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Quelques réflexions concernant Wikimedia Commons
Olivier Charbonneau 2019-03-26
Hier, j’ai eu l’immense plaisir d’animer une table ronde autour du thème des Usages de Wikimédia Commons dans le cadre de l’exposition « Conrad Poirier. photoreporter (1912-1968) : Valoriser les biens communs du domaine public » au Carrefour des arts et des sciences du Pavillon Lionel-Groulx de l’Université de Montréal, de 13h à 16h.
Avant de poursuivre, je veux expliquer ce qu’est Wikimédia Commons… Tout le monde connaît Wikipedia, l’encyclopédie libre, ouverte, collaborative et organique où n’importe qui peut créer un compte et en éditer le contenu. Wikipedia est l’un des multiples projets de la Wikimedia Foundation, basé en Floride aux USA. Wikimedia Commons est l’un des multiples projets de la Wikimedia Foundation. Il s’agit du dépôt numérique pour des objets pouvant faire l’objet d’une diffusion libre dans Internet. Ainsi, il est possible d’y verser des oeuvres numériques tant que vous possédez des droits suffisants pour le faire. Ainsi, vous pouvez y verser des photos et d’autres objets (mais, en réalité, il fut surtout question de photos).
Donc, parlons de la table ronde d’hier. J’ai compté entre 35 et 40 participants sur place, composé de beaucoup de professionnels de l’information de divers horizons, ainsi qu’entre 15 et 20 participants à distance. Il faut dire que l’un de ces derniers était une classe entière d’étudiant.e.s en technique de la documentation à Trois-Rivières – nous pouvons facilement dire que nous étions probablement près d’une centaines de participants sur place ou virtuellement – un réel succès !
Chacun des trois panélistes disposait de 20 minutes pour présenter son projet, suivi d’une période de question de 10 minutes. Suite à une pause pour visiter l’exposition consacrée à l’oeuvre de Conrad Poirier (qui est dans le domaine public sous l’égide de la Division de la gestion des documents et des archives – DGDA – de l’Université de Montréal) et de précieux biscuits, nous avons discuté de certains thèmes pour la seconde moitié de l’événement.
Lëa-Kim Châteauneuf, bibliothécaire dans le réseau de la Ville de Montréal et Vice-présidente (bénévole) de Wikimedia Canada nous a présenté certaines initiatives personnelles pour enrichir les fonds du projet d’archive ouverte d’objets numérique. Spécifiquement, il s’agit de son projet de recensement de bibliothèques publiques (géolocalisation et photographie des lieux), son projet tapis rouge (pour fournir des photos de québécois.e.s notables à Wikimedia Commons) et de la création d’un pour la prise de photos lors d’événements comme les Salons du livre. Il fut question, entre autres, du processus communautaire de médiation des demandes de retrait de contenu à Wikimedia, le système OTRS ou Open-source Ticket Request System. Léa-Kim nous a également proposé une démonstration du dépôt de deux photos dans Wikimedia Commons suite à la pause.
Florian Daveau est archiviste-coordonnateur à BAnQ dans le Vieux-Montréal (site Viger) et présenté le succès retentissant du versement d’une sélection de photos et documents numériques de la part des archives de BAnQ dans Wikimedia Commons, qui furent visionnées plus de 153 millions de fois ! Florian a touché à plusieurs points, mais j’ai noté en particulier que la décision fut prise de verser uniquement une portion du matériel détenu dans les fonds concernés par le projet de versement. En fait, la décision fut celle des professionnels du projet, afin de concentrer l’attention de la communauté autour d’objets numériques porteurs de mémoire et illustrant la valeur patrimoniale. Outre l’intérêt d’un outil de versement automatisé, cette question de la « quantité » d’objets à versé s’insère dans la stratégie de diffusion afin d’habiliter une communauté à embrasser les objets numériques de nos collections.
Michel Champagne est archiviste à la DGDA de l’Université de Montréal et responsable de l’acquisition et du traitement des archives historiques. Michel nous a présenté les projets de diffusion d’archives historiques des fonds détenus par l’Université de Montréal, surtout par le travail de stagiaires et de la petite équipe de la DGDA. Il fut question du dépôt d’une sélection de photos, où Wikimedia Commons fut positionné comme l’un des multiples vecteurs pour diffuser les archives à l’instar de Flickr, Twitter, Facebook… en ce sens, l’idée de la sélection et l’arrangement des oeuvres à diffuser, qui s’inscrit dans la stratégie globale de diffusion, permet de bonifier l’accès aux archives tout en confirmant la stratégie de diffusion institutionnelle. Par ailleurs, Michel a fait état de guides détaillés pour le versement d’objets numériques, ces guides a suscité un vif intérêt de la salle et nous espérons pouvoir y avoir accès pour partager les acquis de cette équipe innovante suite à cette expérience de diffusion.
Mon rôle fut d’animer la conversation après la pause. J’ai noté certains thèmes qui méritaient, selon moi, d’âtre explorés. En premier lieu, il fut beaucoup question de risques – ceux appréhendés avant la diffusion et ceux qui se sont manifestés. Outre quelques exceptions, il faut noter que la diffusion des archives historiques fut l’occasion de recevoir des commentaires de la communauté afin d’enrichir les métadonnées d’instances. Le scénario catastrophe d’une volée de bois vert ne s’est pas manifestée, la réalité fut bien l’inverse. Il se peut que la judicieuse (pré)sélection des objets à diffuser par des professionnels aurait contribué à cette réception vertueuse et chaleureuse de la part de la communauté.
La réalité fut légèrement différente pour les objets représentant des sujets vivants, ayant dans certains cas demandés le retrait du contenu par le truchement du système OTRS. Sur ce point, les panélistes ont exploré la frontière entre la liberté d’action institutionnelle (lié à la liberté d’expression) dans un contexte où le droit d’auteur ou le droit à l’image du sujet de la photo est en cause. En fait, comment recevoir un refus ou la revendication qui serait contraire à la position institutionnelle concernant le statut du droit d’auteur ou du droit à l’image. Cette zone grise fut le théâtre de beaucoup de réflexions.
J’avais également noté certains autres sujets desquels nous n’avons pas eu le temps d’explorer. Par exemple, comment « mesurer » la visibilité ou l’impact d’un dépôt; comment discuter du rôle des professionnels et des experts vis-à-vis des amateurs et comment animer des communautés autour des objets versés.
Pour tout dire, je crois que le thème du risque fut l’éléphant dans la salle. Nous y pensions tous sans réellement le nommer. L’idée de verser une sélection de contenu en lien avec une stratégie cohérente de diffusion se dégage comme la pièce maîtresse des trois initiatives. Qui plus est, le risque peut se comprendre selon ses diverses éléments, pertinents pour les professionnels de l’information: la légitimité institutionnelle ou professionnelle de la démarche de préservation et de diffusion; l’authenticité et la pertinence du matériel versé par rapport au corpus d’origine et de destination; le statut juridique des objets versés (manuscrits versus publiés) et des sujets (humains) y figurant.
Ce fut une activité riche en perspectives et en réflexions. Merci à Jean-Michel Lapointe de l’UQAM pour l’avoir organisé avec brilo !
Conférence Creative Commons Livre et édition
Assemblée des revues savantes diffusées sur Érudit
Olivier Charbonneau 2018-12-17
Journée d’étude & Assemblée des revues savantes diffusées sur Érudit Lundi 17 décembre 2018 de 9h – 17h,
Chaufferie (CO-R700) du pavillon Cœur des sciences de l’UQAM
Ce matin, j’ai eu l’énorme honneur de prononcer la conférence d’ouverture de la journée d’étude dans le cadre de l’assemblée des revues savantes diffusées sur Érudit.
Je vous propose les liens suivants vers les documents utilisés dans le cadre de ma présentation:
Pour terminer, voici une infographie qui présente le « continuum » du libre accès source: PLoS, How open is it?:
Source: SPARC & PLOS: How Open is it?
Conférence Voix, données
droit + Intelligence artificielle: Conférence Les Cahiers de Propriété Intellectuelle
Olivier Charbonneau 2018-11-23
(BILLET EN COURS D’ÉCRITURE: ÉVÉNEMENT DU 23 NOVEMBRE – MISES À JOUR FRÉQUENTES AUJOURD’HUI)
Programme de la conférence Les Cahiers de Propriété Intellectuelle: droit + Intelligence artificielle
Je vous propose mes notes, j’assiste au colloque intitulé la droit + Intelligence artificielle: Conférence Les Cahiers de Propriété Intellectuelle
Première conférence: IA vue de l’extérieur
Marie-Jean Meurs, Coordonatrice d’HumanIA et Professeure, Département d’informatique (UQAM).
Apprentissage automatique: deux classes d’algorithmes,
- apprentissage supervisé: ensemble d’entrainement ou d’apprentissage; ensemble de test; caractéristiques; hypothèse pour une nième instance suite à l’analyse de l’ensemble test. Capacités de généralisation: quels ensembles d’apprentissage; quelles caractéristiques; quels algorithmes; quels usages => choix humains
- non supervisé: distance, caractéristique des « groupes »
Paul Gagnon, conseiller juridique ÉlémentAI
« La cité de l’intelligence artificielle » dans le MileX à Montréal…
Vu sur twitter ce matin: if it is written in python, it is machine learning; if it is written in powerpoint, it is artificial intelligence
Machines à tisser et le mouvement luddite/saboteur
Ne croit pas que la loi est à la remorque, nous avons le loisir d’anticiper, comprendre, comment le droit va s’arrimer à l’AI
Défis juridiques:
- Anonymisation des données (RGPD) pour utiliser le « moins possible » les renseignements personnels, comparaisons: actuaire doit agir en vertu de limites à l’utilisation de faits dans l’industrie de l’assurance
- RGPD: décision algorithmique, l’humain peut en appeler (transparence algorithmique), défaire la boîte noire technologique pour des raisons juridiques, la loi n’est pas à la remorque
- Droit d’auteur: génération d’oeuvres par des algorithmes; décortiquer les nouveaux cas avec les outils juridiques existants; dichotomie entre l’expression et l’idée
- droit sur les données: ne s’y attendait pas – le rôle des conditions d’accès imposées par les fournisseurs; données ouvertes (CC-BY vs. CC-NC), nuances technologiques qui ont une incidence en droit
Jocelyn MacLure, Professeur titulaire de philo, Université Laval
4e révolution industrielle, société post-travail, statut moral et juridique des agents algorithmiques: inflation sur la réflexion sur l’IA. On a besoin d’une perspective critique (au sens réfléchi, sobre, non-réactionnaire) pour mieux comprendre la situation.
Harari: Homo deus, 21 leçons pour le 21e siècle = révolutions sociales = on doit développer une autre approche
Citation:
Machines will be capable within 20 years to do any work a human can do, Herbert Simon pionnier de l’IA en 1965
Enjeux éthiques importants, il faut considérer les bénéfices
- Rendre la justice plus accessible, efficace, juste
- Santé: bénéfices attendus sont importants mais les risques persistent (ndlr, voir ce texte dans Le Devoir ce matin)
- Accidents de la route
Enjeux éthiques
- responsabilité [civile] des décisions ou actions des agents automatisés, lien de causalité, sommes-nous bien outillés avec les concepts et approches existantes.. concepteur de l’algorithme, l’utilisatrice…
- Transparence des algorithmes, devoir d’explicabilité (sic) et de justification des concepteurs (retracer les étapes de prise de décision pour obtenir un résultat donné, les raisons du jugement de la machine sont inaccessibles surtout en apprentissage profond non supervisé). Probablement l’enjeu éthique le plus important. Cas de Predpol. Cas d’un prêt bancaire. Cas d’une université pour l’admission dans un programme. Cas d’un département des ressources humaines pour faire un premier tri. Cas de charte, de discrimination, droitt à l’égalité des chances => comment opérationaliser le devoir éthique de transparence ? Doit-on imposer un devoir de justifications ? débats en recherches… biais des algorithmes
- Vie privée: texte dans Le Devoir. Droit à l’intériorité, ce droit d’avoir des opinions personnelles et de décider si on les diffuse… si un algorithme prédit mon opinion, contrevient-on à mon « droit d’intériorité »
- Droit du travail: distribution de la richesse, justice au travail, est-ce que nos politiques fiscales et sociales et scolaires sont bien calibrées pour redistribuer les richesses engendrées par l’IA ? Paupérisation exacerbée des démunis.
Réflexion éthique et réflexion avec les juristes et des technologues. Qu Québec: prise de conscience par l’entremise de la déclaration de Montréal sur l’IA responsable, qui sera dévoilée le 3 décembre prochain.
