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La gouvernance à l’ère du numérique

Je suis ravi de voir que Le Devoir, dont je suis un fidèle lecteur depuis plus de deux décennies, diffuse une nouvelle chronique de Pierre Trudel, prof en droit à l’Université de Montréal et, incidemment, mon directeur doctoral.

Son premier texte donne le ton. Pluralisme, réseaux, effectivité, la question de la réalité juridique dépasse largement le stricte cadre des lois édictées par l’état. Comme il précise dans son texte introductif :

Mais dans un univers en réseau comme celui qui prévaut désormais, la loi s’énonce de plus en plus selon des méthodes et stratégies reflétant son application dans des contextes diversifiés. Elle émane parfois de l’État, parfois d’autres acteurs.

Dans ce monde dans lequel nous avons des droits et sommes obligés de tenir compte des droits des autres, il paraît nécessaire de parcourir les tenants et aboutissants des lois, des droits et des obligations. Il est essentiel de débattre des fondements et de la structure des lois dans lesquels sont énoncés nos droits tout comme les techniques utilisées pour énoncer et mettre en oeuvre les objectifs publics.

Dans son second, Pierre explore comment Facebook est, en quelque sorte, une entité souveraine, dont le pouvoir influence les utilisateurs de manières insoupçonnées.

Ces deux textes illustrent de nouvelles conceptualisations d’un ordre (Rocher, 1988) ou système juridique (Ost et van de Kerchove). Certains pourraient croire que ces dynamiques sont propres au numériques. Certes, le numérique est un terreau fertile de systèmes juridiques privés, mélangeant le code et les contrats pour dicter des moyens d’interagir avec des documents et d’autres humains qui permettent l’émergence d’externalités positives ou négatives. Mais, la réalité est, comme toujours, plus complexe et plus subtile.

Le concept de gouvernance est utile pour comprendre une dynamique où le pluralisme juridique. J’ai déjà traité des travaux de feu Roderick Macdonald sur la gouvernance et des travaux de Jean-Guy Belley sur le pluralisme (et l’internormativité contractuelle) mais ces deux concepts illustrent avec merveille pourquoi les réflexions de Pierre sont très pertinentes pour le numérique mais aussi, pour le cadre néolibéral plus large. (Et, oui, par extension, mes propres travaux sont marqués au fer rouge de ces théories et conceptions).

Or, comme j’ai déjà souligné ici, l’objectif de Macdonald, en traitant de la gouvernance, est de positionner l’intervention des individus en fonction de leurs actions en prenant ses distances de la vision interventionniste de l’État.

«Human beings express their agency through their acts of self-governance and through their voluntary or coerced participation in governance structures that they share with others and that channel the occasions for exercising this human legacy»

Dans certains cas, les structures sont directement ou indirectement imposées: syndicats; politiques institutionnelles; code volontaires; système électoral;plateforme numériques etc. Dans d’autres, ils « émergent » de la volonté de participants comme dans le cas évident du code source et et de la culture libre mais aussi des communautés de brevets et des communs en général. Ainsi, le concept de la gouvernance, solidement ancré dans le pluralisme juridique, invite le chercheur en droit de se questionner sur les ramifications téléologiques de ses approches herméneutiques dans les diverses sphères disciplinaires (traduction en français non-académique: de penser à ce qui se passe réellement en considérant que le droit n’est qu’un facteur qui se conjugue au social, politique, économique, philosophique, etc.).

Il est donc absolument nécessaire d’employer des cadres conceptuels flexibles intimement liés au droit public tout en portant son regard vers des éléments « autour » du droit. Certains lecteurs perspicaces pourraient prétendre que cette approche est encrée en droit privé et je dois concéder que la frontière entre le droit privé et le droit public est ténue dans le contexte de la gouvernance. Dun côté, le droit privé invite à observer les relations contractuelles entre les personne. De l’autre, le droit public vise à comprendre les dynamiques du droit posé (la Loi) et du contrôle de celui-ci par les cours. La gouvernance suppose que les sources normatives dans un environnement sont ni l’état, ni les cours mais que celles-ci sont une source normative parmi tant d’autre. Ainsi, le contrat, traditionnellement associé au droit privé, peut devenir source de droit positif dans un contexte de gouvernance. En réalité, la frontière entre le droit privé et le droit public est un point central de ma thèse et le concept de la gouvernance offre l’occasion d’effectuer le pivot de l’un vers l’autre.

