Soutien à la culture numérique : réflexions
Je me suis fait contacter pour participer à une étude sur le financement public des arts. Voici mes réponses :
Quelles sont les opportunités pour les communautés culturelles ?
En deux mots : l’accès libre (open access). Qu’il s’agisse de l’emploi de licences permissives telles les licences Creative Commons pour son propre contenu ou la réappropriation du contenu libre d’autrui, ces outils juridiques permettent de maximiser l’accès à ses créations afin de créer un engouement auprès de son public potentiel. Il s’agit d’utiliser un effet de levier pour ses actifs intellectuels par la diffusion ou la distribution libre afin de capter un marché. Un exemple fascinent au Canada est le groupe montréalais Mister Valaire. Ils ont trouvé un moyen de « monétiser » l’accès libre à leur musique.
Quels sont les défis?
En trois mots et demi : la mort de l’exemplaire. Les exemplaires (the copies of a work) étaient le paradigme dominant pour gérer les chaînes de distribution de produits culturels. Dans l’environnement numérique, la distinction entre l’original et l’exemplaire s’estompe. Tout original est exemplaire et toute copie est originale. Cette distinction extrêmement poreuse confond les professionnels dont les pratiques sont en mutation. De plus, cette mutation se reflète dans la rhétorique entourant le cadre juridique qui s’impose: le droit d’auteur. Si l’on considère les revendications des créateurs et de l’industrie dans le contexte de réforme perpétuelle du droit d’auteur, il est possible de constater que l’enjeu est de bloquer une réelle mutation de leurs industries par une réforme particulière du droit d’auteur. L’enjeux est l’innovation mais la perception dominante vise le maintient des acquis des économies des exemplaires de biens culturels par une conceptualisation nouvelle du droit d’auteur.
Quid des organismes de soutien culturel?
L’impératif d’une participation publique dans le processus de création culturelle découle de difficultés des marchés économiques culturelles : la nécessité d’investissement massif en amont, les revenus qui n’arrivent qu’après qu’un produit culturel soir « fini » et la facilité de copie par autrui. Ces difficultés génèrent des risques pour les intervenants (accès au capital, financement, évaluer le potentiel d’un marché), des coûts de transactions (mutualisation de biens culturels pour créer une offre riche et diversifiée) et éventuellement à divers défaillances de marchés (market failures), telles la difficulté d’identifier les titulaires d’un droit d’auteur. Dans l’environnement numérique, la charpente intellectuelle qui soutient l’impératif d’un investissement étatique ne change pas, mais la « valeur » de chacune des variables (variables indépendantes des risques et des coûts de transactions et la variable dépendante des défaillances de marché) identifiées est à revoir. En fonction de la nouvelle compréhension de ces paramètres, les états pourront mieux comprendre comment intervenir directement dans les marchés culturels afin d’atteindre les objectifs de leurs politiques culturelles.
Ce contenu a été mis à jour le 2011-02-24 à 11 h 02 min.