La question qui m’anime suite au panel: les algorithmes sont des outils, vivons nous un moment similaire à l’écriture du code civil au début du 19e siècle: observons-nous un nouveau modèle pour le droit (où ni les juges/précédents, ni un texte-code-autoritaire mais un algorithme stipule le droit) ou simplement l’accélération de ce qu’on fait ? Est-ce que l’accélération mènera à un système juridique homothétique (qui résistera à l’accélération) ou mutera-t-il au delà des systèmes actuels (distinction entre civilisme, common law, droit religieux… lex machina?).
Deuxième panel: IA et PI
Tom Lebrun, doctorant à l’Université Laval
Deux arguments:
- le droit doit tenir compte de l’appropriation des données: apprentissage machine: apprentissage statistique == du déductif à l’inductif (doctrine citée: Dominique Cardon sociologue 2018; Sobel 2017; Mc Cormack 2014; Guadamuz 2018; Shank & Owens 1991) – Jurisprudence: Apple Computer c. Mackintosh Computers 1987; Éditions JCL…. réflexe est de se dire qu’apprentissage machine = appropriation (mais il y a CCH)
- L’IA est un outil. L’auteur qui l’utilise doit être considéré comme titulaire. $ possibilités: IA comme auteur; IA comme travailleur que l’on sollicite; ne connaître aucun auteur; IA comme outil (celle que Lebrun privilégie). Jurisprudence: Geophysical Service Incorporated c. Encana 2016; Thomson c. Robertson 2006. Est-ce que l’oeuvre est suffisamment nouvelle? Cinar c. Robinson 2013;
(Modèle formel d’un neurone artificiel)
Caroline Jonnaert, juriste et doctorante, Université de Montréal
Sujet de thèse: Encadrement des créations par apprentissage profond dans le droit d’auteur; Une image vaut mille «maux»; un outil qui n’est pas comme un appareil photo pour le photographe; les rôles s’inversent
Problématiques en droit d’auteur
- processus créatif (c.f. la présentation de Tom Lebrun)
- résultante créative: réflexion tardive au Canada; consensus étranger autour du régime centré sur l’empreinte créatrice humaine; divers aménagements proposés
Critères: originalité? auteur… humain?
Ouverture sur les constats de Azzaria dans les CPI 30(3)
Réflexion: est-ce que les paramètres des outils constitue une sélection et l’arrangement de faits, qui amène une protection? Quid pour la sélection et l’arrangement du corpus source analysé par l’outil
Louis-Pierre Gravel, avocat chez Robic, brevets
Big data étude d’IBM; percent of time spent processing & collecting data études McKinsey & Bloomberg; The Economist prétend que les données sont la ressource ayant le plus de valeur
(Notions de base en IA) Types d’IA: descriptive; diagnostique; prédictive; prescriptive (prévenir ou reproduire)
Global AIO Talent Report 2018, ElementAI; Indeed.com
Protection par brevet de l’IA (outils ou résultats)
Étude de Warin, Le Duc, Sanger sur les brevets déposés en IA,
- “Mapping Innovations in Artificial Intelligence Through Patents: A Social Data Science Perspective” (Warin, T., Le Duc R., Sanger W.), Proc. Int. Conf. Comput. Sci. Comput. Intell. (CSCI), 2017.
Étude de l’OCDE de 2017 STI Digital Scoreboard : domaines de l’IA. Voir aussi le rapport de (NDLR: 2018 sur les emplois de l’avenir)
Critères pour un brevet: une invention! (ou une amélioration)
- La nouveauté: première du genre
- L’ingéniosité ou rapport inventif; critère de la non-évidence
- L’utilité: fonctionnalité de l’invention
Non-brevetable: découvertes ou théories scientifiques; formules mathématiques; algorithmes
Inventions mises en oeuvre par ordinateur: n’ajoute rien et n’enlève rien à la brevetabilité d’un appareil ou d’un procédé. L’utilisation de l’ordinateur n’est pas suffisante
Deux catégories en IA:
- Avancement dans les technologies de l’IA
- Nouveaux appareils ou procédés faisant appel à l’IA; la vision de l’IA comme outil
Voir le texte de Camille Aubin dans Les CPI 30(3)
Panel 3: IA + droit civil
Nicolas Vermeys, professeur à la Faculté de droit, Université de Montréal
La responsabilité civile: agent autonome; agent intelligent. Col bleu tué dans l’usine Volkswagen; accident avec une voiture autonome
1457 CcQ responsabilité civile: faute, dommage et lien de causalité. Réparer ce préjudice.
Chaîne d’intervenants, 6 individus : Concepteur; programmeur; entraîneur; propriétaire; propriétaire de la base de données; utilisateur
Qui est responsable ? Dépend:
- type d’IA: agent intelligent ou autonome (aspirateur ou voiture?)
- de la qualification de la relation entre l’IA et son utilisateur: propriété, agence/mandat, gardien
Régimes juridiques possibles applicables à l’IA
- Responsabilité pour le fait (autonome) des biens… au Québec, le CcQ 1465: le gardien d’un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome (nécessite une nouvelle conceptualisation de ce dernier point), absence d’intervention humaine directe; mobilité ou dynamisme… et qui est le « gardien » de l’IA (notions de surveillance et contrôle) parmi les 6 intervenants identifiés
- Accorder la personnalité juridique aux agents autonomes… intelligence? Indépendance/initiative? Accordée à des objets? Refuser la personnalité juridique parce que: pas de patrimoine, pas raisonnable – est-ce qu’une IA est douée d’intelligence? et la raison, un autre niveau… exemple de Rainman.
- Régime inspiré de la responsabilité pour les animaux. Art. 1466. Propriétaire vs. le gardien.
- Régime inspiré de la responsabilité pour les esclaves. Wright c. Weatherly, 15 Tenn. (7 Yer.) 367, 378 (1835)
Quelle approche adopter? Les avocats sont de mauvais oracles (« The blind are not good trailblazers »), cf. juge Easterbrook «Cyberspace and the law of the Horse» (1996) Uni. of Chicago Legal Forum 207
Antoine Guilmain, docteur en droit UMontréal + Paris 1, Fasken
William Deneault-Rouillard (en tandem)
IA + Contrat (excluant la blockchain)
Ça va régler tous les problèmes // Tout ou rien… fausse route
- Nouveaux modèles d’affaires: économie numérique. La donnée est une denrée. Contrat électronique, « I agree » sans lire, diarrhée contractuelle, gratuité et consommation (contrats d’adhésion, légalité), données comme contrepartie contractuelle, consentement…
- Application concrète de l’IA tout au long du cycle contractuel, recherche de co-contractants (marketing comportemental, ajustement de l’offre, embauche et analyse de candidatures), rédaction du contrat, compréhension et formation du contrat (recherche factuelle sur le cocontractant et quantification probabiliste du risque, adhésion: plug-in PrivacyCheck sur les conditions de contrats sur la vie privé ), gestion et analyse des contrats (reconnaissance automatique des types de contrats, recherche algorithmique de contrats….) (outil kira de Fasken), litige et interprétation contractuels (outil predictice), exécution du contrat
- Défis conceptuels: propriété des données (database protection/encryption, data protected by copyright, data protected by trade secrets, data protected by privacy and data protection law) source: R. c. Stewart 1988 – pas de vol car pas de propriété sur données; arrangements contractuels; responsabilité civile contractuelle (multiplicité d’acteurs et attribution contractuelle; exonération art. 1613 CcQ; protection du consommateur; normalisation des contrats – ISO)
Rapport Villany: garder la main
Pierre-Luc Déziel
Dans Les CPI (30)3.
Ce que disent les données lorsque les IA les font parler. Projet « myPersonality » Michal Kosinski
Limite ontologique, opérationnelle (Ewert c. Canada, 2018 SCS 2018), structurelle…
Panel 4: Domaines d’application
Marc Lacoursière (prof AED, U Laval), Ivan Tchotourian (prof ), Ann-Shirley Lebel (étudiante)
Défi de l’encadrement juridique de l’intelligence artificielle dans l’industrie bancaire et des valeurs mobilières
Céline Castets-Renards, prof. Journalisme
Dans Les CPI 30(3)
Outils aidant les journalistes. Outils se substituant aux journalistes. Outils qui rédigent pour les journalistes.
Enjeux:
- Questionnement lié à l’emploi: outils qui rédigent pour le journaliste. Stagiaires, pigistes, jeunes journalistes: quelle nouvelle génération de journaliste?
- Métier même de journaliste: déontologie et professionnels. Vérification des faits, recoupements, interroger les gens, investigation… l’outil peur remettre en cause ces facteurs fondamentaux de la profession. Pluralisme et la diversité des médias, aurons-nous tous les mêmes information, consensuels, convergence de l’information. Protection des sources
- Liberté de la presse, d’information, d’expression. Les outils ne sont pas neutres. Quelles données seront utilisées et par quels systèmes aboutirons-nous aux articles
Transparence algorithmique: pas créé par le RGPD. Art 22 pas de décision automatique algorithmique sans droit d’appel – à lire avec les art. 13 à 15 pour la logique sous-jacente. L’art. 22 n’introduit pas l’explication individuelle. Il faut regarder comment les états ratifient le RGPD. Le texte Français propose un droit à l’explication pour les acteurs publics.
Jie Zhu
Justice prédictive
Data analytics: descriptive / diagnostic analysis => predictive analytics => prescriptive analytics
Art contemporain Conférence Exceptions au droit d'auteur Montréal Utilisation équitable
L’art artificiel en cour
Olivier Charbonneau 2018-11-06
Basanta (gauche) Chamandy (droite). Source: Goodmans IP 29 oct. 2018. Reproduit et diffusé pour des fins d’utilisation équitable (tels que: éducation, communication de nouvelles, critique et compte rendu)
Le 23 novembre prochain aura lieu la Conférence Les Cahiers de Propriété Intellectuelle: droit + Intelligence artificielle, à laquelle je me suis empressé de m’inscrire. Mais ce matin, j’ai pu entendre ce qui me semble être une des première action en justice entre deux artistes à cause d’une oeuvre générée par algorithme.
La source provient de l’épisode 409 de CBC Spark par Nora Young, une émission scientifico-gook-numérique du radiodiffuseur national anglophone (Canadian Broadcasting Corporation). Le segment débute à 10 minutes de l’épisode 409 et dure une vingtaine de minutes.
Amel Chamandy, artiste, galériste et donatrice au MBAM (source), contre Alain Basanta, artiste et chercheur à Hexagram (Concordia). Basanta explore l’utilisation d’une IA pour créer de l’art et une des oeuvres, selon Chamandy, plagie une des siennes. L’expo de Basanta en cause se nomme All we even need is one another.
En plus de quelques détails et des entrevues de Basanta et la lecture d’une déclaration de l’avocat de Chamandy, Nora Young, l’animatrice de l’émission Spark de CBC, offre une entrevue du professeur Jeremy deBeer. À lire aussi, cette note sur le blogue de la CBC Radio.
Pour voir les images, je vous invite d’accéder à cet article du
Globe and Mail.
Nous y apprenons que l’avocat de Chamandy se nomme Me Pascal Lauzon et Chamandy est exposée à la
galerie NuEdge. Voir aussi ce billet de
Goodman IP, une firme d’avocats de Toronto.
Conférence Histoire et sciences sociales Montréal
Notes: Conférence d’Yves Gingras – Chaire Lexum
Olivier Charbonneau 2018-10-16
Conférence d’Yves Gingras – Chaire Lexum
Titre: De l’Homo Faber à l’homo Techo-logicus ou la fin de la nature
Approche: anthropologie philosophique (énoncé d’une thèse générique sur l’humanité)
Énoncé de thèse: humain est un être contre-nature anti-nature produit le plus paradoxal de la nature et les devenu un homo techno-logicus. Une critique de la critique de « la technique »
transformation des sciences à travers l’histoire humaine
Inspiration des années 1960: Ellul; Heidegger sur la technique. Selon Gingras, l’erreur fondamentale de ces discours est de dissocier l’humain de la techne.
Antiphon, 5-4e siècle avant J.C.: « là où la nature nous dominait, technès nous rend vainqueur »
Du grec, au latin, au français:
- technès: art, artisan…
- logos: raison, discours, langage…
- Techno-logie: théorie des techniques (Aristote et sa théorie des cinq machines simples: roue, coin, levier, vis, treuil, c.f. Questions de mécanique, 3-2e siècle)
- Technique à distinguer de la technologie
Technique contre technologie: le livre de Jacques Ellul: Le bluff technologie… oui, mais la compréhension des mots change avec le temps.