Il faut donc comprendre que le monde numérique est riche en situations où la frontière entre le droit privé et le droit public s’estompe, mais il existe beaucoup plus de scénarios dans le monde analogue… c’est pourquoi j’ai toujours été ambivalent par rapport à la distinction entre le droit public et le droit privé, distinction qui nuit à l’analyse d’une réalité juridique posée et réfléchie (pour ne pas dire critique et réaliste).

Si j’ai l’air de mettre la charrue avant les boeux (boeufs pour les jeunes), hé ben, c’est que je vis dans un rodéo post-moderne !

Commerce et Compagnies Contenu culturel Droits des citoyens Exceptions au droit d'auteur Films Québec Réforme Utilisation équitable

La question des films en bibliothèque et dans les établissements d’enseignement

Une des théories sur laquelle j’ai beaucoup travaillé est de comprendre le rôle des bibliothèques dans le contexte du droit d’auteur. En fait, il s’agit de mon objectif principal de recherche de ma thèse doctorale (que je compte diffuser dans Internet dès ma soutenance – donc dans très peu de temps). Malgré que l’existence des bibliothèques précède de loin la stipulation des premières règles du droit d’auteur (par quelques millénaires en fait), je crois avoir démontré que les bibliothèques constituent des institutions à part entières jouant un rôle socio-économique de premier ordre dans les marchés et systèmes d’oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur.

Une évolution organique où diverses institutions (bibliothèques, marchés d’oeuvres, « machine » littéraire et culturelle) convergent et amène l’émergence (ou réification) de nouvelles façon de faire. Cela confirme, entre autre, l’importance des budgets d’acquisitions documentaires des universités, municipalités, hôpitaux, commissions scolaires… mais aussi du rôle essentiel des exceptions au droit d’auteur.

La dualité budget-exceptions amène une relation d’amour-haine (au Québec, du moins) envers les bibliothèques… qui est bien sûr absolument ironique. Comme le soulignait hier l’Association des bibliothèques de recherche du Canada dans une déclaration concernant l’utilisation équitable:

Au cours des douze dernières années, la Cour suprême du Canada a écrit à profusion sur l’utilisation appropriée de l’exception relative à l’utilisation équitable en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, en privilégiant une interprétation « large et équitable ». Cette approche équilibrée de gestion des droits d’auteur a été bien accueillie partout dans le milieu de l’enseignement supérieur et les bibliothèques universitaires canadiennes appliquent la disposition relative à l’utilisation équitable de la Loi sur le droit d’auteur de manière éclairée et responsable.

Les 31 établissements membres de l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC) ont investi 293 millions de dollars dans les ressources en information en 2014-2015, démontrant ainsi leur engagement manifeste à accéder au contenu imprimé et numérique dans la légalité et à rémunérer les détenteurs de droit d’auteur en conséquence.

Oui, les bibliothèques ont droit à des exceptions au droit d’auteur et, oui, elles investissent dans les marchés issus du droit d’auteur. L’ironie, que les titulaires ne semblent pas comprendre, c’est que même si toutes les bibliothèques invoquent les exceptions au droit d’auteur pour opérer leurs services, il sera toujours plus efficace (du point de vue économique et social) pour elles de faire affaire avec les titulaires. Pourquoi? Simple: c’est une question de coût marginal. Le coût pour une institution documentaire d’opérer un service basé sur des exceptions au droit d’auteur de pourra jamais battre le coût marginal de production d’une énième copie (numérique ou non) d’une oeuvre pour le titulaire.

C’est pourquoi il faut concevoir les exceptions du droit d’auteur non pas comme un coût que doit subir le titulaire mais, plutôt comme un investissement dans son oeuvre. Il faut lire la première partie de ma thèse pour voir les sources en théorie économique de ma démonstration… je m’arrête ici car cette longue introduction risque de me détourner de l’objectif premier de ce billet, c’est à dire de l’exception concernant les oeuvres cinématographiques dans un contexte éducatif.

Il se dit beaucoup de choses concernant l’obligation pour les bibliothèques quant à l’acquisition e films pour leur collection. Il s’en dit encore plus concernant la diffusion de films en classe. Depuis l’entrée en vigueur de C-11 qui modernisa la Loi sur le droit d’auteur, les établissements d’enseignements disposent d’une nouvelle exception. Parlons-en, donc, de ces deux points. Et j’en ajoute un troisième, que j’intitule: ce que ferais si j’étais titulaire de droits sur des films pour travailler de concert avec les bibliothèques.

