Le silence et le droit

Je viens de prendre connaissance de cet appel de texte pour l’excellente revue juridique québécoise Les Cahiers de droit (aussi disponible dans divers sites d’agrégateur de contenu tel Érudit). Il y a potentiellement un thème en science de la communication ou de l’information, comme la liberté d’expression, les poursuites bâillon, ou l’accès à l’information, etc.

APPEL DE TEXTES
Les Cahiers de droit – numéro thématique devant paraître en 2015
Le silence et le droit
Si le silence est aveu pour Euripide et musique pour Anouilh, il est très diversement appréhendé par le droit. Parfois celui-ci interdit celui-là, quelquefois il l’ignore, d’autres fois encore il l’encourage, voire le protège, quand il ne l’impose pas. Les deux grands pans du droit, droit public et droit privé, le connaissent également et rares sont les questions juridiques qui ne le fréquentent pas. Alors que son contraire − l’expression et la liberté qui lui est attachée − prend souvent le devant de la scène, le silence, lui, est plus discret, presque par définition. Son interprétation ne manque pas de convier, d’une manière un rien paradoxale, l’imagination comme la rigueur du juriste. Le silence évoque, tour à tour, la pudeur, l’indécision, la connivence, la trahison, le désintérêt, la négation, la dissimulation, l’assentiment tacite. Viennent notamment à l’esprit les interrogations liées au défaut de protestation du policier devant les gestes de brutalité de ses collègues sur un détenu ou encore les effets du silence conservé par le contractant qui ne s’offusque pas d’un écart à la convention ou du voisin qui tolère un empiètement. Le défaut d’expression est-il un défaut d’articulation de la pensée qui rende inaudible la volonté de la partie passive ?
Le silence se fait aussi refuge. Que penser du mutisme de l’accusé, de celui du témoin ou encore du silence du salarié au sujet de son passé criminel ou de sa maladie ? Jusqu’où pousser l’antithèse du silence qu’est l’obligation de divulgation ? Quels liens entretiennent le silence répréhensible et certaines institutions juridiques, telles que la fin de non-recevoir, la déchéance ou l’arrêt des procédures ? Et que dire du secret, archétype du silence, secret de fabrication, secret d’État, secret des délibérations du jury ou secret lié à la naissance? Le silence imposé ou favorisé se concilie-t-il avec la transparence tant sollicitée en ce début de siècle ?
Le silence s’infiltre pareillement dans le contrat, la loi, la décision judiciaire. Quelle incidence revêt-il alors et se prête-t-il légitimement à une quelconque interprétation ? Proche parente du silence, l’inaction joue également un rôle appréciable en droit. Quelle doit être sa durée pour déclencher des effets juridiques, comme en matière de prescription, et pourquoi le silence nécessaire pour éteindre ou acquérir des droits varie-t-il en fonction de la matière… et de l’époque? Le silence peut-il créer des droits ou signaler, à l’inverse, une véritable volonté « abdicative »?
La direction scientifique de ce numéro thématique sera assurée conjointement par le professeur Pierre Rainville, de la Faculté de droit de l’Université Laval, et la professeure Sylvette Guillemard, directrice de la revue Les Cahiers de droit. Les textes, de 20 à 30 pages, sont attendus d’ici le 1er mars 2015, par courriel (cahiers.de.droit@fd.ulaval.ca).
Les Cahiers de droit publient des textes originaux en langue française et anglaise. Tous les textes soumis à la revue font l’objet d’une évaluation anonyme par deux experts externes. Les normes de présentation des textes sont consultables sur le site Web de la revue: www.cahiersdedroit.fd.ulaval.ca. Pour de plus amples renseignements : cahiers.de.droit@fd.ulaval.ca.
CALL FOR TEXTS
Les Cahiers de droit – thematic issue scheduled for publication in 2015
Silence and the law
If silence is akin to a confession in Euripides’ mind and if Anouilh sees it as music, it is treated in various ways by the law: it is sometimes prohibited, at times ignored, occasionally encouraged or protected, and sometimes required. The two main areas of law, public and private, both deal with silence, and few legal questions do not involve silence in some form. While its opposite − expression and its associated freedom − often draws all the attention, silence, almost by definition, is more discrete. To interpret silence jurists must inevitably, and paradoxically, deploy both imagination and rigour. Silence evokes modesty, indecisiveness, complicity, treachery, lack of interest, negation, dissimulation, or tacit approval. Some examples come immediately to mind: the silence of a police officer failing to protest when colleagues brutalize a prisoner, the silence of a co-contractor failing to react to a breach of contract or of a neighbour’s forbearance vis-à-vis an encroachment. Is a failure to react a failure by the passive party to articulate an intention, thereby rendering it inaudible?
Silence can also be a refuge. What does silence indicate in the case of an accused person, a witness, or a worker concerning his or her criminal past or a current illness? How far should we take the antithesis of silence, the obligation to disclose? What are the links between reprehensible silence and some legal institutions such as fin de non-recevoir, foreclosure or stay of proceedings? What about secrecy, an archetype of silence − trade secrecy, state secrecy, secrecy of jury debate, or secrecy of birth? Can the imposition, or encouragement, of secrecy be reconciled with transparency, one of the key aims of the new century?
Silence also plays a role in contracts, laws and court decisions. What is its influence, and can it be legitimately interpreted? A close cousin of silence, inaction, has a key
place in the law. How long must it last before it triggers a legal effect, for example in the area of prescription, and why does the silence necessary to extinguish or acquire rights vary depending on the subject-matter − or the era? Can silence create rights or signal, on the contrary, an abdication of rights?
Editorial supervision for this thematic issue will be exercised jointly by Professor Pierre Rainville, of the Faculty of Law at Université Laval, and Professor Sylvette Guillemard, editor of Les Cahiers de droit. Submissions should be 20 to 30 pages long and made before March 1, 2015 by E-mail (cahiers.de.droit@fd.ulaval.ca).
Les Cahiers de droit publishes original texts in French or English. All texts submitted to the journal are assessed anonymously by two outside experts. The style sheet for submissions is available on the website www.cahiersdedroit.fd.ulaval.ca. For more information, write to cahiers.de.droit@fd.ulaval.ca.

Ce contenu a été mis à jour le 2014-05-16 à 9 h 22 min.