Conférence Droit d'auteur IFLA UNESCO
Notes pour l'International Copyright Symposium (Amsterdam, avril 2008)
Olivier Charbonneau 2009-08-26
Avec bien du retard, voici les notes prises lors du International Copyright Symposium qui a eu lieu à Amsterdam en avril 2008. Elles ne sont pas complètes, mais nous préférons vous faire suivre ce que nous avons plutôt que d’attendre de trouver du temps pour les compléter.
Les conférences sur le droit d’auteur dans l’univers du livre ont tendance à rassembler un mélange hétéroclite de bibliothécaires, avocats et commerçants de la chose imprimée, sans oublier les auteurs eux mêmes, une minorité intrépide. Le Symposium sur le droit d’auteur (International Copyright Symposium) associé à Amsterdam Capitale Mondiale du livre ne fait pas exception. Une touche de pragmatisme hollandais propose un programme entièrement en anglais, sur deux jour de délibérations. CultureLibre.ca était présent et vous propose un compte rendu des présentations.
Premier jour, mots de bienvenue
Notre chef de cérémonie et président du Symposium, Robbert Vrij, nous souhaite la bienvenue dans le chic auditorium de la bibliothèque publique d’Amsterdam. Sise au 7e étage d’un splendide bâtiment, l’endroit est un lieu civic élégant et accueillant. Pour preuve, plus de 1.3 millions de visiteurs ont franchi les portes depuis son ouverture le 7 juillet 2007 (7/7/7). Toute la chaîne du livre est représenté, grâce aux 250 participants de plus de 25 pays et 5 continents. Le Canada y est représenté par l’éditeur-en-chef de CultureLibre.ca, ainsi que de Paul Whitney de la Vancouver Public Library.
La maire adjointe d’Amsterdam, Carolien Gehrels, poursuit l’accueil en évoquant thème d’Amsterdam Capitale mondiale du livre : «Open Book, Open Mind» (livre ouvert, esprit ouvert). Une ville enrichie par son histoire littéraire et éditoriale impressionnante, Amsterdam compte maintenant une librairie pour 4000 habitants. Bien au centre de la pluralité européenne, la métropole hollandaise est un lieu privilégié pour parler de l’avenir du livre, qu’il soit foisonnant, numérique, partagé ou piraté.
L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)
Nous ne tardons pas à plonger dans le vif du sujet. Dimiter Gantchev, directeur par intérim de la division des industries culturelles de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), nous propose un discours sur le rôle du droit d’auteur dans l’économie de la créativité (lundi 21 avril, 11:30 à midi).
Selon le conférencier, les preuves historiques de l’impact économiques de la «créativité» sur la société sont rares et difficiles à mesurer avec précision. Par contre, nul ne peut nier son importance pour le développement économique, culturel et social de la «créativité» au sens large. En effet, la Banque mondiale estime que l’économie de la «créativité» représente 7% du Produit national brut mondial et offrira un taux de croissance de 10% dans les prochaines années.
Mais certains chantiers de l’économie de la «créativité» demeurent incomplets, particulièrement celui d’en cerner, mesurer et fournir des preuves empiriques des aspects sous-jacents. Par ailleurs, un autre défi de taille consiste à capturer les retours non-économiques de la créativité.
À l’opposé du flou sémantique et méthodologique de la créativité se trouve le droit d’auteur, concept balisé avec précision dans des textes juridiques équivoques. M. Gantchev y trouve une définition des droits économiques et moraux des intervenants, du contrat social implicite qui balance des droits de la société et ceux des créateurs, puis des mécanismes financiers qui permettent le foisonnement d’immenses industries. De plus, le droit d’auteur propose des mécanismes pour contrôler les usages inappropriés [illégaux] de contenu par les consommateurs.
C’est ainsi que l’OMPI propose un modèle pour mesurer les activités d’affaires ainsi que les statistiques nationales, l’objectif étant de proposer un nouveau cadre d’analyse et pose un nouveau regard sur les industries du droit d’auteur. Le but étant d’analyser comment la créativité se transforme en biens et services sur la scène économique mondiale.
Il y aurait 4 facettes aux activités industrielles du droit d’auteur : (1) les industries basées au centre du droit d’auteur, les «core industries», soit, par exemple, l’édition de livres et de logiciels ; (2) les industries interdépendantes ; (3) les industries dites partielles, où il n’existe interaction minimale avec le droit d’auteur (textile, joaillerie, etc.) ; et finalement (4) les industries de support comme l’accès à Internet.
L’OMPI propose deux publications, actuellement en cours de mise à jour, pour étoffer cette thèse. Par exemple, on y révèle que les industries du droit d’auteur représentent 8.49% du produit national brut et 11% de l’emploi aux USA. D’aucuns y verront les impératifs qui meuvent les interventions commerciales du pays de l’oncle Sam envers ses divers partenaires commerciaux.
