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HackJustice (sic) 3-4 février 2017 à Montréal et Toronto – et néologisme «mobi» pour traduire «Hack» en français

Intéressant dans le domaine du droit numérique: http://www.hackjustice.ca/ qui aura lieu les 3 et 4 février 2017 à Montréal et Toronto. Les inscriptions son touvertes. Je ne pourra pas être présent, malheureusement, car la rentrée hivernale est très occupée à mon bureau, tout comme mes fins de semaine.

Sur un autre ordre d’idée, j’aimerai proposer quelques traductions pour des néologismes du domaine du légaltech. En bon québécois, je déteste l’appropriation directe de néologismes de l’anglais et je considère qu’il faut au moins explorer notre belle langue pour tenter d’introduire une version francophone ou francophile. Le meilleur exemple pour moi c’est le déplorable mel que nos cousins outre-atlantique utilisent pour traduire email. Rien de mieux que courriel pour se sentir francophone – mélange de courrier et électronique – qui donne également le charmant livrel, que l’on lit, bien sûr, sur une liseuse. À chaque fois, je bêle un mêêêêêêl bien senti quand un franco-européen utilise le mot.

Mon outil de prédilection est le http://www.granddictionnaire.com/, développé par l’Office québécois de la langue française et qui offre une option multilingue. Il y a aussi le plus complet (mais moins politiquement engagé) Termium Plus du bureau de la traduction de notre gouvernement fédéral.

Alors, voici certaines traductions, suivant le format suivant:

Anglais => Grand Dicto => Termium

hack => bidouiller => pirater

legal => judiciaire, légal, juridique => droit, légal

tech (racine)

Hmmm… peut-être que légal tech passe relativement bien en français. Hackjustice j’aime moins.

En français, selon le petit robert, un hack est  un « cheval de service monté par les entraîneurs pour suivre les chevaux de course lors des entraînements » – ce qui laisse penser que lorsqu’on hack justice, on est à la traîne ou que l’on suit le peloton de loin. Je n’aime vraiment pas comment cette analogue équestre vient brouiller le sens de hackjustice !! On s’entend, un hack est un mauvais, vieux cheval, qui traîne les provisions.

J’ai parcouru les dictionnaires latin rescapés du cours classique de mon père. Bidouille n’y est pas, mais sous transformer, il y a vertere, mutare. J’ai ensuite utilisé un autre dictionnaire, latin-français cette fois, et autour de vertere (qui n’y figure pas directement) il y a retourner, « virer » comme dans verso ou versus ainsi que vertex pour tourbillon d’eau. Si je répète l’exercice pour mutare, on y trouve mutabilis pour sujet au changement, variable;  mutabilitas pour mutabilité, mobilité [d’esprit], inconstance; mutatio pour action de changer, altération, changement, révolution dans le cas d’un État, échanger; puis mustella pour belette (!). Comme quoi, il y a une différence marquée entre des dictionnaires papier et numériques, il est plus facile de balayer les entrées dans un livre et non un livrel.

J’aime bien la racine muta – ça donne mutation. Il y a mobi aussi, pour mobilisation et mobilité d’esprit. Justement, sous mobi dans le dico latin-français, je trouve mobilis pour mobile, qui peut être déplacé, (a) flexible, qui se plie, (b) agile, rapide, prompt, (c) mobile, changeant.

Donc, pour le terme anglais «hack» je propose le néologisme «mobi» en français. Comme dans la phrase: «la justice a besoin d’être repensée, organisons un mobi pour la bidouiller en groupe.»

Hack justice devient donc mobijustice ™

Bien quoi, vous ne vous attendiez pas à ce que j’effectue tout ce travail sans réserver un droit de propriété intellectuelle par la marque de commerce sur ce terme ! En fait, je donne à l’humanité la racine mobi et je prête sous licence gratuite « mobijustice ™ » à nos ami(e)s qui organisent le hackjustice en février prochain 😉

Accès libre Conférence Santé et médecine

Jeux libres dans le domaine de la santé

Avis aux amoureux des logiciels libres, de l’innovation ouverte et sociale ainsi que des pratiques novatrices du co-design et des fab labs : le 22 novembre prochain aura lieu un colloque sur le thème de: «Applications mobiles en santé : des usages aux enjeux éthiques, déontologiques et juridiques»

Seront de la partie professeur Vincent Gautrais du CRDP et Catherine Régis, Professeure, Faculté de droit de l’Université de Montréal, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la culture collaborative en droit et politiques de santé, en plus de plusieurs autres conférenciers.

