Pourquoi le droit d'auteur ?

« Pourquoi le droit d’auteur ? » est un texte d’Olivier Charbonneau, rédacteur en chef de CultureLibre.ca qui est publié à la page 9 du volume 28, no 2 (avril-mai 2009) du Bulletin de l’ASTED. Voici une reproduction de ce texte :

(L’auteur tient à remercier son employeur, l’Université Concordia, pour la sabbatique de recherche qu’il a récemment reçu afin d’étudier les questions de droit d’auteur et d’accès à la documentation juridique.)
De toutes les lois qui s’appliquent au domaine de la documentation, la Loi sur le droit d’auteur est celle qui encadre le plus directement nos activités professionnelles et institutionnelles. Malgré tout, elle est source de confusion, d’incertitude et de lamentations, rien pour faciliter l’appropriation des nouvelles technologies pour servir nos communautés. De plus, la logique même du droit d’auteur perpétue cette réalité.
D’un côté, le droit d’auteur protège les droits économiques des ayant-droits, ainsi que les droits moraux des créateurs. De l’autre, l’utilisation équitable ainsi que d’autres exceptions plus spécifiques permettent d’outrepasser la loi pour des usages très précis, comme pour offrir des services de reproduction ou de livraison documentaire à titre individuel dans un contexte de bibliothèque. Au centre se trouve un terrain de bataille où se jouent les limites de ce qui est protégé ou équitable.
Ainsi, le droit d’auteur est un enjeu capital pour l’évolution du monde des bibliothèques au moment où nous désirons migrer de plus en plus de nos services vers l’univers technologique. Si nous ne sommes pas outillés pour faire face aux défis que posent les revendications des intervenants en amont de la chaîne documentaire, si nous ne tentons pas de proposer des pistes de solutions équitables pour tous, si nous ne sommes pas prêts à réagir aux pressions exercées par les nouveaux joueurs dans notre industrie, l’avenir des bibliothèques en sera amoindri. Voilà la meilleure raison de s’intéresser aux questions du droit d’auteur.
Quelques développements récents méritent une attention particulière. En premier lieu, le conseil d’administration de l’ASTED a formé un Groupe de travail sur le droit d’auteur sous l’égide de la Section santé. Ce groupe vise à étudier les dispositions du droit d’auteur, et particulièrement de l’utilisation équitable, afin de proposer une documentation précise qui renseignera le milieu de la santé et des services sociaux. Quoique cette initiative vise un groupe spécifique au sein de l’ASTED, nous anticipons que les extrants produits pourraient éventuellement être adaptés à d’autres milieux, comme les bibliothèques universitaires ou publiques.
Ensuite, la Commission du droit d’auteur du Canada doit se prononcer sur le tarif qu’Access Copyright désire obtenir du milieu scolaire dans le reste du Canada. Access Copyright est l’équivalent de Copibec et gère les redevances perçues pour la reproduction documentaire dans divers milieux. L’intérêt particulier de cette décision concerne en partie le coût de la redevance, qui est contestée par le Conseil des ministres de l’éducation (Canada), mais aussi l’utilisation d’internet dans un contexte scolaire. Je vous informerai dès qu’il y a des nouveautés dans ce dossier.
Un autre développement concerne les suites du jugement Robertson(i). Ce jugement porte sur la constitution de bases de données d’articles et le cas précis des pigistes qui n’ont pas explicitement transféré leurs droits d’auteur pour la diffusion numérique. Suite à ce jugement, un flou juridique existe concernant le cas précis des éditeurs, qui n’ont pas nécessairement obtenu la permission requise auprès des auteurs, de « transférer » aux revendeurs d’information les fichiers numérique comme ProQuest. Considérant que certains périodiques savants ont publié des articles sans faire signer des contrats d’édition aux contributeurs, ce vide juridique peut avoir une répercussion sérieuse sur le marché de la revente de textes numériques et par ailleurs, la mise en disposition de ces bases de données par les bibliothèques canadiennes. Encore ici, il est nécessaire de porter une attention particulière à ces développements.
Enfin, pour quiconque désirant se renseigner au sujet du droit d’auteur dans le contexte documentaire, je suggère les trois lectures suivantes, qui expliquent très bien la “logique” de l’utilisation équitable dans le droit d’auteur canadien.
(1) CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, Cour suprême du Canada , 2004
http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2004/2004csc13/2004csc13.html
Le fameux “jugement CCH” – où la Cour suprême du Canada a précisé comment articuler une défense en lien avec l’utilisation équitable dans un contexte de services à valeur ajoutée de bibliothèque. Ce jugement fut porté à l’unanimité, sans dissidence, et est signé par “la Cour” – et se lit très bien comme une mini-formation au droit d’auteur.
(2) Dossier sur l’Utilisation équitable, Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), décembre 2008
http://www.caut.ca/uploads/IP-Advisory3-fr.pdf
Une explication, en 12 pages, de ce que l’utilisation équitable veut dire dans un contexte de recherche universitaire.
(3) L’Utilisation équitable après l’affaire CCH, Direction générale de la politique du droit d’auteur, Patrimoine Canadien, Juin 2007
http://www.patrimoinecanadien.gc.ca/pc-ch/org/sectr/ac-ca/pda-cpb/publctn/cch-2007/CCH-2007-fra.pdf
Une étude de Giuseppina D’Agostino, professeure à la Osgoode Hall Law School. Elle a aussi produit une étude similaire : “Healing Fair Dealing? A Comparative Copyright Analysis of Canadian Fair Dealing to UK Fair Dealing and US Fair Use” McGill Law Review, Vol. 53, No. 2, 2008 http://ssrn.com/abstract=1014404

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(i) Robertson c. Thomson Corp., Cour suprême du Canada, 2006 http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2006/2006csc43/2006csc43.html

Ce contenu a été mis à jour le 2009-07-03 à 15 h 33 min.