1. Est-ce qu’une bibliothèque est tenue d’acquérir une copie d’un film avec des droits d’exécution au public ?

NON. Une bibliothèque peut simplement commander via son détaillant préféré une copie régulière, grand public, d’un film pour sa collection, une copie usagée même, voire un don. Rien dans la loi sur le droit d’auteur n’impose quelconque obligation quant à l’approvisionnement de films pour sa collection et pour le prêt à ses usagers.

En fait, l’acquisition du livre est règlementé au Québec, pas les films.

Sur la question de la responsabilité civile des bibliothécaires et des institutions documentaires quant à ses services et ses collections, je vous invite à lire l’excellent article de Nicolas Vermeys dans Documentation et bibliothèque :

Auteur : Me Nicolas Vermeys
Titre : Le cadre juridique réservé aux bibliothèques numériques
Revue : Documentation et bibliothèques, Volume 59, numéro 3, juillet-septembre 2013, p. 146-154
URI : http://www.erudit.org/revue/documentation/2013/v59/n3/
DOI : 10.7202/1018844ar

Alors, pourquoi la pratique d’acquérir une version incluant les droits d’exécution au public (à fort coût pour ses maigres budgets) est-elle si répandue parmi les bibliothèques? Simplement parce que les institutions documentaires desservant les communautés des établissements d’enseignements (et il y en a quand même beaucoup) se faisaient souvent demander d’acquérir une copie d’un film avec les droits d’exécution au public (ou en anglais, les public performance rights ou PPR) afin de faciliter la diffusion en classe. Et lentement, mais sûrement, la connaissance formelle d’une chose s’embrouille avec le temps qui court, pour s’obscurcir et devenir coutume ou légende… et on est obligé de consacrer 7 ans de sa vie à faire un doctorat en droit pour pouvoir éclairer ses collègues avec un savoir clair et lumineux (mais ne vous en faites pas pour moi, ce parcours ne fut pas que souffrance !!)

Donc, toute copie de film licite peut être ajoutée à nos collection, droit d’exécution au public ou non. Et elle peut circuler comme bon nous semble. Alors, qu’en est-il de cette nouvelle exception au droit d’auteur ?

2. L’exception pour la diffusion des films en classe

En fait, j’ai travaillé plus de deux ans avec les collègues de l’Association pour la promotion des services documentaires en milieu scolaire (APSDS) pour l’élaboration d’une foire au question sur le droit d’auteur, et on en parle de cette exception. Mais, rien ne vaut la lecture, à tête reposée, notre bonne vieille Loi sur le droit d’auteur !

Êtes-vous prêts ? La voici la fameuse exception, fraichement copiée-collée de mon site préféré de diffusion libre du droit, CanLII.org:

Art. 29.5

Représentations

 Ne constituent pas des violations du droit d’auteur les actes ci-après, s’ils sont accomplis par un établissement d’enseignement ou une personne agissant sous l’autorité de celui-ci, dans les locaux de celui-ci, à des fins pédagogiques et non en vue d’un profit, devant un auditoire formé principalement d’élèves de l’établissement, d’enseignants agissant sous l’autorité de l’établissement ou d’autres personnes qui sont directement responsables de programmes d’études pour cet établissement :

  • a) l’exécution en direct et en public d’une oeuvre, principalement par des élèves de l’établissement;

  • b) l’exécution en public tant de l’enregistrement sonore que de l’oeuvre ou de la prestation qui le constituent, à condition que l’enregistrement ne soit pas un exemplaire contrefait ou que la personne qui l’exécute n’ait aucun motif raisonnable de croire qu’il s’agit d’un exemplaire contrefait;

  • c) l’exécution en public d’une oeuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur lors de leur communication au public par télécommunication;

  • d) l’exécution en public d’une oeuvre cinématographique, à condition que l’oeuvre ne soit pas un exemplaire contrefait ou que la personne qui l’exécute n’ait aucun motif raisonnable de croire qu’il s’agit d’un exemplaire contrefait.

  • 1997, ch. 24, art. 18;
  • 2012, ch. 20, art. 24.

(Nous soulignons)

Constatez que vous pouvez « jouer » un film, de la musique ou montrer une image dans un établissement d’enseignement si les quatre conditions du préambule que j’ai mis en caractère gras, sont présentes. Donc, il faut que ça se passe à l’école, pour l’école, par l’école et pour les élèves et gens de l’école. Et ne pas faire de profits. Et lier le film aux activités pédagogiques. Si vous faites ça, pas de troubles, pas d’autorisation, pas de droit d’exécution au public.