Illustration de sa thèse Historique de la technè par des exemples
- Texte hermétique, 4e siècle: L’homme maître de la nature?
- Francis Bacon 1620: Les secrets de la nature se révèlent plutôt sous la torture des expériences que lorsqu’ils suivent leur cours naturel
- Descartes 1637: « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature »
- Réponse romantique: Goethe aux rationalistes
- L’oeil instrumenté: le télescope contre l’oeil nu… par la pensée… matérialisée (Louis de Broglie: mécanique ondulatoire, 1924) Se développe une vision purement mathématique appliquée à des données == abstraction par analogie == microscope électronique 1931………
- Manipuler la matière: de 1897 et l’électron jusqu’à 1945 bombe atomique
- Manipuler la Terre: changement climatique, fracturation, …
- Manipuler la vie
La vie sans les humains… conclusion: l’humain est la première espèce contre-nature
Flore laurentienne de Marie-Victorain: reprise en charge des maisons par la nature dans un univers post-humain où l’anthropocène émerge de la révolution industrielle et confirme sa thèse
Communautés Conférence France Histoire et sciences sociales Lettres Montréal
Pistes pour se lancer dans le réseau
Olivier Charbonneau 2018-09-28
N’hésites pas à ajouter des pistes supplémentaires dans les commentaires de ce billet ou contactez-moi pour que je puisse renseigner cette liste.
Conférence France
Analyse réseaux complexes — Jour 5
Olivier Charbonneau 2018-09-28
J’ai l’énorme privilège de participer à l’École thématique CNRS sur l’Analyse de réseaux et complexité.
L’émergence des collectifs à partir des réseaux – Michel Grossetti
Objectifs: formalisation et application
Travaille sur un vocabulaire/ontologie
Entité
- Personne : tout humain vivant; les autres entités (animaux…) sont des ressources
- Ressources de coordination: sont impliquées dans les interactions entre les personnes
- Processus d’émergence (découplage) ou de dissolution (encastrement) des entités relativement à ce qui les constitue ou ce qu’elles contribuent à constituer
- Artistes encastrées dans un collectif (Beatles ensemble)
- Découplage – they split up
- Processus:
- Activité
- Action
- Interaction – créé son propre contexte
- Processus est une construction analytique regroupant des activités considérées comme liées entre elles
- …
- Collectifs et réseaux: composés de personnes et de ressources
- Collectif: ensemble de personnes partageant des ressources (contraintes/enjeux). Construction analytique (collectif analytique)
- Lorsque certaines des ressources produisent des coordinations spécifiques à l’ensemble concerné, un processus de découplage (d’émergence) s’enclenche. Au delà d’un certain niveau de découplage, un collectif devient un collectif explicite
- Analogue à « groupeÉ ; « classe sociale » ; « organisation
- Sphères d’activité et institutions
- sphère d’activité: implique un ensemble donné de ressources
- Comme les collectifs, certaines sphères d’activités sont explicites, institutionnalisés. Elles regroupent de nombreuses ressources spécialisés. D’autres sont seulement analytiques
- Les ressources de coordination spécifiques à une sphère ……
Processus d’émergence et de collectifs
3 scénarios
- Polarisation externe
- (Classes sociales de Marx)
- Théorie des marchés de Harrison White: phase 2: équivalence structurelle où chaque firme contracte avec chaque client d’un marché; le marché comme ensemble d’entreprises s’ajustant collectivement aux clients, comme des bancs de poisson – équivalence structurelle – revues spécialisées;
- Densification
- Mullins, Howard Benker, etc.
- Étape 1: réseau relativement ouvert, peu dense; Étape 2: groupement par densification des liens par des associations professionnelles ou industrielles, revues, etc. ; Étape 3: émergence de collectif par fragmentation de collectifs existants, sous-disciplines, spécialisation, voir polarisation interne: Mulkay et Edge, Andrew Abbott.
- Fragmentation
- Andrew Abbott. Ce dernier propose 3 types de fragmentation dans Chaos of disciplines, 2001: fragmentation simple, fractale, fractale avec reformulation
Entrepreneur de collectif: personnes ayant projets relativement au collectif
Émergence: permet d’aller au delà du binaire (existe/n’existe pas) pour un continuum de situations intermédiaires, ce qui est nécessaire pour étudier la constitution de collectifs; permet de mieux cerner les dynamiques; demanderait à être mieux précisée et équipée de critères empiriques
Modèles multi-agents et simulation – Paola Tubaro
Comment la structure des réseaux sociaux affecte-t-elle le travail d’équipe sur mars? ; Manzo et al. (2018) – la diffusion inégale d’innovation techniques – appartenance religieuse ; Casilli et al 2014 anorexie en-ligne ; … beaucoup d’autres exemples
Principes de fond
- On regarde les interactions sociales ; on s’intéresse aux propriétés émergentes ( c-a-d résultant des interactions) et, éventuellement, usage de simulation informatiques en l’absence de solutions analytiques (Axelrod & Tesfatsion 2006)
- « Générer des histoires » (Tesfatsion 2006), commerncer par des postulats concernant les agents et leurs interactions; puis, simuler les comportements d’un système où ces postulats s’appliquent; observer les conséquences dynamiques de ces postulats; produire des « expériences » …
Manzo, 2014b: usages des modèles multi-agents ; voir aussi Epstein 2006
Logiciels:
- Netlogo
- RNetlogo (Thiele et al, 2014)
- GAMA = dponnées spatiales
- OpenMole pour explorer les modèles
Visualisations de réseaux par matrices d’adjacence et représentations hybrides – Jean-Daniel Fekete
Logiciel de visualisation généalogique: http://aviz.fr/~fekete
Viz: Card & Mackinlay & Shneiderman: Readings in information 1999
Où se place la viz dans la chaîne scientifique? À quel endroit la positionner dans la structure épistémo-herméneutique / cadre théorique et conceptuel… ?
- 1. Théorie/loi en haut => 2. modèle => 3. statistiques descriptives => 4. faits ou mesures
- Entre modèle et statistiques descriptives: accommodement pour contradictions; « fits » ; Induces
- La visualisation se situe au niveau des données statistiques
Prof. Fekete positionne la visualisation de données au niveau des statistiques descriptives
Visual Patterns, logiciel NodeTrix : https://github.com/IRT-SystemX/nodetrix
Réseaux dynamiques: Boyandin et al. 2012
Beaucoup d’exemples de visualisation dynamiques: Animation visuelle: Maray & Eades 2001 ; TempoViz ……………….
Visualizing Dynamic Networks with Matrix Cubes [CHI] aviz.fr/cubix
Interactive Visualizations for Dynamic and Multivariate Networks: vistorian.net
Analyse multiniveaux et réseaux – Emmanuel Lazega & Julien Brailly
Voir: Multilevel network analysis for the social sciences : theory, methods and applications / Emmanuel Lazega, Tom A.B. Snijders, editors.
Exemples:
- système socio-sémantique (« éléments de connaissance » connectés à des « inventeurs »)
- système socio-écologiques Bodin et al. 2016 Theorizing benefiits…
- Système d’action multi-niveau Lazega 2007 Revue Française de sociologie aussi, Breiger 1974
Brailly 2016: dynamic networks of trade fairs, journal of economic geography
Europe des juges Dehousse, Forum de venise 2009
Multi-niveau et gestion des communs: gestion de l’eau en commun au Sénégal: Faye & Brailly
Table ronde : Analyse complexe et réseaux : quels enjeux interdisciplinaires ?
Conférence France
Analyse réseaux complexes — Jour 4
Olivier Charbonneau 2018-09-27
J’ai l’énorme privilège de participer à l’École thématique CNRS sur l’Analyse de réseaux et complexité.
Analyses longitudinales et réseaux – Claire Bidart
Ce matin, jeudi, j’ai pris 15 minutes de retard (juré!) car j’ai bouquiné au tabac du très sympathique village de Cargèse, il y avait une chouette sélection de bandes dessinées corses, alors j’ai manqué le début de la première session. En guise d’intermède, je vous balance la moitié de la 2e partie de ma thèse, où je traite du concept des réseaux du point de vue de la sociologie du droit. Pour lire l’ensemble de celle-ci, vous pouvez la télécharger depuis l’archive institutionnelle de l’Université de Montréal: Émergence de normes dans les systèmes économiques et sociaux d’oeuvres numériques protégées par droit d’auteur par Olivier Charbonneau
Très intéressante interprétation de visualisations basées sur une variable temporelle, où l’on peut voir différents graphes selon les moments de la vie d’un.e jeune diplômé.e.
Modèle comparables : trajectoires France, Québec, Argentine // les liens perdus sont rapidement oubliés.
Compléter le longitudinal avec des entretiens, études qualitatives
Graphes attribués dynamiques – Yoann Pitarch
Approche méthodologique, à nous d’utiliser ces outils pour notre discipline.
Graphe attribué: en plus de la structure, dirigé ou non, les noeuds du graphe sont équipés d’attributs. Ces attributs sont numériques, ordinaux ou catégoriels.
Dynamiques: séquence de graphes. Les noeuds changent de valeur d’attribut et les liens évoluent entre les lieux.
Graphe attribué dynamique (GAD), comme: médias sociaux; Loisirs; bibliométrie; biologie….
Dans l’ensemble de l’analyse de réseaux, on fait de la fouille de graphes. Il y a deux sous-ensembles, qui se recoupent légèrement par certains aspects:
- dynamiques, temporels, longitudinal: visualisation; détecter des communautés évolutives; évolution des indicateurs topologiques
- ainsi que attribués et multivariés: extraction de motifs; détection de communautés homogènes
- La présentation se situe à l’intersection de ces deux sous-ensembles.
Plan: Stocker et générer; Analyser: extraire des motifs caractéristiques, extraire communautés; visualiser
Gephi permet de visualiser et manipuler des GAD à travers le fichier .gexf
Stockage:
- Mouvance NoSQL
- Noe4j + langage d’interrogation Cypher (proche du SQL et SPARQL)
- Possibilité d’attribuer les sommets et les relations
- Mécanismes d’interrogation assez puissants mais sophistiqués
- Bases de données orientées graphes
- Problème de la modélisation du temps: les attributs deviennent des sommets; problème informatique difficilement résoluble
Générer les données
- DANCer [Benyahia et al. 2016]
Extraire des données
- Extraire des motifs dans les GAD: règles d’attribution [Agrawal et Srikant 1994], motifs séquentiels [A & S 1995], sous-graphes fréquents [Yan et Han 2002]
Analyser les motifs
- Cohesive co-evolution patterns: Desmier et al. 2012
- Motifs de déclenchement: Kayttoue et al. 2015 [what effects topological changes in dynamic graphs]
- Vers la co-construction de nouveaux types de motifs et de nouvelles contraintes entre les SHS et les informaticiens
- Détection des communautés: Bello et al. 2016 [community detection…]
Saisir le temps : les usages archéologiques de l’analyse de graphes – Clara Filet & Sébastien Plutniak
Sémantique de graphes archéologiques: Feugnet et al. 2017 [co-presence analysis and economic patterns…]
Mesures de (Dis)similarité: Mills et al. 2013 [transformation of social networks…]
Analyse des interactions temporelles avec les flots de liens (Matthieu Latapy)
http://complexnetworks.fr/
Pas réseau: interaction (événement à un moment donné) plutôt que relation entre des entités d’un réseau
Conférence LLD
Intermède : le réseau dans ma thèse (jour 4)
Olivier Charbonneau 2018-09-27
J’ai l’énorme privilège de participer à l’École thématique CNRS sur l’Analyse de réseaux et complexité.
Ce matin, jeudi, j’ai pris 15 minutes de retard (juré!) car j’ai bouquiné au tabac du très sympathique village de Cargèse, il y avait une chouette sélection de bandes dessinées corses, alors j’ai manqué le début de la première session. En guise d’intermède, je vous balance la moitié de la 2e partie de ma thèse, où je traite du concept des réseaux du point de vue de la sociologie du droit. Pour lire l’ensemble de celle-ci, vous pouvez la télécharger depuis l’archive institutionnelle de l’Université de Montréal: Émergence de normes dans les systèmes économiques et sociaux d’oeuvres numériques protégées par droit d’auteur par Olivier Charbonneau
2.1.2.3 Le pouvoir communicationnel, vers les réseaux
[202] À la théorie des systèmes sociaux de Luhmann, nous désirons juxtaposer certaines autres théories des sciences sociales et juridiques afin de mieux conceptualiser notre problématique. Les réseaux jouissent d’une certaine popularité depuis quelques années et représentent une structure sociale flexible et puissante pour représenter des réalités à étudier379. Le paradigme du réseau n’est pas étranger à la sociologie. Les critiques380 des réseaux les opposent à l’arbre, une structuration hiérarchique et centralisée et note que l’émergence de ce concept n’est pas si contemporain que l’on pense. Par contre, nul ne peut nier l’engouement récent pour le concept de réseau dans plusieurs domaines, dont la sociologie.
