Je participe en ce moment à la journée de réflexion ÉDUlibre. Mon collègue de l’Université Concordia, Chitu Okoli nous présente les résultats d’une étude des modèles d’affaire pour l’éducation libre. Ses résultats de recherche sont disponible en accès libre ici:
Il reste moins de deux semaines avant que je dépose ma thèse doctorale. Je vous laisse deviner la source de mon mutisme !
Soit dit en passant, j’ai vraiment hâte de partager avec vous, mes chères lectrices et chers lecteurs, cette fameuse thèse de doctorat… ça ne saurait plus trop tarder.
Les communs désignent tantôt la gestion de ressources que nous avons en commun (climat, haute mer, spectre des fréquences électromagnétiques, biodiversité, connaissances traditionnelles, etc.) et qu’il convient de défendre face aux formes diverses d’accaparement ou de destruction, tantôt ce que nous produisons et/ou gérons en commun dans une optique de partage (ressources numériques ouvertes, jardins partagés, nouvelles formes non-marchandes ou coopératives, financement participatif, etc.).
Les communs désignent des pratiques sociales et non des ressources, même si la relation entre la pratique sociale (la « communauté » concernée, sa gouvernance et la manière dont est organisé le partage) et la ressource (ce qui est partagé – commons pool ressource) reste forte.
L’analyse d’un commun peut s’élaborer à partir de perspectives diverses :
l les propriétés spécifiques de la ressource offerte en partage : additive (le savoir, les réseaux, et plus globalement le numérique ouvert) ou soustractive (une grande majorité des communs de l’environnement).
l les menaces d’enclosure (ce qui exclut les acteurs de l’usage du commun) qui pèsent sur la ressource ou sur les communautés qui en ont pris la charge.
l le faisceau des droits qui s’appliquent sur la propriété et l’usage des ressources. Les communs permettent de tenir compte des usages variés d’une même ressource. L’approche juridique permet d’innover en la matière, à l’image des diverses licences dans le monde du numérique.
l les formes de gouvernance que se donnent les acteurs qui assurent la gestion, la maintenance et l’ouverture de la ressource considérée.
Dans cette approche plurielle et globalisante, majoritaire tant parmi les chercheurs que les activistes du mouvement des communs, le numérique représente un exemple à la fois emblématique (c’est notamment autour de la naissance de l’internet que l’on a vu renaître le concept des communs) et une opportunité de repenser sous un angle nouveau un grand nombre d’activités collectives. Ainsi, les pratiques des internautes ont construit de nouvelles ressources largement partagées (Wikipédia, logiciels libres, OpenStreetMap, etc.), qui suscitent de nouvelles recherches critiques éclairées par la question des communs.
Ce numéro de la revue tic&société vise à approfondir les notions de « communs du numérique », ou plus largement de « communs de la connaissance », en questionnant plus particulièrement le rôle joué par la communication numérique dans le renouveau des communs.
Pour guider les auteurs dans la soumission de leur article, quelques thèmes sont ci-après proposés, sans toutefois être exhaustifs, sous forme de questions de recherche, qui permettent de situer les communs en tant que pratiques, en prenant en considération la question de la gouvernance ainsi que les dimensions juridiques, économiques et sociales du numérique:
l Doit-on considérer l’internet lui-même (des protocoles aux applications) comme un commun, et quelles en sont les conséquences sur la gestion et la politique de l’internet (neutralité, séparation des protocoles du réseau et des services, modèle de normalisation, etc.) ? La participation de tou(te)s à la gouvernance d’un commun, la capacité des acteurs à élaborer les règles et à les faire respecter sont des critères de succès repérés par Elinor Ostrom pour les communs de la nature. Comment ceux-ci peuvent-ils être reconduits dans l’écosystème numérique mondial ?