Je tiens à remercier Fabio Balli, Candidat au doctorat, Université Concordia, pour le tuyau et je lui souhaite la bienvenue à Montréal! Il est très actif dans le développement d’un projet d’innovation ouverte menant vers une application mobile sur l’asthme, voir: http://breathinggames.net/fr

Canada Droit d'auteur Enseignant Rapport et étude Utilisation équitable

Outil pour le droit d’auteur en milieu scolaire

Le Conseil des ministres de l’éducation (Canada), groupe qui n’inclut pas le Québec, annonce le lancement d’une nouvelle ressource numérique pour épauler les enseignants du « Rest-Of-Canada » (ou ROC pour les intimes) à comprendre le droit d’auteur. Intitulée « http://www.outildecisiondroitdauteur.ca/ » ce site :

aide les enseignantes et enseignants à déterminer s’ils peuvent ou non, en vertu de la disposition de la Loi sur le droit d’auteur qui porte sur l’utilisation équitable, utiliser des œuvres protégées sans avoir à obtenir la permission du titulaire du droit d’auteur.

Le but de CMEC est simple :

Le personnel enseignant et les élèves ont aujourd’hui plus de possibilités d’apprendre en classe grâce à la décision de la Cour suprême du Canada rendue en 2012, laquelle clarifie le sens donné à l’utilisation équitable en classe La disposition sur l’utilisation équitable permet au personnel enseignant de communiquer ou d’utiliser pour les élèves de leurs classes de « courts extraits » d’œuvres protégées sans avoir à demander la permission du titulaire du droit d’auteur ou à payer des redevances. Depuis 2012, le milieu de l’éducation au Canada suit les Lignes directrices sur l’utilisation équitable, qui décrivent, à la lumière des décisions de la Cour suprême du Canada, ce que sont de « courts extraits ».

J’ai parcouru le site outildecisiondroitdauteur.ca et l’idée est bonne – celle de proposer un arbre de décision afin d’élucider si oui on non il est possible d’utiliser une oeuvre. Ceci dit, il aurait été plus pertinent de déconstruire le contexte scolaire afin de présenter l’information selon la perspective des utilisateurs. Par exemple, la terminologie utilisée est très axée sur les mots de la loi et il manque d’exemples…

C’est un peu ce que nous avons tenté de faire dans le cadre du Chantier sur le droit d’auteur de l’Association pour la promotion des services documentaires scolaires (APSDS). Notre Foire aux questions sur le droit d’auteur en milieu scolaire du Québec (auquel j’avais contribué) tente de présenter ce qui est licite ou non dans un contexte scolaire en fonction des licences de sociétés de gestion collectives et l’état actuel des politique institutionnelles sur le droit d’auteur.

Dans tous les cas, la resource de CMEC s’ajoute à la publication d’une trentaine de pages, déjà à sa 4e édition, intitulée Le droit d’auteur ça compte (pdf).

Au Québec, le ministère de l’éducation propose un site sur le droit d’auteur.

Conférence CultureLibre.ca Non classé Utilisation équitable

Notes concernant les questions de droit d’auteur en services d’archive et en bibliothèque

Je vous propose ici quelques réflexions et lectures concernant le droit d’auteur dans les bibliothèques. Je vais intervenir dans le cours de Marie Demoulin à l’EBSI ce vendredi et, fidèle à mon habitude, je consigne mes notes ici.

