En fait, peut-être pourrais-je proposer une piste additionnelle : celle de l’émergence d’une nouvelle modalité de diffusion de la culture, celle de l’accès par Internet. Cela peut sembler trivial de recenser ce point mais, je crois que le projet Google Books est l’exemple parfait pour parler de la distinction fondamentale entre deux droits réservés par la Loi sur le droit d’auteur, soient la publication contre la mise à disposition par internet ou l’accès par internet. La publication dépend du rôle social de l’éditrice et par extension de la libraire et de l’auteure. L’accès, quant à elle, est un phénomène complètement nouveau et le documentaire illustre comment certains agents sociaux appréhendent les risques de l’entrée d’un géant comme Google dans l’arène commerciale et sociale de l’édition. La tension se cristallise par l’approche vouée à l’accès (mise en ligne, traitement égal de toutes ressources, identification algorithmique, etc) par rapport aux expériences millénaires de la pratique de l’édition (un travail humain, relationnel, de longue haleine, diffusion par copie, coûts et risques différents).
La tension entre la publication et l’accès peut se comprendre si l’on analyse trois archétypes du milieu du livre ou de la culture en général : l’auteure (ou la créatrice), « l’industrie » et les lectrices (ou les utilisateurs). Si le modèle de l’accès est encore en émergence, celui de la publication est stable depuis des centaines d’années, nonobstant le bousculement numérique. Mes travaux doctoraux me permettent de dégager que l’accès s’opère plus souvent qu’autrement par une licence ou un contrat associé à l’œuvre. Celui de la publication découle de pratiques qui se sont sédimentées avec le temps, acheter un livre implique le respect de la loi sur le droit d’auteur et aucune autre disposition contractuelle. Dans ce contexte, le rôle du respect des structures devient un argumentaire clé de la part des auteurs et éditeurs interviewés.
En plus de l’analyse sociologique précédente, il appert que l’œuvre protégée, comme élément unitaire du système social, comporte des caractéristiques économiques différentes de par sa nature « papier » ou numérique. L’œuvre numérique revêt, en économie, de caractéristiques fondamentale d’un bien public (non-rivalité et non-exclusion) tandis que le livre papier se comporte naturellement comme un bien privé (bien de consommation). Beaucoup des risques appréhendés par les intervenants du documentaire découlent de cette tension sur la nature économique. D’où l’intérêt des verrous numériques et autres mesures de protection technologiques. Ils ne sont que des clôtures autour des pâturages en accès libre.
Pour tout dire, la nature des relations (et des risques inhérents) entre les acteurs sociaux changent. La nature du lien entre l’œuvre et les agents change, ainsi que le comportement fondamental même de l’œuvre.
L’aspect particulier du Québec consiste en sa législation qui règlemente les relations entre les acteurs socio-économiques du livre. Loi qui est sujet d’actualité de par le prix unique et la règlementation à porter sur les livrels. Sans même se soucier de la question de la (re)commercialisation du patrimoine culturel (sujet paradoxal s’il en a un car la modalité préconisée par le Gouvernement du Québec est par le marché supporté par des subventions ciblées).
Le Centre de recherche en droit public, auquel je suis affilié par mes études doctorales, organise une série de séminaires forts intéressants – voir la liste sur Mur Mitoyen. En particulier, ces deux séminaires semblent pertinents:
Ces deux événements sont libres et gratuits et auront lieu au Pavillon Maximilien-Caron au local A-3464. Suivez les liens ici-haut pour de plus amples renseignements.
Marquez vous agendas : le 25 mars prochain sera présenté le documentaire Google and the World Brain dans le cadre du 32e Festival International des films sur l’art. Le documentaire de la BBC présente l’initiative de numérisation de livres par le géant d’Internet Google.
La table ronde sera animée par Fabien Deglise du Devoir et sera composée de Me Hélène Messier, directrice générale de Copibec ; professeure Ysolde Gendreau à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et votre humble blogueur Olivier Charbonneau.
Le coût du billet est minime (une dizaine de dolalrs) et permettra de financer un excellent festival, le FIFA.
Il me fait plaisir de vous faire suivre une invitation toute spéciale : du jeudi 6 au samedi 8 mars, de 11h à 17h vous êtes invités à visiter le centre de recherche TAG (« technoculture art & games » pour technoculture, arts et jeux) de l’Université Concordia (dont je suis affilié comme membre associé). Ainsi, vous pourrez tester des jeux indépendants et bricolés, rencontrer nos chercheurs et voir de l’équipement de pointe à l’oeuvre.