[203] Sur le thème de la communication dans les systèmes sociaux et des réseaux en particulier, il est impossible de passer sous silence les travaux de Manuel Castells381. En effet, ce chercheur américain d’origine espagnole précise que :
« Power is primarily exercised by the construction of meaning in the human mind through processes of communication enacted in global/local multimedia networks of mass communication, including mass self-communication. Although theories of power and historical observation point to the decisive importance of the state’s monopoly of violence as a source of social power, I argue that the ability to successfully engage in violence or intimidation requires the framing of individual and collective minds. » 382
379 DUNCAN J. WATTS, «The “New” Science of Networks», (2004) 30 Annual Review of Sociology 243 380 PIERRE MUSSO, Critique des réseaux, Presses Universitaires de France, 2003
381 MANUEL CASTELLS, Communication power, Oxford ; New York, Oxford University Press, 2009
382 Id. , p. 416
[204] Le rôle de la communication pour Castells est de servir de vecteur aux acteurs d’un réseau pour tisser des liens ou des relations de pouvoir. Mais la théorie de Castells, quoique importante du point de vue du paradigme de la communication, nécessite l’introduction du concept du réseau. Le réseau est une forme ou manifestation particulière d’un système social.
[205] Manuel Castells a longuement réfléchit à l’émergence des réseaux383 dans nos société dans son opus du début du 21e millénaire. Comme le note Webster :
«Castells argues that we are undergoing a transformation towards an ‘information age’, the chief caracteristic of which is the spread of networks linking people, institutions and countries. There are many consequences of this, but the most telling is that the network society simultaniously heightens divisions while increasing integration of global affairs. Castells’s concern is to examine ways in which globalization integrates people and processes and to assess fragmentations and disentagrations. » 384
[206] Justement, dans sa trilogie de la société en réseau, Castells affirme que la structure sociale du réseau offre une nouvelle façon de concevoir la réalité contemporaine, particulièrement dans un contexte hautement numérique. Il définit les réseaux comme suit :
« Networks constitute the new social morphology of our societies, and the diffusion of networking logic substantially modifies the operation and outcomes in processes of production, experience, power, and culture. […] A network is a set of interconnected nodes. A node is the point at which a curve intersects itself. What a node is, concretely
383 MANUEL CASTELLS, The Internet galaxy : reflections on the Internet, business, and society, Oxford ; New York, Oxford University Press, 2001
384 FRANK WEBSTER, Theories of the information society, 3rd, New York, Routledge, 2006 , p. 101-2
speaking, depends on the kind of concrete network of which we speak. » 385
[207] Les réseaux peuvent émerger dans différentes sphères et Castells précisent que la :
« new economy is organised around global networks of capital, management, and information, whose access to technological know- how is at the roots of productivity and competitiveness. » 386
[208] Les réseaux, toujours selon Castells, constituent un changement qualitatif dans l’expérience humaine. La culture, longtemps dominée par la nature, a su assoir son emprise sur celle-ci suite à la Révolution industrielle. Suite à l’émergence des réseaux, nous débutons une troisième ère387, que certains nomment la société postindustrielle388. Il s’en suit donc que l’information, et la communication de celle-ci, devient le facteur déterminant dans l’analyse de la société en réseau.
[209] Du point de vue de la culture, Castells spécifie que :
« cultures manifest themselves fundamentally through their embeddedness in institutions and organizations. By organizations, I understand specific systems of means oriented to the performance of specific goals. By institutions I understand organizations invested with the necessary authority to perform some specific tasks on behalf of societies as a whole. » 389
385 MANUEL CASTELLS, The rise of the network society, 1, Oxford ; Malden, MA, Wiley-Blackwell, 2010 , p. 500-1
386 Id. , p. 502
387 Id. , p. 508
388 DANIEL BELL, The coming of post-industrial society : a venture in social forecasting, London, Heinemann Educational, 1974
389 M. CASTELLS, préc., note 385 p. 163-4
[210] Cette distinction entre organisation et institution rappelle le processus de légitimation en démocratie de Habermas que Castells390 cite directement. En fait,
« the institutions of the state and, beyond the state, the institutions, organisations, and discourses that frame and regulate social life are never the expression of « society, » a black box of polysemic meaning whose interpretation depends on the perspective of social actors. They are crystallized in power relationships […] that enable actors to exercise power over other social actors in order to have the power to accomplish their goals. » 391
[211] Voilà l’intérêt global de l’approche de Castells :
« Actors produce the institutions of society under the conditions of the structural positions that they hold but with the capacity (ultimetaly mental) to engage in self-generated, purposive, meaningful, social action. This is how structure and agency are integrated in the understanding of social dynamics, without having to accept or reject the twin reductionisms of structuralism or subjectivism. This approach is not only a plausible point of convergence of relevant social theories, but also what the record of social research seems to indicte. » 392
[212] Castells offre donc une critique et une contextualisation du structuralisme, dont Luhmann est un théoricien. Castells cherche à souligner que :
« power is not located in one particular social sphere or institution, but it is distributed throughout the entire realm of human action. Yet, there are concentrated expressions of power relationships in certain social forms that condition and frame the practice of power in society at large by enforcing domination. Power is relational, domination is institutional. » 393
[213] Ironiquement, les réseaux nécessitent certaines technologies. Ils dépendent aussi de la maturité sociale des sociétés industrialisées, voire
390 M. CASTELLS, préc., note 381, p. 12 391 Id. , p. 14
392 Id.
393 Id. , p. 15
postindustrielles394, pour supplanter les hiérarchies395, principalement pour permettre à leur « flexibility, scalability and survivability 396 » d’émerger et de se réaliser pleinement. Le pouvoir dans un réseau s’exerce par ceux qui créent et opèrent les réseaux ainsi que par ceux qui établissent des liens entre les réseaux et en leur sein. En réalité :
« the power holders are the network themselves. Not abstract, unconscious networks, not automata : they are human organized around their projects and interests. But they are not single actors (individuals, groups, classes, religious leaders, political leaders), since te exercise of power in the networksociety requires a complex set of joint action tht goes beyond alliances to become a new form of subject, akin to what Bruno Latour has brilliantly theorized as the « actor- network. ». » 397
[214] Pour le sociologue des sciences Bruno Latour398, cité par Castells, la théorie des réseaux de Castells épouse les deux définitions possibles du terme, soit celui de réseau technique (téléphonique, électrique, numérique) ainsi que celui qui est utilisé en sociologie pour distinguer les organisations, les marchés et les états. Toujours selon Latour399, Castells a, dans son recours sur les technologies de l’information, imaginé un mode privilégié d’organisation.
[215] Castells étoffe le systémisme luhmannien grâce à la topographie particulière du réseau. D’un côté, Luhmann stipule qu’un système émerge en réaction à la complexité de son environnement. De l’autre,
394 D. BELL, préc., note 388
395 M. CASTELLS, préc., note 381, p. 22
396 Id. , p. 23
397 Id. , p. 45
398 BRUNO LATOUR, Reassembling the social an introduction to actor-network-theory, Oxford ; New York :, Oxford University Press, 2005 , p. 129
399 Id.
Castells indique que les agents interagissent en réseau pour déployer leur pouvoir par des institutions. La complexité de Luhmann devient le pouvoir de Castels. Il est essentiel de juxtaposer ces deux théories sociologiques dans le contexte de nos travaux afin de pouvoir passer d’un bagage de connaissance à l’autre.
[216] L’intérêt de cette juxtaposition conceptuelle découle aussi d’une réalité où les agents sociaux se coordonnent en classes formant des entités distinctes, mais hautement symboliques. Les agents, au sein d’une même classe d’individus homogènes ou entres diverses classes, sont liées, tour à tour, par des liens. Plus simplement, les agents se structurent en réseau et ces réseaux d’agents constituent une nouvelle structure sociale, elle-même entrant en relation avec d’autres structures. Pour tout dire, si le réseau représente une structure possible des éléments d’un système social, il semble que le paradigme du réseau soit une structure qui est de plus en plus évoquée et étudiée pour appréhender des circonstances où des éléments d’un système social se coordonnent par consensus.
[217] Ainsi, si le concept de communication permet de créer une théorisation ouverte des relations entre les éléments d’un système social, celui du réseau permet de constater, à un niveau conceptuel équivalent, que cette morphologie particulière impacte l’élaboration de notre méthodologie. Pour Luhmann et Castells, les risques et les
coordinations découlant des communications entre des éléments d’un système social permettent d’étudier les contours de ces systèmes sociaux. Le paradigme du réseau permet de comprendre une forme particulière de système dans lequel les éléments interagissent.
[218] Les théories de Luhmann sur les systèmes sociaux offrent les outils conceptuels nécessaires pour appréhender cette réalité mais l’intérêt d’un rapprochement entre les systèmes sociaux et les réseaux est de faire le pont entre certaines théories complémentaires des sciences sociales et juridiques. Cette morphologie peut s’appliquer aux relations entre les éléments d’un système social pour représenter l’émergence d’un ordre négocié ou consensuel. Justement, cette même dialectique se voit reflétée dans le domaine juridique.
[219] Pour tout dire, le concept de réseau s’est imposé pour décrire certaines réalités sociales et se juxtapose parfaitement aux théories systémiques. Comme nous l’avons évoqué, son incorporation en droit ouvre la porte à l’étude de systèmes complexes afin d’en voir émerger des normativités nouvelles.
2.1.2.4 La quantification des réseaux
[220] Bien avant que les sociologues aient recours aux paradigmes associés aux réseaux, les mathématiciens ont développés des outils conceptuels et analytiques sophistiqués pour étudier les réseaux. Les premiers travaux à cet effet sont tracés à Euler au 18e siècle avec la
théorie des graphes400 où une série de relations sont représentés par des noyaux connectés par des vecteurs. Malgré un certain intérêt pour ces questions du point de vue des mathématiques théoriques depuis le milieu du 20e siècle, il a fallu attendre l’émergence des ordinateurs ainsi que d’Internet pour que le paradigme du réseau prenne réellement son envol401. Aujourd’hui, des outils informatiques puissants permettent de capturer des données ayant trait à des réseaux existants. De plus, les ordinateurs permettent maintenant une représentation des réseaux complexes soit par une analyse statistique, soit par une visualisation ultérieure grâce à de nouveaux outils tels les bases de données relationnelles ou graphiques402.
[221] L’étude des réseaux réels403 grâce aux mathématiques permet de dégager des constats surprenants à partir de données n’ayant aucun lien entre elles. Il semble que l’interconnexion des pages sur Internet, les relations entre les neurones du cerveau, ou quelles protéines interagissent avec d’autres dans une cellule, tous des exemples de réseaux réels, ont des propriétés mathématiques inhérentes, peu importe la situation qu’ils représentent404.
400ALBERT-LASZLÓ BARABÁSI, Network Science, Boston, MA, Center for Complex Network Research, 2012 p. 24
401 Id.,p.8
402 Id.
403 À l’opposés des réseaux théoriques, dits aléatoires. Les noyaux sont reliés par des vecteurs d’une manière aléatoire.
404 ALBERT-LASZLÓ BARABÁSI, Linked : the new science of networks, Cambridge, Mass. :, Perseus Pub., 2002 , p. 21
« Real networks are governed by two laws : growth and preferential
attachment. Each network starts from a small nucleus and expands
with the addition of new nodes. Then these new nodes, when deciding
where to link, prefer the nodes that have more links. These laws
represent a significant departure from earlier models, which assumed
a fixed number of nodes that are randomly connected to each other. » 405
[222] Également, l’étude des réseaux réels permet de voir émerger certains autres paramètres. Premièrement, il est possible de calculer la distance (moyenne ou maximale) entre deux noyaux et, malgré la complexité des réseaux réels, cette valeur est relativement basse406. L’étude de Stanley Milgram407 a, par exemple, confirmé que chaque Américain est séparé de n’importe quel autre concitoyen par six degrés de séparation et représente une manifestation particulière des réseaux réels. Sur un thème similaire, Granovetter408 a déterminé qu’il est plus probable que nous dénichions un emploi grâce à une connaissance plutôt qu’un ami intime. Son étude sociologique offre un autre exemple de notre petit monde (small world) où certains noyaux ont une quantité disproportionnée de liens, ce qui en fait des moyeux. Les autres ont une quantité moindre de liens. La distribution des liens pour chaque noyau dans les réseaux réels suit une loi de puissance. Ces deux études ont révélé des topographies de réseaux réels qui se répercutent à travers d’autres réseaux réels.