Avant de poursuivre, j’ai une série de billets sur le sujet du droit d’auteur sur mon carnet outfind.ca (en anglais) que j’utilise dans le cadre de mes interventions à l’Université Concordia (mon employeur – les cours s’y donnent en anglais j’ai donc besoin d’un carnet dans cette langue aussi). Si vous avez soif pour plus, jetez-y un coup d’oeil…

1. Le droit d’auteur, du point de vue institutionnel, découle d’un choix

J’entend souvent dire que le droit d’auteur est un sujet complexe. En réalité, la complexité découle du fait que nous avons perdu nos repères traditionnels à cause de l’avènement du numérique. Nous devons revisiter les prémisses de nos pratiques professionnelles découlant de l’ère « papier » pour les appliquer à l’environnement numérique et au contexte juridique actuel. La complexité ne découle pas du grand nombre d’options quant au respect du droit d’auteur mais d’une absence de moyen pour opérer un choix. D’ailleurs, ce choix ce fait traditionnellement en réseau et notre milieu souffre d’un éparpillement associatif.

J’ai eu la chance de réfléchir aux choix en lien avec le droit d’auteur à travers le Chantier sur le droit d’auteur en milieu scolaire . J’ai épaulé des collègues chevronnée qui ont bâti un outil pour appréhender le système du droit d’auteur : cette réflexion nous a mené à proposer une Foire aux questions sur le droit d’auteur en milieu scolaire de l’Association pour l’avancement des sciences et techniques de la documentation en milieu scolaire (APSDS). Je vous propose ce graphique qui explique sommairement les choix qui découlent au droit d’auteur :

 

2. Le choix doit s’opérer selon une matrice oeuvre-utilisation

Je manque de temps pour expliquer cette idée, mais constatez comment nous avons organisé notre travail dans la Foire aux questions de l’APSDS – nous avons pris des classes de documents et nous avons effectué un remu-méninges pour lister tous les contextes d’utilisation. Ainsi, nous avons établi une « matrice » oeuvre-utilisation, où les lignes sont les classes de documents et où les colonnes sont les types d’utilisation. Pour chaque « cellule » ou instance oeuvre-utilisation, nous avons déterminé lequel des choix nous devons opérer pour atteindre une utilisation légale.

C’est un peu la recette de ma sauce secrète que j’utilise à chaque fois que je travaille avec une question de droit d’auteur.

Commerce et Compagnies Contenu culturel Droits des citoyens Exceptions au droit d'auteur Films Québec Réforme Utilisation équitable

La question des films en bibliothèque et dans les établissements d’enseignement

Une des théories sur laquelle j’ai beaucoup travaillé est de comprendre le rôle des bibliothèques dans le contexte du droit d’auteur. En fait, il s’agit de mon objectif principal de recherche de ma thèse doctorale (que je compte diffuser dans Internet dès ma soutenance – donc dans très peu de temps). Malgré que l’existence des bibliothèques précède de loin la stipulation des premières règles du droit d’auteur (par quelques millénaires en fait), je crois avoir démontré que les bibliothèques constituent des institutions à part entières jouant un rôle socio-économique de premier ordre dans les marchés et systèmes d’oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur.

Une évolution organique où diverses institutions (bibliothèques, marchés d’oeuvres, « machine » littéraire et culturelle) convergent et amène l’émergence (ou réification) de nouvelles façon de faire. Cela confirme, entre autre, l’importance des budgets d’acquisitions documentaires des universités, municipalités, hôpitaux, commissions scolaires… mais aussi du rôle essentiel des exceptions au droit d’auteur.

La dualité budget-exceptions amène une relation d’amour-haine (au Québec, du moins) envers les bibliothèques… qui est bien sûr absolument ironique. Comme le soulignait hier l’Association des bibliothèques de recherche du Canada dans une déclaration concernant l’utilisation équitable:

Au cours des douze dernières années, la Cour suprême du Canada a écrit à profusion sur l’utilisation appropriée de l’exception relative à l’utilisation équitable en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, en privilégiant une interprétation « large et équitable ». Cette approche équilibrée de gestion des droits d’auteur a été bien accueillie partout dans le milieu de l’enseignement supérieur et les bibliothèques universitaires canadiennes appliquent la disposition relative à l’utilisation équitable de la Loi sur le droit d’auteur de manière éclairée et responsable.