Par contre, si vous voulez organiser une levée de fonds pour une parade de mode en montrant un film récent à l’école, l’exception ne s’applique pas. Il serait difficile de prétendre que l’exécution en public est pour des fins pédagogiques puisque on veut lever des fonds! Par contre, on pourrait vouloir conscientiser la communauté étudiante en diffusant un documentaire récent, faire un panel de discussion avec des intervenants et demander une contribution volontaire aux participants pour faire un don à un organisme local. C’est déjà plus proche de l’objectif pédagogique et on ne vise pas faire un profit (il y a une distinction fondamentale entre des revenus et des profits, mais là, c’est une autre histoire).

3. La solution pour les titulaires: la diffusion en flux (streaming)… et l’innovation technico-légale!

J’entend déjà les titulaires se lamenter : « maudites bibliothèques | écoles | universités qui nous usurpent nos oeuvres et attaquent nos maigres revenus !  Encore l’État qui prend mon bien ! » Il ne faut pas prêter oreille à de telles jérémiades. Je vous offre cette formule lapidaire car cette position, trop répandue au Québec, démontre un manque absurde de nuance et une incompréhension du le potentiel économique de l’intervention des institutions sociales. En pâtit la valeur de l’oeuvre et notre richesse collective.

Constatez ces mots: valeur et richesse. En économie (néolibérale classique), la valeur d’un bien découle directement de son prix dans un marché équilibré, lire ici de commodités parfaites. La richesse est un concept plus large, qui évoque le potentiel économique d’un bien. Si le français offre une nuance aux concepts de libre et de gratuit, qui rend jaloux les anglophones de la communauté des logiciels et de la culture libre, la langue anglaise offre une distinction fondamentale entre value et wealth – que je traduit imparfaitement par valeur et richesse.

L’idée fondamentale est que l’oeuvre protégée par le droit d’auteur est un bien économique très particulier. Il épouse les caractéristiques économiques d’un bien public (non-rival et non-exclusif), ce qui implique que son coût de reproduction est quasiment nul et qu’un marché peut difficilement émerger. D’où l’importance du droit d’auteur et, en tant que capitaliste pragmatique mais voué à l’économie sociale, j’y crois dur comme fer au droit d’auteur. Mais l’analyse économique ne s’arrête pas là.

Outre les problèmes de l’émergence de marchés et l’élaboration des prix, les oeuvres protégées par le droit d’auteur sont aussi des biens d’expérience (Bomsel). Il faut voir un film pour savoir s’il est bon. Tous ces paramètres font que, dans un contexte d’émergence de marché, il est difficile pour le consommateur d’établir ses préférences et d’attribuer une valeur à une oeuvre (Yoo). Le titulaire peut le faire (prix = coût marginal de production + beurre pour haricots) tandis que, dans un contexte de biens publics et d’expérience, le consommateur peine à déterminer si le prix en vaut la chandelle. Si l’on ne peut établir un prix en tant qu’acheteur, et bien, pas de valeur, pas de marché, pas de richesse. Et on ignore et on oublie notre culture.

Il s’agit que, fut un certain temps et dans un autre contexte socio-économique (Outlet), ce combat contre cette spirale désastreuse de l’ignorance et l’oubli se nommait bibliothéconomie (un terme que j’affectionne beaucoup). On parle maintenant de sciences de l’information mais on néglige nous-même nos racines.

Mon analyse (personnelle cette fois, je n’en parle pas dans ma thèse) me porte à croire que nos élites culturelles, elles-mêmes qui réclament l’intervention de l’état pour soutenir leurs créations et qui lancent au brancard les outils socioéconomiques fins des exceptions au droit d’auteur, nuisent le plus au rayonnement de notre culture ! Leur message s’embrouille dans une quête de rentes de l’État sans réellement comprendre les dynamiques inhérentes à l’émergence de ce qu’elles demandent réellement : la juste valeur pour leurs labeurs.

Comment, donc, sortir de ce vortex socioéconomique malsain ? En réalité, il faut résoudre l’équation économique bien-public / bien -privé et expliquer clairement comment les institutions documentaires génèrent de la richesse sociale à partir des oeuvres de notre patrimoine, à leur juste valeur. (en fait, je pense bien que je vais devoir écrire un essai là dessus, le format du carnet ou de la thèse doctorale ne mène pas à des discussions pertinentes). La réponse immédiate est plus simple: il faut comprendre que ce que font les bibliothèques dans le cadre des exceptions est en réalité une exploration de ce que pourraient devenir les marchés de demain.