Participons à l’avenir des jeux numériques. Quels jeux pouvons-nous concevoir ? Où et comment seront-ils utilisés ? Le centre de recherche TAG (Technoculture, Art and Games) de l’Université Concordia rassemble des concepteurs et des joueurs, des étudiants et des chercheurs pour réfléchir aux possibilités et aux défis.
La destinée des jeux numériques est entre nos mains à tous.
Pourquoi cet événement rime-t-il avec la culture libre ? Et bien, plusieurs projets impliquent la rétro-ingénierie de contrôleurs technologiques, le remix culturel inhérent au mouvement des jeux indépendants et l’idée qu’il est tout aussi plaisant de créer un jeu que de jouer à un jeu. La création est l’acte par excellence de liberté.
La vidéo suivante propose une synthèse d’une journée réalisée par Communautique sur le thème Internet, bien commun:
Voici le texte descriptif de la vidéo:
Internet bien commun, une utopie nécessaire à notre imaginaire collectif
Un Déjeuner autour de l’Internet comme bien commun, qui réunissait une vingtaine d’intervenantes et d’intervenants le 4 avril 2013 au Monument National à Montréal, afin de travailler ensemble à identifier les pistes et les actions qui permettraient de nous doter et de gérer cette infrastructure citoyenne ouverte, accessible, démocratique. Un bien commun porteur de vitalité sociale, économique et culturelle pour contribuer ensemble à l’actualisation d’une vision pour un Québec branché sur le monde.
La vidéo aborde les notions de perceptions, d’accès, d’infrastructure et de révolution et est remixé à deux entrevues avec Antoine Beaupré dur Réseau Libre Montréal et Alexis Kaufman de Framasoft.
« Depuis depuis les années 1400 on a le même sentiment… qu’une technologie fera disparaître celle qui la précède… »
« Faire en sorte que les gens soient plus autonomes au niveau de leurs choix, multiplient leurs choix, les gens ne focussent que sur quelques outils, c’est l’enfermement technologique, donc c’est de résister à ça si on veut avoir un bien commun. »
Une infrastructure bien commun par les formats ouverts, les logiciels libres et la culture libre; qui fait émerger la désuétude des frontières géo-politiques; appelle à créer des communs, des bases de données créées par les citoyens, une revalorisation des données.
« Créer des alternatives au réseau. »
Internet conçu comme Bien Commun, dont la définition est continuellement à construire et la neutralité à défendre; Internet comme tiers lieux; outil politique; chambre basse; sortir du mythe du natif; amorcer une réflexion plus profonde, en terme de générations et nouvelle litératie, d’utilisation responsable, durable.
À propos
Initiés par Communautique, les Déjeuners des communs sont des espaces de discussions collaboratives favorisant le développement et l’appropriation des biens communs entre gestionnaires, praticiens, chercheurs et citoyen-nes. Partagées sous forme multimédia, ces rencontres ont pour objectifs d’influencer la perception du public ainsi que les politiques en faveur des biens communs et de favoriser la création d’un mouvement provincial et international des biens communs.
Communautique a pour mission de soutenir la participation citoyenne en favorisant la maîtrise de l’information, l’appropriation des technologies de l’information et des communications et la contribution à leur développement.
Remix biens communs est un réseau international de partage des pratiques, idées et théories sur les biens communs.
Le Devoir de ce matin révèle certains détails du budget fédéral et certains d’entre eux méritent notre attention. Par exemple, en page A3, le quotidien montréalais indique que 2 millions seront consacrés à la création d’un Institut des données ouvertes… Il se peut qu’il s’agisse du site http://opendatainstitute.ca… à confirmer.
Également, Le Devoir nous informe que, en plus des investissements permanents en culture, le gouvernement fédéral attribue 5,6 millions pour le Musée virtuel du Canada ainsi que des « ouvrages de référence en ligne » qui, selon le Réseau art actuel,
Ouvrages de référence en ligne donne du contenu en ligne sur la culture et l’histoire du Canada et donne accès à L’Encyclopédie canadienne et à l’Encyclopédie de la musique au Canada, et au Dictionnaire biographique du Canada, un dictionnaire historique exhaustif dont les articles racontent la vie et décrivent l’époque des personnes qui ont façonné le Canada. Le Plan d’action économique de 2014 propose d’accorder un financement permanent de 1,2 million de dollars par année à Ouvrages de référence en ligne à compter de 2015-2016. Ces fonds s’ajoutent au financement existant de 0,9 million par année et portent l’investissement annuel à 2,1 millions. Le Musée canadien de l’histoire deviendra responsable d’Ouvrages de référence en ligne et de son financement.