Les 31 établissements membres de l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC) ont investi 293 millions de dollars dans les ressources en information en 2014-2015, démontrant ainsi leur engagement manifeste à accéder au contenu imprimé et numérique dans la légalité et à rémunérer les détenteurs de droit d’auteur en conséquence.

Oui, les bibliothèques ont droit à des exceptions au droit d’auteur et, oui, elles investissent dans les marchés issus du droit d’auteur. L’ironie, que les titulaires ne semblent pas comprendre, c’est que même si toutes les bibliothèques invoquent les exceptions au droit d’auteur pour opérer leurs services, il sera toujours plus efficace (du point de vue économique et social) pour elles de faire affaire avec les titulaires. Pourquoi? Simple: c’est une question de coût marginal. Le coût pour une institution documentaire d’opérer un service basé sur des exceptions au droit d’auteur de pourra jamais battre le coût marginal de production d’une énième copie (numérique ou non) d’une oeuvre pour le titulaire.

C’est pourquoi il faut concevoir les exceptions du droit d’auteur non pas comme un coût que doit subir le titulaire mais, plutôt comme un investissement dans son oeuvre. Il faut lire la première partie de ma thèse pour voir les sources en théorie économique de ma démonstration… je m’arrête ici car cette longue introduction risque de me détourner de l’objectif premier de ce billet, c’est à dire de l’exception concernant les oeuvres cinématographiques dans un contexte éducatif.

Il se dit beaucoup de choses concernant l’obligation pour les bibliothèques quant à l’acquisition e films pour leur collection. Il s’en dit encore plus concernant la diffusion de films en classe. Depuis l’entrée en vigueur de C-11 qui modernisa la Loi sur le droit d’auteur, les établissements d’enseignements disposent d’une nouvelle exception. Parlons-en, donc, de ces deux points. Et j’en ajoute un troisième, que j’intitule: ce que ferais si j’étais titulaire de droits sur des films pour travailler de concert avec les bibliothèques.

1. Est-ce qu’une bibliothèque est tenue d’acquérir une copie d’un film avec des droits d’exécution au public ?

NON. Une bibliothèque peut simplement commander via son détaillant préféré une copie régulière, grand public, d’un film pour sa collection, une copie usagée même, voire un don. Rien dans la loi sur le droit d’auteur n’impose quelconque obligation quant à l’approvisionnement de films pour sa collection et pour le prêt à ses usagers.

En fait, l’acquisition du livre est règlementé au Québec, pas les films.

Sur la question de la responsabilité civile des bibliothécaires et des institutions documentaires quant à ses services et ses collections, je vous invite à lire l’excellent article de Nicolas Vermeys dans Documentation et bibliothèque :

Auteur : Me Nicolas Vermeys
Titre : Le cadre juridique réservé aux bibliothèques numériques
Revue : Documentation et bibliothèques, Volume 59, numéro 3, juillet-septembre 2013, p. 146-154
URI : http://www.erudit.org/revue/documentation/2013/v59/n3/
DOI : 10.7202/1018844ar

Alors, pourquoi la pratique d’acquérir une version incluant les droits d’exécution au public (à fort coût pour ses maigres budgets) est-elle si répandue parmi les bibliothèques? Simplement parce que les institutions documentaires desservant les communautés des établissements d’enseignements (et il y en a quand même beaucoup) se faisaient souvent demander d’acquérir une copie d’un film avec les droits d’exécution au public (ou en anglais, les public performance rights ou PPR) afin de faciliter la diffusion en classe. Et lentement, mais sûrement, la connaissance formelle d’une chose s’embrouille avec le temps qui court, pour s’obscurcir et devenir coutume ou légende… et on est obligé de consacrer 7 ans de sa vie à faire un doctorat en droit pour pouvoir éclairer ses collègues avec un savoir clair et lumineux (mais ne vous en faites pas pour moi, ce parcours ne fut pas que souffrance !!)

Donc, toute copie de film licite peut être ajoutée à nos collection, droit d’exécution au public ou non. Et elle peut circuler comme bon nous semble. Alors, qu’en est-il de cette nouvelle exception au droit d’auteur ?

