télévision ou d’un projecteur, les manettes, etc. Un bel exemple d’une console similaire est la Nintendo Classic. Nous désirons ainsi offrir aux québécois de découvrir les jeux faits ici mais également réfléchir aux questions qui découlent du contexte de diffusion de notre culture à l’ère numérique, questions juridiques, technologiques, économiques, sociologiques, éthiques, esthétiques, etc.

Nous remercions grandement la Fondation Knight d’avoir financé la conceptualisation d’un prototype afin de valider notre concept. Depuis, nous travaillons avec des bibliothèques publiques, musées ainsi que des associations du milieu documentaire afin de valider le cadre d’intervention du projet. Nous en sommes à bâtir et solidifier des ponts avec le milieu des studios de jeux indépendants de la métropole (et ailleurs) afin d’identifier le modèle économique le plus pertinent. Et, comme de raison, nous somme en recherche de financement.

Notre projet s’inscrit à l’intersection des cercles académiques, institutionnels et commerciaux : nous désirons inviter tous les partenaires et autres organisations ou individus interpelés par ce projet à y participer. L’enjeu est de taille: rêver à comment les bibliothèques (entre autres institutions du patrimoine, de la culture et du milieu social) peuvent intervenir pour bonifier les marchés créatifs et culturels au profit de tous par la préservation et l’accessibilité des oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur. Dans l’immédiat, nous visons la diffusion des jeux vidéo en bibliothèque publique mais ce n’est qu’un début. Si la bibliothèque est un lieu citoyen, sûr et accessible, et qui, de surcroit, finance les créateurs par ses budgets d’acquisition afin de permettre une libre circulation de leur oeuvre, comment pouvons nous l’élever comme outil de création et de diffusion numérique ? Pour atteindre cet ambitieux objectif, nous devons bonifier l’approche académique pour l’arrimer aux milieux commerciaux, sociaux et institutionnels.

À la fois pragmatique et conceptuelle, cette approche permet la mobilisation des connaissances académiques au profit de la communauté. Je suis fier de préciser que si ce n’avait pas été de l’excellent festival Montréal Joue, piloté par les bibliothèques publiques de Montréal, nous n’aurions pas pu lancer ce projet. En effet, le centre TAG de l’Université Concordia est un partenaire de l’événement par la foire thématique de jeux vidéo nommée « Arcade 11 » . Cette collaboration entre les bibliothèques municipales de Montréal et mon employeur, l’Université Concordia, m’a offert l’opportunité de réfléchir à comment mes travaux et recherches sur le droit d’auteur numérique peuvent s’appliquer concrètement sur le terrain.

Il s’agit d’un exemple concret de la mise en oeuvre des théories que je tente d’expliquer ici…