Donc, si j’étais titulaire d’oeuvres, je numériserai mon corpus (en faisant payer les bibliothèques/l’état/donateur pour ça) et j’imaginerai une offre par bouquets de collections où l’accès à un corpus d’oeuvres et les droits d’utilisations sont imbriquées. La formule est la suivante:

Richesse_bibliothéconomique =

Corpus_documentaire ( accès_numérique + contrat_utilisation )

Ou, plus simplement, offrez des contrats flexibles et des corpus numériques aux bibliothèques et vous vendrez plus de livres et de films à long terme. C’est le pari vertueux de la bibliothéconomie moderne pour éviter le vortex faustien d’un capitaliste miope.

Et hop, comme par magie, dans une génération ou deux, vous allez voir émerger des marchés foisonnants de culture québécoise. Mais, le capitaliste titulaire myope se posera sûrement la question suivante: si les bibliothèques offrent un accès numérique à mes oeuvres, comment est-ce que je pourrai en vendre ? L’ironie est que les québécois qui fréquentent le plus les bibliothèques sont aussi ceux qui dépensent le plus en livres !

(Mince alors, j’ai souvenir que BAnQ a effectué une étude démontrant que les québécois qui fréquentent le plus leur bibliothèques sont aussi ceux – celles en fait – qui dépensent le plus en livres – mais je ne retrace pas cette étude – y a-t-il une bibliothécaire dans la salle?)

Voilà la clé secrète de la voûte de la richesse : la culture est un bien économique dit public. Pensez à de la drogue plutôt qu’à du pain : plus on en consomme, plus on en veut. La satiété est un concept pour un bien privé de consommation. Il suffit donc de réfléchir à un contexte pour que le bien d’expérience – le même que celui du corpus de la bibliothèque numérique – recouvre une nouvelle valeur… tout est dans le design ou l’élaboration des paramètres technico-juridique (interface web, application pour tablette, contrats flexibles).

Par exemple, serait-il possible pour les administrateurs du projet Éléphant d’offrir une licence pour les collectivités pour que nos écoles et nos bibliothèques puissent faire découvrir notre cinéma patrimonial à tous ? S’il vous plaît !

Mon but est donc de bâtir un tel système juridico-technologique pour la diffusion d’oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur aux bibliothèques, malgré ou (en dépit!) des jérémiades que j’entend !

 
Bibliographie
BELLEY, J.G., Le contrat entre droit, économie et société : étude sociojuridique des achats d’Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean, Montreal, Yvon Blais, 1998

Le droit soluble : contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, Paris, L.G.D.J., 1996

BOMSEL, O., Gratuit! : du déploiement de l’économie numérique, coll. «Collection Folio/actuel ;; 128; Variation: Collection Folio/actuel ;; 128.», Paris, Gallimard, 2007

L’économie immatérielle, coll. «NRF essais,; Variation: NRF essais.», Paris, Gallimard, 2010

LANDES, W.M. et R.A. POSNER, The economic structure of Intellectual Property Law, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2003

LUHMANN, N., Risk : a sociological theory, New York, A. de Gruyter, 1993

Systèmes sociaux : esquisse d’une théorie générale, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010

OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau? – Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002

POSNER, R.A., Economic analysis of law, 8, New York, Aspen Publishers, 2011

BELLEY, J.-G., «Le contrat comme vecteur du pluralisme juridique» dans OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE (dir.), Le système juridique entre ordre et désordre, 13, Paris, Presses Universitaires de France, 1989, p. 181-185

OST, F. et M. VAN DE KERCHOVE, «Problématique générale» dans Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, 1988, p. 19-32

BELLEY, J.-G., «La théorie générale des contrats. Pour sortir du dogmatisme», (1985) 26 Les Cahiers de droit

DEMSETZ, H., «The Private Production of Public Goods», (1970) 13 Journal of Law and Economics

«Toward a Theory of Property Rights», (1967) 57 The American Economic Review

LANDES, W.M. et R.A. POSNER, «An Economic Analysis of Copyright Law», (1989) 18 Journal of Legal Studies

«Indefinitely Renewable Copyright», (2003) 70 University of Chicago Law Review

LUHMANN, N., «Law As a Social System», (1988) 83 Nw. U. L. Rev. 136

ROCHER, G., «Pour une sociologie des ordres juridiques», (1988) 29 Les Cahiers de droit

SAMUELSON, P.A., «Aspects of Public Expenditure Theories», (1958) 40 The Review of Economics and Statistics

«Diagrammatic Exposition of a Theory of Public Expenditure», (1955) 37 The Review of Economics and Statistics