l La question de la propriété intellectuelle constitue un des éléments majeurs de l’approche des communs de la connaissance. Comment concilier une économie de la création et de la recherche avec la construction de communs de la connaissance, notamment grâce à la généralisation du numérique ? Est-ce que la notion de « faisceau de droits » nous aide à comprendre les enjeux actuels de la propriété intellectuelle, et l’importance pratique des diverses licences ? Quel est le statut du domaine public ou des œuvres transformatives dans la construction de communs culturels ? Comment construire un droit qui renforce l’usage commun de la culture, au delà des actuelles « limitations et exceptions » âprement débattues dans les instances internationales de la propriété intellectuelle ?
l Le modèle des plateformes peut créer à la fois des infrastructures numériques pour des communs, ou de nouveaux acteurs centralisés tels Uber. Quels sont la place et l’apport éventuels des monnaies numériques et des plateformes de financement participatif dans la construction des nouveaux communs ? Comment évaluer les différences et quels remèdes apporter pour garantir le maintien des pratiques communes ? Quel est l’impact de l’utilisation des termes issus des communs (partage, coopération, gratuité, etc.) par les acteurs industriels de l’internet ?
l La nouvelle sociabilité s’exerce sur des plateformes dont l’économie est basée sur la captation des données des usagers. Quelles en sont les conséquences sur la relation entre le commun social (loisirs et relations) et le travail gratuit (digital labor) ? Quelle est la place des services publics ou des services d’intérêt général qui gèrent les connaissances (bibliothèques, universités, musées, etc.) avec l’approche par les communs ?
Ces quelques questions ne représentent qu’une partie de l’analyse que l’on peut faire du rapport entre les communs numériques (et plus largement les communs de la connaissance) et l’évolution actuelle de l’écosystème numérique. Plus généralement, il est également possible de se demander si la théorie et l’approche par les communs peuvent s’avérer plus fécondes, pour les individus comme pour la société en général, que la simple approche par les intérêts privés de l’économie du numérique.
Les contributions doivent être soumises en français. Les textes doivent comprendre entre 40 000 et 50 000 caractères espaces compris. Les auteurs sont invités à respecter les consignes concernant la mise en forme du texte (consignes disponibles sur le site de la revue, à la page http://ticetsociete.revues.org/90). Les manuscrits feront l’objet de deux évaluations selon la procédure d’évaluation à l’aveugle.
La date-limite de soumission des articles est fixée au 1er novembre 2016.
Les propositions d’articles sont à envoyer à Hervé Le Crosnier (herve.lecrosnier@unicaen.fr) qui coordonne ce numéro thématique.
Hervé Le Crosnier est maître de conférences en informatique et culture numérique à l’Université de Caen et chercheur associé à l’ISCC, Institut des Sciences de la Communication du CNRS.
Repères bibliographiques
La littérature concernant les communs et leur relation au numérique et au partage du savoir et des connaissances est foisonnante. Impossible de citer ici les articles et les numéros spéciaux de revues consacrés à cette question. Quelques ouvrages majeurs (avec un accent sur les livres en français) structurent les réflexions exposées ci-dessus, mais il existe bien d’autres pistes à explorer. Une large partie des ouvrages cités est disponible en version numérique sur le web.
Philippe Aigrain, Cause commune : l’information entre bien communs et propriété, Fayard, 2005
Association Vecam (coord. Valérie Peugeot), Libres Savoirs : les biens communs de la connaissance, C&F éditions, 2011.
Michel Bauwens, Sauver le monde : vers une économie post-capitaliste avec le peer-to-peer, Les Liens qui Libèrent, 2015
Yochaï Benkler, The wealth of networks, Yale University Press, 2005 (en français : La richesse des réseaux, Presses de l’Université de Lyon).
David Bollier et Silke Helfrich, Patterns of commoning, Commons strategy group2015
James Boyle, The public domain : enclosing the commons of the mind, Yale University Press, 2008.
Sébastien Broca, Utopie du logiciel libre. Du bricolage informatique à la réinvention sociale, Le passager clandestin, 2013.
Benjamin Coriat (coord.) Le retour des communs, la crise de l’idéologie propriétaire, Les Liens qui Libèrent, 2015.