2. L’exception pour la diffusion des films en classe

En fait, j’ai travaillé plus de deux ans avec les collègues de l’Association pour la promotion des services documentaires en milieu scolaire (APSDS) pour l’élaboration d’une foire au question sur le droit d’auteur, et on en parle de cette exception. Mais, rien ne vaut la lecture, à tête reposée, notre bonne vieille Loi sur le droit d’auteur !

Êtes-vous prêts ? La voici la fameuse exception, fraichement copiée-collée de mon site préféré de diffusion libre du droit, CanLII.org:

Art. 29.5

Représentations

 Ne constituent pas des violations du droit d’auteur les actes ci-après, s’ils sont accomplis par un établissement d’enseignement ou une personne agissant sous l’autorité de celui-ci, dans les locaux de celui-ci, à des fins pédagogiques et non en vue d’un profit, devant un auditoire formé principalement d’élèves de l’établissement, d’enseignants agissant sous l’autorité de l’établissement ou d’autres personnes qui sont directement responsables de programmes d’études pour cet établissement :

  • a) l’exécution en direct et en public d’une oeuvre, principalement par des élèves de l’établissement;

  • b) l’exécution en public tant de l’enregistrement sonore que de l’oeuvre ou de la prestation qui le constituent, à condition que l’enregistrement ne soit pas un exemplaire contrefait ou que la personne qui l’exécute n’ait aucun motif raisonnable de croire qu’il s’agit d’un exemplaire contrefait;

  • c) l’exécution en public d’une oeuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur lors de leur communication au public par télécommunication;

  • d) l’exécution en public d’une oeuvre cinématographique, à condition que l’oeuvre ne soit pas un exemplaire contrefait ou que la personne qui l’exécute n’ait aucun motif raisonnable de croire qu’il s’agit d’un exemplaire contrefait.

  • 1997, ch. 24, art. 18;
  • 2012, ch. 20, art. 24.

(Nous soulignons)

Constatez que vous pouvez « jouer » un film, de la musique ou montrer une image dans un établissement d’enseignement si les quatre conditions du préambule que j’ai mis en caractère gras, sont présentes. Donc, il faut que ça se passe à l’école, pour l’école, par l’école et pour les élèves et gens de l’école. Et ne pas faire de profits. Et lier le film aux activités pédagogiques. Si vous faites ça, pas de troubles, pas d’autorisation, pas de droit d’exécution au public.

Par contre, si vous voulez organiser une levée de fonds pour une parade de mode en montrant un film récent à l’école, l’exception ne s’applique pas. Il serait difficile de prétendre que l’exécution en public est pour des fins pédagogiques puisque on veut lever des fonds! Par contre, on pourrait vouloir conscientiser la communauté étudiante en diffusant un documentaire récent, faire un panel de discussion avec des intervenants et demander une contribution volontaire aux participants pour faire un don à un organisme local. C’est déjà plus proche de l’objectif pédagogique et on ne vise pas faire un profit (il y a une distinction fondamentale entre des revenus et des profits, mais là, c’est une autre histoire).

3. La solution pour les titulaires: la diffusion en flux (streaming)… et l’innovation technico-légale!

J’entend déjà les titulaires se lamenter : « maudites bibliothèques | écoles | universités qui nous usurpent nos oeuvres et attaquent nos maigres revenus !  Encore l’État qui prend mon bien ! » Il ne faut pas prêter oreille à de telles jérémiades. Je vous offre cette formule lapidaire car cette position, trop répandue au Québec, démontre un manque absurde de nuance et une incompréhension du le potentiel économique de l’intervention des institutions sociales. En pâtit la valeur de l’oeuvre et notre richesse collective.

Constatez ces mots: valeur et richesse. En économie (néolibérale classique), la valeur d’un bien découle directement de son prix dans un marché équilibré, lire ici de commodités parfaites. La richesse est un concept plus large, qui évoque le potentiel économique d’un bien. Si le français offre une nuance aux concepts de libre et de gratuit, qui rend jaloux les anglophones de la communauté des logiciels et de la culture libre, la langue anglaise offre une distinction fondamentale entre value et wealth – que je traduit imparfaitement par valeur et richesse.