«The Pure Theory of Public Expenditure», (1954) 36 The Review of Economics and Statistics

YOO, C.S., «Copyright and Public Good Economics: A Misunderstood Relation», (2007) 155 University of Pennsylvania Law Review

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Prolégomènes à des méthodes quantitatives en droit

Je suis tombé un peu par hasard sur le sujet des statistiques ou des mathématiques en droit. En fait, c’est en passant par le concept de « réseau » que j’ai débuté ce détour intellectuel. En particulier, j’ai bien aimé les théories mathématiques formelles des réseaux, surtout lorsqu’elles sont appliquées aux réseaux de citation…

J’ai déjà proposé un survol de de l’analyse en réseau des citations entre jugements il y a deux ans. J’ai négligé de mentionner ce mémoire d’Éric Paré intitulé La demi-vie des jugements qui est sur Papyrus, le dépôt institutionnel de l’Université de Montréal.

D’ailleurs, le mémoire d’Éric Paré utilise propose le mot-clé « jurimétrie » – je suis habitué aux analyse bibliométriques de mon domaine et je me suis toujours demandé si la « jurimétrie » était un domaine de recherche. Une recherche sur érudit me permet de découvrir une vingtaine de textes, la plupart datant d’il y a plus 20 ans ! Il y en a 2 sur Cairn.info plus récents par contre. Il faut croire que ce concept n’est pas le bon pour entamer une découverte du domaine.

En cherchant sur le web (pour ma thèse), j’ai découvert l’école émergente du Empirical legal studies qui semble émaner des USA (voir, par exemple, la Society for empirical legal studies, son journal et ce blogue vers laquelle sa page lie). Il faut dire que je trouve le ton un peu moralisateur, surtout sur le blogue, comme si les analyses statistiques ou quantitatives sont les seules qui mènent à la vérité… Il faut lire le titre des conférences et des articles publiés pour se faire une tête rapidement.

Mais, je mélange les sujets. L’analyse par les réseaux de citations, l’analyse statistique et quantitatives ainsi que les approches informatiques et mathématiques en droit sont des choses bien distinctes, qui se recoupent éventuellement. Pour le moment, du moins, le point en commun entre ces approches serait l’outil, c’est à dire le recours à des formalisations qui puisent dans un bagage de connaissance qui n’est pas usuel en droit, celui des chiffres. (J’espère que personne ne me demandera de faire la preuve que le droit est une science de mots!)

Je crois que cet aspect est celui qui m’attire le plus. Les chiffres comme outil, sans nécessairement (encore) savoir (pleinement) dans quel cadre (théorique ou conceptuel) les appliquer. Il faut donc lire,

Une chercheure chevronnée m’a proposé les lectures suivantes:

  • BOUCHARD, V., «Collecte des données et approches critiques du droit: du trop peu au trop grand» dans AZZARIA, G. (dir.), Les cadres théoriques et le droit : actes de la 2e Journée d’étude sur la méthodologie et l’épistémologie juridiques, Cowansville, Québec, Éditions Y. Blais, 2013, p. 381-406
  • MELOT, R. ET J. PÉLISSE, «Prendre la mesure du droit : enjeux de l’observation statistique pour la sociologie juridique», (2008) 69-70 Droit et société
  • NIVARD, C. ET M. MÖSCHEL, «Discriminations indirectes et statistiques: entre potentialités et résistances» dans HENNETTE-VAUCHEZ, S., M. MÖSCHEL ET D. ROMAN (dir.), Ce que le genre fait au droit, coll. «À droit ouvert», Paris, Dalloz, 2013, p. 77-91

Je vais mettre la main sur ces textes bientôt… c’est la rentrée et je suis un peu occupé avec mes tâches régulières.

Par ailleurs, je suis aussi tombé sur cette étude:

Call Number KE8244 S65 2008eb
Author Songer, Donald R
Title The transformation of the Supreme Court of Canada [electronic resource] : an empirical examination / Donald R. Songer
Publisher Toronto [Ont.] : University of Toronto Press, c2008 (Saint-Lazare, Quebec : Gibson Library Connections, 2010)

L’auteur constitue un échantillon de tous les jugements de la Cour suprême du Canada pour les analyser (manuellement) selon une grille d’analyse qui lui est propre. Cette grille découle de sa propre conceptualisation du droit, un mix entre Hart et Dworkin, et tente d’élucider si la cour se base sur un principe juridique ou sur une loi (l’objet de son étude est de savoir si les cours ont tendance à voler la plume du législateur).