Pierre Dardot et Christian Laval, Commun : essai sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte, 2014.
Mélanie Dulong de Rosnay et Hervé Le Crosnier, Propriété intellectuelle : Géopolitique et mondialisation, CNRS Éditions, 2014.
Charlotte Hess et Elinor Ostrom (Eds.), Understanding knowledge as a commons, MIT press, 2006.
Gaëlle Krikorian et Amy Kapczynski (Eds.), Access to knowledge in the age of intellectual property, Zone Books, 2010.
Hervé Le Crosnier, En-communs : une introduction aux communs de la connaissance, C&F éditions, 2015
Lawrence Lessig, The future of ideas : the fate of the commons in a connected world, Vintage Press, 2002 (en français : L’avenir des idées : le sort des biens communs à l’heure des réseaux numériques, Presses de l’Université de Lyon, 2005).
Lionel Maurel (Calimaq), ::SILex:: (un blog qui peut être considéré comme un livre en devenir permanent – http://scinfolex.com/ )
Elinor Ostrom, Governing the commons : the evolution of institutions for collective action, Cambridge UP, 1990 (en français : La gouvernance des biens communs : Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, De Boeck, 2010)
Adriane Porcin présentera en premier et je serai son répondant. L’arrêt porte, en gros, sur les concepts relativement nouveaux en droit d’auteur de la neutralité technologique et de mise en équilibre (ou « technological neutrality and balance properly » en anglais). J’ai retrouvé un texte que j’avais préparé en 2013 sur le sujet de la neutralité technologique, qui recense le livre éponyme de Vincent Gautrais.
Je sais qu’Adriane travaille beaucoup les sociétés de gestion collective en droit d’auteur. En fait, nous sommes candidats au doctorat de la même Fac, alors vous pouvez vous imaginer que l’on échange régulièrement sur la question… liberté contractuelle, mutualisation, développements technologiques, exceptions au droit d’auteur… je ne sais pas encore de quoi elle va parler précisément, j’ai bien hâte de voir…
PS. Bien désolé de participer à cet événement en même temps que la conférence midi à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) de @bibliomancienne sur « Bibliothèques participatives, tiers lieu de création ou bibliolabs »
Si ça vous intéresse plus que d’entendre parler de droit, voici l’information pour la session de Marie D. Martel:
Date : jeudi 18 février 2016
Heure : 11h45 à 12h45
Local : B-3245
Voici un compte rendu personnel du livre de Vincent Gautrais sur le concept de neutralité technologique. Je dois avouer que j’ai écris ce texte juste avant les fêtes en 2013, après un marathon d’écriture de ma thèse doctorale. Je me lance un peu partout et j’utilise un style et un ton très léger… j’avais besoin d’écrire quelque chose moins académique et ça brouille la compréhension de mon texte. Outre ces lacunes, j’ai tenté de reprendre l’entièreté dudit livre.
Compte Rendu :
Vincent GAUTRAIS, Neutralité technologique. Rédaction et interprétation des lois face aux changements technologiques, Montréal, Éditions Thémis, 2012, 297 p., ISBN 978-2-89400-311-4, en ligne : <http://droitdu.net/fichiers/gautrais_neutralite_technologique.pdf> (consulté le 20 décembre 2013)
L’appétit de Vincent Gautrais pour les questions juridiques soulevées par les nouvelles technologies semble sans fond[1] mais, le concept de neutralité technologique lui cause une sévère indigestion. Trop souvent est-il gobé tout rond par le législateur ou le juge, comme une vérité absolue (p.1) sans réellement l’avoir définie. Mais cette « tarte aux pommes » [2] qui ne peut contenir que du bon, résistera-t-elle à une analyse rigoureuse en « vrai » droit (p.2) ?
Professeur Gautrais propose une analyse amplement illustrée de la faible teneur juridique du concept de neutralité technologique, importé au sein du droit d’autres depuis d’autres domaines. Un travail étoffé mais parfois étouffant, comme nous le soulignons dans cette recension.