405 Id. , p. 95
406 Id. , p. 69
407 STANLEY MILGRAM, «The small world problem», (1967) Psychology Today 60
408 GRANOVETTER, «The strenght of weak ties», (1973) 78 American Journal of Sociology 1360
[223] L’analyse mathématique des réseaux réels a généré une littérature considérable dans divers domaines des sciences pures qui est hors de la portée de nos travaux. Par contre, il convient de relater ces constats surprenants, où des réseaux, à priori sans rapport les uns avec les autres, semblent suivre des lois analogues. Comme si, malgré les disparités entre les éléments constituant les divers réseaux étudiés, des dynamiques propres émergent :
« traditional approaches to networks have tended to overlook or oversimplify the relationship between the structural properties of a network system and its behavior. A lot of the recent work on networks, by contrast, takes a dynamical systems view according to which the vertices of a graph represent discrete dynamical entities, with their own rules of behavior, and the edges represent couplings between entities. Thus a network of interacting individuals, for instance, or a computer network in which a virus is spreading, not only has topoligical properties, but has dynamical properties as well. Interacting individuals, for instance, might affect one another’s opinions in reaching some collective decision (voting in a general election, for example), while the outbreak of a computer virus may or may not become an epidemic depending on the patterns of connections between machines. Which outcome occurs, how frequently they occur and with what consequences, are all questions that can only be resolved by thinking jointly about structure and dynamics, and the relationship between the two. » 409
[224] Ainsi, les réseaux réels dynamiques offrent une série d’outils conceptuels essentiels pour appréhender la réalité de systèmes complexes : distance moyenne faible entre les noyaux malgré leur grand nombre; émergence de moyeux ayant un grand nombre de liens; importance de la topographie du réseau pour appréhender sa robustesse. Pour tout dire, il est non seulement primordial de
409 M. E. J. NEWMAN, The structure and dynamics of networks, Princeton, N.J. :, Princeton University Press, 2006 , p. 7
comprendre les concepts de réseaux en sociologie et en droit, il faut également creuser jusqu’aux racines mêmes des réseaux, jusqu’aux mathématiques. Il s’en suit la découverte d’une harmonie et d’un potentiel épistémique inégalé que nous désirons creuser ultérieurement.
Chapitre 2.2 Le réseau et le droit
[225] Si les théories associées aux systèmes sociaux proposent des outils conceptuels robustes mais généraux pour évoquer n’importe quelle topographie sociale, celle du réseau en évoque une spécifique où des noyaux sont interconnectés par des vecteurs dans une multiplicité de liens. À ces deux approches conceptuelles, l’une générale et l’autre spécifique, nous ajoutons celle de l’internormativité qui vient contextualiser la nature et le rôle des liens ou vecteurs dans un système social. Donc, au système social, structure générique, nous introduisons le réseau comme morphologie particulière sociale et identifions l’internormtivité contractuelle comme conceptualisation possible des liens unissant les éléments des réseaux.
[226] Ost et Van de Kerchove410 théorisent que des systèmes juridiques peuvent osciller entre la morphologie de la pyramide et du réseau. Ainsi,
« Avec le réseau, l’État cesse d’être le foyer unique de la souveraineté (celle-ci ne se déploie pas seulement à d’autres échelles, entre pouvoirs publics infra et supra-étatiques, elle se redistribue entre de puissants pouvoirs privés); la volonté du législateur cesse d’être reçue comme un dogme (on ne l’admet plus que sous conditions, au terme de procédures complexes d’évaluation tant en amont qu’en aval de l’édiction de la loi); les frontières du fait et du droit se brouillent; les pouvoirs interagissent (les juges deviennent co-auteurs de la loi et les subdélégations du pouvoir normatif, en principe interdites, se multiplient); les systèmes juridiques (et plus largement, les systèmes normatifs) s’enchevêtrent; la connaissance du droit, qui revendiquait hier sa pureté méthodologique (monodisciplinarité) se décline aujourd’hui sur le mode de l’interdisciplinarité et résulte plus de
410 FRANÇOIS OST et MICHEL VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau? – Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002
l’expérience contextualisée (learning process) que d’axiomes a priori; la justice, enfin, que le modèle pyramidale entendait ramener aux hiérarchies de valeurs fixées dans la loi, s’appréhende aujourd’hui en termes de balances d’intérêt et d’équilibrations de valeurs aussi diverses que variables. » 411
[227] Un système juridique opérant selon le paradigme du réseau est donc gouverné selon des normes négociées entre divers agents sociaux menant à une règlementation d’un système social412. Cette approche amène, selon Chevallier413, un « pragmatisme » qui :
« conduit à infléchir les conditions d’emploi de la technique juridique : tandis que l’espace du droit conventionnel connaît un constant élargissement, les destinataires sont de plus en plus fréquemment associés au processus d’élaboration des normes et des procédés informels d’influence et de persuasion viennent relayer les modes de commandement traditionnels. » 414
[228] Toujours selon Chevallier415, ce pragmatisme juridique s’articule par la contractualisation des rapports entre l’État et les gouvernés par le biais d’une rationalité coopérative et d’une logique de coordination. Il s’inscrit également dans un droit négocié suite à des consultations avec des groupes d’intérêt, voire les citoyens eux-mêmes. Finalement, la norme devient non prescriptive par un droit « doux » ou « flou » ou « mou »416, c’est-à-dire qu’il suggère des recommandations, offre des
411 Id. , p. 14
412 ANTOINE BAILLEUX, «À la recherche des formes du droit : de la pyramide au réseau», (2005) 55 Reviue internationale d’études juridiques 91 , p. 102-4
413 JACQUES CHEVALLIER, L’État post-moderne, 35, coll. «Droit et société», Paris, L.G.D.J., 2008 , p. 137
414 Id. , p. 138
415 Id. , p. 138-46
416 C. THIBIERGE, «Le droit souple. Réflexion sur les textures du droit», 2003 Revue trimestrielle du droit civil 599
options ou un partage les responsabilités. Le droit, par le biais de la déconstruction du sens de son texte devient hétéronome417.
[229] Le Conseil d’État de la France418 propose plutôt l’expression «droit souple» pour évoquer ce phénomène.
« [Il] parraît possible de définir le droit souple comme l’ensemble des instruments réunissant trois conditions cumulatives :
– ils ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ;
– ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ;
– ils présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit. »419
[230] Le Conseil d’État étoffe sa conception du droit souple par une multitude d’exemples. Ainsi, outre le droit international, où le concept de droit souple a déjà pris ses premières racines, le droit administratif l’incorpore pour la gestion des responsabilités ou politiques de l’État avec les organes qui lui sont tributaires, tels les municipalités. Également, il est souvent question du droit souple dans l’appréhension par le législateur de phénomènes technologiques420 ainsi que dans
417 PAUL AMSELEK, «La teneur indécise du droit», 1991 Revue de droit public 1199
418 Le droit souple, Paris, La documentation Fançaise, 2013
419 Id. , p. 61
420 Id. , p. 239-246 (Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de laCommission nationale de l’informatique et des libertés y signe un texte sur la régulation des données personnelles)
l’inclusion des normes techniques421 ou des codes volontaires422 de communautés.
[231] Nous poursuivons l’articulation de notre cadre conceptuel en abordant l’internormativité contractuelle. Cette théorie permet de solidifier le rôle du contrat en tant que communication dans un système social mais aussi de vecteur dans un réseau de nœuds d’où émergent des normes.
421 Id. , p. 275-290
422 Codes volontaires : guide d’élaboration et d’utilisation, Gouvernement du Canada, 1998 http://www.ic.gc.ca/eic/site/oca-bc.nsf/vwapj/codesvol.pdf/$FILE/codesvol.pdf
Section 2.2.1 Internormativité contractuelle
[232] Dans son étude du rôle d’une multinationale dans l’économie d’une région du Québec, Jean-Guy Belley a développé une théorisation des relations découlant des interactions entre agents sociaux. Le chercheur propose que :
« la problématique de l’internormativité se ramène pour l’essentiel à l’étude des types de conjonction des normativités ou des modes de combinaisons des éléments légaux, statutaires et contractuels à travers lesquels se réalise la régulation des échanges économiques. » 423
[233] Ainsi, l’internormativité se greffe aux concepts de système et de réseau afin d’offrir une opportunité supplémentaire de lier la transaction économique telle que représentée par le contrat à ces théories sociologiques. La structure même de l’internormativité permet de concevoir avec plus de nuance et de pertinence le rôle des vecteurs ou des liens entre les éléments d’un système social.
[234] Un des objectifs de Belley consiste à théoriser sur le rôle du contrat non seulement dans un système social, mais aussi du point de vue du droit. Ainsi, il propose une typologie orientant la problématique générale de l’analyse de l’internormativité contractuelle :
« En reconnaissant que les contrats ont leurs sphères d’opérations propres, mais entretiennent aussi des rapports d’interaction du fait de l’inclusion des espaces et des temps les uns dans les autres, on est logiquement conduit à distinguer deux ordres différents de problèmes dans la problématique générale de l’internormativité contractuelle. Dans une perspective statique, il s’agit de comprendre et d’expliquer la réalité de chaque type de contrat dans sa sphère propre. L’objectif
423 J.G. BELLEY, préc., note 286, p. 197
est dans ce cas de rendre compte des manifestations et du contenu obligationnel spécifiques des contrats légal, règlementaire, normalisé, social et moral […]. Dans une perspective dynamique, il s’agira, d’une part, d’étudier les effets d’un type de contrat sur les autres en mettant en évidence des phénomènes de législation, règlementation, normalisation, socialisation et moralisation du contrat. Cette double perspective permet de mesurer à quel point le recours à certains concepts fondamentaux peut s’avérer improductif pour la compréhension adéquate des choses si l’on ne se soucie pas d’en dédogmatiser l’acception courante. » 424
[235] L’internormativité contractuelle propose donc une structure ainsi qu’une méthodologie à suivre pour étudier le phénomène du contrat dans un système social. Les contrats dits légaux « s’exercent en rapport explicite avec deux logiques externes liées à la présence de l’État et de son ordre juridique.425» Pour sa part, le contrat dit règlementaire se conforme plus étroitement à la « légalité interne de l’entreprise » et cherche à harmoniser l’interaction des fournisseurs avec la logique bureaucratique propre de l’entreprise, telle qu’établie par sa mission et son fonctionnement propre426.
[236] Quant à lui, le contrat normalisé systématise les relations contractuelles afin d’articuler de nouvelles opérations de gestion de l’organisation. Par exemple, l’informatisation permet de gérer les relations avec les fournisseurs, pour automatiser le traitement des commandes matérielles. Le contrat normalisé vise les interactions
424 Id. , p.230 425 Id. , p. 205 426 Id. , p. 208
correspondant à des normes techniques ou des modalités quantifiables427. Puis :
« Le contrat social est celui qui se ressent significativement de l’existence d’une collectivité dont les besoins et les normes sont pris en compte par les contractants. […] Le contrat social se distingue, par ailleurs, du contrat auquel se réfère les doctrines classiques de la science économique et de la science juridique par au moins trois caractéristiques majeures. Premièrement, il définit un projet d’échange économique général, une association multidimensionnelle et de longue durée, plutôt qu’un projet limité à un échange spécifique. Deuxièmement, le rapport contractuel entre les parties se conçoit dans l’asymétrie des statuts et fonctions plutôt que dans l’égalité postulée par la doctrine classique. Troisièmement, les normes du contrat social sont implicites et de contenu indéterminé, la nature et les circonstances de l’association entre les parties sont censées leur dicter intuitivement les obligations à respecter au gré de l’évolution des choses, sans qu’il soit besoin de recouvrir à un tiers pour les déterminer d’autorité ou pour en forcer le respect. »428
[237] Finalement, le contrat moral « participe de la normativité d’une relation établie au fil des années entre deux individus et deux organisations. »429 La confiance et le décorum jouent un rôle de premier plan dans ce contexte.