Pour le moment, je compte poursuivre ma réflexion sur les méthodes quantitatives en droit, surtout pour mieux comprendre comment utiliser ces outils dans des contextes professionnels (comme l’e-discovery) ou intellectuels (comme l’épistémologie du droit).

Conférence Montréal

Appel de communications : Symposium I/O [Input/Outbut] sur les marges culturelles du numérique

Des collègues (et chics types) de l’Université Concordia organisent un symposium académique intitulé Symposium [I/O] sur le thème des marges culturelles du numérique (traduction libre de « computational subculture » – laissez un commentaire si vous avez une meilleure traduction, je déteste « sous-culture » pour des raisons évidentes)

Affichette du symposium I/O

Affichette du symposium I/O

Si cela vous intéresse, veuillez faire suivre vos propositions de communication aux organisateur de l’événement avant le 15 octobre. Voici le détail, en anglais:

I/O Symposium: Exploring Computational Subcultures
Milieux Institute for Arts, Culture and Technology, Concordia University
November 23 and 24, 2016
Call for Papers/Panels/Artworks
The history of computation is rich with narratives of hackers, tinkerers and enthusiasts. Myriad computational subcultures have emerged that both orbit and impinge upon larger computing, gaming, sonic and visual cultures,from microcomputing platforms to gaming hardware and beyond. By directly engaging with the various elements of any given digital machine, these subcultures alter our relationship to technology, rendering acts of computational creativity, modification, and reverse engineering as modes of critical knowledge production.
Through scholarly & practicebased modes of knowledge production, the two day I/O [Input/Output] Symposium will focus its attention on computational subcultures and their communal, political economic and material conditions. This symposium will feature a variety of programming, including workshops, panels, performances and keynote lectures, as well as a small exhibition. CoPresented by the Milieux Institute for Arts, Culture and Technology, the Hexagram Research Creation Network, and the Technoculture, Art and Games Research Centre, the event will feature a Keynote address by Anders Carlsson aka Goto80, a scholar and practitioner who specializes in the demoscene, retrotech hardware hacking and electronic music composition.
I/O is seeking paper, panel and practicebased proposals for inclusion in its programme. Panel proposals may be comprised of either three (20 minute) or four (15 minute) presentations. Individual paper submissions will be curated into themed panels: performers/works for exhibition will be considered separately. As such we invite submissions from practitioners, graduate students, postdoctoral researchers and recent graduates which critically address the overarching topic of computational subcultures and their social, cultural and material conditions.
Topics include, but are not limited to:
The Demoscene
Chipmusic
hardware hacking
net.art
homebrew software development
blockchain
and virtual economies
overclocking
live coding
altgames
machinima
interactive fiction
fan studies
ROM hacking
game modification
MAME and other forms of emulation
wearable computing / technologies
piracy cultures
post internet music genres
For paper submissions, please send an abstract of no more than 300 words, along with a short (150 word) bio. Panel submissions should be as follows: panel description (300 words), individual presenter abstract (200 words) plus short bios (150 words). Submissions for the exhibition: please send a short video or no more than 5 images of your work plus a maximum 300 word description and a 150 word bio. All submissions must be sent to symposium cochair Skot Deeming at mghosty – at – g m @ i l . c 0 m  no later than October 15th, 2016. Successful applicants will be notified by October 20th.

 

 

Logiciel à code source libre Montréal Numérisation Programmeurs Réforme

Nous cherchons : bidouilleurs et amoureux des nouvelles technologies

Je suis heureux d’annoncer que mon employeur, l’Université Concordia, est à la recherche de deux candidats exceptionnels pour réfléchir à comment la technologie peut servir la mission des bibliothèques:

Il faut comprendre « technologue » plutôt que technicien, quoi que je dois vous faire part de ma surprise de voir qu’ils demandent un bacc en génie ou informatique pour ce genre d’emploi… en fait, rien n’aurait d’égal un excellent et passionné technicien(ne) en documentation qui bidouille les technologies émergentes !

Voici un test très simple à effectuer si vous désirez savoir si cet emploi est pour vous. Considérer la liste de terme suivants:

living labs ; maker space ; bibliothèque ; coworking

Si vous ne voyez pas d’intrus dans la liste d’expressions, vous devez appliquer, surtout si vous avez déjà joué avec des raspberry pi, des matrices arduino, etc. Constatez la belle place donnée aux technologies émergentes, citoyennes et à code source libre !