Un premier survol
Un lecteur chevronné entame toute monographie académique par sa bibliographie. Il s’agit, après tout, du réseau social dont s’entoure l’auteur dans son travail intellectuel. À ce sujet, Professeur Gautrais propose de la qualité, ayant recours à un grand ensemble de livres et d’articles publiés dans des journaux revus par des pairs dans les domaines du droit du commerce électronique, du contrat numérique ainsi que des technologies de l’information. Les sources sont récentes, sans négliger certains textes fondateurs, dont ceux de Fuller[3] et Katsh[4].
Ensuite, la table des matières révèle la structure des idées de l’auteur. Impossible de passer à côté de sa rigueur, proposant un plan strictement français ou cartésien, où chaque partie est subdivisée récursivement en deux. Dans la première partie, l’auteur explore l’avènement de la neutralité technologique. Il la divise en deux chapitres, l’un portant sur sa construction ambigüe, l’autre sur sa nature ambigüe. Dans la seconde partie, professeur Gautrais évoque la pertinence chancelante de la neutralité technologique, du point de vue de son application dans les lois nouvelles puis dans les lois anciennes dans le premier chapitre, pour ensuite il analyse la tradition juridique dans le second chapitre, c’est à dire l’application de la neutralité technologique dans la rédaction de nouvelles loi et dans l’interprétation des juges.
Le livre ne contient ni d’index, ni de liste de figures (qui sont présentes à la page 99 et 103). Ce recenseur est reconnaissant que les titres des périodiques dans les notes de bas de page aient été écrits en entier puisque le recours aux abréviations alourdit grandement la lecture du texte.
Thèse et arguments
Professeur Gautrais propose une définition personnelle de la neutralité technologique, qui :
« peut être perçue de trois manières différentes au moins : d’abord une loi ne réfère pas aux technologies ; ensuite une loi ne discrimine pas les technologies et enfin une loi qui nivèle les effets et les conséquences potentielles des différentes technologies. » (p. 32, l’emphase est de l’auteur)
Il ne faut pas confondre la neutralité technologique avec la neutralité du Net, qui vise le lissage ou la priorisation du trafic Internet (p. 31).
Selon l’auteur, la neutralité technologique se conçoit soit comme un outil, soit comme un résultat ou droit « censeur » (p. 19-20), à la lumière de la conceptualisation du droit de Claire Dalton[5]. Cette conceptualisation permet d’avancer deux hypothèses. La première pose la neutralité technologique comme un outil de rédaction législative mais aussi d’interprétation par les cours de justice, comme c’est d’ailleurs le cas dans le droit des contrats et de la preuve (p.63). La seconde considère
« la neutralité technologique comme un facteur de répartition de bénéfices entre des intérêts catégoriels distincts comme c’est par exemple le cas en droit d’auteur (auteur versus utilisateur), en droit de la protection des renseignements personnels (organisation versus individu), en droit de la diffamation (le diffamant de réclamant de la liberté d’expression versus le diffamé alléguant l’atteinte à la réputation) et même le droit pénal (protection du public versus protection des droits de l’accusé). » (p. 64)
L’auteur propose une argumentation inductive où plusieurs exemples sont avancés pour étayer et appuyer sa position. Heureusement, l’auteur évite l’écueil méthodologique[6] propre à l’induction car il se limite à souligner le caractère dogmatique dont la profession a incorporé la neutralité technologique, notion étrangère au droit (p. 3). Il fait « humblement état du malaise récurrent que nous ressentons depuis des années vis-à-vis de la neutralité technologique » (p. 267). Ainsi, professeur Gautrais vise, grâce aux outils classiques du droit, « de circonscrire un peu mieux ce néologisme » (p. 77) pour le juriste.
Professeur Gautrais propose que la neutralité technologique est en réalité un amalgame de quatre thèmes : l’équivalence fonctionnelle; l’interchangeabilité; la non-discrimination et l’interopérabilité (p. 99). Il rejette les trois derniers comme « néologismes ronflants » (p. 98) mais propose que la première s’apparente à l’analyse téléologique, un outil usuel du juriste pour l’interprétation des lois (p. 103). Par ailleurs, la neutralité technologique, malgré sa nature « trop protéiforme pour être aisément utilisable » (p. 99) peut servir, tout comme l’équivalence fonctionnelle, à la rédaction des lois.