Concernant les limites de son cadre d’analyse, M Gantchev évoque les limites à la couverture et l’ampleur du droit d’auteur, particulièrement en ce qui concerne l’économie «grise» ou du piratage. Après tout, comment mesurer ce qui n’est pas licite ? De plus, des difficultés techniques entravent la consolidation et comparaison mondiale des données statistiques.
En ce qui concerne les défis, ils s’inscrivent sous le thème de la transformation tant sur le plan économique que politique. En plus d’un intérêt grandissant pour les biens issus du droit d’auteur dans l’économie mondiale (croissance), tous et chacun revendiquent plus de droits, le droit d’auteur est de plus en plus inclus dans les négociations de libre-échange, sans oublier l’économie de la contrefaçon. Ces facteurs économiques donnent lieu à un stress fonctionnel sur le système du droit d’auteur.
De côté des défis sur le plan politique, M. Gantchev évoque les nouveaux moyens de production culturelle, l’auto-production. Le premier nommé est le «prosumer» (de l’anglais producer et consummer, peut-être proposer «prosommateur» en français), ce nouveau venu de l’ère numérique qui emploie tous les moyens à sa disposition pour agir à la fois comme consommateur mais aussi comme producteur de contenu (et dont ce carnet est un humble exemple). Ces derniers revendiquent un accès immédiat et complet au contenu culturel produit afin d’en générer leur propre réalité, un besoin jusqu’à maintenant uniquement exprimé par les intervenants commerciaux (journalistes, critiques, chercheurs).
Toujours sur le plan politique, M. Gantchev évoque des alliances globales horizontales, soit les organismes non-gouvernementaux, le mouvement du logiciel libre et des creative commons, ainsi que le mouvement anti-propriété intellectuelle comme défis supplémentaires d’ordre mondiaux.
Du point de vue de l’OMPI, les changements auxquels doivent faire face cette organisation des Nations-Unies sont les suivants : (1) balancer les besoins et attentes du public avec ceux des intérêts privés [commerciaux] ; (2) favoriser un accès équitable au système de la propriété intellectuelle mondial, surtout pour les pays en développement ; (3) établir une balance entre les solutions légales, techniques et sociales.
En ce qui concerne le future, M. Gantchev identifie les axes d’intervention suivants pour l’OMPI : (1) l’éducation et la médiation ; (2) établir un agenda de recherche pour explorer le lien entre la propriété intellectuelle sur l’offre et la demande de biens créatifs mais aussi du bien social (conceptualisation des industries créatives, développement de méthodologie) ; et (3) supporter des créateurs au sein de certaines industries créatives.
[Permettez-nous d’ajouter que ces propos furent très mal reçus par des représentants des groupes d’usagers lors de la pause subséquente. La critique provient de l’analyse strictement économique et le point de vue lourdement industriel des propos tenus. Aucune question ne fut proposée à M. Gantchev]
Le ministre de la Justice des Pays-Bas
Suite à la pause repas, le ministre de la Justice des Pays-Bas, Ernst Hirsch Ballin, apporte sa réflexion concernant le droit d’auteur dans la vie de tous les jours, mais aussi d’hier et de demain. Le dossier de la propriété intellectuelle incombe directement de son ministère. La divergence d’opinions, même à l’intérieur d’une industrie spécifique (diffuseurs, éditeurs), en constitue la difficulté principale.
Les livres numériques peuvent soit être issus d’initiatives de numérisation, soit découler de modèles d’affaires nouveaux et innovateurs. En effet, le ministre évoque certaines alternatives à ce sujet, particulièrement un rôle accru des société de gestion collective voire aussi des bibliothèques numériques (qui furent instrumentales pour fournir un marché viable pour la numérisation de la presse écrite d’autrefois). Mais le ministre ne veut pas jouer au devin.
L’idée d’une action législative directe sur le plan national est écarté, du moins à court terme. Il faudra porter son regard vers l’Union Européenne pour cela, voire même les organisations de concertation internationales, pour ces développements. Par ailleurs, il serait pertinent d’évaluer les impacts des traités d’Internet de 1996 de l’OMPI.
En ce qui concerne la numérisation des collections de bibliothèques, d’archives et de musées, le ministre discute du problème spécifique des ouvrages orphelins [ouvrages dont le créateur ou l’ayant droit est introuvable, arrêtant l’opération de numérisation]. D’ailleurs, les pays européens vont lancer un espace virtuel commun d’ici 2010. Le ministre propose la voie de l’auto-règlementation mais n’écarte pas l’action législative directe en cette matière. Une étude comparative serait nécessaire, surtout des alternatives de licences étendue des pays scandinaves et du rôle de la Commission du droit d’auteur du Canada, qui a le mandat d’octroyer une licence pour l’utilisation si l’ayant-droit est introuvable. Mais les solutions d’auto-règlementation sont préférées à court terme pour les ouvrages orphelins.
Plage horaire réservés aux auteurs
Marita Mathijsen, présidente de la Guilde des auteurs des Pays-Bas et professeure universitaire de littérature, nous propose une historique des conditions réservées aux auteurs. Plusieurs exemples et modèles sont proposés, dont l’auteur de la renaissance qui avait bien à faire de se trouver un riche mécène.