D’ailleurs, je suis absolument ravi d’apprendre que la Ville de Montréal, le gouvernement du Québec et la BAnQ – Grande Bibliothèque ont renouvelé leur entente cadre qui vise à transformer la délicieuse bibliothèque St-Sulpice en institution vouée aux adolescents et à l’innovation. Laissée à l’abandon depuis des années, ces intervenants ont annoncé en février que le resplendissant édifice aura une nouvelle vie.

Ainsi, nos deux offres d’emploi sont en lien avec de désir de s’approprier les nouvelles technologies et cette offre est une opportunité de façonner notre avenir numérique.

PS. je ne suis pas membre du comité de sélection, alors je n’ai que des informations extérieures au processus de dotation.

Conférence Droit d'auteur Québec

Forum droit d’auteur numérique : vidéos mises en ligne

Les vidéos captées lors du Forum droit d’auteur à l’ère numérique, organisé par le Ministère de la culture et des communications du Québec (MCCQ) en mai dernier, sont maintenant disponibles via une liste de lecture sur le canal youtube du MCCQ. J’ai participé à un panel en fin de première journée, voici la vidéo de cette présentation:

Voici un tweet dans lequel je diffuse mes notes pour cet événement:

Conférence CultureLibre.ca Jeux vidéos

Présentation au SAHJ – droit d’auteur et préservation des jeux vidéo

J’ai l’immense plaisir de présenter les efforts de recherche du centre de recherche TAG cet après-midi au Symposium annuel histoire du jeux (SAHJ). Comme le précise me proposition de communication originale, je propose que la préservation des jeux vidéo découle d’une lacune systémique dans la chaîne de diffusion de ceux-ci et je tente de positionner les bibliothèques comme institutions ayant un rôle à jouer pour permettre l’émergence d’un marché novateur.

Présentation de l'écosystème mis en place par le droit d'auteur

Présentation de l’écosystème mis en place par le droit d’auteur

Voici quelques éléments utiles pour suivre ma présentation :
– Le fichier de ma présentation de cet après-midi en format PPTX et en format PDF
– Le rapport de projet envoyé à la Fondation Knight pour la conception d’un prototype d’une console de jeux vidéo pour les bibliothèques (voir aussi la demande de financement originale et la page d’information de la Knight Foundation pour ce projet)
– La présentation du projet de prototype en images (attention, fichier de 50 mo)
– Notre demande de financement adressé à la Fondation Knight pour la prochaine étape du projet (nous avons été finalistes mais nous n’avons pas reçu le financement)

Jugement Livre et édition Québec Universités Utilisation équitable

Copibec contre U. Laval : l’appel entendu le 23 novembre prochain

Copibec annonce, dans son bulletin corporatif, que la Cour d’appel entendra leur cause contre l’Université Laval le 23 novembre prochain.

Le juge Beaupré a rejeté en février dernier la certification du recours collectif de Copibec contre l’Université Laval au nom des auteur(e)s du Québec dans ce jugement:
Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec) c. Université Laval, 2016 QCCS 900 (CanLII), <http://canlii.ca/t/gnm6p>, consulté le 2016-06-28
Ayant lu ce jugement, il concerne bien plus les rouages des recours collectifs au Québec sans pour autant trop toucher au droit d’auteur.

Les dirigeants de Copibec ont d’ailleurs publié une lettre ouverte dans Le Devoir pour dénoncer la gestion des droits d’auteur à ladite université.

Canada Document numérique Éducation Non classé Rapport et étude

Livrel libre sur l’apprentissage numérique

Dr Tony Bates, chercheur et administrateur universitaire canadien, annonce la diffusion libre d’une traduction en français de son plus récent ouvrage intitulé L’enseignement à l’ère du numérique (lien direct vers le PDF). J’ai suivi ses travaux d’écriture sur son blogue et j’ai même consulté cet ouvrage quelquefois dans sa version anglophone. Maintenant qu’il y a une version en français, je suis très heureux de pouvoir vous en parler ici.

Cet ouvrage recense et commente diverses stratégies pédagogiques liées au numérique. Il s’avère une inspiration pour quiconque désirant s’approprier les nouveaux moyens numériques, au profit des apprenants.

Domaine public États-Unis Rapport et étude

Nouveau livrel sur le domaine public (anglais)

La bibliothèque de l’University of Michigan annonce la diffusion d’un livrel gratuit (de plus de 300 pages, quand même!) sur la mise en place de procédures institutionnelles pour identifier le matériel qui n’est plus protégé par le droit d’auteur, donc dans le domaine public:
Finding the Public Domain: Copyright Review Management System Toolkit
Merci à l’excellent ÉchoDoc pour le tuyau.