Dans la seconde partie de son livre, professeur Gautrais propose une série d’exemples pour démontrer à quel point la neutralité technologique n’est qu’un faux fuyant. Le premier chapitre présente successivement des lois nouvelles puis des lois dites anciennes selon qu’elles sont neutres technologiquement ou non, en fonction de leur caractérisation de droit « outil » ou droit « censeur ».
Le second chapitre de cette partie reprend sensiblement la même approche vis-à-vis la les fonctions traditionnelles du droit de rédaction législative et d’interprétation des juges. Ainsi, la rédaction législative viserait à simplifier le droit tout en assurant une réponse à l’évolution perpétuelle de la technologie. Professeur Gautrais plaide pour d’avantage de délégation législative à des commissions ou autres organismes reconnus (p. 211-220). Ensuite, l’auteur reprend des exemples en droit « outil » et en droit « censeur » pour souligner l’inconfort de la neutralité technologique dans la jurisprudence. Par exemple, il est notamment question du recours à Wikipedia en matière de droit de preuve, un cas de droit « outil » encore en évolution.
Appréciation
L’érudition du Professeur Gautrais est amplement démontrée par ce travail académique de haute qualité. Le seul bémol, qui est bien propre à ce recenseur, concerne la structure retenue, soit le plan cartésien ou français où chaque thème est présenté en binôme. Cette approche, très prisée par les juristes francophones, implique parfois certains irritants pour le lecteur. Le premier est la fragmentation de certains thèmes à travers l’ouvrage.
Par exemple[7], les concepts de droit « outil » apparaissent 26 fois sous cette graphie dans le texte (puis 5 fois sous « droit outil »), puis le droit « censeur » 20 fois dans le texte (et 4 fois sous « droit censeur »), voire de « tarte aux pommes » (5 fois). Un autre exemple survient lorsque l’auteur doit fréquemment renvoyer le lecteur, par les biais de notes de bas de page, à d’autres sections de son texte pour suivre le traitement de thèmes en droit positif. En outre, cette approche impose le recours à de cours paragraphes structurants entre les intertitres, surtout au début de nouveaux chapitres, qui sont généralement vides de sens. Or, le choix du plan Français impose ce genre de structure.
Le sujet se prête bien à un traitement plus libre, plus proche de l’essai que de la thèse. Il est évident que l’auteur maitrise son sujet avec passion et intérêt mais il le cache derrière une structure étouffante. Il est évident que le plan Français fait partie des outils en « vrai » droit pour le juriste francophone, et qu’il est paradoxal de plaider contre celle-ci, mais une monographie sur la neutralité technologique aurait pu être une occasion de se libérer de ce carcan.
Olivier Charbonneau
Université Concordia
[1] Voir, par exemple : Vincent GAUTRAIS et Pierre TRUDEL, Circulation des renseignements personnels et Web 2.0, Montréal, Éditions Thémis, 2010, 231 p. ; Vincent GAUTRAIS (dir), Droit du commerce électronique, Montréal, Éditions Thémis, 2002, 711 p. ; ainsi que plusieurs articles dans les revues Thémis (http://www.editionsthemis.com/auteurs/93-vincent-gautrais.html, page accédée le 19 décembre 2013), Lex Électronica (http://www.lex-electronica.org/fr/anciens-numeros.html, page accédée le 19 décembre 2013).