L’idée fondamentale est que l’oeuvre protégée par le droit d’auteur est un bien économique très particulier. Il épouse les caractéristiques économiques d’un bien public (non-rival et non-exclusif), ce qui implique que son coût de reproduction est quasiment nul et qu’un marché peut difficilement émerger. D’où l’importance du droit d’auteur et, en tant que capitaliste pragmatique mais voué à l’économie sociale, j’y crois dur comme fer au droit d’auteur. Mais l’analyse économique ne s’arrête pas là.

Outre les problèmes de l’émergence de marchés et l’élaboration des prix, les oeuvres protégées par le droit d’auteur sont aussi des biens d’expérience (Bomsel). Il faut voir un film pour savoir s’il est bon. Tous ces paramètres font que, dans un contexte d’émergence de marché, il est difficile pour le consommateur d’établir ses préférences et d’attribuer une valeur à une oeuvre (Yoo). Le titulaire peut le faire (prix = coût marginal de production + beurre pour haricots) tandis que, dans un contexte de biens publics et d’expérience, le consommateur peine à déterminer si le prix en vaut la chandelle. Si l’on ne peut établir un prix en tant qu’acheteur, et bien, pas de valeur, pas de marché, pas de richesse. Et on ignore et on oublie notre culture.

Il s’agit que, fut un certain temps et dans un autre contexte socio-économique (Outlet), ce combat contre cette spirale désastreuse de l’ignorance et l’oubli se nommait bibliothéconomie (un terme que j’affectionne beaucoup). On parle maintenant de sciences de l’information mais on néglige nous-même nos racines.

Mon analyse (personnelle cette fois, je n’en parle pas dans ma thèse) me porte à croire que nos élites culturelles, elles-mêmes qui réclament l’intervention de l’état pour soutenir leurs créations et qui lancent au brancard les outils socioéconomiques fins des exceptions au droit d’auteur, nuisent le plus au rayonnement de notre culture ! Leur message s’embrouille dans une quête de rentes de l’État sans réellement comprendre les dynamiques inhérentes à l’émergence de ce qu’elles demandent réellement : la juste valeur pour leurs labeurs.

Comment, donc, sortir de ce vortex socioéconomique malsain ? En réalité, il faut résoudre l’équation économique bien-public / bien -privé et expliquer clairement comment les institutions documentaires génèrent de la richesse sociale à partir des oeuvres de notre patrimoine, à leur juste valeur. (en fait, je pense bien que je vais devoir écrire un essai là dessus, le format du carnet ou de la thèse doctorale ne mène pas à des discussions pertinentes). La réponse immédiate est plus simple: il faut comprendre que ce que font les bibliothèques dans le cadre des exceptions est en réalité une exploration de ce que pourraient devenir les marchés de demain.

Donc, si j’étais titulaire d’oeuvres, je numériserai mon corpus (en faisant payer les bibliothèques/l’état/donateur pour ça) et j’imaginerai une offre par bouquets de collections où l’accès à un corpus d’oeuvres et les droits d’utilisations sont imbriquées. La formule est la suivante:

Richesse_bibliothéconomique =

Corpus_documentaire ( accès_numérique + contrat_utilisation )

Ou, plus simplement, offrez des contrats flexibles et des corpus numériques aux bibliothèques et vous vendrez plus de livres et de films à long terme. C’est le pari vertueux de la bibliothéconomie moderne pour éviter le vortex faustien d’un capitaliste miope.

Et hop, comme par magie, dans une génération ou deux, vous allez voir émerger des marchés foisonnants de culture québécoise. Mais, le capitaliste titulaire myope se posera sûrement la question suivante: si les bibliothèques offrent un accès numérique à mes oeuvres, comment est-ce que je pourrai en vendre ? L’ironie est que les québécois qui fréquentent le plus les bibliothèques sont aussi ceux qui dépensent le plus en livres !

