Projet de loi C-61 : décevant
L’adjectif décevant comporte deux sens selon Le Petit Robert. D’un côté, est décevant ce «qui séduit ou abuse par son apparence». De l’autre, ce «qui ne répond pas à ce qu’on espérait» est taxé de décevant. Il est de notre opinion que le projet de Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur est décevant deux fois plutôt qu’une !
Des exemples ? Vous voulez des exemples ? Et bien, par où commencer ? En premier lieu, le gouvernement n’a pas adressé la question du droit d’auteur de la couronne. Rien, que nenni, même si nos voisins du sud offrent à l’humanité toutes leurs publications gouvernementales dès leur diffusion, c’est à dire qu’elles sont d’office dans le domaine public. Pas au Canada, le gouvernement conserve tout ses droits. Voilà une politique que notre cher gouvernement aurait tôt fait de copier à nos voisins du sud !
Ensuite, voici un bel exemple de rhétorique :
Q7. Pourquoi le gouvernement ne ratifie-t-il pas maintenant les traités de l’OMPI? Le projet de loi n’a-t-il pas pour objet de mettre les traités en œuvre?
R. Le projet de loi a pour objet de mettre à jour la législation canadienne sur le droit d’auteur. Il n’entraîne pas de nouvelles obligations internationales pour le Canada et il ne propose pas que celui-ci ratifie les « traités Internet » de l’OMPI. Certes, le projet de loi aurait pour effet de mettre en œuvre les droits et les protections définis dans les traités, mais la ratification ne sera envisagée qu’après qu’on se sera penché sur la question.
Mais qu’en est-il des traités de l’OMPI ? Ratification ou non ? Quelle est la différence entre «mettre en œuvre les droits et les protections définis dans les traités» et la ratification ?
En plus, nous sommes soucieux du mouvement général de la réforme. Voici les mots du gouvernement :
Ces modifications à la Loi sur le droit d’auteur s’inscrivent dans le cadre de la stratégie générale du gouvernement en matière de propriété intellectuelle, qui comprend aussi les récentes modifications au Code criminel visant à combattre le piratage de films, et de l’annonce selon laquelle le Canada participera, avec d’autres partenaires commerciaux internationaux, à l’élaboration d’un possible Accord commercial relatif à la contrefaçon.
Pour en savoir plus sur ce nouvel accord, nous vons invitons à lire le mémoire récent de CIPPIC ou cet article du Globe and Mail.
Tiens, sur le sujet de copier nos voisins du sud, parlons des mesures de protection technologique. Le gouvernement a adopté des mesures draconiennes, qui dépassent essentiellement celles aux USA selon Michael Geist :
2. The digital lock provisions are worse than the DMCA. Yes – worse. The law creates a blanket prohibition on circumvention with very limited exceptions and creates a ban against distributing the tools that can be used to circumvent. While Prentice could have adopted a more balanced approach (as New Zealand and Canada’s Bill C-60 did), the effect of these provisions will be to make Canadians infringers for a host of activities that are common today including watching out-of-region-coded DVDs, copying and pasting materials from a DRM’d book, or even unlocking a cellphone.
While that is the similar to the U.S. law, the exceptions are worse. The Canadian law includes a few limited exceptions for privacy, encryption research, interoperable computer programs, people with sight disabilities, and security, yet Canadians can’t actually use these exceptions since the tools needed to pick the digital lock in order to protect their privacy are banned. In other words, check the fine print again – you can protect your privacy but the tools to do so are now illegal. Dig deeper and it gets worse. Under the U.S. law, there is mandatory review process every three years to identify new exceptions. Under the Canadian law, its up to the government to introduce new exceptions if it thinks it is needed. Overall, these anti-circumvention provisions go far beyond what is needed to comply with the WIPO Internet treaties and represents an astonishing abdication of the principles of copyright balance that have guided Canadian policy for many years.
En plus, les bibliothécaires devront encrypter les documents transmis par prêt-entre-bibliothèques, ceux-ci devront assurer qu’un nombre limité de visionnements, que ces documents ne soient imprimés qu’une seule fois et les faire disparaître après 5 jours. Imposer de telles limites constituent une entrave frustrante au travail intellectuel de nos chercheurs. La recherche académique opère selon un rythme qui ne doit pas être dicté par le droit d’auteur. En outre, les logiciels opérationnalisant ces dispositions n’existent pas et devront être déployés à grand frais pour les bibliothèques de nos universités, collèges, écoles, hôpitaux et autres institutions publiques.
Sans oublier ceux qui bâtissent des leçons virtuelles : vous avez accès à une exception pour utiliser les oeuvres protégées par le droit d’auteur, mais vous devez détruire votre leçon dans les 30 jours suivant la fin de la session en cours !
Nous avons relu le billet du professeur Ariel Katz de l’Université de Toronto. Israël aurait embrassé une disposition élargie lors de sa réforme, incluant un droit d’utilisation équitable élargi. Selon le professeur,
Fair Use: Under the old act, Israel had a « fair dealing » provision, very similar to that of Canada. Under that old regime, in order not to be infringing, a particular dealing with a work needed not only to be « fair » but also to be for one of the enumerated purposes mentioned in the act. Like in Canada, the courts viewed this list of allowable purposes as exhaustive. Although in 2004 the Supreme Court in CCH v. LSUC mandated that fair dealing, as an integral part of a balanced copyright regime, requires « large and liberal interpretation », the exhaustive nature of the allowable purposes has caused various distortions. First, it creates unnecessary rigidity by excluding uses which may be fair and desirable, but do not fall under any allowable purpose. Second, it encourages courts seeking to avoid this rigidity to stretch the meaning of the allowable purposes to cover dealings that may not necessarily be compatible with their ordinary meaning.
The new Israeli act changed that and adopted an open-ended flexible approach à la the US fair use defense. The new s. 19 reads as follows:
(a) Fair use of a work is permitted for purposes such as: private study, research, criticism, review, journalistic report, quotation, or training and examination by an educational institution.
(b) In determining whether the use made of a work according to this section is a fair, the factors to be considered shall include, among others:
1) the purpose and character of the use;
2) the character of the work used;
3) the scope of use, qualitatively and quantitatively, in relation to the work as a whole;
4) the effect of the use upon the value of the work and its potential market.
(c) The Minister may make regulations proscribing conditions under which use will be deemed fair.
This approach for fair use has worked fine for the US for decades. Last year, the Gower Review recommended that the UK move in the same direction. Israel did so last month. Canada should do the same.
Comme quoi il existe des modèles alternatifs pertinents ailleurs dans le monde !
Il vans sans dire que nous sommes contrarié par ce projet de loi, mais pas surpris. Un sujet si complexe, adressé à la hâte par un gouvernement qui n’a pas consulté sa population, ne peux que décevoir. Merci de lire nos premières impressions, nous avons besoin d’un peu de temps pour étudier la question de fond en comble…