[2] Chris REED, « Taking Sdes on Technological Neutrality », (2007) 4-3 Script-ed, 263, 266
[3] Lon FULLER, « Consideration and Form », (1941) 41-5 Columbia Law Review 799
[4] Ethan KATSH, The Electronic Media and the Transformation of Law, New York, Oxford University Press, 1989
[5] Claire DALTON, « An Essay in the Deconstruction of Contract Doctrine », (1985) 94 Yale Law Journal 997
[6] Karl. R. POPPER, La logique de la découverte scientifique, Bibliothèque scientifique Payot, 1973, p. 23-45
[7] Pour ces calculs, nous avons eu recours à la version numérique en accès libre en format PDF et avons procédé à une recherche dans le texte grâce à la fonction « Trouver » de notre logiciel.
Avez-vous remarqué ? CultureLibre.ca a changé d’hébergeur. Après plus de 10 ans sous les soins de l’excellente équipe de QuiboWeb, que je remercie de tout mon coeur, j’ai pointé mon nom de domaine vers les serveurs de OpenUM, une initiative de la Chaire LR Wilson en droit des TI et du commerce électronique.
Qu’est-ce que ça change pour vous, lectrices et lecteurs ? Rien. Même adresse RSS, même contenu… mais je suis très fier de pouvoir participer à la médiation de la connaissance du droit par Internet. Merci à l’équipe de la Chaire et du soutien financier du Conseil de la recherche en sciences humaines du Canada !
Pour mon premier billet de 2016, je vous propose une idée un peu folle sur un modèle nouveau de sociétés de gestion collective du droit d’auteur basé sur certains principes des cryptomonnaies. En fait, je réféchis à comment appliquer certaines théories au domaine des bibliothèques, dont les Commons de Ostrom, l’analyse économique du droit, le pluralisme juridique et les réseaux…
Avant tout, quelques définitions.
Par société de gestion collective du droit d’auteur, j’entends toute entité qui gère les droits d’auteur patrimoniaux pour une communauté spécifique ou un type d’utilisation en particulier d’une oeuvre, tels les photocopies de livres et revues, musique à la radio… Personnellement, ma définition est poreuse et peut inclure les entités commerciales comme NetFlix voire YouTube (surtout pour son programme Vevo et la musique) et non uniquement les sociétés homologuées par la Commission du droit d’auteur du Canada.
Par cryptomonnaie, je me réfère aux processus informatiques (chiffrement, algorithmes, etc.) pour gérer une ressource virtuelle rare ainsi qu’un grand livre des transactions ouvert. Un exemple bien connu de cryptomonnaie est Bitcoin et le grand livre des transactions ouvert est nommé, en anglais, le blockchain. Pour de plus amples renseignements, svp consulter les documents suivants:
– Blockchain & Beyond de Collabz, Nov 2015:
What is the Blockchain?
If the blockchain is anything, it could be described simply as being a way of storing the information of a transaction, between multiple parties in a trustable way. Recording, sharing, storing and redistributing its content in a secure and decentralized way. Being owned, run and monitored by everybody and without anyone controlling it. Avoiding modifications or abuses from a central authority.
In short, it is a book-keeping or publicly available ledger, used to keep track of a transaction for trusting reasons, between two entities, being humans back then, and also with and between machines today. The modern financial version, it is that little room where we go and get our paycheck, called accounting, and
play a big role in the nature of the blockchain and it’ s first implementation with the crypto-currency Bitcoin. (p. 6)
Aussi d’intérêt, cet article sur le site de la revue hebdomadaire britannique The Economist sur bitcoin et lesblockchains qui explique très bien les applications potentielles de ces technologies à des domaines nouveaux.
La nouvelle nouvelle nouvelle économie
Les cryptominnaies et leurs grands livres ouverts (open ledger), l’enchaînement de transactions en blocs (blockchain) et les contrats programmables génèrent beaucoup d’intérêt de la part de la communauté de l’économie du partage, voir par exemple: http://www.thenextsystem.org/the-internet-needs-a-new-economy/
Note: les société de gestion collectives sont essentielles au bon fonctionnement des régimes de plusieurs domaines culturels. Ceci ne nous empêche pas de rêver à comment les augmenter, les améliorer, les réformer.