(Mince alors, j’ai souvenir que BAnQ a effectué une étude démontrant que les québécois qui fréquentent le plus leur bibliothèques sont aussi ceux – celles en fait – qui dépensent le plus en livres – mais je ne retrace pas cette étude – y a-t-il une bibliothécaire dans la salle?)

Voilà la clé secrète de la voûte de la richesse : la culture est un bien économique dit public. Pensez à de la drogue plutôt qu’à du pain : plus on en consomme, plus on en veut. La satiété est un concept pour un bien privé de consommation. Il suffit donc de réfléchir à un contexte pour que le bien d’expérience – le même que celui du corpus de la bibliothèque numérique – recouvre une nouvelle valeur… tout est dans le design ou l’élaboration des paramètres technico-juridique (interface web, application pour tablette, contrats flexibles).

Par exemple, serait-il possible pour les administrateurs du projet Éléphant d’offrir une licence pour les collectivités pour que nos écoles et nos bibliothèques puissent faire découvrir notre cinéma patrimonial à tous ? S’il vous plaît !

Mon but est donc de bâtir un tel système juridico-technologique pour la diffusion d’oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur aux bibliothèques, malgré ou (en dépit!) des jérémiades que j’entend !

 
Bibliographie
BELLEY, J.G., Le contrat entre droit, économie et société : étude sociojuridique des achats d’Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean, Montreal, Yvon Blais, 1998

Le droit soluble : contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, Paris, L.G.D.J., 1996

BOMSEL, O., Gratuit! : du déploiement de l’économie numérique, coll. «Collection Folio/actuel ;; 128; Variation: Collection Folio/actuel ;; 128.», Paris, Gallimard, 2007

L’économie immatérielle, coll. «NRF essais,; Variation: NRF essais.», Paris, Gallimard, 2010

LANDES, W.M. et R.A. POSNER, The economic structure of Intellectual Property Law, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2003

LUHMANN, N., Risk : a sociological theory, New York, A. de Gruyter, 1993

Systèmes sociaux : esquisse d’une théorie générale, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010

OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau? – Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002

POSNER, R.A., Economic analysis of law, 8, New York, Aspen Publishers, 2011

BELLEY, J.-G., «Le contrat comme vecteur du pluralisme juridique» dans OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE (dir.), Le système juridique entre ordre et désordre, 13, Paris, Presses Universitaires de France, 1989, p. 181-185

OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE, «Problématique générale» dans Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, 1988, p. 19-32

BELLEY, J.-G., «La théorie générale des contrats. Pour sortir du dogmatisme», (1985) 26 Les Cahiers de droit

DEMSETZ, H., «The Private Production of Public Goods», (1970) 13 Journal of Law and Economics

«Toward a Theory of Property Rights», (1967) 57 The American Economic Review

LANDES, W.M. et R.A. POSNER, «An Economic Analysis of Copyright Law», (1989) 18 Journal of Legal Studies

«Indefinitely Renewable Copyright», (2003) 70 University of Chicago Law Review

LUHMANN, N., «Law As a Social System», (1988) 83 Nw. U. L. Rev. 136

ROCHER, G., «Pour une sociologie des ordres juridiques», (1988) 29 Les Cahiers de droit

SAMUELSON, P.A., «Aspects of Public Expenditure Theories», (1958) 40 The Review of Economics and Statistics

«Diagrammatic Exposition of a Theory of Public Expenditure», (1955) 37 The Review of Economics and Statistics

«The Pure Theory of Public Expenditure», (1954) 36 The Review of Economics and Statistics

YOO, C.S., «Copyright and Public Good Economics: A Misunderstood Relation», (2007) 155 University of Pennsylvania Law Review

Logiciel à code source libre Montréal Numérisation Programmeurs Réforme

Nous cherchons : bidouilleurs et amoureux des nouvelles technologies

Je suis heureux d’annoncer que mon employeur, l’Université Concordia, est à la recherche de deux candidats exceptionnels pour réfléchir à comment la technologie peut servir la mission des bibliothèques:

Il faut comprendre « technologue » plutôt que technicien, quoi que je dois vous faire part de ma surprise de voir qu’ils demandent un bacc en génie ou informatique pour ce genre d’emploi… en fait, rien n’aurait d’égal un excellent et passionné technicien(ne) en documentation qui bidouille les technologies émergentes !