[238] Belley ajoute que l’internormativité contractuelle permet de combiner les doctrines contractuelles dans des espaces et des moments variés d’un groupe d’agents. Il suffit de voir apparaitre une énonciation commune de volontés ainsi qu’un degré suffisant d’autonomie des parties afin de pouvoir valider cette approche théorique430. Par ailleurs,
427 Id. , p. 210-211
428 Id. , p. 213-214
429 Id. , p. 217
430 Id. , p. 231 « La problématique de l’internormativité contractuelle est donc aussi celle de l’interaction des notions ou doctrines du contrat élaborées à tel ou tel niveau spatial, dans telle ou telle conjoncture temporelle. Le chercheur ne doit pas adopter lui-même une de ces doctrines à l’exclusion des autres. Dans la mesure où
Belley note la relativité des concepts de loi, de statut et de contrat à la lumière de l’internormativité contractuelle431.
[239] Nous constatons des similitudes entre les thèses de Belley et l’approche générale de Lon Fuller. Les deux cherchent à ouvrir les études juridiques à l’analyse contractuelle432 en intégrant le rôle de la coutume dans l’activité législative433 ainsi que le contrôle social434. Il devient nécessaire de poser un cadre conceptuel étanche pour introduire le contrat dans l’épistémologie juridique. Le contrat, les agents ainsi que leur contexte social deviennent des thèmes centraux dans l’élaboration d’études juridiques.
[240] L’intérêt de l’internormativité contractuelle est donc de proposer une typologie des relations contractuelles qui découlent naturellement des relations sociales et économiques d’un système donné. Ainsi, cette théorisation s’ajoute à l’analyse systémique, qui propose un cadre général pour décrire un environnement donné ainsi que à l’analyse des réseaux qui offre une typologie flexible pour étudier les relations sociales.
une définition opérationnelle du contrat lui est indispensable, les critères distinctifs de la normativité contractuelle devraient se limiter à des éléments fondamentaux, c’est-à-dire repérables à tous les niveaux d’espace et dans toutes les temporalités. L’autonomie minimale des acteurs et la conception d’un projet de coordination bilatérale m’apparaissent être à cet égard deux indicateurs nécessaires et suffisants. L’échange de consentements individualisés et l’énonciation de promesses explicites sont, au contraire, des critères accessoires, même s’ils peuvent être considérés décisifs dans la doctrine d’un ordre juridique opérant dans un espace-temps donné. »
431 Id. , p. p. 230
432 LON L. FULLER, «Consideration and Form», (1941) 41 Columbia Law Review 799
433 LON L. FULLER, «Human Interaction and the Law», (1969) 14 Am. J. Juris. 1
434 LON L. FULLER, «Law as an Instrument of Social Control and Law as a Facilitation of Human Interaction Essay», (1975) 1975 BYU L.Rev. 89
Section 2.2.2 Exemples de règlementation par les réseaux
[241] Dans cette section, nous recenserons les théories de chercheurs qui traitent de cadres juridiques en droit de l’information sans toutefois évoquer directement celui du droit d’auteur. L’objectif est donc d’identifier des domaines analogues où le droit en réseau est employé avec succès afin d’en étudier les ramifications.
[242] Nous débuterons avec une incursion dans le domaine de la gestion des renseignements personnels par l’État dans un contexte d’informatisation galopante des infrastructures et de la prestation de services. Ensuite, nous explorerons le cas des risques informationnels des communications dans les réseaux informatiques. Puis, nous nous attarderons à des communautés de brevets (patent pools). Le lien avec le droit d’auteur, à un certain niveau d’abstraction du moins, est relativement direct. En premier lieu, ces régimes juridiques édictent des mécanismes d’interdiction d’utilisation ou de diffusion d’information. Ensuite, ils regroupent une pluralité d’intervenants ayant des objectifs parfois divergents et un accès inégal à des ressources. Nous espérons pouvoir tirer des leçons de ces approches théoriques puisque ces problèmes juridiques sont similaires à ceux qui nous préoccupent.
2.2.2.1 Aires de partage et gestion des risques des données personnelles
[243] L’émergence du cyberespace vers la fin du 2e millénaire a amené son lot de tensions. Une génération de chercheurs analyse ces mutations pour réfléchir à de nouvelles manières de les concevoir435. Parmi ces sujets, la protection de la vie privée et des renseignements personnels a suscité plusieurs réflexions concernant les mutations qui sont nécessaires pour que le cadre juridique permette de tirer avantage de l’informatisation des rapports entre l’État et les citoyens, une informatisation des rapports qui est rendue possibles grâce aux réseaux numériques436. L’intérêt de ces changements est donc de bonifier l’offre de service des administrations publiques. Cependant, ces modifications doivent s’effectuer sans toutefois ériger la protection des renseignements personnels en interdiction absolue qui nuirait au partage d’information entre les structures de l’État. Les nouvelles conceptualisations qui découlent de ces travaux offrent de nouvelles avenues pour les problématiques qui nous intéressent.
[244] Parmi ces chercheurs, Pierre Trudel, professeur titulaire au Centre de recherche en droit public (CRDP) de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, a articulé le concept d’aire de partage, qui :
435 PIERRE TRUDEL, Droit du cyberespace, Montréal, Les Éditions Thémis, 1997
436 PIERRE TRUDEL, Améliorer la protection de la vie privée dans l’administration électronique : pistes afin d’ajuster le droit aux réalités de l’État en réseau, Centre de recherche en droit public; Chaire L.R. Wilson sur le droit des technologies de l’information et du commerce électronique, 2003 http://www.institutions- democratiques.gouv.qc.ca/acces-information/documents/Rapport_Me_Pierre_Trudel.pdf , p. 43
«35. […] peut être définie comme un environnement d’information dans lequel des données personnelles nécessaires à la délivrance d’un ensemble de services accomplis au bénéfice des citoyens peuvent être rendus disponibles à différentes entités. Ces services ou prestations ont un caractère complémentaire et leur accomplissement nécessite des informations détenues par une pluralité d’entités liées par une entente. La notion fournit un concept adapté aux réalités des réseaux et permet de concevoir les droits et obligations de l’ensemble de partenaires du e-gouvernement.
36. Le concept renvoie à un ensemble de mécanismes balisant la circulation de l’information et en délimitant les usages. Il s’agit d’organiser l’espace au sein duquel les données peuvent circuler. Le cadre qui en découle définit les droits et les responsabilités. Les protections sont conçues de manière à garantir que les données seront effectivement utilisées pour des fins licites, plutôt que pour empêcher leur circulation.
37. Au plan juridique, l’aire de partage est un espace régulé. Au plan technique, c’est un espace normé. Elle permet de situer les protections qui doivent être assurées à l’égard des données personnelles de même que les responsabilités respectives de tous ceux qui se trouvent à en avoir la maîtrise au sein d’un espace en réseau. » 437
[245] À strictement parler, il est question de confiance et de publicité des ententes qui régulent cet espace normatif informationnel. Ainsi, les instances gouvernementales et les organisations de prestation alignent leurs pratiques sur un cadre normatif et règlementaire qui facilite le déploiement de services communs qui dépendent eux-mêmes du partage de renseignements personnels. Technologie et droit se conjuguent donc pour bonifier l’approche de plusieurs intervenants. Le cadre juridique est édicté par des politiques ou des contrats de services à l’intérieur du cadre juridictionnel de ces organisations. Par ailleurs, les technologies modulent et sont développées en lien avec l’articulation du
437 PIERRE TRUDEL, «Renforcer la protection de la vie privée dans l’état en réseau : l’aire de partage de données personnelles», (2004) 110 Revue française d’administration publique 257 , p. 263
cadre juridique en suivant une évaluation qui correspond aux besoins de communs.
[246] La question de la gestion des risques devient alors un outil primordial dans l’articulation du cadre règlementaire et normatif d’une aire partagée. Vu à la lumière de la question de la gestion des risques dans les communications du Web 2.0, c’est-à-dire dans la sphère des communication des médias sociaux le partage de renseignements personnels prévaut, l’analyse de Trudel précise que :
«In a network, anyone who can impose his or her will has the ability to increase risk for others. Thus, a state can impose responsibilities on people who are within its borders. Such people will then have to manage the risks flowing from those obligations. They will try to ensure that their partners comply with the requirements that they themselves have to meet and with respect to which they can be held accountable. The obligations and risks will be relayed by contract or in other ways.
Regulation of the Internet results from constant temporary balancing of risks and precautions. All stakeholders try to minimize the risk to which they are exposed when they are involved in situations over which they have some effective control. Regulation of Web 2.0 activities has to aim to increase the risks associated with behaviour that puts others in danger, and to reduce the risks to those with prudent conduct. Normativity usually comes into play when it is seen as appropriate to adjust the relative risks borne by participants in an activity.» 438
[247] Similairement, il explique que :
«The Internet can be seen as a world made up of normativity nodes and relays that influence one another. What is at stake is not whether law, technology or selfregulation provides the best protection for privacy. Effective normativity results from dialogue among stakeholders and their ability to relay norms and principles. In order
438 PIERRE TRUDEL, «Web 2.0 Regulation: A Risk Management Process», (2010) 7 Canadian Journal of Law and Technology 51 , p. 59
to learn which norms govern an environment connected to the Internet, we have to identify the nodes in which they are stated.»439
[248] La leçon principale des théories de professeur Trudel, puisée des aires de partage et de la gestion des risques dans les réseaux, consiste à comprendre la topographie du réseau d’interactions entre les agents afin d’identifier les risques inhérents à chacun. Ces risques deviennent la base selon laquelle nous pouvons esquisser une aire de partage informationnelle. En ce qui nous concerne, il va sans dire que la gestion des risques et les aires de partage se transposent particulièrement bien aux œuvres numériques protégées par le droit d’auteur, surtout dans le contexte où des institutions comme les bibliothèques interviennent directement pour articuler les termes selon lesquels les œuvres sont communiquées à leur communauté. Les relations contractuelles retenues par les bibliothèques auprès des titulaires seraient, en fait, des aires partagées au sens de Trudel, mais pour les droits d’auteurs. S’en suit une gestion des risques qui incombe à tous les intervenants de la chaîne de diffusion. Nous aurons la chance d’approfondir ces idées au cours de la troisième partie de notre thèse.
2.2.2.2 Communauté de brevets
[249] Dans un autre ordre d’idée, nous nous intéressons aux communautés de brevets pour examiner comment les agents peuvent collaborer afin
439 PIERRE TRUDEL, «Privacy Protection on the Internet: Risk Management and Networked Normativity», dans SERGE GUTWIRTH, YVES POULLET, PAUL DE HERT, CÉCILE DE TERWANGNE et SJAAK NOUWT (dir.), Reinventing Data Protection?, Springer Netherlands, 2009, p. 317-334 , p. 331-2
d’échanger informations, ressources et risques entre des organisations innovatrices. L’objectif, encore ici, est d’identifier des exemples où d’autres institutions ont su employer les théories du droit en réseau pour répondre aux impératifs de la complexification de leur environnement.