Mes lectures me font penser que l’enchaînement de transactions en blocs (blockchain) pourraient faciliter la mise en disposition des jeux vidéo en bibliothèque (distribution numérique). Il s’agit d’un moyen distribué, flexible, évolutif et basé dans le pluralisme juridique / droit souple (où les acteurs juridiques dictent leurs propres cadres réglementaires).
De plus, les grands livres distribués et ouverts (open ledger) utilisant le chiffrement asynchrone ainsi que les contrats programmable offrent des avenues incroyables de rêver puis de construire une société de gestion collective nouveau genre. Il serait possible de modéliser quels droits sont réservés dans quels pays puis de prévoir un moyen d’identifier les titulaires sur une oeuvre afin de lancer une société qui gère les divers moyens d’utiliser une oeuvre (par les contrats programmables).
Le projet des jeux vidéo en bibliothèque est très intéressant dans ce contexte. Un jeu numérique est un commun d’oeuvres protégées par le droit d’auteur (musique, images, code…) de plusieurs sources (des employés, d’autres firmes, de communautés web et d’algorithmes…) et peuvent générer d’autres types de propriété intellectuelle (marque de commerce sur les personnages par exemple).
L’idée me vient de la déclaration RDF dans la licence Creative commons: et s’il était possible d’avoir une utilisation dynamique des oeuvres protégées par le droit d’auteur grâce à l’enchaînement de transactions en blocs (blockchain), où les droits et les redevances sont prévues à l’avance ou par des truchements algorithmiques…
Un tel système est le pire des verrous numériques (DRM, TPM), car il permet de mettre en place les clôtures numériques autour des oeuvres… mais il serait aussi un système public de transport mondial des oeuvres protégées par le droit d’auteur…
== MISE À JOUR ==
Voici deux articles d’intérêt:
Odile Lakomski-Laguerre et Ludovic Desmedt, « L’alternative monétaire Bitcoin : une perspective institutionnaliste », Revue de la régulation [En ligne], 18 | 2e semestre / Autumn 2015, mis en ligne le 20 décembre 2015, consulté le 02 février 2016. URL : http://regulation.revues.org/11489
Alain Laurent et Virginie Monvoisin, « Les nouvelles monnaies numériques : au-delà de la dématérialisation de la monnaie et de la contestation des banques », Revue de la régulation [En ligne], 18 | 2e semestre / Autumn 2015, mis en ligne le 20 décembre 2015, consulté le 01 février 2016. URL : http://regulation.revues.org/11524
Un collègue m’a posé deux questions par courriel: l’une sur le centre TAG de l’Université Concordia à Montréal et l’autre concernant le cadre théorique du projet de jeu indie an bibliothèque. Je vais tenter de répondre du mieux que je peux ici, car ce genre de réponse a tendance à être longue et se partage bien par un carnet de recherche.
Le Centre TAG
L’approche du centre de recherche TAG est très multidisciplinaire. En tant qu’objet universitaire, il s’agit d’un centre de recherche, supporté par l’Office de la recherche de l’Université Concordia ainsi que d’autres subventions pour fédérer les chercheurs autour d’un thème. Il existe par ailleurs deux autres centres jumelés à TAG à Concordia, le M Lab (http://www.mlabgamestudies.com/) et le & Lab (ampersand lab, http://www.amplab.ca/), explorant des thèmes très proches. L’idée est de donner une « masse » au sujet des jeux afin de générer une force gravitationnelle (un lieu, des événements) pour les intervenants universitaire, surtout des chercheurs aux cycles supérieurs et des professeurs de toutes les disciplines.
Du point de vue de la formation universitaire, il existe plusieurs programmes aux cycles supérieurs où les étudiants traitent de la question des jeux (PhD Humanités par exemple). L’Université Concordia en est à la création d’une concentration en « game design » dans la faculté des beaux-arts, en « computational arts » mais je n’en connais pas bien plus.
En tant que membre chercheur, je suis un nouveau venu au centre TAG. Ainsi, j’espère bien représenter la dynamique du groupe tout en reconnaissant que je ne suis pas la meilleure personne pour l’évoquer. Ceci dit, si jamais un/e chercheur/e du domaine des jeux est de passage à Montréal, il me fera plaisir de vous mettre en contact avec les bonnes personnes pour organiser une visite et des rencontres à TAG.