Le cas sordide de Soeur Sourire, compositrice du succès Dominique des années 1950, fit sursauter la salle. Cette pauvre religieuse fut contrainte au suicide puisqu’elle ne pouvait payer les impôts réclamés par l’état belge sur les royautés de son succès, son ordre religieux ayant conservé tous les deniers issus de ses labeurs.
Ensuite, l’auteur Dirk van Weelden nous offre une réflexion personnelle quant au rôle du droit d’auteur dans l’évolution de sa carrière littéraire. Il prétend avoir reçu au total 50,000 Euros en redevances, malgré ses 22 livres et autres publications. En outre, il a reçu près de trois fois ce montant en subventions de l’état. La salle a bondi de rire par sa conclusion : «Copyright is a shinning object of wishful thinking» (traduction libre : «le droit d’auteur est une babiole de bonne volonté»).
Un chercheur (dont le nom ne figure pas au programme) présente les résultats d’une étude de la condition des auteurs, commanditée par Guilde des auteurs des Pays-Bas. En moyenne, ils écrivent pendant 24 heures dans une semaine typique, tandis que d’autres emplois occupent les 12 autres heures de leur horaire de travail. Le salaire moyen est de 18,800 Euros et 51% affirment ne pas pouvoir vivre uniquement de leur plume.
ARRÊT À #8 Paul Goldstein : le reste est à venir…
Canada Conférence Droit d'auteur Réforme
Consultations publiques de Montréal (hier)
Olivier Charbonneau 2009-07-31
La consultation publique de Montréal sur la réforme du droit d’auteur a eu lieu hier à Montréal, avec la présence du Ministre du Patrimoine canadien, James Moore ainsi que de près de 200 personnes sur place ainsi que sur Internet.
Suite à quelques mots introductifs du Ministre Moore et de Jean-Pierre Blais, Sous-ministre Adjoint aux affaires culturelles et maître de cérémonie, tous les intervenants ont été invités à faire la file à l’un des quatre micros disposés dans la salle. Chaque intervenant avait 3 minutes environ pour plaider son cas. Le ministre n’est intervenu que rarement, préférant prendre des notes ou poser pas plus de trois questions pour des précisions. Il a indiqué qu’il était présent pour écouter, pas pour édicter la position du gouvernement canadien.
Entre autres, la communauté artistique était bien présente, surtout l’industrie musicale, comme le souligne Le Devoir dans un article de la Presse Canadiennequi ne relate pas bien la totalité des interventions. Artistes, avocats et autres intervenants de l’industrie ont demandé une extension du régime de copie privée aux baladeurs audios (malgré que ceci dépasse le mandat de la Commission du droit d’auteur). D’autres, dont certains s’exprimant en leur propre nom en leur qualité de consommateurs, ont revendiqué une majoration des coûts d’accès à Internet afin de légaliser et adéquatement financer le téléchargement de musique par Internet.
La communauté de l’enseignement et de l’éducation était bien présente. La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) a plaidée pour une exception au droit d’auteur, tout comme une enseignante anglophone de Montréal représentant ce milieu. Le rédacteur en chef de CultureLibre.ca, Olivier Charbonneau, a demandé l’ouverture de la définition équitable, l’abolition du droit d’auteur de la couronne et d’autres points.
Le ministre nous a demandé une précision quant à la nécessité d’abolir le droit d’auteur de la couronne. Aux États-Unis, tous les documents créés par le gouvernement sont versés directement dans le domaine public, tandis qu’au Canada, le gouvernement conserve un droit d’auteur sur ceux-ci. Suite aux modifications au Programme des services de dépôt des publications du gouvernement, les citoyens ainsi que leurs institutions se heurtent rapidement aux problèmes suscités par la protection du droit d’auteur des publications gouvernementale. Nous avons donné un exemple personnel, en tant que bibliothécaire affilié à l’École de gestion de l’Université Concordia, il arrive fréquemment que les étudiants consomment une grande quantité de documentations gouvernementale (statistiques, rapports, etc.) et que le droit d’auteur limite les possibilités d’utiliser ces documents pour la confection de plans d’affaires. On peut juste imaginer comment cette réalité se répercute dans le milieu des affaires, où les entrepreneurs doivent fournir des preuves pour leurs plans d’affaires et que le droit d’auteur de la couronne peut entraver la dissémination des documents gouvernementaux pertinents dans un tel contexte. Le ministre Moore a semblé être très solidaire à cette situation.
Le ton des interventions était sobre, poli même. Généralement, les intervenants s’en sont tenu à 3 minutes et tous ceux qui se sont présentés aux micros ont eu assez de temps pour faire valoir leurs points. À noter, le chapitre torontois de Fair Copyright Canada distribuait des t-shirts à l’entrée du bâtiment où avait lieu les consultations.
Ces consultations ont été filmées et seront diffusées sur Internet prochainement.