Voici un test très simple à effectuer si vous désirez savoir si cet emploi est pour vous. Considérer la liste de terme suivants:

living labs ; maker space ; bibliothèque ; coworking

Si vous ne voyez pas d’intrus dans la liste d’expressions, vous devez appliquer, surtout si vous avez déjà joué avec des raspberry pi, des matrices arduino, etc. Constatez la belle place donnée aux technologies émergentes, citoyennes et à code source libre !

D’ailleurs, je suis absolument ravi d’apprendre que la Ville de Montréal, le gouvernement du Québec et la BAnQ – Grande Bibliothèque ont renouvelé leur entente cadre qui vise à transformer la délicieuse bibliothèque St-Sulpice en institution vouée aux adolescents et à l’innovation. Laissée à l’abandon depuis des années, ces intervenants ont annoncé en février que le resplendissant édifice aura une nouvelle vie.

Ainsi, nos deux offres d’emploi sont en lien avec de désir de s’approprier les nouvelles technologies et cette offre est une opportunité de façonner notre avenir numérique.

PS. je ne suis pas membre du comité de sélection, alors je n’ai que des informations extérieures au processus de dotation.

Conférence Droit d'auteur Québec

Forum droit d’auteur numérique : vidéos mises en ligne

Les vidéos captées lors du Forum droit d’auteur à l’ère numérique, organisé par le Ministère de la culture et des communications du Québec (MCCQ) en mai dernier, sont maintenant disponibles via une liste de lecture sur le canal youtube du MCCQ. J’ai participé à un panel en fin de première journée, voici la vidéo de cette présentation:

Voici un tweet dans lequel je diffuse mes notes pour cet événement:

Conférence CultureLibre.ca Jeux vidéos

Présentation au SAHJ – droit d’auteur et préservation des jeux vidéo

J’ai l’immense plaisir de présenter les efforts de recherche du centre de recherche TAG cet après-midi au Symposium annuel histoire du jeux (SAHJ). Comme le précise me proposition de communication originale, je propose que la préservation des jeux vidéo découle d’une lacune systémique dans la chaîne de diffusion de ceux-ci et je tente de positionner les bibliothèques comme institutions ayant un rôle à jouer pour permettre l’émergence d’un marché novateur.

Présentation de l'écosystème mis en place par le droit d'auteur

Présentation de l’écosystème mis en place par le droit d’auteur

Voici quelques éléments utiles pour suivre ma présentation :
– Le fichier de ma présentation de cet après-midi en format PPTX et en format PDF
– Le rapport de projet envoyé à la Fondation Knight pour la conception d’un prototype d’une console de jeux vidéo pour les bibliothèques (voir aussi la demande de financement originale et la page d’information de la Knight Foundation pour ce projet)
– La présentation du projet de prototype en images (attention, fichier de 50 mo)
– Notre demande de financement adressé à la Fondation Knight pour la prochaine étape du projet (nous avons été finalistes mais nous n’avons pas reçu le financement)

Jugement Livre et édition Québec Universités Utilisation équitable

Copibec contre U. Laval : l’appel entendu le 23 novembre prochain

Copibec annonce, dans son bulletin corporatif, que la Cour d’appel entendra leur cause contre l’Université Laval le 23 novembre prochain.

Le juge Beaupré a rejeté en février dernier la certification du recours collectif de Copibec contre l’Université Laval au nom des auteur(e)s du Québec dans ce jugement:
Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec) c. Université Laval, 2016 QCCS 900 (CanLII), <http://canlii.ca/t/gnm6p>, consulté le 2016-06-28
Ayant lu ce jugement, il concerne bien plus les rouages des recours collectifs au Québec sans pour autant trop toucher au droit d’auteur.

Les dirigeants de Copibec ont d’ailleurs publié une lettre ouverte dans Le Devoir pour dénoncer la gestion des droits d’auteur à ladite université.