À Montréal, il faut aussi penser à nos collègues d’HomoLudens (http://homoludens.ca) à l’UQAM et du Ludov (http://www.ludov.ca/fr) à l’Université de Montréal. Pour ce qui est du serious gaming au Québec, il faut absolument contacter Samuelle Ducrocq-Henry de l’UQAT (http://www.ludisme.com/fr_bio.html). Ma connaissance étant imparfaite, je ne saurai lister les autres groupes ou chercheurs d’ici sur les thèmes des jeux en général mais je me dois de vous faire part de l’excellent colloque annuel (gratuit par ailleurs) de la SAHJ, qui regroupe, entre autres, cette communauté de chercheurs.
Bien sûr, je passe sous silence plusieurs autres groupes et initiatives au Québec, au Canada et ailleurs… n’hésitez pas de souligner la vôtre dans la plage des commentaires de ce billet !
Cadre théorique du projet de jeu indie en bibliothèque
Pour ce qui est du projet de recherche «jeu indie en bibliothèque,» je dois avouer que le jeu n’est pas directement notre objet d’étude. En fait, je me considère comme chercheur en bibliothéconomie au sens classique (qui relève des sciences de l’information, documentation et autres expressions nouveau genre).
En tant que candidat au doctorat au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal et bibliothécaire-chercheur à l’Université Concordia (dans le modèle anglo-saxon, les bibliothécaires ont un statut professoral et doivent produire de la recherche ou périr), je m’intéresse aux questions liées au droit d’auteur. Je positionne les bibliothèques comme une institution dont le rôle est actuellement en instance de réification à cause du numérique. Ainsi, j’étudie comment les bibliothèques interviennent ou règlementent les relations socio-économiques dans le sous-système fonctionnel du droit d’auteur. Le contexte global de mon environnement de recherche est celui de la culture, du savoir et de l’information, mais je me concentre sur les mécanismes socio-économiques employées par les bibliothèques en ce qui concerne les oeuvres numériques protégées par droit d’auteur.
Puisque j’effectue une recherche en droit et, plus spécifiquement en droit d’auteur numérique, mon « laboratoire » serait une bibliothèque virtuelle vouée à la préservation et à l’accès à un corpus d’oeuvres numériques… D’où l’intérêt pour les jeux.
Pour appliquer ma théorie (mon hypothèse, je vous le rappelle, serait que les bibliothèques règlementent les relations socio-économiques dans certains champs du droit d’auteur numérique), je dois bâtir un mécanisme technologique réel. Les jeux numériques, étant relativement absents des collections des institutions documentaires, représente le cas type parfait pour explorer ma théorie – et la Foundation Knight a eu la grâce de nous prêter main forte !
Donc, le cadre théorique de ma thèse doctorale (qui sera défendue à l’hiver 2016 si tout va bien) s’inscrit dans le domaine du droit. J’ai opté pour les théories de l’analyse économique du droit ainsi que des systèmes sociaux pour articuler mon cadre méthodologique. Outre la validation de mon hypothèse, je vise redorer le concept de bibliothéconomie, qui a tombé de sa grâce antérieure. Je nomme mon approche l’Analyse bibliothÉconomique du Droit d’auteur (ou AbÉDa), la bibliothéconomie contient à la fois de l’économie et de la sociologie et on dirait que mon point de vue juridique me permet de parler sans gêne de cette belle salade inter/intra/hyper/outre/neni/sans/trans/disciplinaire.
Pour tout dire, outre les Colons de Catan, le seul jeu auquel je joue est celui de la haute voltige bureaucratique pour faire émerger une nouvelle conceptualisation des bibliothèques, tout en utilisant les jeux numériques comme cheval de Troie. Je suis chanceux d’être à Concordia (et à Montréal par ailleurs) pour avoir un terrain d’étude aussi foisonnant.