Le jugement concerne une action en plagiat que le créateur a intenté contre ses présumés partenaires commerciaux. Ces derniers ont créés une série de télévision pour enfants sur les bases de son travail de création.
La cause porte également sur comment analyser les similitudes entre deux oeuvres dérivées d’une même – celle-ci, en l’occurance, dans le domaine public.
La lecture du livre de prof. Vincent Gautrais sur la Neutralité technologique et le droit contient plusieurs passages juteux, mais là où il est question de Wikipedia cité par dans les décisions rendues par les cours (p. 241-245) m’a fait sourire.
Prof Gautrais réagit à la position défendue par prof Nicolas Vermeys et Me Patrick Gingras, ces derniers prétendant que l’encyclopédie collaborative n’est pas une source appropriée à citer par les juges.
Prof. Gautrais associe le recours aux textes de l’encyclopédie libre à l’accès à la justice (p.244-5), surtout pour les sujets plus factuels dans un contexte de tribunaux administratifs (causes mineures ou spécialisées). Le peuple a recours à cette source, pourquoi pas les juges? Par ailleurs, il serait possible de prévoir un moyen d’analyser les métadonnées des articles cités en cour, afin de déterminer leur pérennité ou leur caractère contentieux.
Selon le filtre offert via l’interface des résultats, les juges du Québec remportent la palme quant à l’incorporation des textes de Wikipedia dans leurs jugements, avec 133 jugements. Voici un tableau sommaire du nombre de jugements recueillis par CanLII par province, en ordre décroissant de jugements :
Québec
133
Canada (fédéral)
84
Ontario
63
Colombie-Britannique
44
Alberta
33
Nouvelle-Écosse
13
Saskatchewan
3
Terre-Neuve-et-Labrador
3
Nouveau-Brunswick
2
Manitoba
1
Yukon
1
Île-du-Prince-Édouard
0
Territoires du Nord-Ouest
0
Nunavut
0
Source: CanLII, table générée le 19 décembre 2013 à 13h20, heure de Montréal.
Attention avant de sauter aux conclusions par contre. Il se peut simplement que la couverture de CanLII soit plus étendue pour le Québec ou que le Québec dispose de plus de tribunaux administratifs que les autres provinces. Par ailleurs, est-il plus significatif de se pencher sur le cas du Yukon, avec son seul jugement pour une population de moins de 34000 personnes ? (le ratio serait de 1 jugement pour environ 60000 personnes pour le Québec, beaucoup moins proportionnellement).
D’ailleurs, voici le paragraphe du jugement en question du Yukon :
[35] What comes to my mind is what is often colloquially referred to as the “Duck Test”. The following excerpt from Wikipedia (which I am not, by the way, holding out as a trusted and reliable legal authority) sums up this test as follows:
The duck test is a [humourous] term for a form of inductive reasoning. This is its usual expression:
“If it looks like a duck, swims like a duck, and quacks like a duck, then it probably is a duck.”
The test implies that a person can identify an unknown subject by observing that subject’s habitual characteristics. It is sometimes used to counter abstruse arguments that something is not what it appears to be.
I note that the original phrase has been attributed to James Whitcomb Riley and reads slightly differently, as do other versions of it. I believe that Mr. Riley’s original statement was, “When I see a bird that walks like a duck and swims like a duck and quacks like a duck, I call that bird a duck.”
Comme quoi, des fois, Wikipedia serait le canard boiteux des sources !
Si je comprends bien le bulletin d’information de Copibec, l’agence de gestion de la réprographie (photocopie) au Québec offre maintenant accès à «plus de 1500 livres, ainsi que plusieurs revues dont certaines offrent des articles à la pièce, près de 200 articles sont d’ailleurs déjà en ligne».
Intitulé SAMUEL pour SAvoirs MUltidisciplinaires En Ligne, le système «rend disponible du contenu dans les limites des ententes signées avec Copibec. Dans le cas de livres, par exemple, seul un extrait peut être utilisé. Les articles et les photos peuvent, bien sûr, être utilisés dans leur entièreté.»
Le système est actuellement sous essai et sera graduellement déployé au début de 2014. Il semble que SAMUEL vise particulièrement le milieu scolaire.
S’agit-il d’un embryon d’une nouvelle bibliothèque numérique pour le québec ?