[250] Ainsi, nous puisons dans les travaux d’Enrico Bertacchini 440 concernant les initiatives de mise en commun des recherches (research commons initiatives441) dans les champs des biotechnologies, de la biologie et des ressources génétiques où les brevets constituent la forme de propriété intellectuelle privilégiée. Ses travaux retracent les enjeux économiques de ces domaines de pointe où des agents commerciaux, académiques et gouvernementaux collaborent afin de faire avancer la science, mais aussi pour générer des découvertes utiles pour la société, découvertes qui peuvent avoir une valeur économique substantielle. Le chercheur identifie trois groupes de problématiques qui découlent de ces systèmes de recherche complexes. Le premier est la multiplicité des intervenants qui peuvent aboutir à un régime où les coûts de transactions sont prohibitifs, menant à l’anticommune de Heller442. Ensuite, la gouvernance des règles d’accès et de partage d’une connaissance créé en réseau varie d’un groupe à l’autre443. En effet,
440 ENRICO BERTACCHINI, «Contractually-constructed Research Commons: A critical Economic Appraisal», dans JUAN CARLOS DE MARTIN et DE ROSNAY DULONG (dir.), The digital public domain : foundations for an open culture, Cambridge, OpenBook Publishers, 2012, p. 95-110
441 Id. , p. 96
442 Id. , p. 101-103. Voir la Section 1.1.1.1 pour les anticommunes de Heller. 443 Id. , p. 103-106
« in the last two decades the literature has increasingly acknowledged networks and similar forms of collaborative ties as a governance structure distinct from markets and firms. » 444
[251] Soit que la gouvernance se base sur l’exclusion grâce à des liens forts et formels (contractuels), soit qu’elle suit les principes informels du partage grâce à des liens faibles, ouverts. Les premiers ont tendance à émerger dans les relations entre les corporations et les universités. Les seconds apparaissent dans une sorte de « zone grise » pour contourner les pressions dues à la privatisation du savoir445. Ainsi,
« The analysis of the formal and informal system of exchange highlights how knowledge dissemination and integration in networked environments is still based on exclusionary strategies and strong ties. In the long term, this may create high entry barriers to prospective innovators and researchers or hinder the collective good of shared quality standards that favour cumulative research. In turn, effective and facilitated access to research tools, guaranteed materials and knowledge allows for the comparison of results, validation and replication of scientific findings. Then the question is how the existent governance structure in a networked environment could mitigate these problems? »446
[252] Dans un troisième et dernier temps, Bertacchini447 précise que le changement institutionnel et les moyens de gérer les attentes souffrent de biais cognitifs où ceux qui possèdent ou créent des connaissances ont tendance à mal évaluer leur valeur réelle. Lorsque la connaissance est distribuée, chaque agent peut sous-évaluer sa valeur réelle car il ne considère que la valeur marginale de celle qu’il a en sa possession. Par ailleurs, il se peut que si plusieurs groupes collaborent sur les mêmes
444 Id. , p.104 445 Id. , p. 104 446 Id. , p. 105 447 Id. , p. 106-8
enjeux de recherche, ces groupes puissent créer des connaissances complémentaires, ce qui déprécie la valeur en raison de la présence de ces substituts. Ainsi, Bertacchini448 ajoute que les effets de la privation découlent d’une réponse systémique à ces biais cognitifs (cognitive biases) des agents du réseau de recherche.
« In this context, literature about institutions and institutional change may be useful to highlight specific dynamics such as adaptive behaviour, collective action problems, path dependency and agents’ complex feedback mechanisms that can lead to the successful adoption of emerging research commons initiatives. » 449
[253] Pour tout dire, Bertacchini se pose deux questions fondamentales qui nous semblent particulièrement judicieuses :
« In the new scenario of proliferating exclusive rights, are agents learning to use their contractual freedom to put forward research projects and innovation activities? Conversely, are there reasons to fear that transaction costs, strategic behaviour and cognitive biases will stifle the opportunities for exchanging and integrating knowledge? »450
[254] Ces interrogations découlent de la problématique socioéconomique issue des réseaux de recherche dans le domaine biomédical, biologique ou génomique où les brevets prévalent. Nous désirons nous les approprier pour articuler les approches méthodologiques que nous désirons employer pour étudier l’émergence de normativités associées au droit d’auteur dans l’environnement économique et social des universités au Canada et, plus particulièrement, au Québec.
448 Id. , p. 107 449 Id. , p. 108 450 Id. , p. 109
Conclusion de la deuxième partie: cadre d’analyse socioéconomique
[255] La deuxième partie de cette thèse présente une sélection de théories sociologiques du droit. L’institutionnalisation et l’interaction symbolique proposent une conceptualisation des acteurs, des institutions et des processus sociaux, dont la réification, par lesquels ces éléments guident la société à travers les méandres de son évolution. Luhmann poursuit dans cette veine, introduisant par sa théorisation des systèmes sociaux une profondeur nécessaire pour observer les situations complexes. En effet, la communication entre les éléments d’un système social devient vectrice de complexité et de risque lorsque des perturbations introduisent des éléments nouveaux. Comme Luhmann le précise, gérer les risques et la complexité est le rôle de ces systèmes sociaux. Au sein de ceux-ci, les agents réagissent au risque en opérant des communications avec les éléments du système social, générant ainsi une structure dynamique grâce à l’autopoïèse. Un système peut ainsi réifier son organisation. Le droit serait un système social fermé, qui codifie de « légale » ou « d’illégale » les communications qui lui sont adressées. La conceptualisation luhménienne a grandement inspiré nos réflexions.
[256] La théorie cybernétique enrichie les théories de Luhmann par les nuances qu’elle apporte quant au rôle de la communication dans un
système social. Spécifiquement, le rôle de la rétroaction dans la théorie cybernétique s’ajoute à l’autopoïèse de Luhmann afin de bâtir un modèle plus pertinent de l’émergence en droit. Cela va de même pour les réseaux : à la morphologie sociale générale des systèmes sociaux s’ajoute la théorisation des réseaux de Castells ainsi que divers moyens de les quantifier grâce aux théories mathématiques appliquées. Des agents, agissant en réseau au sens de Castells, peuvent bâtir des relations de force pour répondre à des pressions au sein de leur environnement. Le pouvoir devient donc une mesure potentielle de la connectivité de divers acteurs, organisations et institutions qui agissent par des forces dont les dynamiques se conceptualisent par une croissance naturelle et une connectivité liée à l’état précédent des noyaux d’un réseau.
[257] De la complexité ou du risque, Luhmann observe l’autopoïèse; Weiner-Shannon, la rétroaction; Castells et les théoriciens quantitatifs des réseaux, une connectivité dynamique et dirigée. Belley, quant à lui, offre une théorisation juridique des mêmes phénomènes, celle de l’internormativité contractuelle. Son ontologie des contrats permet de nuancer les théories sociologiques grâce à une typologie des relations dans un système social. L’exemple des aires partagées ainsi que des communautés de brevets illustre comment notre sélection de théories sociologiques du droit amène une contribution nouvelle à la science du
droit en démontrant comment le droit émerge des interactions sociales. En fait, nous préférons le terme neutre « émergence » afin d’englober toutes les conceptualisations évoquées dans cette partie de thèse ainsi que les dynamiques de formation de marchés de la première partie.
[258] D’ailleurs, les théories de l’émergence bonifient l’analyse économique du droit présentée dans la première partie. En particulier, nous notons avec intérêt la distinction entre les concepts « acteurs » et « agents » présents, respectivement, en sociologie et en économie. De plus, le concept d’institution revêt une signification légèrement différente dans les deux disciplines. D’un côté, les concepts d’autorité et de coordination les unissent. De l’autre, la conceptualisation de la finalité recherchée les distingue : l’économie favorise les marchés, la sociologie vise plutôt l’interaction. Peut-être que, justement, le droit devient le point d’ancrage entre la sociologie et l’économie, offrant l’opportunité de focaliser les concepts qui les sous-tendent pour introduire une harmonisation théorique.
[259] Par exemple, Luhmann par sa théorie cybernétique propose une issue au paradoxe quantique. Si le sous-système du droit impose une codification fermée (« légale » ou « illégale ») aux communications qui lui sont adressées, alors il serait possible de théoriser l’émergence de sous-systèmes sociaux qui modifient les informations d’une communication avant que celle-ci n’atteigne le sous-système du droit.
Nous proposons, dans la troisième partie de notre thèse, que les bibliothèques agissent en ce sens par le double effet des exceptions au droit d’auteur et de leurs budgets d’acquisition documentaire. Spécifiquement, les bibliothèques se positionnent en aval de la chaîne qui lie une créatrice à une utilisatrice d’œuvres protégées par le droit d’auteur. L’œuvre doit traverser des mécanismes économiques et sociaux avant de pouvoir être utilisée. Les bibliothèques ont un rôle émergent qui consiste à analyser les facteurs pertinents lors de l’élaboration d’une communication, avant que celle-ci ne soit adressée au sous-système juridique du droit d’auteur. L’information de cette communication dépend de facteurs socioéconomiques de l’œuvre ainsi que du contexte précis de son utilisation. Il semble que, plus on se rapproche du créateur, plus les droits patrimoniaux sont forts. À l’inverse, plus on se rapproche du consommateur, plus les caractéristiques de bien public priment. Elles agissent à titre d’institutions, au sens sociologique, qui coordonnent et portent l’autorité de certaines communications acheminées au sous-système juridique du droit d’auteur grâce à leur action concertée.
[260] Pour ce qui est du continuum du consentement, cet axiome impose également une réification au rôle des bibliothèques. Il peut subsister, pour une œuvre donnée, plusieurs statuts juridiques possibles selon le contexte de son utilisation. Par exemple, une copie peut s’opérer
légalement en vertu d’une cession, d’une licence, d’une limitation, d’une exception… L’œuvre qui en résulte, qu’elle soit numérique ou non, revêt des caractéristiques différentes selon le contexte de son utilisation et de son appropriation éventuelle par autrui. Nous démontrons, dans la troisième partie, l’importance grandissante qu’ont les métadonnées – les informations propres à une œuvre en tant qu’instance – dans l’univers numérique. Encore ici, les bibliothèques agissent en tant qu’institutions au sens sociologique, afin de coordonner et de communiquer autoritairement le statut précis d’une œuvre au sens juridique.
[261] À la lumière de ces réflexions, nous désirons élaborer puis opérationnaliser notre cadre d’analyse. Pour le faire, nous nous inspirons des travaux de Leibniz (1646-1716), qui fut, selon Bertrand Russell :
« one of the supreme intellects of all time, but as a human being he was not admirable. He had, it is true, the virtues that one would wish to find mentioned in a testimonial to a prospective employee: he was industrious, frugal, temperate, and financially honest. But he was wholly destitute of those higher philosophic virtues that are so notable in Spinoza. His best thought was not such as would win him popularity, and he left his records of it unpublished in his desk. What he published was designed to win the approbation of princes and princesses. The consequence is that there are two systems of philosophy which may be regarded as representing Leibniz: one, which he proclaimed, was optimistic, orthodox, fantastic, and shallow; the other, which has been slowly unearthed from his manuscripts by fairly recent editors, was profound, coherent, largely Spinozistic, and amazingly logical. »451
451 BERTRAND RUSSELL, History of Western philosophy, London :, Taylor & Francis e-Library, 2004 , p. 531 151
[262] D’ailleurs, Leibniz était, juriste et bibliothécaire,452 et traita des conditions453 pour devenir bachelier et des cas perplexes454 lors de ses études doctorales en droit.
« Il goûta alors aux les plaisirs d’un univers scholastique proposant des concepts et des méthodes capables de combiner le détail jurisprudentiel et l’abstraction logique, autrement dit, capables de conférer un caractère déductif aux décisions de justice. On comprend ainsi que la réussite exceptionnelle de son œuvre mathématique ne l’ait pas conduit à délaisser les travaux juridiques, mais seulement à en différencier l’exécution et qu’il ait multiplié les fonctions de conseiller en justice en ayant toujours pour objectif la rationalisation des systèmes législatifs et judiciaires. »455
[263] De Leibniz, nous retenons en particulier son approche combinatoire456 qui, selon ses traducteurs :
« The Dissertatio de arte combinatoria, which Leibniz published in 1666, was an expansion of the dissertation and theses submitted for disputation the same year to qualify for a position in the philosophical faculty at Leipzig. The work contains the germ of the plan for a universal characteristic and logical calculus, which was to occupy his thinking for the rest of his life. That project is here conceived as a problem in the arithmetical combination of simple into complex concepts, Leibniz deriving basic theorems on permutation and combinations and applying them to the classification of cases in logic, law, theology, and other fields of thought. Hi later judgment on the work was that in spite of its immaturity and its defects, especially in mathematics, its basic purpose was sound. »457
[264] Ainsi, Leibniz se positionne à la jonction des mathématiques et du droit et nous nous en inspirons pour synthétiser notre approche. En fait,
452 MARIA ROSA ANTOGNAZZA, Leibniz : an intellectual biography, Cambridge; New York, Cambridge University Press, 2009
453 GOTTFRIED WILHELM LEIBNIZ et POL BOUCHER, Des conditions De conditionibus, Paris, J. Vrin, 2002 454 GOTTFRIED WILHELM LEIBNIZ et POL BOUCHER, Des cas perplexes en droit De casibus perplexis in jure, Paris, J. Vrin, 2009
455 Id. p. 11-12 (dans les propos introductifs de Boucher)
456 GOTTFRIED WILHELM LEIBNIZ, «Dissertation on the Art of Combinations», dans LEROY E. LOEMKER (dir.), Philosophical papers and letters, Dordrecht, Holland; Boston, Springer, 1976, p. 73-84
457 Id. , p. 73
nous proposons le cadre d’analyse socioéconomique (CASE) que nous appliquons au droit d’auteur. Dans ce cadre, nous manipulons les concepts fondamentaux de notre modèle, les œuvres protégées en tant qu’objet de droit et les utilisateurs en tant que sujets de droit, grâce au cadre juridique du droit d’auteur.
[265] D’une part, les objets de droit – les œuvres protégées – se déclinent en fonction des paramètres juridiques qui leurs sont propres. Il convient donc d’identifier des classes d’instances d’œuvres ayant les mêmes propriétés juridiques. Le droit d’auteur édicte déjà une ontologie d’œuvres dans les définitions de l’article 2458 (par exemple: œuvre dramatique, musicale, artistique, etc.), mais notre analyse impose une nuance supplémentaire en fonction du contexte juridique d’un accès à une œuvre. Par exemple, la copie numérique d’une œuvre iconographique d’une collection de bibliothèque peut provenir d’un transfert de format en vertu de l’exception pour la gestion des collections édictée à l’article 30.1459 ou en vertu d’une licence négociée auprès du titulaire légitime. La prestation dudit fichier iconographique par la bibliothèque doit être modulé en fonction du cadre juridique l’affectant. Il en résulte une typologie qui conjugue l’ontologie des œuvres édictée dans la Loi sur le droit d’auteur avec le cadre juridique imposé par le positionnement de l’utilisation sur le continuum du consentement.
458 Loi sur le droit d’auteur, préc., note 1 459 Id.
[266] D’autre part, notre analyse du contexte d’utilisation d’une œuvre par les sujets de droit – les utilisateurs d’œuvres protégées – doit suivre la même logique. La complexité introduite par le numérique impose une réification de la compréhension du contexte de l’utilisation de l’œuvre. Ainsi, il convient de bâtir une typologie des utilisations numériques qui se greffe à l’ontologie édictée par la Loi sur le droit d’auteur, notamment les droits patrimoniaux de l’article 3. 460 Dans notre exemple iconographique du précédent paragraphe, il se peut que l’image soit exécutée en public dans une salle de classe ou communiquée au public par télécommunication sur un site Internet public ou privé. Dans le cas des sujets de droits, le contexte d’utilisation découle directement d’une articulation plus fine des droits patrimoniaux exploités selon un contexte précis. Il convient donc de positionner les utilisations visées en fonction du cadre juridique qui en découle.
[267] Le cadre d’analyse socioéconomique en droit d’auteur s’articule donc à l’intersection d’une typologie du cadre juridique de l’œuvre ainsi que du cadre juridique de l’utilisation. Il est utile de représenter cette interaction par une matrice où sont listées, d’une part, chaque instance de la typologie des œuvres et de l’autre, chaque instance de la typologie des utilisations. Il en résulte un tableau où chaque cellule représente un moment précis où une classe d’utilisateurs homogènes (en vertu de leur
cadre juridique) désire avoir recours à une classe d’œuvres homogènes (en vertu également de leur cadre juridique). Pour chaque cellule de la matrice, il convient de déterminer quel est le moyen, parmi ceux proposés par le continuum du consentement, par lequel une bibliothèque désire servir sa communauté par ses collections.
[268] Dans l’exemple iconographique des derniers paragraphes, la matrice œuvre-utilisation découlant du cadre d’analyse socioéconomique en droit d’auteur se présente par un tableau de deux lignes et trois colonnes, où les lignes sont les classes homogènes d’œuvres (images transférées en vertu de l’art. 30.1; images obtenues sous licence) et où les colonnes sont les classes homogènes d’utilisations (exécuter en public dans une salle de classe en milieu scolaire; communiquer par télécommunication sur Internet sur un site public; communiquer par télécommunication sur Internet sur un site privé). Pour chacune des six jonctions œuvre-utilisation, il convient de déterminer par quel moyen proposé dans le continuum du consentement une communauté désire agir (par exemple : de négocier avec les titulaires pour des droits additionnels dans la licence; de limiter la qualité – ou résolution – de l’image; d’invoquer l’utilisation équitable). Il est également utile de réfléchir au paradoxe quantique afin de mieux comprendre par exemple, la nature de l’œuvre et l’impact de son utilisation sur celle-ci, à la lumière
du jugement CCH.461 De plus, le cadre d’analyse socioéconomique, en général, et la matrice œuvre-utilisations, en particulier, introduisent la possibilité d’articuler d’autres facteurs déterminants dans l’analyse d’une situation, telles que les ressources monétaires, la capacité à anticiper le risque juridique du choix ou l’opportunité de procéder à une transaction.
[269] La matrice œuvres-utilisations construite à partir du cadre d’analyse socioéconomique en droit d’auteur est un outil pour analyser la complexité qui découle du numérique afin de favoriser l’émergence d’un nouvel ordre ou système juridique. Cette approche situe l’analyse à un moment précis et nuance les ontologies édictées par le droit d’auteur selon la perspective des cadres juridiques affectant des classes homogènes d’œuvres et d’utilisateurs. De plus, elle permet de réifier le rôle des bibliothèques dans le sous-système juridique. Tous ces facteurs font de la matrice œuvre-utilisation un outil important pour les bibliothèques qui désirent entreprendre des projets d’envergure462 pour le numérique.
[270] Pour tout dire, les mécanismes de formation de marchés inhérents au paradoxe quantique et au continuum du consentement se nourrissent de l’autopoïèse, de la rétroaction, des réseaux d’acteurs, et de
461 CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, préc., note 188, surtout aux para. 51 et suivants où sont précisés les 6 facteurs d’une utilisation équitable
462 Nous avons testé la matrice œuvres-utilisations avec des collègues du milieu québécois des bibliothèques scolaires : RAPHAELLA DIXON, MARIE-EVE GUIBORD, MARIE HÉLÈNE LABORY, OLIVIER MÉNARD, SOPHIE MORISSETTE, ÉLISE STE-MARIE et OLIVIER CHARBONNEAU, Foire au question sur le droit d’auteur, Association pour la promotion des services documentaires en milieu scolaire, 2014 http://apsds.org/?p=7121
l’internormativité. Tous pointent vers l’émergence de normes dans l’univers numérique, surtout en ce qui concerne les bibliothèques. Le cadre d’analyse socioéconomique est l’outil que nous proposons afin de réifier une situation à première vue complexe, qui découle de l’utilisation d’une œuvre numérique protégée par le droit d’auteur par un groupe d’utilisateurs. Dans le contexte précis des œuvres numériques protégées par le droit d’auteur, le cadre d’analyse socioéconomique s’opérationnalise par une matrice bâtie par l’intersection de classes homogènes d’œuvres et d’utilisations nuancées à partir des ontologies édictées par le droit d’auteur et enrichie par une analyse des cadres juridiques découlant du contexte. La matrice œuvres-utilisations est un outil pour organiser un chantier qui mène à l’émergence de normes dans les systèmes économiques et sociaux d’œuvres numériques protégées par le droit d’auteur.
Conférence France
Analyse réseaux complexes — Jour 3
Olivier Charbonneau 2018-09-26
J’ai l’énorme privilège de participer à l’École thématique CNRS sur l’Analyse de réseaux et complexité. Voici quelques notes.
Détecter des communautés scientifiques, à grande et petite échelle – Yves Gingras & Béatrice Milard
Yves Gingras & la grande échelle
Prof. Gingras propose un survol de ses résultats qui sont disponibles sur la plateforme DigitalHistoryOfScience.org pour le domaine économique. Il utilise des données bibliographiques pour représenter l’agglomération de diverses entités autour de disciplines. Ces entités peuvent être les auteurs ou certaines de leurs propriétés tels leur institution d’attachement, leur ville… Les liens sont surtout les co-auteurs d’articles, les citations.
Béatrice Milard & la petite échelle
À partir d’entretiens et d’un corpus de leurs publications internationales, prof. Milard vise à découvrir les entourages sociocognitifs et la structure des mondes scientifiques. Entre autres éléments, elle désire explorer les liens affectifs entre les auteurs des articles cités (connaissez-ils – car c’est surtout des hommes – ceux que vous citez).
Détecter les communautés disciplinaires et les ponts inter-disciplinaires – Pablo Jensen
Titre réel: Limites des communautés scientifiques
Quelle unité pour les systèmes complexes? « faire des patates » – de beaux réseaux avec des sommets en tailles variées. Qu’est-ce qui fait lien entre ses communautés? voir: Grauwin et al, JASIST (2012)
Atelier 1 – statistiques des réseaux
Hypothèse globale des statistiques: indépendance des observation
Hypo de la stat des réseaux: traquer la dépendance => on inverse l’hypo de base. Pauvreté des données (une seule vague de données), grandeur (nombre de dyades)
Avant les outils, 3 questions: que veut-on expliquer?; Quelles sont les variables explicatives Variables indépendantes) c-a-d lien, attributs, les deux?; 3. réseauxdynamiques ou statiques
Outils statistiques
- Analyse descriptives
- mesures de centralité sur l’acteur => source de centralité
- étude sur la structure globale => modèles de blocs ou blockmodels (voir première partie de la présentation)
- Analyse explicatifs (stochastique) – c.f. QUANTITATIVE MODELING
- étude de la variable performance selon les attributs des acteurs et leurs relations (modèles ALAAM)
- Étude des effets d’attributs non structuraux sur l’existence d’un lien entre acteurs (modèles LRQAP) => voir 2e partie de la présentation (logistical regression)
- Étude de la structure globale par un positionnement à l’échelle du voisinage relationnel (modèle ERGM)
- Demain, autre atelier: modèle SCIENA: dynamique, mélange, le réseau est la variable
Avantage des modèles longitudinaux: on capte beaucoup de données et on décide ensuite les variables dépendantes ou indépendantes.
Blockmodeling et équivalence structurale
Mesure descriptive (de moins en moins présente) mais que le présentateur veut défendre
Simplifier et dégager les caractéristiques fondamentales des réseaux (un peu comme l’analyse factorielle)… enlever le bruit et de garder la structure essentielle
Sources du blockmodel
- Lorrain & White : structural equivalence
- White, Boorman, Breiger
- R. Burt : positions in networks
- Interprétation: Borgatti & Everett (1992) / Faust Wasseman (1992)
Logiciels
- Pajek.imfm.sl/doku.php
- Packages R
- blockmodeling (un peu ancien
- blockmodels (JB Leger)
- Celui de pierre barbillon à Paris…
- Blocks (Snijders)
L’équivalence structurale:
- des noeuds ont la même position dans le réseau;
- identifier des rôles sociaux, des groupes. Regrouper les acteurs en blocks (ou positions).
- De Lorrain & White, 71
- Exemple: deux individus ont les mêmes relations, mêmes amis et ennemies = ces noeuds sont équivalents
- Simplification des noeuds par classe de participants homogènes; structurellement équivalents; mêmes flux de relations; fonctionne bien sur les réseaux dirigés mais peut s’appliquer au non-dirigé
2 notions (faust et wasserman) ppour sortir du paradigme de la dynamique du centre et de la périphérie
Exemple: Doreian et al. 2005 pour un salon de chaîne de télévision en Afrique
- Ceux qui ont des relations « entre eux » permettent de distinguer les groupes entre eux
- On représente ces relations « entre eux » par une boucle récursive entre les entités du réseau blockmodelisé
- Un peu comme de « Analyse factorielle sur le clustering «
Super pour faire émerger des domaines sémantiques dans un corpus de documents se citant en appliquant le « blockmodeling général » plutôt que la branche stochastique
Blockmodeling vs détection de communautés == pas utile pour détecter communautés
The Louvain algorithm
Deux types d’équivalence: voir Beaugritte 2011
Étapes: 1. Matrice d’adjacente; 2. permutation algorithmique; 3. matrice image
Batagelj 2002 == types de blocs
Interprétation du blockmodel, 3 possibilités (Faust & Wasserman 1992), aussi utilisé par Lazega en 2001 pour parler de niches sociales, positions denses
- Description des attributs des acteurs dans chaque block
- Description des positions (comment chacune des positions est reliée aux autres?), c-a-d est-ce que les block reçoivent ou envoient des liens
- Description de l’ensemble du blockmodel, description de sa structure
L’autre présentation de Julien
Trois trucs
- Tests statistiques simples: est-ce que mes données collent à un modèle? Par exemple, le tirage d’un dé est-il aléatoire? Hypothèse est oui. Est-ce que les observations sont significativement différentes d’un modèle => suivent la loi normale (ou non). On connaît déjà la loi/distribution que l’on veut utiliser (chi-2, student, poisson…)
- LRQAP test: on ne connaît pas la loi de probabilité – il faut « deviner » la loi de dépendance car on ne la connaît pas exactement
- voir Krackardt 1987
- Modèle de régression logistique
- variable dyadique
- permutation des variables pour obtenir des coefficients de beta pour voir si on a un effet significatif
- on tente de créer de l’aléatoire pour dessiner la dépendance